Homélie du dimanche 7 juillet 2019

par Jean-Paul Berthelot, diacre

Aujourd’hui les textes nous rappellent que chacun de nous a la responsabilité d’annoncer le Royaume de Dieu. Nous devons témoigner, comme le dit Isaïe, avec « plein d’allégresse » Nous ne sommes pas envoyés pour convertir mais pour montrer aux gens que nous les aimons et que nous voulons leur apporter la paix. Oui c’est par notre façon de vivre que nous transformons les gens. Comme le dit Paul aux Galates ce qui compte, c’est que vous êtes devenus par votre baptême un création nouvelle réalisée dans la mort et la résurrection du Christ.

Le baptême est une nouvelle naissance qui nous fait entrer dans la vie éternelle. Nous devenons un homme nouveau. Avec le Christ au cœur de notre foi, nous sommes ainsi plus forts pour affronter les tentations de toutes sortes. Cette paix intérieure qui nous anime est un bien précieux : ne la gardons pas pour nous mais partageons-la avec toutes les personnes que nous rencontrons. Paul souhaite « paix et miséricorde pour l’Israël de Dieu » Jésus demande à ces disciples, en tout premier, de souhaiter la paix aux gens qui les accueillent : « Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : Paix à cette maison »

Oui, il n’est pas facile d’annoncer la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité dans notre monde matérialiste où une majorité de personnes pensent que l’on peut se passer de Dieu. Donc notre mode de vie compte :  être en paix avec soi-même, en paix avec les autres, et avec Dieu voilà ce qui nous rend crédibles. Nous pouvons être rassurés, le Christ disait déjà aux disciples : « La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux » Deux mille ans après, rien n’a changé. La semaine dernière, le Christ nous expliquait déjà que pour le suivre, il ne suffisait pas d’avoir de bonnes intentions mais un appel profond et personnel. Pour aimer en vérité, je dois me détacher de l’objet même de mon amour et non en être esclave. L’amour vrai suppose la liberté.

Quand je rencontre quelqu’un je suis avant tout vrai, naturel, souriant, plein d’humilité. Le Christ envoie ses disciples sans consignes doctrinales mais il insiste pour qu’ils soient simples et vrais. Oui, la première attitude est celle de la paix, même si ce n’est pas toujours facile. Sachons aimer sans être agressifs : « Nous saurons que vous êtes mes disciples si vous vous aimez les uns les autres » Oui, notre comportement est très important. Notre mission de baptisé est considérable. Elle est urgente, c’est pourquoi il ne faut pas s’attarder en route, dans le sens où la parole que nous avons donnée cheminera dans l’esprit des gens ; mais cela peut mettre du temps pour se réaliser ou non.

Oui, soyons des passeurs de fraternité et de paix, d’amour et de pardon. La religion, ce n’est pas d’abord des rites et des traditions mais faire des hommes nouveaux comme l’affirme Paul. Je pense que l’on oublie souvent cette onction d’huile que nous avons reçu le jour de notre baptême. Elle nous marque du Christ pour être « prêtre, prophète et roi »

–          Prêtre : je prie pour mes frères et pour moi

–          Prophète : j’accepte de témoigner de ma foi et de construire un monde plein d’espérance.

–          Roi : j‘accepte de vivre dans un esprit de charité et de mettre ma vie aux services des autres.

Oui, ce n’est que dans la paix que nous pourrons nous rencontrer, nous apprécier et surtout nous enrichir mutuellement, ce qui ainsi nous permettra d’entrer en alliance avec Dieu. La méfiance, l’exclusion, l’isolement et l’indifférence ne peuvent que conduire à la violence et aux conflits. Être chrétien, c’est partager la vie des gens autour de nous. Le Christ nous demande de nous adapter au mode de vie de celles et ceux qui nous reçoivent. Les différences culturelles ne doivent pas interférer avec l’amour que nous avons pour les gens.

Le christianisme n’est pas une religion de vœux pieux mais d’entraide, de fraternité et de partage. Nous devons être proches de ceux qui sont seuls et accompagner les malades. Nous ne sommes pas envoyés en mission pour recevoir des honneurs mais parce que nous sommes aimés du Père : « Réjouissez-vous, parce que vos noms sont inscrits dans les cieux »

Que le Seigneur, par cette Eucharistie, nous donne la force et le courage d’annoncer sa venue par notre manière de vivre.  Dieu fera le reste.  Bernadette Soubirous disait : « je ne suis pas chargée de vous faire croire mais de vous l’annoncer »         Amen.

8 juillet 2019 |

ÊTRE DISCIPLE (25 juin 2019)

« Élisée se leva et partit à la suite d’Élie » (1° livre des Rois 19, 16b.19-21)

« Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem » « Je te suivrai partout où tu iras » (évangile de Luc 9, 51-62)

Etre disciple !

C’est comme tout ce qui se dit ou qui se fait, ça peut se prendre en bien ; ça peut se prendre en mal. On peut même se dire « c’est bien beau, tout cela, mais qu’est-ce que ça cache ? »

Donc, aujourd’hui, on peut trouver la Bible héroïque ; on peut la trouver inhumaine. On peut chercher à la nuancer et à édulcorer sa violence. On peut dire avec des trémolos dans la voix « c’est un héroïsme surhumain admirable ». Ce qui signifie : « oui, mais pas pour moi », « pas pour nous ».

Ou bien, au lieu de se défendre, on peut chercher à dialoguer avec elle : « pourquoi dis-tu cela ? ». Faire confiance à sa rationalité. Vivre en partenariat.

Tenez, au fait : dialoguer avec la Bible, lui poser des questions, chercher à comprendre, c’est peut-être l’une des premières caractéristiques du disciple, tel que la Bible souhaite avoir : parce que c’est dialoguer avec Dieu, le prendre au sérieux. Parce que Dieu a besoin de personnes qui le regardent les yeux dans les yeux et lui font confiance. « Venez et causons ensemble » dit le Seigneur par la bouche du prophète Isaïe, au tout début de son livre.

Ainsi, peut-être bien, pourrait-on poser que disciple signifie être en dialogue ?

Être disciple !

C’est comme tout ce qui se dit ou qui se fait, ça peut se prendre en bien ; ça peut se prendre en mal. On peut toujours considérer ce qu’il faudrait abandonner. Cela réjouit rarement… On peut voir ce que l’on trouve à y gagner … mais gagner quoi ? qu’est-ce que ça cache ? la proie ou l’ombre ? le sûr et certain ou le possible seulement ? la terre ferme ou l’île aux trésors ?

Avec un certain humour, Jésus avait un jour répondu à Pierre : « Vous qui avez tout quitté, vous aurez des terres et des frères par centaines … et quelques persécutions en cours de route »…

Oui, est disciple, certainement, la personne qui accepte d’être en aventure, et d’y être déstabilisée.

Il y a un voyage à faire, et on le fait sans bagages. Sans se retourner vers la douceur d’hier. Sans nostalgie romantique. Sans idéal rêvé non plus.

Mais un voyage vers quoi, au fait ?

On pourrait énoncer toute une liste de valeurs, certes : la bonté, la justice, la vertu, etc. …. Ce qui est bien. Mais si l’on quittait le quoi, le ce que, pour accéder au QUI ? quitter le « règne des choses » pour entrer dans l’admiration d’une personne, entrer dans son sillage ?

Notre boussole s’appelle Jésus, et quand on teste, on ne le regrette pas. On découvre tellement de choses !

Jésus affirme que chacun a de la consistance tel qu’il est, que chacun existe puisqu’il est aimé.

Serait donc disciple, celui qui reçoit l’amour, l’estime, et tout…, celui qui reçoit d’un qui fait tourner le regard vers autre chose que les soucis. D’un qui croit à la joie.

Et la donne.

Qu’on est bien avec lui !

29 juin 2019 |

Homélie du dimanche de la Pentecôte (9 juin 2019)

par Jean-Paul Berthelot, diacre

 

La Pentecôte : c’est la fête de l’Esprit qui marque l’aboutissement de Pâques. A l’origine, c’est la fête de la moisson puis, cela devient la commémoration de l’Alliance après la sortie d’Egypte et enfin, la fête du don de l’Esprit inaugurant la Nouvelle Alliance. Le livre des Actes des Apôtres nous montre l’éclatement de l’Esprit Saint dans le monde : Dieu est reconnu et les hommes de toutes races se rencontrent et s’entendent. Dans la deuxième lecture, Paul nous dit que l’homme ne doit pas rester enfermé en lui-même, centré sur ses désirs. Nous sommes appelés à vivre pour toujours unis au Seigneur grâce à l’Esprit.

Le texte d’évangile, trop court, fait partie du discours d’adieu de Jésus à ses disciples après le dernier repas. Il les prépare à vivre sans lui. Il les rassure en affirmant que son absence ne sera qu’apparente et qu’elle se traduira par une autre forme de présence, son propre Esprit : l’Esprit Saint.

Mais en fait qui est l’Esprit Saint ? C’est l’Esprit créateur. En Dieu existe Le Fils et le Père réunis en un seul Esprit qui est Amour.

–          Le Saint Esprit est celui qui est appelé auprès de nous pour nous aider à surmonter les difficultés de la vie. Il nous éclaire et nous guide sur le chemin ardu de nos vies.

–          Le Saint Esprit est notre défenseur contre ceux qui nous accusent, nous mettent à l’épreuve, nous incitent à nous dresser contre notre prochain.

–          Le Saint Esprit est celui qui perpétue en nous la présence du ressuscité. Il fait mémoire en nous de tout ce que Jésus a dit et enseigné pendant son ministère. C’est en quelque sorte un réémetteur de la Parole divine.

–          Le Saint Esprit est celui qui nous accompagne dans nos célébrations chrétiennes pour discerner la parole de Dieu et la présence du Christ ressuscité dans l’écoute des textes, l’homélie ou l’Eucharistie. Lorsque nous ouvrons la bible il éclaire notre lecture, illumine nos cœurs et inspire notre méditation.

Nous sommes amenés à éprouver la présence du Saint Esprit dans nos cœurs.  Il fait sa demeure en chacun de nous. Il participe à notre vie intérieure et nous transforme en profondeur. Il change notre façon d’être. En faisant don de son Esprit Saint, Dieu œuvre en nous. La foi, c’est voir le Christ vivant dans notre vie de tous les jours. C’est lier notre vie à la sienne. Jésus nous fait plusieurs promesses : celle de l’Esprit, celle de sa présence et celle de sa vie encadrée par celle de l’amour au-dessus de tout.

« Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » Aimer Jésus, c’est vivre dans la foi et observer son enseignement. En témoignant de notre amour en Jésus-Christ et envers les autres, nous sommes assurés d’être aimés à la fois de Jésus-Christ et de Dieu : la promesse de l’amour divin.

Jésus nous a dit je ne serai plus au milieu de vous mais vous ne vous sentirez pas orphelin, si vous continuez à vous ouvrir à mon esprit de vérité et d’amour qui a marqué ma vie. Oui, c’est une nouvelle source de vie en nous. Quoiqu’il arrive dans notre vie, le Saint Esprit peut nous faire naître à autre chose, peut nous aider à prendre un nouveau départ, à nous remettre en marche.

Grâce à l’Esprit Saint, les apôtres sont compris par des personnes d’origine et de langage différents. Les disciples effrayés se sont transformés en courageux prédicateurs qui ne craignaient ni priso

n, ni martyre, une force nouvelle était en eux.

L’Esprit Saint est le maître intérieur qui nous amène vers la vérité. Il nous pousse à faire le bien, nous console et nous transforme intérieurement, nous donnant ainsi de nouvelles forces et capacités d’agir. Jésus nous offre sa présence si nous sommes fidèles à sa parole et la mettons en pratique. Le Saint Esprit fait en sorte que la parole de Dieu devienne pour nous une parole de vie et de paix. Mettons-nous au service les uns les autres, sachons pardonner et l’amour de Dieu passera dans les cœurs. Comme le dit Jean Vanier : « Ecoutez ces voix venues d’autres cultures, d’autres confessions, elles nous apprennent sur nous-mêmes. Il ne faut pas avoir peur de l’autre, il faut s’ouvrir, écouter ce que la différence a, à nous dire. »

Le seigneur nous comble de son amour, laissons-lui le soin de toute notre vie. Le Christ, au soir de sa vie, nous a promis de demeurer avec nous pour toujours. Faisons lui confiance et n’oublions pas que c’est au plus profond de la nuit que nous sommes le plus près du jour.

Esprit Saint envoie nous du ciel un rayon de ta lumière !

10 juin 2019 |

1° COMMUNION 2019 : PRÉDICATION

Actes des Apôtres 7, 55-60     Ps 96 / 97    Livre de l’Apocalypse chap. 22 Évangile de Jean, chap. 17, 20-26

Ce matin, les jeunes, Paul, Stéphane, Anaïs, Antoine, Théotime, Anne Zoé pour votre 1ère Eucharistie, vous nous aidez à réfléchir /  à comprendre la Bible.

Ce matin, nous avons un héros en face de nous. Et un héros, que fait-il ? à quoi sert-il ? Pour qui est-il en action ? Un héros rien que pour nous ? un héros du passé ? Certainement pas, justement ! le psaume chanté tout à l’heure disait : « Que les îles lointaines soient en joie « . Les îles lointaines, c’est nous. Et un héros, c’est fait pour que nous devenions des héros. Au présent.

Et c’est la joie qui bâtit les ponts entre les îles, pour les relier. C’est la joie qui bâtit les vrais liens.

Il s’appelle Étienne et il n’a peur de rien. On le frappe, et il ne dit rien. On le calomnie, et il ne rend pas l’insulte. On l’accuse, mais il dit ce qu’il voit. Il témoigne de ce qu’il voit, en profondeur, en prenant le temps d’écouter une musique d’ailleurs, une musique venue de Dieu pour être joyeux, càd vivants. Il voit ce que les autres ne voient pas, ne veulent pas voir. Eux, ne regardent que juste devant eux, leurs sécurités, leurs petites sécurités. Les gens autour de lui se bouchent les oreilles pour ne pas  l’entendre, pour ne rien entendre..

Lui, il reste calme, il est heureux. Il a confiance. Il se met à genoux devant ce Jésus qu’il voit au profond de sa vie.  Le Christ, il le contemple, il l’admire. Il dit que Jésus est son ami, son frère, son Dieu..Qu’il n’y en a pas d’autre, et qu’il vaut la peine de tout risquer pour lui.

Et que va-t-il arriver ? Oui, certes, on va le tuer à coup de grosses pierres jetées sur lui. Mais c’est tout de même lui qui aura le dernier mot :

* D’abord, en disant « Père, pardonne-leur » :. C’est ce qu’avait demandé  Jésus. Pas de vengeance, pas d’appel à la haine. Les vraies victimes de la haine, il sait que ce sont les bourreaux. C’est eux qu’il faut libérer de leur crime. Prier pour leur pardon, c’est juste leur créer une possibilité de commencer à vivre enfin ! Une possibilité de voir, d’entendre ; d’avoir une tête et un cœur. Peut-être même une âme. * Et la vraie victoire d’Etienne, c’est Saul, saint Paul, ce garçon trop jeune pour lancer des pierres mais qui était dans le coup avec les autres… lui, il va comprendre, lui, il va se laisser retourner par Dieu, il va vérifier que le Christ, c’est tout homme, que le Christ, ce sont les humains à l’infini.

Jusqu’à nous.

La route est ouverte, et elle ne s’arrêtera pas.

Comme disait tout de suite le poème de l’Apocalypse : Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! » Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui a faim et soif de justice, Celui qui le veut vraiment, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement.

Quand nous tenons l’hostie dans la main nous regardons Jésus et c’est lui qui nous regarde aussi. Nous avons attendu cette communion ; nous  lui avons dit « viens ». Et en vrai, c’est lui qui nous dit « viens ». Il dit dans l’évangile : « Père, je veux que là où je suis, ils y soient, eux aussi ». il nous porte dans sa prière, comme on porte un oiseau fragile. Il nous donne confiance. Il nous fait exister. Nous le voyons comme il est : tout simple et tout disponible, tout prêt à entrer en nous,  à l’intérieur de nous-mêmes, au plus profond de notre vie Et il nous voit comme il nous aime, c’est-à-dire pleins de questions et pleins d’avenirs, tout courageux et tout pleins d’envies de vivre.

Quand nous tenons l’hostie soigneusement dans les mains, c’est comme si l’hostie nous regardait, comme si Jésus prenait un selfie de nous et que nous puissions nous voir justement comme le Seigneur nous voit. Et que fait-on d’un selfie qu’on a aimé? Et bien ,on l’envoie aux amis et c’est ce que le Seigneur souhaite pour eux : Sur la photo nous sommes souriants ou bien rigolos et ça fait du bien aux amis.

La communion, c’est fait pour faire du bien aux amis : ils deviennent heureux parce que nous sommes heureux. Et nous devenons heureux parce que Jésus est heureux et parce que les gens autour de nous deviennent heureux. Communier c’est partager la joie de Jésus. Et c’est indispensable.

père dom. nicolas

3 juin 2019 |

homélie de la fête de l’Ascension

par Francis Roy, diacre

 

L’évangile de Jean que nous avons lu dimanche dernier nous parlait de la promesse de Jésus de vouloir faire de chacun de nous la Demeure de Dieu. Avons-nous bien perçu que c’est le cœur de chacun de nous qui devient la Demeure de Dieu ?

Mais voilà qu’aujourd’hui, à travers ce que nous avons entendu dans les textes de l’Ascension, Jésus semble quitter les siens et s’en aller définitivement. En parlant des disciples on lit en effet : « … il se sépara d’eux ». N’est-ce pas contradictoire ? Essayons d’y voir un peu plus clair.

En considérant attentivement cet évangile, il y a ici la preuve que l’Ascension de Jésus n’est pas du tout une séparation, un abandon, mais, au contraire, ils ‘agit d’une présence différente, celle de l’Esprit. Et, en même temps, c’est une invitation faite aux apôtres (à nous, en définitive) à prendre leur (et notre) part de responsabilité en lien étroit avec lui, Jésus, et avec son Père. C’est ce qui nous est souligné par ces dernières paroles de l’évangile d’aujourd’hui : « … ils retournèrent alors à Jérusalem en grande joie ».

Pourquoi les apôtres seraient-ils retournés à leur quotidien « pleins de joie » ? De quelle nature serait-elle cette joie ? Certainement ils sont joyeux non pas parce que Jésus les a quittés et les a laissés orphelins ; évidemment non ! Mais parce qu’ils ont, enfin, compris ! Ils ont compris que maintenant Jésus est toujours présent, qu’il est vraiment l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous et, aussi, quelle est leur place (et notre place) dans ce temps qui est ouvert devant nous. Ils ont compris quelle est, à partir de maintenant, la manière de s’engager en ces temps qui sont indiqués comme « le Temps de l’Eglise », le nôtre, le temps que nous vivons.

Il s’agit de reconsidérer avec le regard de la foi le sens, la signification profonde de la vie de Jésus, sa manière d’être, d’agir, de parler ; ce qu’il a fait, ce qu’il nous a dit ce qu’il nous a révélé et sa nouvelle manière d’être avec nous ; sa manière de se situer par rapport au mal, aux adversités, de faire face à la vie qui est la nôtre… tout cela a évidemment un rapport intime avec nous. Cela nous stimule à reconsidérer, à décrypter comment il a vécu parmi nous et comment il prend part maintenant à ce que nous vivons au quotidien.

Voilà le sens de cette joie qui peut nous habiter, même au cœur des adversités, toujours présentes dans nos vies. La force extraordinaire des martyrs, des grandes figures d’hier et d’aujourd’hui, le rayonnement des témoins du Christ s’explique, tout en nous surprenant et, en même temps, nous questionne en profondeur…

Voilà pourquoi les apôtres repartent dans la joie : ils ont pleinement conscience que Jésus reste toujours avec eux et qu’il ne les abandonnera jamais.

Et pour expliquer un peu mieux, par une comparaison, le sens de cette joie qui les habite, je pense ici à la transmission d’un savoir-faire, d’un art de la part d’un maître à son disciple. L’apprentissage n’est pas toujours évident ou, peut-être même, souvent ardu : on ne sait vraiment pas comment faire, nos mains sont engourdies nos mouvements, nos gestes sont maladroits ; nous ignorons la technique… Nous sommes des apprentis qui ne savons pas encore créer.

Mais la patience, notre soif de connaissance, l’attention, l’adresse et l’intelligence du pédagogue ont un beau jour le dessus : ce qui était impensable et en dehors de notre portée se réalise. Notre geste devient enfin fluide, l’instrument musical donne la note qu’on cherchait en vain, l’outil obtient ce qu’il ne pouvait pas donner auparavant. Le pinceau exprime enfin la beauté, le ciseau crée la forme désirée : voilà le fruit de tant de labeur, le fruit de la grâce mystérieuse. Tout cela nous conduit à la joie.

Cela ressemble (un peu) à la joie qui envahit les apôtres qui repartent après l’Ascension, et à notre joie, quand nous comprenons enfin qui est Jésus, lui qui nous fait confiance, lors qu’il nous envoie son Esprit pour qu’il soit à l’œuvre en nous.

Préparons-nous à accueillir ce don de l’Esprit que nous célébrerons à la Pentecôte. D’ici là, prenons la peine de reconnaître la présence de Jésus dans nos vies selon nos possibilités en donnant un peu de temps pour le rencontrer dans la prière par exemple, en participant à un office religieux, en lisant la Bible, en récitant le chapelet etc.…

Et, comme le dit si bellement la fin du passage de la Lettre aux Hébreux que nous avons lu : « Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère, et dans la certitude que donne la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. »

Amen.

 

 

31 mai 2019 |

Homélie du dimanche 26 mai 2019

par  Claude Compagnone, Diacre

Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29

Relisons ces versets de St Jean pour les faire nôtres. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »

 

Que découvrons-nous dans ces quelques versets de St Jean ? L’identité du Christ : il est le Fils de Dieu, et croire en lui, c’est croire en Dieu ; le Dieu trinitaire, puisque Dieu le Père est en relation totale avec le Fils, mais qu’en plus il nous envoie son Esprit ; et enfin, l’amour de Dieu pour nous, puisque Dieu vient demeurer en nous, il fait de nous sa maison ! Oui, il fait de nous sa maison…

L’évangile de St Jean, suite à l’épisode du lavement des pieds (chap. 13), va dire, sur quatre chapitres (13 à 17), tout cela dans une respiration profonde. Ce n’est pas une explication philosophique, ce n’est pas un commentaire théologique, ce n’est pas le récit d’un événement de vie, c’est la vie elle-même portée par le souffle des mots. Il faut alors se laisser embarquer pour comprendre les choses. Faites-en l’expérience, sœurs et frères, lisez ces quatre chapitres, et laissez-vous prendre par cette respiration, ce souffle.

Mais nous pouvons aussi nous arrêter sur cette respiration pour comprendre comment elle touche notre intelligence. Selon St Jean, le Christ nous dit « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ». Quelle simplicité dans la manière de dire les choses !

Deux éléments s’équilibrent dans ce verset. D’un côté, il y a nous, les hommes, qui agissons. Il y a l’amour que nous pouvons porter au Christ et le fait, comme conséquence de cet amour, de garder la parole du Christ. Aimer Jésus, c’est donc suivre son enseignement, c’est nous tenir à ce qu’il nous dit par les évangiles. Mais aimer Jésus, c’est aussi protéger sa parole, c’est la transmettre à d’autres, toujours et sans cesse, pour que cette parole puisse leur dire aussi à eux ce qu’est la vie, pour que cette parole puisse vivre en dépassant les contours de notre propre vie, de notre propre temps. Ce que nous recevons donc du Christ, la force de sa parole, ne peut être préservé qu’en le donnant à tous, qu’en le partageant, pour que la vie progresse.

Dans l’autre partie de ce verset, il y a Dieu qui agit. Le Père aime l’homme lorsque que cet homme aime le Christ. Aimer le Christ, c’est aimer Dieu. Si nous l’entendons aujourd’hui comme une forme d’évidence, il faut nous garder de tout anachronisme : c’est en fait une vraie révolution mentale que le Christ propose à ses disciples. Lui, homme, fils de charpentier, est l’expression historique de Dieu sur terre. Rien de moins ! Et de plus, l’un et l’autre, le Père et le Fils, viennent vers nous – ils font le premier pas -, et s’ils viennent vers nous, c’est pour faire en nous leur demeure. Faire en nous leur demeure… Si nous aimons le Christ, alors Dieu, à la fois Père et Fils, vient s’installer en nous. Nous sommes le sanctuaire de Dieu, nous sommes le temple de Dieu comme le dira St Paul.

Même si cela nous dépasse complétement, même si nous avons du mal à le comprendre, c’est pourtant bien ce qui nous est dit : Dieu, si nous l’acceptons, peut s’installer en nous et faire de notre être sa demeure sacrée. Nous sommes sacrés et le monde qui nous est donné est sacré. Tout homme ici ou ailleurs, migrant ou installé, est sacré, et cette sacralité, comme la parole de Dieu, ne peut être gardée, ne peut être préservée, qu’en étant partagée largement à tous.

Chez sœurs et frères, de nombreux observateurs décrivent notre temps comme un temps de crises multiples : crise écologique, crise climatique, crise des régimes politiques, crise de nos démocraties. A ces crises, nous pouvons rajouter une autre, pour nous catholiques, qui est la crise de notre institution face aux abus sexuels commis par des clercs ou religieux. Mais quel est notre devoir face à ces crises ? De nous asseoir et de dire que l’on n’y peut pas grand-chose ? De dire que cela s’arrangera bien tout seul ? De dire que d’autres plus intelligents que nous vont certainement agir ? Ou pire, dire que tout est pourri, que tout est mauvais, que tout est foutu ?

Non ! Notre devoir de vie est de nous laisser habiter par la parole de Dieu et de garder cette parole en la transmettant mais aussi en la faisant advenir. Cette parole nous dit que nous avons un rôle essentiel à jouer, nous peuple de Dieu, pour que le sanctuaire qu’est l’homme soit respecté, dans son développement, dans sa liberté, dans ses conditions de vie. C’est pour cela qu’il nous faut être attentif à la justice écologique et climatique, à la justice économique et sociale. C’est pour cela qu’il faut nous battre contre toutes les formes de systèmes qui, au nom du bien de quelques-uns, écrasent le plus grand nombre ou les plus faibles, ou dénature la création. En période d’élection, il est bon de se le rappeler…

Laisser Dieu habiter en nous en gardant sa parole, n’est donc pas une chose si facile. Il ne s’agit pas d’une douceur que l’on réserve à son for intérieur, que l’on cantonne au cercle strict de son intimité. Laisser habiter Dieu en nous, c’est agir continuellement et intelligemment pour le bien de l’homme, sanctuaire de Dieu et héritier et responsable de la création de Dieu.

 

 

26 mai 2019 |

5° Dimanche du Temps Ordinaire (18 mai 2019)

Un chrétien, c’est cela. C’est celui qui aime (dit l’Évangile). C’est celui qui croit profondément à une alliance avec Dieu, et croit que Dieu a de l’amour pour nous, qu’il n’a même que de l’amour, et qu’il est amoureux de nous, son humanité (c’est l’apocalypse). C’est celui qui admire l’oeuvre belle et bonne du seigneur parce qu’elle est faite de bonté pour tous (c’est le psaume). C’est celui qui prend modèle sur Paul…

Pourquoi Paul ?

d’abord, Paul est un homme qui n’a pas froid aux yeux. Il ne transige pas avec ses convictions, il sait que Dieu est Dieu et que lui seul, le créateur, peut donner force, vigueur et consistance aux humains. Il croit de toute son énergie que Dieu est fait pour tous, et que tous ont droit à Dieu. Tous, sans distinction de classe, de race ou de société ; tous, sans distinction de fortune ou d’intelligence ; tous, sans mérite de leur part sinon d’accepter d’être sauvés, d’être reliés les uns aux autres pour former le corps du Christ. Chacun a droit à Dieu à condition de savoir que tout vient de Dieu, et que Dieu est amour.

Oui, pourquoi Paul ? parce que Paul, c’est Paul plus Barnabé, plus Marc, plus Luc, plus Timothée, plus Epaphras, plus Sosthène, plus les Anciens, plus tous les autres. Et que Paul, c’est aussi tous ceux contre qui il ferraille et polémique.

Paul, si j’en crois des statisticiens américains, c’est l’homme capable de bâtir des voyages missionnaires de grande ampleur, qui ont coûté les yeux de la tête compte tenu du nombre de ses collaborateurs ; des voyages qui ont représenté entre 17 et 20 000 km parcourus, c’est-à-dire la moitié de la circonférence terrestre.

Paul sait que Dieu est universel et que Dieu donne des frères — des frères et sœurs !

Dieu donne des liens, des personnes reliées les unes aux autres, des personnes qui se rencontrent et se parlent, des personnes qui se tendent la main, en totale confiance. Des personnes qui veulent que tous aient de la vie, qu’ils aient la vie en abondance, la vie en totalité.

Alors Paul et les autres fondent des églises dans chacun des lieux où ils passent pour respecter le dynamisme de chaque lieu et de sa communauté. Et ils demandent que toutes ces églises se tendent la main et se parlent pour être la grande Église universelle du Seigneur Dieu créateur du ciel et terre, la grande Église du Christ Seigneur ressuscité.

La mission de ces missionnaires est d’apporter une joyeuse et bonne nouvelle : ce qui fut vécu par Jésus, nous pouvons le vivre encore aujourd’hui, et même nous, malgré tout ce que nous pouvons avoir été, être ou penser de nous.

La mission est d’apporter une joyeuse et bonne nouvelle : la bonne information que, en Christ, nous sommes déjà ressuscités et que la résurrection nous concerne aujourd’hui.

Montrer par notre manière de vivre que la résurrection n’est pas comme on dit un « doux espoir qui fait vivre » (du style de la chanson de Blanche Neige « un jour, mon prince viendra ») ni une consolation. La résurrection concerne le ici et maintenant, le aujourd’hui ; le concret, le en chair et en os, le moi personnellement au plus profond de moi-même. Donc aussi l’inouï, l’inaudible de chaque existence. Or rien de caché, dit l’Évangile, ne restera caché, hors de la lumière, hors du plein jour Le service de l’Église est de concerner toutes les personnes pour elles-mêmes et de manifester la lumière qui est en elles

Chacun de nous ressemble parfois à une île isolée, chacun de nos groupes peut ressembler à un château fort refermé sur lui-même. Mais les disciples de Jésus ont pour mission d’aller au-delà des apparences. Leur mission est de montrer un Dieu qui bâtit des ponts, un Dieu qui ouvre les portes et qui abat les murs. Un Dieu qui va au-delà du possible. Et si les disciples affirment que Dieu le fait, c’est parce qu’qu’ils le font, parce que nous le faisons.

L’information la plus joyeusement formidable de la bonne nouvelle, c’est que tout personne peut être sauvée. Sauvée des apparences, sauvée des jugements, sauvée du défaitisme, sauvée des illusions et sauvée d’elle-même. Et que le salut ne se fait pas par des artifices techniques, mais par le désir fou d’aimer que l’homme porte en lui.

Le Salut,  c’est de croire qu’il existe quelqu’un en nous-mêmes, et qu’il peut entrer en relation(s) avec d’autres ; qu’il n’a de sens que parce que ces autres visages apportent d’être.

Le Salut, c’est-à-dire la communion

père dom. nicolas

18 mai 2019 |

Homélie du 12 mai 2019 (4edimanche de Pâques C)

par Jean-Paul Berthelot, diacre

« Mes brebis écoutent ma voix, moi je les connais et elles me suivent » Cette phrase de l’évangile résume bien les textes aujourd’hui. Paul, dans la première lecture, est l’exemple du missionnaire infatigable qui annonce la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité quelles que soient les conditions dans lesquelles il est reçu. Il sait qu’il est porteur du message de Jésus, jusqu’au bout de sa vie. Avec toute son énergie, il proclamera la Parole du Christ à tous ceux qu’il rencontrera. En cette journée mondiale des vocations, il est celui qui nous montre le chemin. Il faut marcher, cheminer, prier pour conduire un peuple immense jusqu’au trône de Dieu comme le dit St jean dans la 2ème lecture. Avant de parvenir à Dieu, il faut passer par la grande épreuve, cela veut nous dire que, malgré les difficultés de la vie, nous aurons su faire preuve d’amour, de fidélité aux promesses de notre baptême et ainsi « Dieu essuiera toutes les larmes de nos yeux »

Notre véritable pasteur, c’est Jésus : Celui qui donne la vie éternelle à ses brebis que nous sommes et qui l’accueillent avec joie.  La première priorité est de savoir écouter cette parole du Christ. Elle est le signe de l’amour authentique qui ouvre le cœur et le rend prêt à recevoir les richesses de la vie, de nos rencontres. La voix du bon berger doit nous rejoindre au plus profond de notre être. Elle doit être ancrée dans notre cœur. Ne la cherchons pas ailleurs. Notre monde est envahi par de nombreux moyens de communications et nous ne savons plus faire le tri dans toutes ces voix que nous entendons : autant elles peuvent être porteuses de bons messages, mais autant elles peuvent être destructrices.

Pour être vraie, une voix qui prêche la bonne parole doit l’être aussi dans les actes. Nous le voyons avec Paul. Le peuple élu finit par lui être hostile et le rejeter tout en étant soi-disant « attaché à la religion » C’est un peu comme les personnes qui disent : « je suis croyant mais non pratiquant » Tout baptisé qui ne travaille pas à la mission du salut appartient à l’Eglise, mais vit comme s’il n’en faisait pas partie. Grâce à l’Eucharistie, Jésus nous conduit au Père en nous offrant déjà son pain et son vin de vie éternelle.

Avec le Seigneur, nous sommes des brebis qui ont toute liberté d’une certaine façon, nous qui revendiquons toujours plus d’autonomie. Mais nous avons besoin, malgré tout, d’un bon gouvernail pour nous guider vers le bonheur d’une vie pleine de sens. Combien de personnes font des années d’études supérieures pour comprendre, qu’en fait, leur vraie vie est d’être boulanger par exemple, ou bien partent à l’autre bout du monde pour aider des peuples en difficulté.

Chacun de nous est appelé à suivre Jésus, c’est-à-dire, à se laisser transformer par sa parole. J’ai écouté sa voix et je me laisse conduire par Lui. Je mets mes pas dans les siens. Je mets ma main dans sa main, et personne ne pourra me l’arracher. Il est notre bon berger. Quoiqu’il puisse nous arriver, Jésus nous apportera toujours une parole de vie et d’espérance. C’est un placement sûr, source de vie et d’amour et cela n’a pas de prix. Non, le bonheur n’est pas dans le placement en bourse car Dieu n’est pas coté au CAC 40.

La vie effectivement ne nous épargne pas avec la maladie, les problèmes familiaux, le chômage, ou toute autre sorte de traumatisme : nous pouvons alors suivre d’autres guides, mais souvent, nous rencontrons des charlatans de bonheur qui ne cherchent que leurs propres intérêts. Le Christ nous propose d’écouter sa voix, même si c’est seulement d’une oreille, et de discerner cette belle parole d’amour et joie. Le seigneur ne nous demande pas de le suivre comme des moutons, de faire comme les autres. Non, Jésus établit une relation personnelle avec nous. Il veille sur nous, tout en respectant notre liberté de pensée et de mouvement.

Si nous vivons dans son salut, nous vivons dans sa grâce. Nous sommes ainsi tenus par la main du Père et personne ne peut nous arracher à cet amour. Pour que la foi grandisse dans notre Eglise, demandons au maître de la moisson de choisir des ouvriers pour continuer à édifier le Royaume. Demandons aussi force et courage à ceux qui ont été choisis.

Quand je suis appelé je marche seul d’une certaine façon, mais porté par tous, et portant tous, grâce à Dieu. Je deviens signe de la résurrection qui m’anime de l’intérieur épousant le plus secret de mon être. C’est une joie profonde qui habite mon cœur. Voilà pourquoi tout chrétien devrait être un témoin convaincu et rayonnant de la joie pascale.   Amen.

14 mai 2019 |

Homélie du 28 avril 2019, dimanche de la divine miséricorde

par Francis ROY, diacre

L’angoisse changée en paix, la tristesse devenue joie, l’enfermement brisé par la présence, l’effroyable déception traversée d’un souffle de confiance, la faiblesse humaine transfigurée par la force du pardon, les temps nouveaux sont advenus : Christ est ressuscité ! Son souffle divin recrée l’humain dans l’amour du Père pour inaugurer la nouvelle création : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. »

Parole étonnante ! Parole incroyable comme le montre la réaction de Thomas. La mission confiée par le Ressuscité à ses disciples est identique à celle qu’il a reçue du Père. Les disciples respirent le même Souffle divin que Jésus. L’Esprit d’amour filial leur est communiqué pour transmettre au monde la paix capable de surmonter la mort et le péché. La Vie nouvelle dans le souffle de l’Esprit est résurrection de la confiance, certitude de l’amour de Dieu, expérience de son pardon, dynamique de réconciliation envers tous.

Mais comment s’ouvrir à une telle Vie ? Comment obéir à l’ordre que Jésus adresse à Thomas : « Cesse d’être incrédule, sois croyant. » Bienheureux sommes-nous déjà si nous entendons cette parole quels que soient les doutes qui nous habitent. Notre présence en cette église, à cette célébration est déjà l’indice d’un désir, d’une quête, d’une ouverture à l’inimaginable amour. Bienheureux sommes-nous si nous avons le désir de croire en la Vie plus forte que la mort, d’espérer en l’amour plus certain que le péché, d’accueillir la miséricorde au plus intime de nos refus et de nos peurs. Les récits d’apparition du Ressuscité montrent que la foi est un chemin, un passage progressif du doute à la confiance sous l’emprise d’une paix plus profonde que l’angoisse. Obéir à la Parole de Jésus, c’est avant tout accepter d’être en chemin et de l’être sans cesse. La Vie nouvelle est itinérance. Certes, il y a des moments forts sur ce chemin, des rencontres décisives, des engagements déterminants, mais ce ne sont jamais des aboutissements ; bien au contraire, chaque fois c’est un nouveau commencement. Et n’oublions jamais que « Commencement » est l’un des noms de la Résurrection.

La rencontre du Christ nous envoie vers les autres. L’Esprit du Père nous est communiqué pour rencontrer en chacun, en chacune, un frère, une sœur infiniment aimé et pardonné. Mais la question rebondit cependant ? Qu’est-ce qui permet d’accéder à cette nouvelle naissance dans l’amour du Père ? Comme toute naissance, cela nous échappe totalement. Les disciples au matin de Pâques ne s’attendaient pas à revoir leur Maître, tant leur désillusion était totale. Lorsque Jésus survient à l’improviste, lui seul prend la parole et pose des gestes symboliques. Les disciples restent muets, envahis cependant par une paix inattendue. Rien ne dépend de nous, sinon cette reconnaissance du Seigneur à la vue de ses plaies, mais ce point est décisif. Cela signifie que cette rencontre ne tombe pas du ciel.

Elle s’inscrit dans une histoire, celle du compagnonnage de Jésus avec ses disciples jusqu’à son arrestation et sa mise en croix. Le Ressuscité est le Crucifié qu’ils ont abandonné et trahi. Ces plaies rappellent leur défection face à la violence et à la haine du monde. Ces plaies incarnent la fidélité de Dieu dans le Fils donné et pardonné. Elles inscrivent l’éternité de l’amour dans notre histoire humaine. Les disciples ont alors accepté librement de devenir les messagers du pardon de Dieu. A leur suite nous sommes appelés à renaître à la confiance en reconnaissant le Ressuscité par-delà nos échecs, nos souffrances, nos enfermements. Le Christ n’hésite pas à nous dire : « Soyez généreux comme votre Père est généreux. » (Lc 6, 36). Par cette injonction, le Christ nous demande de devenir comme Dieu lui-même. C’est une exigence dont on mesure difficilement la portée. Elle donne à comprendre sans la moindre équivoque que l’être humain possède en lui une aptitude originelle à la charité. À nous, sur notre chemin vers Dieu, de la déployer dans toute sa mesure. Pour bien le rappeler aux chrétiens, le pape François a voulu que 2015 soit l’année de la Miséricorde.

Comme chrétiens, nous avons tendance à considérer l’appel à la charité comme s’appliquant d’abord à la relation avec les autres. Pourtant, il est tout aussi important de déjà se l’appliquer à soi-même. Car c’est précisément ce que nous n’aimons pas chez nous, ce qui nous répugne, nous fait honte ou nous irrite, qui en a le plus besoin. Jean Tauler, le théologien dominicain du XIV siècle exhorte à être miséricordieux envers son « fumier », et il recourt à une image

pour expliquer la transformation profonde qui s’accomplit alors. « Le cheval, dit-il, laisse tomber son fumier dans l’écurie, et bien que ce fumier soit sale et répande une odeur désagréable, le même cheval traîne pénible ment dans un chariot ce fumier dans les champs, où il fait pousser le blé merveilleux et généreux, le vin doux et velouté, qui jamais ne pousseraient s’il n’y avait pas de fumier. Eh bien ! Le fumier, ce sont tes défauts propres que tu n’arrives pas à éliminer, à surmonter. Porte-les avec simplicité mais avec constance et courage sur le champ de la volonté toute bienveillante de Dieu. Répands ton fumier sur ce noble champ, attends avec sérénité, tu verras pousser alors sans aucun doute des fruits exquis. »

De même que la terre absorbe le fumier, ainsi, dans la méditation le présent m’absorbe avec tout ce que je n’aime pas chez moi. En me tournant vers Jésus avec mon fardeau, c’est-à-dire tout ce que je rejette, tout ce qui me rebute et demande à être réconcilié, je deviens réceptif à la miséricorde de Dieu. J’apprends à me traiter moi-même avec indulgence en ne me préoccupant plus des jugements dévalorisants qui me viennent à l’esprit. Ce qu’il y a d’étonnant, dans l’image de Jean Tauler, c’est que ce fameux fumier dont je voudrais tant me débarrasser non seulement favorise la pousse de fruits savoureux, mais plus encore en est la condition préalable. Les nobles fruits, sur notre chemin vers Dieu, ont nom compassion, patience, sérénité, bienveillance, et profonde compréhension de notre réalité humaine. Leur mûrissement se fait dans le silence et parfois aussi dans la douleur, tandis que s’accomplit en profondeur le processus de réconciliation, car c’est un travail long, prenant et souvent rébarbatif !

Mais la connaissance de soi, la réconciliation, la miséricorde envers moi-même et l’estime de soi qui en est le fruit n’ont pas pour fin en soi la réalisation de ma personne ; non, elles agissent au bon endroit lorsqu’elles m’ouvrent à mes semblables et à Dieu.

La nouvelle naissance est ce consentement libre à notre fragilité pour accueillir en elle la Vie en plénitude, celle qui révèle en Christ l’amour au-delà de tout jugement. Exposer ainsi au souffle du Ressuscité nos impuissances les plus profondes face au mal de la vie, c’est lever vers Dieu un regard d’enfant, c’est croire que tout est possible, que rien ne saurait

être perdu. Pour cela, il suffit d’un mot, d’un simple oui murmuré au plus secret de soi dans la joie d’une gratitude inespérée.

Un oui, un simple oui, confié comme un oiseau au souffle de l’Esprit ouvre l’espace d’une rencontre inoubliable dans la transfiguration de notre être blessé : « Cesse d’être incrédule, sois croyant. » Thomas n’a pas touché les plaies de Jésus, mais il s’est laissé rejoindre par le Christ au plus secret des siennes jusqu’à s’écrier : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

28 avril 2019 |

PÂQUES 2019

Actes des Apôtres, chap. 10, 34a.37-43

Lettre de Paul aux Corinthiens, chap. 3, 14-4

Évangile de Jean, chap. 20, 14-9

C’est une question que je me suis toujours posée avec cet évangile : Pourquoi, dans ce contexte dramatique du procès et de la mise à mort de Jésus, donner ce détail « popote » a priori inintéressant, que les linges sont rangés ?

Tout d’abord, deux réponses viennent à l’esprit : 1. C’est parce qu’on ne les a pas encore utilisés ou 2. Ils n’ont pas d’emploi, parce qu’ils ne peuvent pas servir. Une 3° réponse viendra : c’est parce qu’ils ne pourront plus jamais servir. Ils vont se retrouver dans une vieille armoire, sans doute, avec les vieux souvenirs. Ils affirment que les vieux souvenirs sont à remiser, que les choses de la mort sont devenues inutiles. Que la mort est devenue inutile, qu’elle est dépassée.

(je ne peux résister à l’actualité de cette cathédrale de Paris en flammes … on en fait des gros titres de journaux, — on collecte des sommes astronomiques pour un lieu de mémoire, on pleure même sur les souvenirs qui y sont attachés … mais fera-t-on les mêmes couvertures de magasine pour les 7 millions de pauvres qui vivent en France ?)

Et à y réfléchir de plus près, on peut faire aussi l’hypothèse que ce rangement de bonne ménagère veut instaurer de la clarté dans tous les recoins de l’existence. Même dans le plus banal de l’ existence. Plus rien ne peut échapper à la lumière, et sans doute, la mort faisait-elle désordre. Trop d’ombre qui pesait, trop d’obscurité qui empêchait d’avancer. Quelque chose ou quelqu’un y a porté remède. Sans doute quelqu’un qui aimait avancer et qui aimait faire avancer.

Dans la clarté.

C’est ce que disait tout de suite  l’apôtre Paul : il parle du grand ménage rituel pour Pâque  (la « chasse au chamets » d’avant la Pâque juive, avec un vocable issu d’une racine qui évoque la chaleur brûlante…), où il n’est pas question de laisser dans les maisons, ni dans nos vies des trucs qui entraînent fermentations et bouillonnements ; qui aigrissent les existences et font de nous des gens imbuvables …

Il est nécessaire que dans nos vies domine le naturellement clair et le clairement naturel : avec les saints apôtres bourguignons de la vigne, on dira qu’il nous faut être « gouleyants », càd frais et souples, sans lourdeur ni désagréments … que nous soyons plaisants à vivre. Et que rien ne sente le moisi… qu’il n’y ait même aucun risque de moisissure…

Dur challenge que d’aérer ainsi ! mais valable… faire passer le courant d’air du Seigneur Dieu – l’Esprit Saint sans doute… le quelqu’un qui portait remède est un passionné de grand large, de grands espaces …  Qui est-il ?

L’évangéliste Jean  nous donne l’exemple d’une profonde recherche : il est le plus jeune, il est plus sportif ; pour aller au sépulcre de Jésus, il bat saint Pierre à la course. Mais, quel que soit son désir de voir ce qui s’est passé dans le tombeau, il respecte Pierre, il lui laisse la priorité…

Sans doute, son attitude humble pourrait-elle colorer d’amitié vraie toute relation humaine … C’est dur, mais ça vaut la peine. Notre thérapeute ne connaît que l’humble relation inter-humaine.

C’est ce que proclame Pierre, quand il devient le responsable de l’annonce évangélique : sans mots savants de diplômé théologien, la première définition qu’il donne de Jésus, fils de Dieu, est « qu’il a passé parmi les hommes en faisant le bien ». Ce n’est pas compliqué… même si cela est compliqué à vivre.

Des relations limpides. Une trajectoire humaine lumineuse… des paroles parfois fulgurantes…  « Pierre, m’aimes-tu ?  -oui, Seigneur, tu sais tout : tu sais que je t’aime »…

Depuis le feu dans la veillée d’hier, samedi, jusqu’au feu donné à la fin de la messe par le cierge de Constance, depuis la lumière au 1° jour de la Genèse jusqu’à celle de l’Apocalypse où Dieu sera notre seul soleil, nous sommes environnés de lumière. De A jusqu’à Z, Alpha et Oméga : du début à la fin, entièrement écrits dans la lumière … par la Lumière.

Alors, si nous commencions, nous aussi, par adopter l’attitude de Dieu le Père : admirer ? admirer d’abord cette lumière reçue puis redonnée à se partager ?

Car,rappelons-nous : dans le récit de la première création de la Genèse, après le premier mot prononcé — « que la lumière soit »–, il y eut la lumière, et Dieu vit que « cela était bon ».

Avec Pâques, nous recevons la lumière de cet homme-Dieu, qui pénètre toutes choses et toutes personnes.

Il prononce les mots d’une création nouvelle et les met en œuvre. Avec Pâques, la lumière avance dans chaque recoin de vies humaines, qui ne sont plus torchonnées … qui sont enfin bien rangées…

C’est pourquoi  des icônes représentent Jésus descendant « aux enfers » pour y cueillir Adam et Ève, Abraham et tous ceux qui l’ont précédé. Il nous y recueille aussi, — comme fera le célébrant tout de suite en puisant dans le creux de sa main l’eau pour baptiser Constance. En fait pour nous tous, Pâques est le jour de nos baptêmes, et le jour de notre vraie naissance.

Par l’action de Jésus, nous sommes tout neufs ; le passé n’existe plus comme passé.  À Pâques, c’est en Christ que nous sommes définitivement plongés et purifiés, lavés de tout. Prêts aussi pour tout.

Tout commence avec sa Pâque. Avant lui, il n’y a rien. Il est le point de départ de tout et de tous… le monde commence aujourd’hui, et culmine en lui, Alpha et Oméga, de A jusqu’à Z.

De même que nous sommes environnés de la lumière, de samedi nuit à l’issue de notre messe d’aujourd’hui, nous sommes insérés dans la Résurrection : de celle de Jésus à la nôtre un jour à venir ; de même, en la main qui vient nous cueillir au ras du sol, voire sous terre même, il y a l’ensemble des ressuscitables, la communauté des frères humains.

Père d.n.

26 avril 2019 |