* homélie du dimanche 3 mars 2024 (3e dimanche de carême)

par Francis ROY, diacre

Avec ce 3ème dimanche, nous voici presque au milieu du carême, alors je vous propose de jeter un regard d’ensemble sur les textes d’Evangile que l’Eglise nous propose pour vivre ce temps de conversion :

Premier Dimanche, les tentations de Jésus au désert pour nous montrer le chemin…du désert. Deuxième dimanche, la Transfiguration de Jésus pour qu’avec les disciples nous ayons l’objectif en vue : la Gloire de Jésus à laquelle il nous appelle, pour voir plus loin que la Croix. Aujourd’hui, tous les textes tournent autour de la Loi. Nous allons y revenir. Et puis avant le dimanche des Rameaux nous écouterons avec Nicodème, Jésus, nous redire qu’il est là pour nous sauver non pour nous juger. Enfin Jésus essaye de nous entrainer avec lui à donner notre vie pour vivre avec Lui. Un programme très pédagogique, un cheminement étape par étape. Et donc aujourd’hui la Loi.

Nous venons d’entendre la lecture des 10 commandements ou plutôt des 10 Paroles de Dieu à Moïse : « En ces jours-là, sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici ». Commandements ou pas ? Les enfants savent bien dire à leur frère ou leur sœur « tu n’es pas papa, tu n’es pas maman : c’est pas toi qui commande ». On n’aime pas les commandements. Mais rappelez-vous : « Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. » (Dt 30, 14-15) Si ce sont des commandements ils sont là plutôt pour baliser le chemin du bonheur. Dans la tradition juive, « ce n’est pas nous qui gardons les commandements, ce sont eux qui nous gardent ».

En réalité ce texte est souvent appelé le Décalogue et pour les juifs il s’agit bien de 10 Paroles. On commence souvent par « tu ne tueras pas, tu ne voleras pas… ». En réalité on est déjà aux cinquième et sixième Paroles. On oublie très souvent que les 4 premières Paroles nous parlent de Dieu, un Dieu unique, et du respect qui lui est dû. Le quatrième étant « Honore ton Père et ta Mère » et ensuite viennent les autres. C’est plutôt un ensemble de préceptes pour reconnaitre la place de Dieu, créateur de toutes chose et Maître de la Vie, de nos parents, qui sont les instruments de Dieu pour nous transmettre la vie, c’est d’ailleurs le pivot de ce Décalogue, et ensuite du respect de la vie : ne pas tuer, mais ne pas détruire la vie de son prochain, en le volant ou en brisant son couple, en le calomniant… Dans la tradition juive, au départ il y a 613 commandements. Mais le prophète Michée les réduit à trois : « ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. »(Michée 6, 8) Et même Amos les réduit à un : « Car ainsi parle l’Éternel à la maison d’Israël : Cherchez moi, et vous vivrez ». Car ce Dieu qui nous accompagne n’est as un gardien rigoriste et légaliste : c’est souvent le reproche que Jésus fait aux scribes et aux pharisiens : « Vous filtrez le moucheron, et vous avalez le chameau ! »

Et pourtant en entrant dans le Temple, Jésus semble très intraitable. Alors Dieu peut-il se mettre en colère ? Oui, lorsqu’il n’a plus d’autres moyens pour nous faire comprendre son amour, il peut utiliser un marteau-piqueur pour briser la carapace de béton dans laquelle nous nous sommes enfermés. J’en sais quelque chose : pour préparer mon ordination il y a 28 ans, j’ai vécu la retraite ignacienne de 30 jours. Le premier jour, mon accompagnateur me demande de rédiger en une page le résumé de ma vie de sainteté ! Après un temps d’étonnement sur cette demande, j’écris une page pleine avec tous les événements qui m’avaient paru important depuis ma naissance : joies, peines, vie de foi, vie familiale, etc.… Je donne ma prose à mon accompagnateur qui la lit attentivement et me la rend en me disant : « C’est super, mais ce n’est pas toi. » Imaginez mon étonnement. Je repars dans ma cellule pour recommencer et le lendemain je reviens avec un nouveau document. Même conclusion et retour dans ma cellule. Je refais mon papier et reviens le lendemain. De nouveau, même jugement et même conclusion. Je ne savais plus où j’en étais. J’ai failli tout lâcher et partir. Mais dans la nuit du 4ème jour le seigneur a fait exploser l’énorme blindage qui me coupait de la réalité en me faisant comprendre que ce qui m’avait protégé des accidents et ennuis de santé subis ce n’était pas moi et mon immunité personnelle mais tout simplement Lui et surtout pas la confiance immense que j’avais en moi. Il m’a tout simplement permis de retrouver la simple humilité qui n’aurait jamais du m’abandonner.

Mais l’esprit de la Loi dans tout ça ? Revenons à notre évangile : les commerçants avaient débordé jusque dans le Temple, le lieu de rencontre avec Dieu. Comme si à Lourdes les boutiques étaient dans les basiliques… « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Une relation d’amour ne se monnaye pas ou alors cela change de nom !

Rappelez-vous les Paroles de Michée : « ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. » (Michée 6, 8)

Pour notre marche vers Pâques, cela nous éclaire : ce chemin de justice et de fidélité nous fait changer de regard sur le monde qui nous entoure, sur le passage par la Croix à laquelle nous sommes appelés. Pour nous désencombrer : « Enlevez cela d’ici. » Pour que nous puissions atteindre le cœur de Dieu, libérés. Alors on peut se poser simplement la question : qu’est ce qui encombre notre cœur ? Qu’est ce qui encombre notre regard ? La loi, comme pour les pharisiens ? L’argent comme pour les changeurs ? L’invitation à aller faire un tour dans le désert tient toujours il reste encore du temps : « Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut. »

Alors, en marche, Jésus nous attend pour entrer avec Lui dans un Temple qui soit vraiment un lieu de rencontre avec Dieu : notre propre cœur.

Amen

1 mars 2024 |

* groupe Laudato si’ : parcours spirituel avec Laudate Deum

Parcours spirituel avec Laudate Deum

Le groupe Laudato Si ’partage à chaque rencontre la lecture du chapitre 6 de Laudate Deum. Cette exhortation apostolique diffusée le 4 octobre 2023, jour de la saint François d’Assise, se présente comme une suite à l’encyclique Laudato Si’  sur l’écologie intégrale, parue en 2015.

Dans cette exhortation le pape François lance un cri d’alarme à la veille de la COP 28.

«Nous ne réagissons pas assez, nous sommes proches du point de rupture ». Le pape critique les négationnistes ; « l’origine humaine du réchauffement climatique est indubitable».

Il conclut son message dans le chapitre 6, en nous rappelant que l’engagement à prendre soin de la Maison commune découle de la foi chrétienne. C’est là l’objet de méditation sur lequel nous nous centrons cette année.  Nous partagerons le fruit de notre méditation avec la communauté paroissiale au moment de la semaine Laudato Si, à la Pentecôte.

Découvrez le chapitre 6 de LAUDATE DEUM que nous partageons :   Les motivations spirituelles

  1. Je ne veux pas manquer de rappeler aux fidèles catholiques les motivations qui naissent de leur foi. J’encourage les frères et sœurs des autres religions à faire de même, car nous savons que la foi authentique donne non seulement des forces au cœur humain, mais qu’elle transforme toute la vie, transfigure les objectifs personnels, éclaire la relation avec les autres et les liens avec toute la création.

 À la lumière de la foi

  1. La Bible raconte que « Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon» ( Gn 1, 31). À lui appartiennent « la terre et tout ce qui s’y trouve » ( Dt10, 14). C’est pourquoi il nous dit : « La terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la terre m’appartient et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des hôtes » ( Lv 25, 23). Par conséquent, « cette responsabilité vis-à-vis d’une terre qui est à Dieu implique que l’être humain, doué d’intelligence, respecte les lois de la nature et les délicats équilibres entre les êtres de ce monde ». [36]
  2. D’autre part, « l’ensemble de l’univers, avec ses relations multiples, révèle mieux l’inépuisable richesse de Dieu ». Par conséquent, pour être sages, « nous avons besoin de saisir la variété des choses dans leurs relations multiples ». [37]Sur ce chemin de sagesse, il n’est pas sans importance pour nous que nombre d’espèces disparaissent et que la crise climatique mette en danger la vie de tant d’êtres.
  3. Jésus « pouvait inviter les autres à être attentifs à la beauté qu’il y a dans le monde, parce qu’il était lui-même en contact permanent avec la nature et y prêtait une attention pleine d’affection et de stupéfaction. Quand il parcourait chaque recoin de sa terre, il s’arrêtait pour contempler la beauté semée par son Père, et il invitait ses disciples à reconnaître dans les choses un message divin ». [38]
  4. En même temps, « les créatures de ce monde ne se présentent plus à nous comme une réalité purement naturelle, parce que le Ressuscité les enveloppe mystérieusement et les oriente vers un destin de plénitude. Même les fleurs des champs et les oiseaux qu’émerveillé il a contemplés de ses yeux humains, sont maintenant remplis de sa présence lumineuse ». [39]Si « l’univers se déploie en Dieu, qui le remplit tout entier, il y a donc une mystique dans une feuille, dans un chemin, dans la rosée, dans le visage du pauvre ». [40]Le monde chante un Amour infini, comment ne pas en prendre soin ?

 Marcher en communion et avec engagement

  1. Dieu nous a unis à toutes ses créatures. Pourtant, le paradigme technocratique nous isole de ce qui nous entoure et nous trompe en nous faisant oublier que le monde entier est une “zone de contact”. [41]
  2. La vision judéo-chrétienne du cosmos défend la valeur particulière et centrale de l’être humain au milieu du concert merveilleux de tous les êtres, mais aujourd’hui nous sommes obligés de reconnaître que seul un “anthropocentrisme situé” est possible. Autrement dit, reconnaître que la vie humaine est incompréhensible et insoutenable sans les autres créatures parce que « nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble ». [42]
  3. Cela n’est pas le produit de notre volonté, cela a une autre origine qui est à la racine de notre être, car « Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun ; et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation ». [43]Ainsi, nous mettons fin à l’idée d’un être humain autonome, tout-puissant et illimité, et nous nous repensons pour nous comprendre d’une manière plus humble et plus riche.
  4. J’invite chacun à accompagner ce chemin de réconciliation avec le monde qui nous accueille, et à l’embellir de sa contribution, car cet engagement concerne la dignité personnelle et les grandes valeurs. Toutefois, il faut être sincère et reconnaître que les solutions les plus efficaces ne viendront pas seulement d’efforts individuels, mais avant tout des grandes décisions de politique nationale et internationale.
  5. Cependant, tout s’ajoute, et éviter l’augmentation d’un dixième de degré de la température mondiale peut déjà suffire à épargner des souffrances à de nombreuses personnes. Mais, ce qui compte est une chose moins quantitative : rappeler qu’il n’y a pas de changement durable sans changement culturel, sans maturation du mode de vie et des convictions des sociétés, et il n’y a pas de changement culturel sans changement chez les personnes.
  6. L’effort des ménages pour polluer moins, réduire les déchets, consommer avec retenue, crée une nouvelle culture. Ce seul fait de modifier les habitudes personnelles, familiales et communautaires nourrit l’inquiétude face aux responsabilités non prises des secteurs politiques et l’indignation face au désintérêt des puissants. Nous remarquons donc que, même si cela n’a pas immédiatement un effet quantitatif notable, cela aide à mettre en place de grands processus de transformation qui opèrent depuis les profondeurs de la société.
  7. Si nous considérons que les émissions par habitant aux États-Unis sont environ le double de celles d’un habitant de la Chine, et environ sept fois supérieures à la moyenne des pays les plus pauvres, [44]nous pouvons affirmer qu’un changement généralisé du mode de vie irresponsable du modèle occidental auraient un impact significatif à long terme. De la sorte, avec les décisions politiques indispensables, nous serions sur la voie de l’attention mutuelle.
  8. « Louez Dieu » est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même.

Donné à Rome, Saint-Jean-de-Latran, le 4 octobre, fête de saint François d’Assise, de l’année 2023, la onzième de mon Pontificat.  FRANÇOIS

2 février 2024 |

* homélie du 31 décembre 2023 (Sainte-Famille)

par Francis ROY, diacre

Si nous nous en tenons à une brève lecture des textes d’aujourd’hui, nous pourrions penser qu’elles nous présentent de drôles de familles ! Des parents qui ont l’âge d’être arrière-grands-parents ! Une jeune vierge qui enfante ! En vérité elles sont inimitables ces familles. La seule chose qu’il nous faut considérer – comme nous y invite la lettre aux Hébreux – c’est la foi dont a fait montre chacun de leurs membres.

La naissance d’un enfant est un moment de grande joie, un moment où tous les possibles semblent ouverts, où l’amour d’alliance donne son fruit le plus concret. Un enfant représente tant pour ses parents ! Et pourtant aujourd’hui nous entendons cette parole : « Et toi même ton cœur sera transpercé par une épée ». La fête d’aujourd’hui n’a rien de romantique et de fleur bleu. Combien de conflits peuvent naître dans la famille… Nous savons que ce lieu – si décisif pour chacun d’entre nous – est aussi le lieu où se révèlent la fragilité et la vulnérabilité de chacun, le lieu où l’amour s’accompagne parfois de blessures profondes, de souffrances qu’il est bien difficile de soulager.

Les textes qui nous sont proposés rappellent certaines des plus lourdes épreuves que peut connaître un couple : l’enfant qui ne vient pas et qui met à l’épreuve le désir de vie porté par ses parents, avec Abraham et Sara ; l’enfant qui « provoquera la chute et le relèvement de beaucoup », l’enfant qui sera signe de contradiction et qui mourra avant sa mère… Que nous disent ces textes de décisif pour nous aujourd’hui ? L’offrande faite par Joseph et Marie, n’est pas un acte dépassé, correspondant à un rite dépassé, en un lieu dépassé. Au contraire ! Ce geste d’offrande, qui rappelle l’offrande faite par Abraham, nous remet dans le cœur l’essentiel : que l’enfant n’appartient pas à ses parents, plus profondément, que l’enfant n’est pas là pour combler les désirs et les espérances de ses parents. Ce sont des créatures de Dieu, appelés à un chemin unique que nul ne pourra discerner à leur place, et surtout pas leurs parents. Certes leur famille sera ce lieu privilégié où ils pourront découvrir leur vocation et leur chemin particulier. Nul ne doute que Jésus ait beaucoup appris dans sa maison de Nazareth. Il y a appris à aimer le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de toutes ses forces et son prochain comme lui-même. Il y a appris à mettre la foi à la première place.

Pourquoi la famille, malgré toute ses limites dues à la faiblesse des hommes et au fait que nul n’aime comme Dieu n’aime, demeure un lieu irremplaçable ? Et aujourd’hui plus que jamais. Nous vivons dans un monde marqué par la logique du contrat, par la logique du quantifiable et de l’utilitaire. Les relations humaines y sont régies le plus souvent par le calcul de l’intérêt individuel. Or la famille – et le couple dont elle procède – ne vit vraiment que dans une logique de spontanéité et de gratuité. La famille est une oasis de gratuité dans un monde d’utilité. C’est ce qui fait sa valeur. Les parents sont heureux de donner sans compter, sans calculs ; les enfants sont heureux de recevoir sans souci, sans penser que cela est dû à leurs mérites, à leurs performances ou à leurs bulletins de notes !

Une famille vit selon l’esprit des différents types d’amour qui la composent : conjugal, parental, fraternel. Cet amour circule comme dans une danse, un tourbillon, où chaque amour renvoie à un autre amour. Contemplant ses enfants, la mère de famille pense avec amour à son mari. Admirant sa grande sœur, un frère se souvient avec amour de ses parents. Bien sûr, ce cercle n’est jamais parfait ; tant de blessures l’affectent. Pourtant, à son meilleur, il nous laisse entrevoir ce que peut être la danse de l’amour trinitaire, ce que les Pères grecs appelaient la périchorèse. Alors nous ne sommes plus surpris que le Dieu de Jésus soit un Père qui aime d’un amour maternel. Car nos familles humaines peuvent nous ouvrir une fenêtre sur l’amour divin quand elles laissent l’amour d’oblation et non de possession les irriguer et les transformer.

Sur ce chemin long et complexe, la Sainte Famille nous offre une pédagogie. Elle témoigne d’une foi et d’une espérance. Tout spécialement Marie. De la crèche à la croix, de la paille au tombeau, Marie a gardé confiance. La vie n’est possible que si la confiance existe. Car la confiance ouvre à l’amour. Ce long travail d’approche a commencé dans la nuit des temps, aussi loin que la mémoire du peuple d’Israël peut remonter dans le passé. Abraham, le père des croyants, n’attendait plus rien de la vie. Il fit seulement confiance en Dieu : il eut foi en Dieu. Abraham ne pouvait imaginer la descendance de croyants, et pourtant nous en sommes. Marie, elle aussi, garda confiance et fut témoin de la résurrection de Jésus.

Avec la Sainte Famille, plus rien de ce qui est humain n’est étranger à Dieu, mais surtout, plus rien de ce qui est de Dieu n’est étranger à la famille. Et ceci quelles que soient nos situations de famille. Pour nous aider à vivre notre chemin fraternel et familial, nous avons besoin de la prière. Besoin que l’on prie pour nous et nous de prier pour les autres, de prier notre Père pour notre famille mari, femme, enfants, petits enfants, pour toutes les familles de la terre et pour la paix du monde.

Oui, souvenons-nous de cette Sainte famille où chacun à sa façon, Marie, Joseph, Jésus, chacun a dit OUI, un OUI entier à Dieu, et prions avec elle pour que, nous aussi dans chaque moment de notre vie, dans la joie ou la peine, avec ceux qui nous accompagnent, pour ceux qui nous aident, nous sachions dire intimement Oui à Notre Père qui nous aime.

Amen.

Francis ROY

5 janvier 2024 |

* homélie du 3 décembre 2023 (ler dimanche de l’Avent)

par Francis Roy, diacre,

Je ne sais pas si c’est le fait du hasard – le hasard existe-t-il ? – mais c’est aujourd’hui le sixième anniversaire du changement de la sixième demande du Notre Père : « Ne nous soumets pas à la tentation » pour « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Or, les textes de ce premier dimanche de l’Avent de l’année B nous donnent justement quelques points de méditation qui semblent justement très en lien avec cette sixième demande, celle qui met le doigt sur notre combat spirituel, notre confrontation au mal, nos choix face à ce mystère du mal.

Première lecture : « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? » se lamente le prophète Isaïe, huit siècles avant que Jésus ne nous livre sa prière. On n’est pas loin de « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Et cette lamentation d’Isaïe, qui, en fait, est un cri d’espérance, se termine par « tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes » comme pour dire à la fois la responsabilité de l’homme : « nos fautes », et la responsabilité de Dieu : « tu nous as livrés ». Mais aussitôt après, il poursuit : « Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. ». En se souvenant que Dieu est notre Père, il nous situe comme les enfants bien aimés d’un père bienveillant, qui laisse à ses enfants la liberté, y compris la liberté de choisir le bien ou le mal.  « Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? »  L’image d’un dieu père employée par Isaïe est radicalement différente de l’image d’un dieu tyran, comme ces nombreux dieux vénérés et redoutés par les peuples voisins d’Israël.

On est déjà dans ce livre d’Isaïe sur le questionnement : qui est responsable du mal ? Dieu ou l’homme ? Question philosophique, métaphysique, théologique, ontologique… question éternelle de l’homme face à sa condition d’homme, et qui nous préoccupe encore aujourd’hui, comme le montre ce soucis de clarification dans la prière du Notre Père : Dieu est-il celui qui nous soumet à la tentation, ou celui qui laisse l’homme libre de ses choix ?

Nous avons ensuite chanté le psaume 79 en disant à la fois : « Dieu, fais-nous revenir » et « Dieu de l’Univers, reviens ! » ce qui marque bien cette dualité : liberté de l’homme : « fais-nous revenir » et action nécessaire de Dieu : « reviens ! ». Car pour que nous puissions revenir à lui, nous avons besoin qu’il revienne à nous. Nous sommes tellement démunis face au mal, à la souffrance, qu’il nous est parfois impossible de revenir à Dieu sans son aide. Et ce psaume implore Dieu pour qu’il vienne à notre secours, afin que la tentation du désespoir ne l’emporte pas sur l’espérance.

Le combat spirituel de l’homme, c’est-à-dire en fait son attitude face à la tentation, traverse toute la Bible. Et toujours, les croyants qui ont construit ce grand livre de notre histoire humaine, ont affirmé leur foi ainsi : ce combat sera victorieux s’il s’appuie sur la confiance en Dieu. C’est St Paul, dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, qui nous le redit, en parlant du Christ Jésus : « c’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout ». Affirmant ainsi que, loin d’être celui qui nous tente, il est celui qui nous aide à sortir victorieux de l’épreuve de la tentation.

Terrible épreuve, en vérité. Car la tentation n’est pas le péché, comme la faiblesse n’est pas le péché. Le péché, c’est d’avoir succombé à la tentation, pas d’y être soumis. Le péché, c’est d’avoir laissé notre faiblesse livrée à elle-même, sans demander à Dieu son secours. La tentation est une constante, elle est toujours devant nous, en permanence. Elle est une question sans cesse posée à notre conscience : « choisiras-tu le bien ou le mal ? » Le péché, si péché il y a, ne vient qu’après. Il n’est que la conséquence inéluctable de notre mauvais choix face à cette question. Nous n’avons donc pas à demander pardon pour notre faiblesse. Car notre faiblesse est intimement liée à notre condition d’homme ; elle nous révèle que nous ne sommes pas Dieu, qui, lui seul, est fort. Dieu aime notre faiblesse : il nous a faits avec ! Ce n’est pas un péché d’être faible. Reconnaître notre faiblesse est au contraire un atout, une arme, qui nous pousse à nous tourner vers Dieu pour lui demander sa force.

Être soumis à la tentation ne fait donc pas de nous des pécheurs, mais des êtres responsables. Elle nous oblige à un discernement, que nous soyons croyants ou pas. Ce discernement, on peut évidemment le faire seul, ou avec l’aide d’amis, de proches, ou en cherchant des pistes dans des livres, sur internet, ou même en calquant sa conduite sur celle que préconisent les médias. Mais le croyant est celui qui ne discerne pas sans demander l’aide de Dieu. Comme Isaïe qui implore Dieu de lui venir en aide ; comme le psalmiste qui fait confiance à son Dieu comme à un père ; comme St Paul qui affirme avec force et insistance sa foi en un Dieu bienveillant, son espérance en un Dieu qui donne avec générosité : « aucun don de grâce ne vous manque » nous dit-il, et donc « vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ » si vous faites appel à lui dans la tentation.

Oui, la tentation est toujours devant nous. C’est pourquoi, et nous rejoignons l’Evangile d’aujourd’hui, il nous faut être vigilants : « Prenez garde, restez éveillés, car vous ne savez pas quand ce sera le moment » nous dit Jésus. « Veillez donc ! » insiste-t-il. Il sait de quoi il parle, lui qui a été tenté au désert. Lui qui dira à Dieu au moment de son agonie « pourquoi m’as-tu abandonné ? » ultime tentation au moment de vérité, au moment où tout semble perdu. Quelques heures plus tôt, il avait dit à ses disciples qui l’accompagnaient au jardin de Gethsémani : « veillez et priez pour ne pas entrer en tentation ». C’est ainsi que nous disons désormais la sixième demande du Notre Père : « ne nous laisse pas entrer en tentation ». Nous le demandons à Dieu, comme le Christ nous l’a lui-même demandé, avec les mêmes mots. Si nous lui demandons, c’est que nous croyons qu’il peut répondre à notre demande. C’est affirmer notre foi, notre confiance en ce Dieu-Père plein de bonté ; c’est reconnaître humblement notre faiblesse, notre incapacité et peut-être même notre désarroi face à certains choix que la vie met devant nos pas.

Alors, en ce début de temps de l’Avent qui nous ouvre la route jusqu’à Noël, la venue de Dieu parmi nous, veillons, restons en éveil, demandons à Dieu non-pas de nous éviter la tentation, mais demandons-lui de nous aider à ne pas y entrer, c’est-à-dire à ne pas céder, à ne rien lâcher de ce qui nous relie à son amour.

Joyeux temps de l’Avent, illuminé par l’espérance ! Amen.

5 décembre 2023 |

* prière pour la COP 28

Dieu Créateur, Tu nous offres le monde comme un don qui surgit de ta main ouverte . Nous n’avons pas su en prendre soin : Nous avons oublié de nous émerveiller Et nous avons vu ta création comme une simple ressource Et nous en avons fait l’esclave, la victime de notre caprice .

Aujourd’hui, les conséquences du changement climatique frappent les personnes les plus vulnérables  La sécheresse, les inondations, les vagues de chaleur, les incendies et les tempêtes qui se produisent partout dans le monde sont les signes d’un même mal. Nos réactions sont insuffisantes alors que notre monde s’approche peut-être d’un point de rupture .

Aide-nous à entendre la clameur de la terre et des pauvres À avoir le courage de prendre une douloureuse conscience de ce qui se passe dans le monde D’oser le transformer en souffrance personnelle Pour reconnaître la contribution que chacun peut apporter . Aide-nous à devenir des “poètes sociaux” Qui ont la capacité et le courage de faire naître l’espoir là où il ne semblait y avoir qu’abus et exclusion À transformer nos modes de vies en avançant sur ce chemin de conversion qui crée une nouvelle culture ayant le pouvoir de transformer le monde depuis les profondeurs de la société . Et à faire naître un dialogue où chacun a sa place parce que personne ne se sauve tout seul .

Aide les responsables qui seront réunis à la COP 28 à ne pas juste avoir conscience du problème mais à avoir le courage de faire des changements substantiels  Guide les pour qu’il fassent de cette COP 28 un moment historique, qui nous honore et nous ennoblit en tant qu’êtres humains en s’engageant vers la transition énergétique et la fin des énergies fossiles dans un processus radical et intense, qui compte sur l’engagement de tous . Fais d’eux des stratèges capables de penser au bien commun et à l’avenir de leurs enfants .

Conduis-nous sur le chemin de la réconciliation avec le monde qui nous accueille  et de l’attention mutuelle . Amen

Cette prière est inspirée de Laudato Si, Laudate Deum et du film La Lettre.

VOUS POUVEZ AUSSI REJOINDRE LA CHAINE DE PRIERE SUR LE SITE

https://hozana.org/communaute/11819-prions-pour-la-cop-28-avec-laudate-deum-et-laudato-si

3 décembre 2023 |

* homélie du 22 octobre 2023

par Francis ROY, diacre

Rendez à Dieu…

« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »… Il y a comme ça dans la bible des phrases que bien des personnes utilisent sans même savoir qu’elles sont Parole de Dieu. Cette maxime, souvent utilisée, a été parfois détournée de son objectif, comme par exemple, pour lui faire dire que l’argent est le mal personnifié, qu’il serait préférable d’être pauvres. Mais nous le savons bien, la pauvreté matérielle, le manque d’argent, la misère ne sont, par eux seuls, ni un bien, ni un chemin de salut ! C’est trop souvent une souffrance, une injustice révoltante, un état qui crée des inégalités, des rejets, des refus et ce n’est pas juste. L’argent n’est pas un mal en soi, c’est sa mauvaise utilisation, son besoin exagéré, son idolâtrie qui détournent de Dieu et de son dessein en révélant l’orgueil et l’envie, instaurant des différences sociales inacceptables, générant des violences écartant de ce Dieu qui veut nous voir en paix, heureux de vivre en frères, dans la joie du partage et de l’amour fraternel. Un Dieu fidèle disant à chacun sa valeur et sa dignité.

Pourtant, comme dans les béatitudes, par exemple, Jésus nous invite souvent à la pauvreté. Certes, mais c’est d’abord celle du cœur, celle de ceux qui se reconnaissent petits devant Dieu, petits, humbles et simples, de ceux qui ne se voient pas intouchables, tout puissants ou supérieurs, et vous en conviendrez, il ne s’agit pas là de la même pauvreté.

« Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »…Ce que nous dit Jésus dans cette réplique aux pharisiens, c’est qu’il ne faut pas tout mélanger, tout mettre au même niveau, ne pas tomber dans un relativisme fade et mou dans notre vie de tous les jours. Nous avons à vivre comme chrétien, comme croyant, sans nous cacher, à être animé au travail, à la maison, au volant ou à l’école de cette foi en Christ ressuscité sans y mêler et sans y faire dépendre nos tracasseries administratives, financières ou scolaires. Vivre dans la société actuelle crée des obligations et des contraintes mais ne succombons pas aux sirènes et aux penchants actuels d’un individualisme forcené, du toujours gagner plus en oubliant que derrière chaque service, chaque commerce, chaque produit vit une femme, un homme, un frère en humanité, en Christ.

« Rendre à César », on pourrait dire : rendre à l’état, à la société civile, à la nation ce qui lui revient, rendre ce qui est du niveau sociétal, social, administratif, financier ou politique mais en se battant évidemment pour que le message de l’évangile soit écouté, entendu et respecté par eux. Mais alors : qu’avons-nous à rendre à Dieu ?

Ce que nous avons à rendre à Dieu, c’est ce que nous sommes, l’être que nous incarnons. Si je rends à César ce qui est à son image, comme cette pièce d’argent dans l’évangile, je rendrai à Dieu ce qui est aussi à son image : l’homme. Dans le livre de la Genèse Dieu n’a-t-il pas dit: « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance ». Alors rendons-lui ce qui lui revient : notre être, notre vie d’homme, la dignité humaine, la fraternité et surtout, tout l’amour qu’il nous donne sans cesse.

C’est en honorant l’homme, frère en humanité, frère dans la paternité que nous proclamons dans la prière de Jésus, que nous rendrons à Dieu ce qui est à son image. Honorer, magnifier, glorifier Dieu par et avec la personne qui est à mes côtés. Alors qu’en est-il de mon regard, de mon attention face à celui que je ne connais pas, celui qui n’est pas comme moi, ce jeune avec ses piercings ou ses écouteurs, cet ancien qui se plaint du bruit, cet étranger qui ne vit pas comme moi, cette personne porteuse de handicaps qui révèle mes limites et réveille mes angoisses ?

Nous l’acceptons volontiers et nous en sommes pour beaucoup convaincus, la paternité de notre Dieu nous fait tous frères, enfants d’un même père dont nous avons reçu son Esprit. Cet Esprit Saint qui nous anime quand nous sommes en vérité. Comme Adam dans la livre de la Genèse reçoit de Dieu le souffle de Vie, nous sommes ses enfants vivants de son souffle divin, nous lui appartenons. Pour répondre à la demande de Jésus « rendre à Dieu ce qui lui revient », Il faut rendre à chacun de ses enfants ce qui lui est propre, ce qui le compose : sa personnalité, sa dignité, sa spiritualité, son unicité, son héritage divin et l’amour qu’il est en droit d’attendre de moi.

Il ne s’agit pas d’assistanat, de condescendance, de charité déplacée encore moins de pitié. Non ! Il s’agit seulement et uniquement d’amour, d’amour partagé dans une foi active. Après les prophètes de l’ancien testament, après Jésus dans son évangile, St Jean nous le rappelle : « Dieu est amour ». C’est dans cette dynamique, avec cette certitude accrochée au cœur que nous avons à nous engager comme chrétien. Que je sois face à une personne avec handicap, ou que je vive moi-même le handicap : regarder et voir l’autre, lui faire confiance, me mettre à son écoute, l’accueillir tel qu’il est, ouvrir mon cœur et mon esprit pour vivre la rencontre et l’accompagner si c’est sa volonté, c’est ma mission de baptisé.

Nous terminons ce dimanche la prière de la semaine missionnaire mondiale dont le thème est : « Des cœurs brûlants, des pieds en marche »

En vivant le service du frère dans la paix et l’amour fraternel, aidé par la prière, nourri par la Parole, confiant en l’Esprit qui habite chaque homme, je pourrai rendre à Dieu tout ce qu’il me donne et qui lui appartient : son amour présent au cœur du monde qui fait notre unité.

Alors, oui, nous pourrons redire simplement, comme nous le chantons parfois dans nos célébrations : « Tout homme est une histoire sacrée, l’homme est à l’image de Dieu »

Amen.

26 novembre 2023 |

* Homélie du dimanche 27 août 2023

dernière homélie du Père Denis Erazmus

Un chant utilisé dans la Liturgie des Heures, nouveau nom du Bréviaire, dit « Qui donc est Dieu, pour nous aimer ainsi fils de la terre ? Qui donc est Dieu pour nous donner son Fils ? ».

Cette question taraude l’homme dans sa quête de sens pour la vie du monde et de la création, ainsi que pour sa propre vie. Si Dieu existe, qui est-Il ? Quel visage nous Lui donnons ? Comment nous nous Le présentons, à nous et aux autres ? On pourrait faire un sondage, comme Jésus le fit. Il interroge ses proches, ses disciples, sur l’identité du Fils de l’homme perçue par les autres et par eux-mêmes. Pour les gens, le Fils de l’homme fait figure de prophète, tel Jean
le Baptiste pourtant mort décapité dans sa prison, ou tel Élie élevé au ciel dans un char de feu sous le regard contemplatif d’Élisée, ou tel Jérémie ou autre prophète. Le Fils de l’homme serait donc un prophète, un homme, choisi par Dieu pour parler et agir en son Nom.

Après cette réponse des disciples, Jésus interroge ses disciples non plus sur l’identité du Fils de l’Homme présenté dans l’Ancien Testament comme à venir, mais sur ce qu’Il est Lui, en personne, en leur disant : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Interrogation orale qui attend une réponse de tous. Pourtant, seul Pierre répond, sans doute au nom des autres, inspiré par Dieu le Père qui est aux cieux. Avec autorité et sans mollir, Pierre proclame l’identité
de Jésus comme « le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Mais cette affirmation ne vient pas de sa science, ni de son intelligence, ni de sa réflexion, ni même de sa relation avec Jésus.

Cette affirmation vient d’en haut, comme Jésus le dit ailleurs dans son Évangile en saint Jean, affirmant que « nul ne connaît le Fils sinon le Père et celui à qui le Père veut bien le révéler ». Cette affirmation reprend celle qui fut donnée lors du baptême de Jésus et qui sera renouvelée plus tard lors de sa Transfiguration, où une voix venue du ciel le désignait publiquement comme « le Fils bien-aimé » du Père qui met en Lui toute sa joie paternelle et divine. Cette voix est
celle du Père céleste. Et voici que Dieu le Père révèle à Pierre qui est Jésus en vérité : Il est le Messie ou Christ, celui annoncé par les prophètes depuis des siècles auparavant et plus encore, Il est « le Fils de Dieu », non pas un fils de Dieu, mais « le Fils de Dieu », son unique selon
sa divinité et dans sa relation intime et réciproque avec le Père, son Père et notre Père. Pour se révéler, Dieu inscrit sa parole dans le cœur de l’homme. Il nous faut donc accueillir cette révélation venue d’en haut pour nous habiter ici-bas afin d’en témoigner comme Pierre, Marie, Joseph et tant d’autres disciples du Christ. Jésus instruit les siens de sa volonté de bâtir « son » Église sur Pierre, lui confiant ultérieurement les clefs de son royaume ainsi que le pouvoir de délier sur la terre, comme Il le fit lors de son passage chers les hommes.

Frères et sœurs, regardons l’Église comme celle que Jésus-Christ construit dès ici-bas, avec le concours de notre foi et de notre témoignage sur son identité et sur sa mission de Sauveur. Osons croire que, malgré ses errements, ses défaillances, ses lâchetés, ses exagérations et les péchés de ses membres, l’Église est et demeurera l’œuvre du Christ, que rien ne pourra détruire, ni faire mourir, selon sa promesse. Grâce au Christ ressuscité, l’Église s’en sortira toujours, non seulement par l’agir des chrétiens mais, en premier, par la grâce de l’Esprit Saint que nous avons reçu pour nous conduire dans la Vérité tout entière et nous défendre devant
l’ignorance ou l’adversité. Ayons à cœur d’accueillir les paroles du Christ comme paroles qui Le révèlent Lui, son Père et l’Esprit Saint. Que ses paroles nous habitent, nous illuminent et qu’elles nous animent dans notre charité envers les autres, proches ou lointains, croyants ou non. Vivons notre vocation de baptisé(e) comme serviteurs de la Vérité que Dieu nous révèle et qui conduit à vivre en communion avec Lui et avec les autres et, avec le psalmiste, rendons grâce
pour son Amour et sa Vérité, chemin de la vie éternelle et œuvre de son cœur divin, Amen !

28 août 2023 |

* homélie du dimanche 20 août (fête de St Bernard)

par le père Denis Erazmus

Avec Isaïe, nous sommes au temps de la promesse du salut qui approche, qui vient, acte par lequel Dieu va révéler sa justice. Et pour en vivre, il suffit d’être attaché au Seigneur, de l’honorer, d’aimer en son Nom, d’être ses serviteurs, d’observer le sabbat et de tenir ferme à son alliance. Alors Dieu conduira les siens sur sa montagne sainte, et les comblera de joie dans sa maison de prière, le Temple, appelé à devenir « maison de prière pour tous les peuples ».
Isaïe souligne l’universalité du salut proposé à tous, juifs ou pas, comme dans le Ps 66 ayant pour prière que le salut soit « connu parmi toutes les nations » ; universalité du salut que rependra saint Paul, apôtre des nations païennes qu’il évangélise. Dieu est le vrai Berger : en personne, Il veut conduire son troupeau et l’élever sur sa sainte montagne, pour y être honoré par des holocaustes et des sacrifices selon les préceptes de l’ancienne Alliance. Dieu, Pasteur de tous les hommes : de son peuple premier élu et des étrangers disposés à recevoir ce salut annoncé par Isaïe, pour qu’avec le psalmiste les croyants clament : « Ma lumière et mon salut, c’est le Seigneur ».

Dieu suscite aussi la joie chez celles et ceux qui croient en Lui, en sa Parole délivrée par les prophètes successifs, puis, en plénitude, par son Fils Bien Aimé, le Verbe fait chair et fait homme parmi les hommes. Cette joie divine arrive au cours de la prière, aux moments où les hommes prennent le temps de se présenter à Dieu avec ce qu’ils vivent et de solliciter son soutien, sa force, sa grâce, pour vivre dans la fidélité cette alliance qui relie à Lui, un jour et pour toujours, grâce à Jésus-Christ, qui s’est offert en sacrifice pour réconcilier l’humanité avec
Dieu son Père et la conduire sur le chemin de la Vie éternelle, chemin qu’Il trace par sa vie donnée et par son enseignement. Joie donnée par Dieu et reçue dans la foi par ses fidèles. Joie qui se communique et se partage par le témoignage auprès des autres. Joie qui vient combler l’homme dans ses attentes, dans ses aspirations à vivre heureux et confiants dans la vie qu’il reçoit des mains de Dieu. Joie d’entrer dans la justice de Dieu, pleine de respect et de miséricorde pour tous les pécheurs, de ce Dieu qui voudrait gouverner le monde des hommes avec droiture.
Joie d’être illuminé par la présence, ô combien mystérieuse, de Dieu dans le monde, d’hier à aujourd’hui, et de porter sa lumière autour de soi et à tout autre, comme cela est demandé lors du baptême. Joie appelée à rayonner le bonheur d’être aimé et d’être appelé par Dieu pour devenir son serviteur, sa servante, à l’image et à la suite de la Vierge Marie, Mère du Christ et notre Mère dans le ciel, à l’image et à la suite des apôtres qui ont suivi le Christ jusqu’à sa propre résurrection dont ils furent les témoins et les annonciateurs.

Joie, dans le récit de l’Évangile, de cette femme cananéenne, récompensée pour son audace et son insistance envers Jésus, qu’elle appelle « fils de David » et dont elle implore la pitié et le secours, non pour elle-même mais pour sa fille tourmentée par un démon. Témoignant de sa grande foi qu’elle manifeste
en Lui, Jésus satisfait sa demande, sur le champ, en guérissant à distance son enfant malade.

Aujourd’hui, Dieu nous appelle tous à Le servir avec joie et confiance en Lui, en sa Parole, en son Fils, Sauveur de toutes les nations. Unissons donc nos voix à celle du psalmiste ; demandons à Dieu qu’Il nous bénisse et soyons attachés plus fermement à son Alliance unique et définitive, scellée dans le don que Jésus fait de sa vie pour tous. Accueillons ces paroles du prophète Michée, disant : « Le Seigneur t’a fait savoir ce qui est bien, ce qu’il réclame de toi : pratiquer la justice, aimer la miséricorde et marcher humblement avec ton Dieu ».

Et bien, que Dieu, juste et miséricordieux, répande en chacun, chacune, la ferveur de sa charité pour que nous vivions en serviteurs et en servantes de sa Présence et de son Amour, capables d’accueillir les cris des gens d’aujourd’hui, afin qu’unis au Christ ressuscité, nous tâchions d’y répondre avec bonté et empressement, pour hâter la venue du Règne de Dieu, comme nous le prions dans le Notre Père.

20 août 2023 |

* homélie du 15 août 2023 (solennité de l’Assomption de la Vierge Marie)

par le père Denis Erazmus

Marie, une fille du peuple d’Israël, vient de rencontrer l’ange envoyé par Dieu pour lui annoncer que Dieu l’a choisie pour qu’elle devienne la mère du Sauveur, prénommé Jésus.
Marie accepte son offre et, se présentant comme servante du Seigneur, elle se met à la disposition de l’Esprit Saint qui conçoit en elle un fils qui recevra le nom de Jésus et qui sera appelé « Fils de Dieu », selon les paroles de l’ange de Dieu. Ayant achevé ce rendez-vous avec l’ange
Gabriel, et après avoir offert ses services pour que, dans notre chair humaine, Dieu vienne sauver les hommes et le monde, Marie ne peut garder cette annonce merveilleuse pour elle seule.

Ayant appris que sa parente Élisabeth en était au sixième mois de sa grossesse, elle se met en route pour la visiter en Judée, dans sa propre maison. Elle part rapidement, « avec empressement » écrit saint Luc, comme s’il y avait urgence de rencontrer sa parente enceinte et de lui partager cette nouvelle extraordinaire du mystère de l’Incarnation du Fils en Dieu à laquelle elle a choisi de contribuer en s’offrant comme une nouvelle arche d’alliance de Dieu avec les hommes de son peuple et avec tous. Dans sa rencontre avec Élisabeth, elle déclenche le tressaillement de l’enfant que sa parente porte en elle, prélude à la venue de l’Esprit Saint qui vient remplir Élisabeth. C’est donc dans l’Esprit Saint et par l’Esprit Saint, qu’Élisabeth se met à crier, et à crier d’une voix forte, pour partager au plus grand nombre de son entourage, cette révélation qu’elle vit avec la visite de la Vierge Marie chez elle. Élisabeth, inspirée de l’Esprit Saint,
proclame Marie bienheureuse, ainsi que « le fruit de ses entrailles ». Elle clame que Marie est « la mère de son Seigneur ». Elle s’étonne de sa visite en tant que telle, elle qui se sent petite, voire indigne d’être choisie pour être témoin de ce mystère, elle qui sait que Marie a cru à l’accomplissement des paroles du Seigneur et qui magnifie sa foi et son bonheur de croire.

Et dans cet élan de l’inspiration divine, Marie prend la parole. Elle clame sa gratitude envers Dieu qui s’est penché sur elle, humble servante, Lui qui l’inscrit comme bienheureuse pour tous les âges. Elle remercie Dieu d’avoir accompli, pour elle, des merveilles, et notamment celle de sa maternité en route. Elle clame la sainteté et la miséricorde de Dieu destinée à tous, ainsi que la puissance de Dieu qui déboute les orgueilleux et renverse les puissants de ce monde. Elle professe que ce Dieu d’Amour et d’Alliance nouvelle et éternelle « élève les humbles »,
prend soin des petits qu’Il veut accompagner, choyer et chérir. Elle témoigne d’un Dieu qui ne peut se résoudre à voir les siens manquer de nourriture. Elle dit que la vraie richesse est celle qui vient de Dieu, et non de soi. Elle parle du relèvement d’Israël, qui a chuté en se détournant de Dieu et de ses commandements. Elle témoigne d’un Dieu qui « se souvient de son amour » et « de sa promesse » aux patriarches et à leurs descendants. Puis, ayant achevé sa prière, Marie
demeure chez Élisabeth, jusqu’à la naissance de Jean-Baptiste, avant de s’en retourner chez elle.

Puis Marie quitte ce monde, échappant à la corruption par la grâce de Dieu qui l’a élevée corps et âme dans le ciel de son royaume pour la placer près de son fils, Jésus ressuscité. Dieu nous donne Marie comme modèle d’écoute et d’appropriation de sa Parole, comme modèle de foi en Dieu qui sauve, comme modèle de servante du Seigneur. Par son Assomption, Marie nous montre le chemin pour la rejoindre, elle et les saints, et plus encore Dieu qui nous attend, qui nous attire à Lui. Son Assomption préfigure ce qui nous attend, ce que nous espérons dans la foi en Dieu qui veut que l’homme vive de sa vie. Alors, comme Marie, écoutons Dieu qui veut nous parler, à chacun, chacune ; nous qui sommes sortis de chez-nous, portons « avec empressement » la Bonne nouvelle du salut qui vient du Fils de Dieu dans son offrande au Père et aux hommes.

Reconnaissons Dieu à l’œuvre dans notre monde d’aujourd’hui et dans notre vie de créature, et que Marie intercède pour nous, aujourd’hui, chaque jour, et jusqu’à notre dernier jour, Amen !

19 août 2023 |

* homélie du D.13 Août 2023

par Francis ROY, diacre

Vous avez bien écouté bien sûr tous les textes qui viennent d’être proclamés en ce dimanche. Alors, comme moi, vous vous demandez quel rapport il peut y avoir entre l’histoire du prophète Elie racontée dans la première lecture, et l’épisode de l’évangile où Jésus rejoint ses disciples en marchant sur l’eau. Ces deux récits sont sans doute parmi les plus connus, mais pourquoi l’Église nous propose-t-elle aujourd’hui d’écouter ensemble ces deux textes ?

L’évangile d’aujourd’hui est la suite immédiate du passage où Jésus avait multiplié les pains pour une très grande foule. Nous lisons aujourd’hui qu’aussitôt après, il ordonne aux disciples de s’en aller par le lac pendant que lui renverrait les foules. Étonnant, non ? Pourquoi cet empressement à éloigner ses disciples de la foule ? Cette foule, c’est celle qui vient de vivre un grand miracle, qui a reçu à manger en abondance, nourris par la puissance d’un seul homme. Tous ces gens veulent faire de cet homme leur roi, un chef politique puissant qui chassera l’occupant romain et rétablira le royaume d’Israël. L’enthousiasme de cette foule est grand. Nous pouvons avoir une idée de ce qu’est l’enthousiasme d’une foule, nous qui vivons dans une époque où les rassemblements sont si fréquents, que ce soit pour des événements sportifs, culturels ou sociaux. Nous connaissons aussi le danger potentiel de ces rassemblements, avec les débordements parfois dramatiques qu’ils favorisent. Jésus veut justement éviter à ses disciples de vivre ces débordements. Le temps de leur formation n’est pas encore arrivé à son terme, ils ne sont pas encore prêts. Il veut les préserver de ces phénomènes de foules qui nous font parfois perdre la raison en suivant un mouvement presque malgré nous. Rappelons-nous que c’est cette même foule qui criera, quelques temps plus tard, « crucifie-le ! » entraînée par seulement quelques meneurs. Jésus décide donc d’éloigner ses disciples immédiatement. Il leur commande de passer sur l’autre rive. Quant à lui, il se charge de renvoyer les gens, de disperser la manifestation. Puis il s’en va à son tour, mais seul, à l’écart, dans la montagne, pour prier. Comme le prophète Elie, dans la première lecture, s’était enfui dans la montagne, lieu symbolique où Dieu rejoint l’homme. Dans les évangiles, chaque fois qu’on lit que Jésus s’éloigne pour prier, c’est qu’il va se passer quelque chose de très important.

Pendant ce temps-là, ses disciples sont dans la nuit, seuls et désemparés dans la barque chahutée par les vents contraires. Combien de fois n’avons-nous pas nous-mêmes vécu ces moments d’angoisse, dans la nuit de nos doutes ; ces moments où les événements menacent de nous déstabiliser, où la marche du monde nous fait craindre le pire. Ces moments où la souffrance nous fait vaciller, ces instants où la peur nous aveugle, où le découragement nous anéantit. Quand nous nous croyons seuls sur notre barque face à des vents contraires, que la nuit nous paraît interminable, et que nous nous mettons à penser « où es-tu, mon Dieu ? ». Comme Il nous semble loin, dans ces moments-là ! Comme Il nous semble indifférent à nos malheurs, à nos difficultés. Il nous accompagne pourtant dans notre barque, nous qui le croyons absent, resté sur les rives du lac. Et quand, au beau milieu de la traversée, au cœur de nos angoisses, nous l’apercevons enfin, nous avons souvent du mal à le reconnaître. Alors, comme les disciples, la peur nous fait pousser des cris. Il faut qu’il nous rassure, qu’il nous parle : « Confiance ! C’est moi ; n’ayez pas peur ! » Mais le doute reste le plus fort, et nous avons besoin de preuves : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau ! » En effet, quand Dieu se manifeste, c’est toujours dans la discrétion, alors que nous l’attendons dans des manifestations spectaculaires. Il n’est pas dans l’ouragan ni dans le tremblement de terre ; il n’est pas non-plus dans le feu, mais dans le murmure d’une brise légère. Il n’est pas forcément là où on l’attendrait. Pourtant, si nous sommes vigilants, il nous sera plus aisé de le reconnaître. Qu’a-t-il été dit au prophète Elie ? « Sors dans la montagne, et tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer ». C’est grâce à cette attitude d’attente qu’il va pouvoir le reconnaître lorsqu’il passera. A son époque, les dieux païens étaient censés être annoncés par la violence et la force des éléments : l’ouragan, le tremblement de terre, le feu… Mais Elie ne s’y est pas trompé. C’est bien dans le murmure de la brise légère qu’il a reconnu son Dieu, notre Dieu, le seul vrai Dieu. Celui qui vient à pas feutrés, sans s’imposer à notre regard, sans bousculer nos libertés. Il vient et il nous appelle à quitter la barque pour le rejoindre. Mais avec ce vent qui ne cesse de nous tourmenter, ce vent de nos habitudes, de nos penchants, de nos douleurs, de notre incrédulité, le vertige nous prend, et la peur de sombrer. C’est alors que nous osons crier, avec Pierre : « Seigneur, sauve-moi ! ». Alors, aussitôt, Jésus nous tend la main et nous saisit en disant : « enfin ! Tu crois ! Pourquoi as-tu attendu si longtemps avant de t’ouvrir à moi ? Pourquoi as-tu douté ? » Et aussitôt, le vent tombe ! Tout ce qui nous effrayait disparaît avec les yeux de la foi. La confiance retrouvée nous fait proclamer notre foi avec les apôtres de la barque qui se prosternent devant Lui : « vraiment, tu es le fils de Dieu ! ». Et nous pouvons l’adorer sans détourner notre regard, nous pouvons nous tenir devant lui sans avoir besoin de nous couvrir le visage avec notre manteau, contrairement à Elie qui redoutait de voir Dieu face à face.

Oui, en réalité ces textes nous disent la même chose, avec des mots différents, car ils s’adressent à des auditeurs différents, dans deux époques éloignées de neuf siècles. Ils nous disent toujours la même chose aujourd’hui, vingt siècles plus tard : ce Dieu qui se révèle à ceux qui le cherchent est un Dieu de douceur, qui respecte notre liberté. Il ne s’impose pas à nous, Il compte sur notre adhésion. Il ne nous abandonne pas, au contraire Il nous tend la main pour nous sauver. Il ne dépend que de nous de la saisir, dans la confiance en son amour infini, dans l’espérance de ce salut qu’il nous offre simplement parce qu’il nous aime. Alors oui, soyons attentifs à cette brise légère, cette « voix de fin silence », qui nous vient de Dieu. Nous pourrons repartir, revivifiés, là où le Seigneur nous envoie, pour semer l’amour, l’espérance et la paix.

Amen !

12 août 2023 |