* Homélie pour la Solennité de Pentecôte 2023

par le Père Denis Erazmus

Après sa résurrection, Jésus ressuscité se montre aux siens, 40 jours durant, selon le récit des Actes des apôtres. Cela se passe à Jérusalem. Il leur rappelle la promesse du Père qu’ils avaient entendu de sa bouche alors qu’Il était encore avec eux, partageant leur vie quotidienne. Cette promesse parle du baptême qu’ils doivent recevoir « dans l’Esprit Saint », d’ici peu de jours et qui leur donnera de la force pour qu’ils témoignent de Lui, de son nouveau mode de présence,
ici et là-bas, jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 1,5-8). Puis Il fut élevé au ciel, sous leurs yeux et eux regagnèrent Jérusalem et la chambre haute où ils avaient l’habitude de se retrouver pour s’unir dans la prière.

À nouveau réunis le jour de la Pentecôte, voici que se réalise pour eux la
promesse de la venue de l’Esprit Saint, dans leur lieu de réunion de prière, en compagnie de leurs frères chrétiens. Et c’est de manière soudaine, imprévue et dynamique, qu’un bruit survint du ciel comme pour annoncer ce qui allait suivre, c’est-à-dire l’apparition de langues de feu qui se posèrent sur chacun d’eux. Ils vivent leur première effusion de l’Esprit Saint, expression que l’on retrouve dans la vie de prière des groupes de renouveau charismatique, ce que j’ai pu connaître et expérimenter jadis. Et voici que l’Esprit Saint vient remplir chacun des participants en les pourvoyant de dons qu’ils exprimaient selon ce qu’ils avaient reçu. Leur voix attire la foule qui s’attroupe et entend leurs paroles, chacun dans sa langue maternelle ou dans son dialecte « les merveilles de Dieu », ce qui produit chez les gens « stupéfaction » et « émerveillement ».

Avec le don de l’Esprit Saint, Dieu est à l’œuvre dans le cœur de ses fidèles, et plus
largement encore, comme l’enseigne le concile Vatican II dans Gaudium et spes. Par ce don de l’Esprit Saint, Dieu se choisit des hommes et des femmes qui témoignent de ses merveilles, de sa Présence mystérieuse, de son Amour pour tous, de son infinie Miséricorde accordée à tous les pécheurs, dont nous sommes. Par le don de l’Esprit Saint, Dieu vient parler aux hommes, faisant retentir sa voix dans la voix de ses fidèles pour qu’elle porte au monde entier la Bonne Nouvelle du salut réalisé dans l’offrande que Jésus, son propre Fils unique, fait de son corps et de son sang, pour signer une nouvelle et éternelle alliance entre Dieu et
ses créatures en les réconciliant avec Lui, traçant le chemin qui mène au Père et à la vie éternelle.

L’Esprit Saint est promesse du Père du ciel et don de Jésus qui en répand le souffle
sur ses apôtres. Ce que nous vivons, lorsque nous recevons la grâce du baptême, qui nous communique le don de l’Esprit Saint sous la forme d’une onction, qui trouve sa plénitude lors de notre confirmation. Et c’est par l’Esprit Saint qui nous enseigne, qui nous éduque, qui nous forme, que nous pouvons proclamer que « Jésus est Seigneur » et que nous pouvons appeler Dieu « notre Père ». C’est par l’Esprit Saint que nous formons le Corps du Christ, chacun, chacune étant un membre de ce Corps. L’Esprit Saint vient étancher notre soif de justice, de vérité,
de liberté. Il nous habite (Rm 8,9-14) pour nous faire vivre notre ordinaire de manière extraordinaire. Unique, Il répand en nous ses dons en vue du bien de tous, en vue de l’unité de l’Église et pour glorifier le Nom de Dieu. Et le don le plus excellent est l’Amour qu’Il répand dans notre cœur et qui nous fait vivre en filles et fils de Dieu (Rm 8,15). Étant comme son sanctuaire (1Co 3,17), nous le portons en nous (2Co 1,22), et « à chacun est donné de Le manifester en vue du bien » (1Co 127). « Le fruit de l’Esprit est : amour, joie, paix, patience, bonté bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22). Il répand en nous l’amour de Dieu (Rm 5,5), nous donne la vie, nous fortifie dans l’épreuve et nous apprend à prier.
« Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit » (Ga 5,25).
« N’éteignons pas l’Esprit » (1Th 5,19) mais qu’Il agisse en nous et par nous, Amen !

29 mai 2023 |

* homélie du dimanche 21 mai 2023

par Francis ROY, diacre,

Entre l’Ascension et la Pentecôte, ce dimanche, le septième après la grande célébration de la résurrection risque de passer inaperçu et pourtant il a une bonne nouvelle à nous transmettre. Les textes bibliques de ce jour nous parlent de l’Église en train de naître. C’est une Église en prière. Il y a là les apôtres, les femmes qui ont accompagné Jésus durant son ministère et des proches de sa famille. Méditons le merveilleux évangile où nous voyons Jésus prier son Père.

La prière, ce n’est pas si facile. Nous ne pourrons jamais définir la prière. Les mots n’y suffisent pas. La prière est tellement au-delà de toute définition qu’elle laisse toujours place à son mystère. Les apôtres ne savaient pas davantage, rassurons nous ! Et pourtant en cette semaine suivant l’Ascension, ils étaient réunis avec Marie, dans la prière pour attendre la venue de l’Esprit. On pourrait presque dire qu’ils étaient en retraite de confirmation !

Ce qui est frappant, tout d’abord, c’est cette attitude constante de Jésus qui se tourne vers le Père. Ce Père, qu’il appelle d’ailleurs, « abba », « papa », « père chéri ». Ce Père, qu’il appelle chaque fois au début de toutes ses prières. Ce Père dont il parle avec tellement de tendresse : Tout ce qui est à moi est à Toi, comme tout ce qui est à Toi est à moi.

Le chrétien qui prie se tourne vers le Père, d’où son attitude de fils dans sa prière à Dieu. J’aime beaucoup le geste du chrétien qui, debout, regarde, la tête levée, vers le Père. Il reproduit alors les gestes confiants du petit enfant qui lève sa petite tête vers son père, cherchant son regard pour y lire tendresse et amour. Et ne m’en voulez pas si je redis que j’aime les psaumes, même s’ils ne « collent » pas forcément avec mon état d’âme du moment, car ils sont la prière du Christ. La prière chrétienne est d’abord et essentiellement la prière du Christ. Nous n’avons donc pas à inventer la prière, mais à accueillir celle de Jésus et la faire nôtre.

Prier, c’est se décentrer, se tourner vers le Dieu préféré à tout et à nous-mêmes. Prier, c’est se mettre en attitude première d’Écoute du Père : L’enfant qui est en chacun de nous, quand il prie, parle peu, parce qu’il ne sait pas. Au lieu de parler, il « est », « il se repose », « il se laisse faire, il sent qu’il est enveloppé par Dieu ».Prier, c’est laisser monter un cri tout simple d’enfant aimant.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, cette magnifique prière appelée « sacerdotale » par l’Eglise, on pourrait croire, à première vue, que la prière du Christ est intéressée. « Glorifie-moi ». Non, Jésus ne demande pas à être nommé superstar. « Glorifie-moi », cela veut dire : « Donne-moi de réaliser ma mission de Sauveur. Donne-moi le courage de monter sur cette Croix, où je serai de fait glorifié, exalté, à la face du monde, mais à quel prix ? Donne-moi la force de réaliser ton plan de salut pour l’humanité, même s’il doit m’en coûter. Donne-moi d’atteindre la plénitude de mes possibilités, dans cette vocation extraordinaire qui est la mienne. »

Et ça veut dire aussi : « Donne-moi de réussir cette mission, transforme l’échec apparent de la croix, en triomphe. Oui, ton plan ne peut échouer. Demain, tu me ressusciteras et tu me feras asseoir, moi, le charpentier de Nazareth, à ta droite dans l’Éternité. Et cette réussite, elle sera en fait Ta glorification, c’est-à-dire qu’elle révélera que tu es formidable. Elle révélera ta gloire, c’est à dire la valeur que tu as, et que le monde ignore, mais que moi, ton fils, je connais. »

« Oui, glorifie ton Fils pour que ton fils Te glorifie. Révèle au monde ma valeur, que je tiens de Toi, pour que soit révélée ton infinie richesse. »

Le chrétien peut s’adresser à Dieu pour réussir sa vie (et non dans la vie) selon le rêve de Dieu ; pour réaliser pleinement sa vocation de père, d’époux, de fils, de malade ; pour que sa vie chrétienne ait une densité, un éclat qui lui fasse honneur (pourquoi pas?) et du même coup, honneur à Dieu. Et notre prière, c’est de lui demander de réaliser, en nous, son rêve, son dessein d’amour. Ainsi la prière des époux pourrait être : «  « Donne, Seigneur, à notre amour une telle splendeur, une telle fidélité que tous ceux qui le verront, et nos enfants les premiers, se disent : pour s’aimer ainsi, il faut qu’il y ait Quelqu’un qui les aide, et qu’ainsi notre amour Te révèle et Te glorifie » Et la prière du malade : « Donne-moi, Seigneur, assez de courage et de confiance pour que je vive ces moments d’épreuve dans une telle sérénité que je te fasse honneur ».

Avant de mourir, le Christ maintenant va prier avec une infinie tendresse pour ses apôtres, pour ses amis qui ont répondu à son appel : « Tu sais, ô Père, je Te prie pour eux, parce qu’ils sont bien, ils ont cru en ma parole, et ils l’ont gardée fidèlement. Mais, surtout, Père, tu me les as confiés, je m’en sens responsable, ne permets pas qu’ils se perdent. Je prie pour qu’ils ne soient pas du monde, mais qu’ils soient au cœur du monde, pour y faire germer Ton amour. »

Et n’oublions jamais que le Christ prie aussi pour nous qui, à notre humble place, continuons l’œuvre des apôtres et transmettons le message. Prière bouleversante si nous la relisons lentement, en pensant que le Christ a pensé aussi à nous. Nous sentons toute la tendresse « maternelle » de Dieu pour nous. Alors, n’ayons pas peur de l’imiter, prions pour les membres de nos familles, nos proches, nos voisins, nos compagnons de travail, nos amis des mouvements et associations avec lesquels nous travaillons ou nous prions pour que Tu sois mieux connu. Prions aussi pour nos prêtres, pour que, trop peu nombreux, ils ne croulent pas sous l’ampleur de la tâche. Et nous adultes n’ayons pas peur de retrouver notre âme d’enfant pour dire simplement à Dieu que nous l’aimons. Oui, faisons de cette semaine une semaine de prière pour nous disposer à accueillir avec bonheur l’Esprit de Pentecôte.

Amen.

23 mai 2023 |

* homélie pour la fête de l’Ascension 2023

par le Père Denis ERAZMUS

Notre fête de l’Ascension découle de ce que Luc écrit à son excellent ami Théophile, au tout début de son livre des Actes des Apôtres et qui fait suite à l’Évangile qu’il lui avait déjà  adressé pour qu’il se rende compte de la solidité de ses enseignements (Lc 1,4). Avant de parler de la vie de l’Église naissante et dont la vie se répand sur terre, Luc lui rappelle l’ascension de Jésus après avoir vécu son humanité sur terre et après avoir donné ses dernières instructions aux Apôtres qu’Il s’était choisis. Il avait prévenu les siens qu’il Lui fallait partir retrouver le Père du ciel. Puis Luc dit à Théophile que Jésus ressuscité leur est apparu, quarante jours durant après sa résurrection, leur parlant du royaume de Dieu, dans la suite de ce qu’Il avait déjà enseigné dans sa vie terrestre. Il leur annonce la venue d’une force quand l’Esprit Saint, qu’Il leur promet, viendra sur eux pour qu’ils témoignent de Lui partout dans le monde. Puis Luc décrit le départ
du<Ressuscité, sous le regard médusé des Apôtres qui Le voient s’élever et disparaître sous leurs yeux. Alors qu’ils scrutent le ciel, des envoyés de Dieu les ramènent à la réalité et à l’ordre qu’ils ont reçu de retourner à Jérusalem pour que s’accomplisse la promesse du Christ ressuscité.

En plus de Luc, seul Marc parle de l’Ascension de Jésus ressuscité, « emporté au ciel » après avoir béni les Apôtres (Lc 24,51). Mc précise que le Ressuscité, une fois « enlevé au ciel, s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16,19). Ce que l’Église professe dans les Credo, disant du Fils qu’« Il est assis à la droite du Père tout-puissant, d’où Il viendra juger les vivants et les morts ». C’est déjà ce que professait Paul devant les Éphésiens, lorsqu’il leur écrivait que « le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père dans sa gloire, donne un esprit de sagesse qui nous le révèle et nous le fait connaître, nous ouvre à l’espérance d’hériter de sa gloire, qu’Il manifeste
en ressuscitant Jésus d’entre les morts et qu’Il a fait asseoir à sa droite dans les cieux. ». Dieu L’a placé « plus haut que tout »Il fait de Lui, comblé de sa plénitude, « la tête de l’Église son corps ».

Ce qui surprend, c’est que, malgré son départ au ciel qui le rend invisible à nos yeux, Jésus ressuscité promet d’être présent aux Apôtres, au dire de Matthieu qui achève son récit par cette promesse inouïe, inattendue dans la bouche du Christ vivant, disant : « Et moi, Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Il s’agit bien d’un présent, du présent du Ressuscité aux siens qu’Il envoie en mission pour faire de toutes les nations des disciples, en les baptisant et en leur apprenant à observer ce qu’Il leur a commandé de vivre en son Nom, au service de la gloire de Dieu et pour le salut du monde. Nous vivons ce paradoxe de l’absence physique de Jésus au milieu de nous et de sa présence spirituelle au milieu de nous, comme Il l’enseignait, disant : « quand deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis là, au milieu d’eux » et aussi présence spirituelle en nous, à condition de nous mettre à l’écoute de sa Parole et de la mettre en pratique par et avec amour, ce qui L’introduit dans notre propre intérieur, dans notre cœur, dans
notre vie. Jésus l’avait dit Lui-même aux siens, comme l’écrit Jean dans son récit de l’Évangile, rapportant ces paroles de Jésus : « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jn 14,23).

La préface de ce jour indique que « sans quitter notre condition humaine, le premier, le Seigneur Jésus entre au ciel, tête de l’Église et donne aux membres de son Corps l’espérance de le rejoindre un jour », et pour toujours, dans notre future patrie. Préparant ici-bas notre entrée au ciel, cheminons sur terre dans la foi, l’espérance et la charité, et cherchons à vivre toujours plus en communion avec le Christ ressuscité pour qu’Il demeure en nous et nous conduise à son Père et notre Père, dans le souffle de l’Esprit Saint, que nous fêterons à Pentecôte, pour
qu’avec Lui et en Lui, nous puissions aimer nos frères et sœurs en Christ et en humanité, Amen !

20 mai 2023 |

*homélie du 14 mai 2023

par le père Denis Erazmus

L’Évangile de ce jour nous dépeint en filigrane le mystère de Dieu Trinité : il nous
présente le Christ, comme le Fils qui prie le Père de nous donner un autre Défenseur que Lui, et qui est l’Esprit de Vérité, dont Il promet la présence à nos côtés « pour toujours », pour« demeurer auprès de nous et en nous » afin de faire de nous des « pneumatophores », des porteurs de l’Esprit divin, reçu au baptême et en plénitude à la confirmation. Par ailleurs, Jésus annonce à ses disciples son futur départ de ce monde et la manifestation de sa nouvelle présence, en tant que ressuscité, auprès des siens et en eux. Car le ressuscité s’invite continuellement chez-nous. Il frappe à la porte de notre cœur et attend notre réponse à son appel,
nous rappelant ses commandements pour que nous L’aimions de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit, et avec force. L’aimer, Lui, fait descendre en nous l’amour de son Père que nous appelons notre Père dans notre prière, ainsi que l’amour du Fils qui promet de se manifester à ses fidèles, sur le chemin de leur vie sur terre.

Et la meilleure manière de montrer au Christ que nous L’aimons, c’est d’honorer
sa sainteté par notre propre sainteté qui est en marche et en voie d’accomplissement, avec la grâce de l’Esprit Saint qui vient nous sanctifier par son amour. Aimer le Christ en rendant raison de notre espérance en Lui et en Le présentant comme Médiateur entre Dieu son Père et les hommes, d’hier à aujourd’hui et jusqu’à sa venue dans la gloire. C’est aussi Le présenter
comme Sauveur unique, comme Pasteur de son peuple et de l’humanité tout entière qu’Il veut attirer à Lui pour la combler de sa tendresse, l’envelopper de sa bonté, la nourrir de son amour et se l’unir pour vivre en communion avec elle, avec chacun de ses membres.

Mais aimer le Christ se traduit aussi par une bonne conduite auprès des autres,
qui témoigne de notre appartenance au Christ Jésus, notre Maître et Seigneur, jusqu’à, parfois souffrir en faisant du bien, si Dieu le veut, plutôt que le mal, comme saint Pierre l’enseigne dans sa 1ère Lettre. Car dans son amour pour les hommes, le Christ Lui-même a souffert, à cause de leurs péchés, de leur injustice, voulant nous mener à Dieu. Aimer Dieu et son prochain n’est pas de tout repos, « quel combat mes aïeux » écrit le père Guy Gilbert dans son livre « Aimer plus
qu’hier et moins que demain », qui vient de paraître. Il écrit que « notre vie est faite d’unité et de déchirures, de joies et de souffrances » et invite à « mettre tout l’amour possible dans nos gestes, de tout faire par amour ». Est-ce que j’accepte de souffrir par amour du Christ pour servir les autres ? Est-ce que dans mon comportement, « l’Amour est mon ressort » ? Est-ce que j’utilise
mon temps pour aimer ? Est-ce que j’aime l’autre gratuitement, sans attendre de retour ? Est-ce que vouloir aimer et aimer me dynamise dans mes relations avec les autres ? Est-ce que j’accepte de lutter, parfois contre moi-même et mes préjugés ou jugements hâtifs, pour aimer, jusqu’à aimer mes adversaires, voire mes ennemis, comme le Christ le commande dans son Évangile ?

Comme l’écrit le père Guy Gilbert, « nous sommes faits pour aimer et être aimés, et il y a tant de façons d’aimer ». À chacun, chacune de trouver la sienne, ou les siennes, pour répondre à l’appel du Christ et vivre ses commandements, Lui qui nous demande de nous aimer les uns les autres comme Lui-même nous a aimés, nous aime aujourd’hui et nous aimera demain. Que la grâce de l’Esprit Saint nous motive, nous sanctifie, nous rende plus aptes à aimer de l’amour du Christ pour les siens et pour tous. Que notre amour pour les autres s’inspire et se nourrisse
de l’amour de Dieu pour nous ! Que « le Saint Esprit provoque l’habitation du Christ dans notre cœur » dit J. H. Newman. Alors, forts de cette présence du Christ en nous, nous vivrons dans la joie de nous savoir aimés de Dieu ; alors nous pourrons aimer comme Lui nous aime. Comme l’écrit saint Augustin : « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure ». Amen !

14 mai 2023 |

* homélie du 30 avril 2023 ( 4e dimanche de Pâques)

par Francis ROY, diacre

Bien des fois dans la bible Jésus est annoncé et nommé : l’envoyé, le serviteur, le fils de David,… il se donne lui-même un nom : fils de l’homme, chemin, vérité, Vie… Plus encore dans les évangiles : le grand prophète, le Sauveur, le Christ, le Pain vivant, jusqu’à « Es-tu Roi ?… C’est toi qui le dis ! » et même « Celui-ci est mon Fils» …. Aujourd’hui Jésus ajoute deux mots à cette liste : le berger des brebis et la porte. C’est pourquoi ce dimanche de prière pour les vocations est aussi appelé « dimanche du bon pasteur ». Le berger guide ses brebis et les conduit dans les pâturages… Chaque nom donné à Jésus, chaque mot est une parcelle de sa vie et de sa mission pour aider chaque croyant à mieux le comprendre, mieux l’approcher, à mieux le suivre pour vivre avec lui, pour lui et comme Lui avec tous ses frères.

Les hébreux attendaient une force invincible et c’est un bébé qui vient. Ils attendaient un Roi et c’est un serviteur qui s’impose. Et moi ? J’attends qui ? Un guide fort, juste et rigide…et il m’est donné amour et liberté… et il m’est offert un Sauveur et un Chemin. Il nous est donné un berger mais pas n’importe quel berger, le seul et vrai Pasteur. Celui qui sait nos besoins et le chemin de la vie.

Le bon berger et ses brebis… voyez cette relation, cette confiance réciproque. Les brebis connaissent sa voix et sa douceur. Elles le reconnaissent et le suivent. Il ne s’agit pas du conducteur violent, du voleur, du brigand, du traitre qui n’agit que pour lui, dans son seul intérêt et qu’importe ce que subit son troupeau ! Jésus est tout le contraire. Il montre le « juste chemin » qui mène au bonheur, par « les verts pâturages », où « la table nous est mise » pour le voyage. Les brebis suivent leur berger avec confiance pour un bonheur de chaque jour. Le berger sait leurs attentes et leurs besoins et c’est d’abord Lui qui leur fait confiance car Il connaît la valeur de chacune et les aime tel quelles sont. Il leur pardonne si le sentier qu’elles prennent n’est pas le meilleur car il les attend et va les rechercher, là où elles pourraient s’égarer et se perdre. Mais la promesse du berger, offrir son Esprit à chacun, ne se limite pas aux seules brebis qui ont eu la grâce d’être du troupeau…Simon-Pierre, le rappelle aux disciples : «la promesse est pour vous, pour vos enfants et pour tout ceux qui sont loin… aussi nombreux que le Seigneur Dieu les appellera ! »

Aujourd’hui, subissant la pandémie, parfois désespérées du désastre humain qu’elle entraîne, se révèlent de nouvelles brebis qui se dirigent vers la porte de la Vie en Dieu, parfois sans encore le savoir. Beaucoup de personnes n’ont pas rejoint le troupeau, elles ne connaissent peut-être même pas le berger mais lui sait leur valeur et son amour les habite. Leur profonde humanité, le soin, l’attention la prévenance qu’elles portent à leurs proches, à leurs frères, à leurs sœurs, aux inconnus perdus ou souffrants sont admirables et nous forcent à rendre grâce. Ce sont les lointains dont nous parle Pierre dans les Actes des Apôtres, ceux qui ne le savent pas mais qui sont appelés par amour à la compassion, à la solidarité, à la consolation, au besoin de servir… appelés à se donner…comme Jésus ! À l’image du Christ, ils vont jusqu’à offrir leur vie. La liste est longue : soignants hospitaliers, aides de vie, soignants en

EHPAD, éducateurs ou assistants en foyer de vie, voisins, centres de secours, ambulanciers, pompiers, policiers, artisans, parents, enfants… oui cette liste, la liste des bienveillants, des bons samaritains, est longue, très longue… Ces brebis, n’expérimentent-elles pas, elles-mêmes, chaque jour, ce commandement de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés». Nous sommes tous appelés à agir en tout comme elles. Nous sommes baptisés donc tous appelés. Mais les vocations sont diverses : Le mariage, le célibat, la vie consacrée, le diaconat ou la prêtrise. Chaque vocation a sa valeur et se vit à sa manière.

Aujourd’hui, portons un regard sur les vocations à la prêtrise et au diaconat. Les prêtres ont été ordonnés au sacerdoce, configurés au Christ Pasteur, les diacres sont configurés par leur ordination au Christ Serviteur. Mais il n’y a pour tous qu’un seul bon berger, qu’un seul bon pasteur, qu’un seul serviteur : le Christ. Nous ne vivons notre vocation que par rapport à Lui et nous sommes bien conscients de notre petitesse. Mais nous savons aussi que nous pouvons nous appuyer sur le Christ, la pierre d’angle. Nous vivons notre vocation dans l’Eglise, et c’est l’évêque qui nous donne notre mission.

La vocation du prêtre est dans le sillage du Christ Pasteur. Il prend soin des brebis qui lui sont confiées. Il conduit la communauté. Le diacre vit sa mission au service de l’Eglise et des hommes dans la triple dimension de la liturgie, de l’annonce de l’Evangile et de la charité. Il est particulièrement attentif aux personnes en fragilité et à celles dont l’Eglise est éloignée. Deux vocations qui se complètent et ne s’opposent pas.

Il n’y a pas de vocation sans mission. Dieu appelle aujourd’hui pour être envoyé dans le monde comme témoin du Seigneur, ici et maintenant. Si nous nous sentons démunis ou incapables, rappelons-nous que le Seigneur fait appel aux gens simples et aux petits pour le suivre. « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » nous dit le psaume. C’est avec nos fragilités que le Seigneur fait des merveilles. Et Lui, c’est le roc indéfectible sur lequel nous nous appuyons.

Nous ne devons pas attendre d’être parfaits pour répondre notre généreux “me voici”… et accueillir avec un cœur ouvert la voix du Seigneur.

En ce dimanche de prière pour les vocations, demandons au Seigneur de répandre sa grâce en abondance pour que naisse dans les cœurs cette intimité avec Lui, ce désir mystérieux de le suivre jusque dans le don total de sa vie pour collaborer à sa mission qui seule est capable d’apporter le bonheur et la paix aux hommes. Prions aussi pour les pasteurs de l’Eglise, qu’ils soient toujours intimement unis au Bon Pasteur et demeurent des guides authentiques pour le troupeau.

4 mai 2023 |

* homélie du dimanche de la Miséricorde (16.4.2023)

par Francis ROY, diacre

Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! La même joie pascale que dimanche dernier est appelée à nous habiter aujourd’hui encore. Ce dimanche antérieurement appelé dimanche de « Quasi-modo » : « de la même manière » est la fête de la Miséricorde de Dieu. Pourtant, les textes que nous venons d’entendre ne nous parlent pas directement de la Miséricorde. Comment faire le lien entre celle-ci et la figure de Thomas doutant de la résurrection du Seigneur et demandant des preuves bien concrètes de celle-ci ?

« Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je n’y croirai pas » : Somme toute, une telle requête n’est-elle pas normale ? En effet, serait-il bien raisonnable d’engager toute sa vie à la suite de ce Jésus dont on prétend qu’il est ressuscité sans un minimum de garanties ?

Ce qui est touchant ici, c’est que Jésus va consentir à cette demande de Thomas. En invitant son Apôtre à avancer la main et à la mettre dans son côté, Jésus va bien lui donner une « preuve » tangible de sa résurrection. Mais en même temps, il lui intime de cesser d’être incrédule et de devenir croyant.

Cette injonction n’aurait pas de sens s’il s’agissait seulement de « croire » en la résurrection, puisque celle-ci est maintenant pour Thomas de l’ordre de l’évidence sensible. C’est ici que nous devons être bien attentifs. En fait, Jésus invite Thomas à dépasser une incrédulité qui ne concerne pas le fait de la résurrection mais son interprétation. C’est au niveau du sens à donner à l’événement de la résurrection du Seigneur que Thomas doit passer de l’incrédulité à la foi.

Les disciples lui avaient annoncé pleins de joie : « Nous avons vu le Seigneur ! ». Certes ils avaient bénéficié d’une apparition du Ressuscité ; mais nous savons que chez saint Jean, le verbe « voir » ne désigne pas une vision sensible, mais la perception nouvelle qui s’ouvre au regard du croyant grâce à l’action de l’Esprit, comme le récit nous le suggère par le geste du Seigneur qui souffle sur eux en disant : « Recevez l’Esprit Saint ».

Ainsi, ce que les Apôtres ont « vu » par l’œuvre de l’Esprit en eux c’est le véritable sens de l’événement de la résurrection à savoir le triomphe de la miséricorde divine. Cela nous le percevons à travers les paroles de Jésus qui leur donne le pouvoir de pardonner, pouvoir qui révèle le sens rédempteur de sa Passion glorieuse. Ils sont invités à partager la grâce dont ils sont les premiers bénéficiaires. Et c’est bien ici qu’ils doivent entrer dans la foi car cette grâce demeure invisible : rien dans l’ordre sensible ne permet de vérifier le pardon des péchés.

Nous comprenons alors que l’acte de foi que Thomas est invité à poser est celui de croire que la miséricorde du Seigneur a triomphé de son péché qui a contribué à clouer Jésus sur la croix. Le Ressuscité l’appelle à sortir d’une culpabilité mortifère pour accueillir la vie nouvelle de son Esprit : « La paix soit avec vous ». Thomas n’était donc pas en quête d’une preuve de la résurrection. L’Évangile ne nous dit pas qu’il met sa main dans les plaies de son Maître. En réalité, Thomas demandait un « signe » pour oser croire en la miséricorde. Et le Seigneur le lui donne en lui présentant ses plaies, tout particulièrement son côté ouvert : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ! »

Thomas peut alors accueillir la grâce et prononcer dans l’Esprit la plus belle confession de foi des Évangiles : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». L’Esprit Saint lui a donné de reconnaître en Jésus, le Fils de Dieu, vainqueur du monde par l’effusion de sa miséricorde dans l’eau et le sang jaillis de son côté transpercé. Pour nous obtenir la libération de nos péchés le Christ nous a ouvert son cœur. Sur la croix, ce cœur qui a tant aimé le monde a été percé d’une lance ; il s’est grand ouvert sur nous tous ! Avez-vous noté que, par trois fois dans l’Evangile d’aujourd’hui, deux détails anatomiques du corps du Christ nous sont rapportés : ses mains et son côté. « Vois mes mains ; avance ta main et mets-là dans mon côté », dit le Sauveur à l’apôtre Thomas… : les mains qui se sont ouvertes sur le monde, pour l’embrasser d’un seul geste, et le côté qui s’est ouvert sur l’humanité pour déverser les grâces du sacrifice de la croix : il s’agit pour les disciples de les voir et même de les toucher. Ainsi nous est révélée la miséricorde de Dieu : nous la touchons du doigt en Jésus-Christ.

Dieu miséricordieux nous aime donc d’un amour qui nous engendre sans cesse, un amour qui nous porte à la vie ; et par conséquent, d’un amour qui ne veut pas nous voir mourir. La conversion, rendue possible par la miséricorde divine, est bien un mouvement de vie, alors que le péché est un mouvement de mort. Dieu nous appelle à la vie, son amour nous fait vivre.

Maintenant, Thomas aussi a « vu le Seigneur » et a confessé son Dieu. Il sait qu’il est réconcilié avec le Père et peut à son tour devenir héraut de ce pardon dont il est bénéficiaire. Désormais, la puissance de la grâce repose sur lui et, avec les autres Apôtres, il va pouvoir porter témoignage du véritable sens sauveur de la résurrection du Seigneur que l’Esprit Saint lui a permis de reconnaître

Mais l’acte de foi de Thomas n’est-il pas pour nous l’occasion de nous interroger : N’avons-nous pas besoin nous aussi du signe offert à Thomas à savoir le Cœur ouvert du Ressuscité ? En effet, quel sens donnons-nous à l’événement de la Pâque de notre Seigneur, à sa mort et à sa résurrection ? Osons-nous croire qu’« ensevelis dans la mort avec Jésus par le baptême, nous vivons nous aussi dans une vie nouvelle, celle du Christ ressuscité par la gloire du Père ». C’est d’autant plus important que cela nous ouvre les portes à la miséricorde divine. Le seul péché, celui qui est la racine de tous les autres, c’est de ne pas croire à l’amour de Dieu.

Reste la phrase étonnante et troublante : « tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. » Être maintenu dans son péché, c’est ignorer l’amour de Dieu. Il dépend de vous, dit Jésus, que vos frères connaissent l’amour de Dieu et en vivent… Le projet de Dieu ne sera définitivement accompli que lorsque vous, à votre tour, vous aurez accompli votre mission. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. »

16 avril 2023 |

* homélie du dimanche des Rameaux et de la Passion

par le Père Denis Erazmus

En peinture on parle de « clair-obscur » qui traduit sur une même toile des impressions de lumière et d’obscurité qui se jouxtent, s’appellent et s’enrichissent selon l’intention du peintre.
Aujourd’hui, en cette fête des Rameaux, nous pourrions reprendre ce style pour traduire la liturgie de la Parole de Dieu qui, de manière exceptionnelle, comprend deux récits d’Évangile.

* Le premier relate les cris des foules qui proclament Jésus, « Fils de David, Celui qui vient au Nom du Seigneur » et qui glorifient Dieu pour ce prophète Jésus, de Nazareth en Galilée.
Cette entrée triomphale de Jésus assis sur une ânesse, « une bête de somme », provoque l’agitation de toute la ville qui s’interroge sur l’identité de cet homme qui leur paraît inconnu, voire étranger à sa connaissance. Et ce sont celles et ceux qui accompagnent Jésus sur sa route qui l’identifient comme « prophète », c’est-à-dire, comme chois par Dieu pour manifester sa volonté et ses œuvres envers son peuple élu, et plus largement, selon sa miséricorde. Cette acclamation de Jésus, nous la vivons lors de l’eucharistie en proclamant ou en chantant le
Sanctus, disant : « Hosanna au plus haut des cieux… Béni soit celui qui vient au Nom du Seigneur, Hosanna au plus haut des cieux ! ». Nous imitons cette foule du temps de Jésus chaque fois que nous célébrons ce mystère de l’eucharistie que Jésus nous a laissé en héritage pour que nous en vivions dans notre vie de chrétienne et de chrétien, dans notre vie d’enfants de Dieu.

* Le second nous fait entrer dans l’obscurité du récit de la Passion de ce Jésus de Nazareth
qui s’achève par son ensevelissement dans un tombeau, à l’extérieur de la ville de Jérusalem.
Le prophète Isaïe avait esquissé, par révélation divine, cet itinéraire douloureux et crucifiant que Jésus a vécu parmi les hommes, parmi les siens qu’Il était venu sauver du péché, du mal et de la mort. Jésus ne s’est pas dérobé, Il ne s’est pas caché la face, subissant outrages et crachats.
Il garde confiance jusqu’au bout de son cheminement d’homme sur cette terre, car Il sait au fond de Lui que le Père qui l’a envoyé chez-nous Lui reste présent jusque là, jusque dans la souffrance et l’impression d’être abandonné, tout en se sachant relié au Père dans une sainte communion que rien ne saurait entamer. Comme Paul l’écrit aux Philippiens, le Christ « s’est abaissé, devenant
obéissant jusqu’à la mort de la croix », avant d’être exalté par Dieu, dans la lumière de sa propre résurrection. C’est ce que nous rappelle, en ce jour, le récit de la Passion notre Seigneur Jésus-Christ que nous venons d’entendre. Après son dernier repas pascal avec les siens, Jésus part pour le mont des Oliviers, lieu qui lui est familier, où Il aimait se retirer pour prier son Père et notre Père. Dans son humanité, Il éprouver « tristesse et angoisse », sachant ce à quoi Il devait se
préparer, soit, se livrer « aux mains des pécheurs » pour les réconcilier tous les hommes avec Dieu, leur remettre leurs péchés et les sauver de la mort éternelle. Dans l’épreuve, l’attitude de Jésus est celle de la prière qui le maintient en éveil pour ne pas succomber à la tentation
d’échapper à son triste sort et vivre jusqu’au bout la volonté du Père par le don de Lui-même, afin d’« accomplir les écrits des prophètes » qui L’ont précédé dans sa mission. La Passion de Jésus Lui donne l’occasion de révéler sa véritable identité de « Fils de Dieu ».

* Dans notre vie nous vivons aussi ce clair obscur en alternant expériences de lumière et expériences, parfois, de grande obscurité, qui sèment le doute en nous et nous interrogent sur le présent à vivre, sur le futur, sur notre avenir ici-bas et là-bas dans le royaume de Dieu. Quand on est incompris, bousculé, rejeté, ignoré ou laissé, on peut se sentir oublié par Dieu qui semble loin.
Le psalmiste dit que Dieu répond, comme Il l’entend, à nos demandes. Lui qui nous accompagne chaque jour, Il nous invite à Lui faire confiance en toutes circonstances. Gardons le cap de la foi et, jusque dans l’épreuve, offrons-nous à Dieu qui se donne à nous en son Fils pour nous sauver.

3 avril 2023 |

* homélie du 5e dimanche de carême (26.3.2023)

par Francis Roy, diacre

Ce 5ième dimanche de Carême est un moment charnière dans notre marche vers Pâques, vers la Résurrection, vers la vie ! La semaine prochaine ce sera le dimanche des Rameaux. Allons-nous entrer dans Jérusalem et suivre Jésus pour vivre avec lui la semaine sainte ?

Au lendemain du mercredi des cendres, la première lecture de la messe était extraite du livre du Deutéronome ou Moïse parle au peuple « Je te propose aujourd’hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. » Aujourd’hui Jésus est loin de Jérusalem quand il apprend la mort de son ami Lazare ; et il décide de retourner en Judée. Ses apôtres ne sont pas très enthousiastes : «Rabbi, tout récemment, les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ? » Les disciples n’y voient qu’une occasion de risquer sa peau. Jésus, obéissant à son Père, y va, lui, pour donner sa vie ! Thomas, lui aussi, a décidé : « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! » Mais pourquoi mourir alors que Dieu nous invite à la vie et au bonheur ?

Restons concentré au cœur de cet Evangile que l’on a peut-être trop entendu : nous connaissons bien la fin avec Lazare qui sort du tombeau, heureux dénouement digne d’un film. Mais nous ne sommes pas en train d’assister à la cérémonie des Césars pour remettre le prix du meilleur scénario ou du meilleur premier rôle. Nous sommes les auditeurs et les destinataires de la Parole que Dieu nous adresse, par l’intermédiaire d’un témoin oculaire, l’apôtre Jean. Et comme souvent, dans les récits johanniques, la situation présentée cherche à nous faire découvrir par nous-mêmes quelque chose de plus profond dans l’ordre de la foi, pour que notre intimité avec Dieu progresse.

Dans l’Evangile de Jean, le retour à la vie de Lazare est le septième et dernier signe accompli par Jésus, avant sa propre mort et sa résurrection des morts. Le premier signe fut lors des noces de Cana. Bien que son heure ne fut pas encore venue, il changea l’eau en vin. A Béthanie, il change la mort en vie, en ramenant à la vie, au sein de sa famille et de ses amis, un mort de quatre jours, enfermé dans son tombeau, ligoté dans son linceul et dans ses bandelettes. Chez Jean, les signes sont toujours présentés pour croire. Et croire, c’est avoir la Vie. Pas seulement la vie éternelle, mais la Vie qui nous fonde en tant qu’homme ou femme, ici et maintenant, une Vie sacrée et qui a du sens, à laquelle Dieu accorde un prix inestimable.

Il nous alors faut ouvrir l’oreille intérieure pour entendre cette parole, car les bruits du monde, avec ses événements sensationnels et ses bateleurs de foire, recouvre le silence où parle cette Parole que nous n’entendons parfois plus. Ce signe de Jésus se présente en quatre tableaux successifs, et pour chacun d’eux, Jésus parle. Avec ses disciples, avec Marthe et Marie, à son Père et enfin à Lazare.

Premier tableau, avec les disciples. L’attitude de Jésus, pendant trois jours, nous étonne, nous rend mal à l’aise. Les disciples aussi sont mal à l’aise : ils ont du mal à comprendre ce qui pousse Jésus à attendre pendant que Lazare est malade, puis ce qui décide Jésus à se rendre à Béthanie au moment où il leur annonce que Lazare est mort, et malgré les risques qu’il encourt pour sa propre vie. Donc… Jésus attend avant de venir à la tombe de Béthanie. En cela, Jésus ne nous fait pas la promesse que nous échapperons à la mort. Notre vie biologique s’arrêtera un jour. Jésus n’a pas empêché la mort de Lazare, ni sa propre mort sur la croix. L’essentiel à retenir, dans ce premier tableau, c’est que, dès qu’il y a mort, le Christ se met en marche, avec ses disciples, donc avec nous, pour que le néant de la mort puisse devenir Vie.

Le deuxième tableau, le dialogue avec Marthe, est d’une toute autre intensité. Avec elle, nous commençons par reprocher à Dieu : « Seigneur, si tu avais été là ! ». Oui, mais contrairement aux disciples, Marthe, malgré la peine et la souffrance, prononce une Parole d’espérance, conforme à la prophétie d’Ezékiel : la foi en la résurrection au dernier jour. Alors, à partir de cette confession de foi, Jésus invite Marthe à accomplir un pas supplémentaire, décisif, à entrer dans le mystère par excellence. Jésus l’appelle à aller encore plus loin : « oui, Seigneur, je crois que toi, tu es la résurrection et la vie. » C’est notre profession de foi chrétienne. Et Jésus ajoute : « Tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra pas ». Croire et vivre : deux verbes que Jésus rend non séparables, car la foi est au service de la vie, de la vraie vie, celle qui nous fonde dans l’amour, celle que l’on a reçue et que l’on ne s’est pas donnée. « Crois-tu cela ? » nous dit Jésus. Librement, nous pouvons répondre : « oui, Seigneur ». Même si, peut-être, cet acte de foi colossal ne va pas toujours de soi dans notre vie, en fonction des événements que nous affrontons. Mais le Seigneur nous attend toujours pour venir à sa rencontre, comme il fait appeler Marie après son dialogue avec Marthe.

Le troisième tableau est celui de l’intimité. Jésus pleure. Jésus frémit. Jésus éprouve et partage la peine et la souffrance. Jésus ne dit plus rien. Comme parfois, devant un lit d’hôpital, ou dans une morgue, le silence est la seule réponse possible au réel. L’humanité de Dieu, si on pouvait en douter, s’exprime dans ce troisième tableau dans sa totalité. La prière, le dialogue avec le Père est le seul dialogue alors possible, car le Père exauce la prière du Fils. Jésus demande alors d’enlever la pierre. Quand nous apportons de la chaleur humaine à quelqu’un plongé dans l’obscurité de la souffrance, dans une mort à lui-même, nous enlevons la pierre et nous nous en remettons au Seigneur. Car sans lui, nous ne pouvons rien faire.

Le quatrième et dernier tableau est un cri : « Lazare, viens dehors ! ». Jésus cria d’une voix forte deux fois : au moment de sa propre mort sur la croix, et pour que Lazare vienne dehors : « Sors de l’ombre de la mort, sors du néant, quitte ce suaire qui t’enserre, quitte ces bandelettes qui empêchent de te mouvoir, viens revivre et respirer un air nouveau, viens à la lumière qui donne sens et consistance à ta vie. » Lazare est ici la figure du peuple en marche qui cherche à se libérer, qui cherche un sens définitif à son existence. En cela, le retour à la vie de Lazare n’est pas une fiction. C’est un événement, à la fois historique et contemporain qui se vit dans la foi, aujourd’hui.

« Vous saurez que je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai sortir, ô mon peuple ! » Notre Dieu nous fait vivre, mais pour le suivre le chemin passe par la mort de la Croix : il est passé par là, et il nous attend maintenant, ressuscité dans le pain et le vin. Alors « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! » Et vivre avec Lui !

Amen

26 mars 2023 |

* homélie du 12 mars 2023 (3e dimanche de carême)

par Claude Compagnone, Diacre

(Ex 17, 3-7), (Ps 94 (95), (Rm 5, 1-2.5-8), (Jn 4, 5-42)

Par une coïncidence heureuse le texte de l’évangile de St Jean de ce jour fait écho à la journée internationale des droits de la femme qui s’est déroulée ce mercredi 8 mars. Ce texte de l’évangile porte en effet sur cette rencontre saisissante entre une femme samaritaine – dont on ne connaît pas le nom – qui vient puiser de l’eau à une heure décalée, et Jésus fatigué, assis, seul, au bord d’un puit, en plein soleil. Dans les évangiles, lorsqu’il est précisé que Jésus est seul, c’est pour dire qu’il s’est retiré de la proximité des hommes pour aller prier le Père. Là, il est seul, sans s’être retiré et sans prier. Il est seul tout simplement parce qu’il est épuisé comme nous pouvons l’être nous aussi à certains moments de notre vie, comme nous pouvons être vide, sans énergie.

Il est là, à midi, à un moment donc où personne ne fréquente ce puit, tellement il est plus confortable pour une puiseuse d’eau – car il s’agit bien d’un travail de femme – de venir faire l’effort de chercher l’eau et de la porter quand les températures sont plus fraiches. Jésus est fatigué car inlassablement, il prêche la bonne nouvelle, il guérit et expulse les esprits mauvais, il baptise. Il accompagne les hommes pour une conversion des cœurs et des comportements. Il est fatigué parce qu’il parcourt des kilomètres et des kilomètres à pied, et n’arrête pas d’être sollicité, pressé par la foule, de répondre aux besoins de vie des uns et des autres. Il est donc sans repos et « n’a pas d’endroit où reposer sa tête » comme cela nous est dit en St Luc (9,58).

Etrange parenthèse que cette rencontre de Jésus avec la Samaritaine au cours d’un voyage entre la Galilée, au nord de l’actuelle Israël, et la Judée, au sud. Ce voyage oblige à traverser la Samarie. Tout bon juif qui passe par la Samarie ne s’y arrête pas et ne noue de relations avec aucun de ses habitants, ceux-ci pratiquant une religion que les Juifs méprisent car elle mélange influences israélite et païennes. Et plus grave encore, les samaritains considèrent que le principal lieu saint n’est pas Jérusalem mais le Mont Garizim en Samarie.

Etrange parenthèse, donc, que cette rencontre de Jésus épuisé, au point de devoir attendre que ses disciples ramènent de la nourriture de la ville, et de cette femme, marginale par ses mœurs puisqu’elle a bien été avec des hommes sans qu’aucun ne soit vraiment pour elle son mari. La vie de cette femme, obligée d’aller au puit quand personne ne s’y trouve pour éviter sans doute de s’y faire maltraiter, est une vie de solitude.

Deux solitudes se rencontrent donc au bord de ce puit de Jacob, deux fatigues, et en même temps deux pleines sincérités. Cette rencontre qui nous est relatée est l’une des rares – avec celle de Jésus et de Marie-Madeleine au tombeau après la résurrection – est l’une des rares, donc, qui se déroule sans témoin, en face à face, entre Jésus et une femme. D’ailleurs qui donc a raconté cet épisode pour qu’il nous parvienne ? La Samaritaine ou Jésus à ses disciplines ? Si on ne le sait pas, on en connait en même temps toute l’importance. Si la présence du Juif Jésus, là, au bord du puit, en plein soleil, n’est pas normale, parler, seul, avec une femme étrangère, et qui plus est une samaritaine, rompt avec toutes les conventions, ce qui suscitera la profonde surprise des disciples.

Un dialogue improbable débute alors. Et il commence par une demande que le Christ adresse à la femme : « Donne-moi à boire » lui dit-il. « Donne-moi à boire »… Le Christ a-t-il soif d’eau ? Peut-être… il est fatigué et il n’a rien pour puiser. A-t-il soif de voir la femme venir à Dieu ? Surement, comme on le verra plus loin quand il dit aux disciples que sa « nourriture c’est de faire la volonté de celui qui l’a envoyé ».

Ce « Donne-moi à boire » initial du Christ raisonne donc de multiples façons : il est à la fois expression d’un manque biologique du Christ ; à la fois ouverture d’une relation pratique tout à fait acceptable entre un homme fatigué et une femme dotée de l’outil permettant de puiser l’eau ; à la fois établissement d’une conversation inhabituelle entre un Juif et une Samaritaine, conversation qui rompt les conventions établies ; à la fois démarche de réhabilitation de la femme exclue par son propre groupe social ; à la fois proposition à la femme d’un modèle de demande qu’elle pourrait lui adresser à lui, le sauveur. Ces mots du Christ « Donne-moi à boire » raisonnent comme le don du Christ vers la femme d’un chemin pour le trouver, lui, le Christ.

N’avons-nous donc jamais fait cette expérience de nous trouver sollicités par plus grand que nous et élevés par cette humble demande du plus grand que nous ? Nous avons su alors que nous avions de la valeur. Et Dieu humblement dans notre vie nous dit « donne-moi à boire »…

Le dialogue improbable entre Jésus et la Samaritaine prend la forme d’un long quiproquo qui semble parfaitement assumé par le Christ pour aider la Samaritaine dans son cheminement, dans sa compréhension des choses, dans l’obtention de sa confiance. De quelle eau parle-t-on exactement dans ce quiproquo ? A la fois de l’eau du puit et de l’eau de l’Esprit dont Dieu peut désaltérer de manière durable. De quel puit s’agit-il ? A la fois du puit de Jacob et du puit qu’est le Christ auprès duquel la femme se désaltère sans le savoir. De quel mari est-il question ? A la fois de l’homme avec qui la femme vit actuellement et de celui qu’elle n’a jamais eu qui l’aurait chérie. De quel moyen d’adoration discute-t-on ? A la fois des lieux de Jérusalem et de Garizim qui opposent les Juifs et les Samaritains, et de cette démarche sincère des hommes qui permet de trouver Dieu en eux en esprit et en vérité.

Les fruits de cette conversation du Christ avec la femme sont alors multiples : après une évangélisation éclair de la femme, Jésus lui dit qu’il est le Messie ; après avoir écouté le témoignage de la femme, beaucoup de samaritains croient en Jésus ; après l’accueil de la communauté samaritaine, Jésus et ses disciples demeurent dans cette communauté et ne sont plus simplement de passage en Samarie. La femme a permis à l’improbable d’arriver. La parenthèse du passage en Samarie s’est avérée un des éléments fondateurs de l’action du Christ.

Le Christ aurait-il pu faire cela sans cette femme samaritaine ? Est-elle sans importance et secondaire par rapport aux hommes qui entourent le Christ ? Non ! Elle est là avec sa vie, sa sensibilité et son intelligence des choses. N’a-t-elle pas compris plus rapidement et plus profondément qui était Jésus que nombre des disciples ? Cet épisode de la Samaritaine en périphérie de sa communauté et qui devient centrale pour la conversion de cette communauté ne doit-il pas nous interroger aujourd’hui sur la place laissée aux femmes dans l’Eglise et sur la manière dont nous pourrions arrêter de nous priver d’une partie de leur richesse?

13 mars 2023 |

* homélie du 2e dimanche de carême ( 5 mars 2023)

par Francis ROY, diacre

Nous voici au deuxième dimanche de notre montée vers Pâques. La liturgie de la Parole nous propose des textes qui devraient nous permettre d’avancer joyeusement, en quittant notre routine quotidienne. La première lecture, tirée du livre de la Genèse, nous raconte le début de la grande aventure du peuple de Dieu avec Abraham : « Quitte ton pays et je te donnerai un pays ».

Voilà une première démarche qui nous est proposée : quitte pour recevoir ce que je veux te donner. Tu ne peux recevoir ce que je veux te donner que si tu acceptes de quitter, dans ta vie, tes habitudes, tes manières de penser, tes jugements. Quitte tout, même ce que tu as construit petit à petit, pour découvrir, pour recevoir toute chose nouvelle. Voilà un éclairage lumineux sur la démarche de pénitence de carême. Elle n’est pas un en-soi. On ne fait pas des pénitences pour faire des pénitences ou pour ravir le cœur de Dieu. On quitte pour recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner. C’est le maître mot de la Bible : « shéma Israël, Ecoute Israël ». Fais confiance à ton Seigneur. Et c’est dans ce climat de confiance que, chaque jour, nous découvrons ce que nous devons quitter pour recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner. Une attitude de foi, une attitude de confiance.

Et nous montons avec Pierre, Jacques et Jean sur la montagne en suivant Jésus, parti pour prier. C’est pendant qu’il priait que son aspect fut transformé. Ah Pierre, mon ami, je crois qu’aujourd’hui, tu as perdu une occasion de te taire ! En face de Jésus transfiguré qui s’entretient avec Moïse et Elie, tu aurais pu prêter l’oreille et recueillir quelques bribes du dialogue extraordinaire dont tu étais témoin. Au lieu de ça, tu proposes de planter trois tentes : quelle drôle d’idée ! Peut-être veux-tu que ce moment hors du temps se prolonge ? Te croyais-tu déjà au ciel, dans cette patrie céleste où nous verrons Dieu face à face et où nous serons rassasiés de cette vision ?

Ne t’inquiète pas, tu vas vite être ramené à la réalité terrestre même si une voix du ciel se fait entendre, une voix qui demande, comme jadis à Israël, que l’on écoute : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! »

Eh oui, la vision béatifique qui durera éternellement, ce n’est pas pour tout de suite. Pierre, tu es encore en pèlerinage sur la terre où la condition de disciple, la tienne, comme la mienne et celle de tous les chrétiens, est d’écouter. Alors, avec Pierre, mettons-nous en marche à la suite de Jésus et tendons l’oreille à la Parole faite chair qui nous guide sur la route vers le Père.

Ce récit de la Transfiguration, est-il une manifestation glorieuse de la divinité de Jésus, comme on a trop tendance a le considérer ? N’est-il au contraire une mise en lumière de la réalité de serviteur souffrant du Christ ?

La Transfiguration est une révélation non pas sur Dieu, mais sur l’humanité. Pierre voudrait geler l’histoire de Jésus dans la manifestation de gloire sur la montagne, mais  il faut redescendre à Jérusalem où se passera ce que Jésus a annoncé. Le changement qui se produit a lieu dans les disciples et non en Jésus. Jésus est toujours rempli de la gloire de Dieu. Les disciples ne pouvaient pas voir cette gloire jusqu’à ce qu’ils soient introduits par Jésus dans sa prière. Encore insuffisamment préparés à cette révélation, car ils n’étaient pas encore passés par l’épreuve de la Croix, les disciples en furent fort effrayés. Mais quand ils relevèrent la tête, ils virent Jésus, seul, ayant retrouvé son aspect habituel, qui s’approcha d’eux et les rassura.

Nous sommes appelés nous aussi à être transformés. La plus grande de toutes les visions est de voir Dieu dans notre frère, dans notre soeur. Ayons la foi qui permet cette transfiguration de notre regard. Il est plus important que jamais de témoigner, à travers la qualité même de nos relations fraternelles de notre foi en la dignité de toute personne humaine créée à l’image de Dieu. Notre Transfiguration est liée à un cheminement spirituel progressif. Elle exige une conversion radicale à Dieu, un changement profond des mentalités, le contact et l’acceptation de Jésus  comme Sauveur. Les disciples doivent gravir une montagne, s’isoler des bruits de la terre pour contempler la gloire de Jésus. Ainsi, ne nous décourageons pas si nous rencontrons des difficultés à prier. Dégradation et transfiguration, contrainte et liberté, tout se ramène à nos choix. Nos choix peuvent voiler la lumière et rendre esclave.

Avec ce récit de la Transfiguration, Jésus rassurant nous invite à quitter notre confort pour se tourner vers ceux et celles qui ont besoin. En regardant vers le Christ, nous comprenons que nous sommes en voie de transfiguration. Il nous annonce  qu’au terme de notre combat contre les forces du mal, nous ne sommes pas seuls ; lui le Christ est là avec nous pour nous soutenir, nous porter ; nous sommes appelés à prendre part avec lui à la victoire de Pâques. Le plus important, c’est d’entendre cet appel du Père : « Ecoutez-le ! » Vous pouvez vous fier à lui, je vous demande de l’écouter, de le suivre dans la foi, même si vous ne comprenez pas tout maintenant. »

Cet appel à une vie transfigurée est offert à tous sans exception. Cela change tout dans le regard que nous portons sur les autres. Nous pensons en particulier à tous ces visages défigurés par la famine, les violences, la maladie, les méfaits de l’alcool, la guerre. C’estç) pour chacun d’eux que le Père nous dit : « Celui-ci est mon enfant bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour… » Nous voyons bien que ce monde est défiguré par tant et tant de souffrances, de mensonges et de mépris de la dignité des personnes. Mais nous sommes tirés par l’espérance de la Transfiguration finale. Rien ne pourra empêcher cette promesse du Christ de se réaliser. Alors oui, comme Abraham et bien d’autres, mettons-nous en route à la suite du Seigneur. Montons sur la montagne de la Transfiguration et accueillons Dieu. Lorsque la lumière de Dieu brille, elle nous permet de lui ressembler. Amen

6 mars 2023 |