homélie du 22 ème dimanche ordinaire C (31/8 – ler septembre 2019)

par Francis ROY, diacre

Pour la 3ème fois, st. Luc nous raconte une invitation de Jésus chez un notable pharisien. Agacé par les préjugés que j’avais vis-à-vis de ces hommes j’ai essayé d’en comprendre le fondement. Bien m’en a pris ! La plupart de ces pharisiens étaient des croyants sincères. Israël subissait depuis des siècles l’occupation étrangère si bien que beaucoup de Juifs étaient de ce fait tentés par « l’assimilation », c’est-à-dire l’envie d’abandonner, ou en tout cas de restreindre, les contraintes de la foi des ancêtres. En réaction, la « confrérie » des Pharisiens regroupait des hommes décidés à observer à la lettre tous les préceptes de la Torah afin de compenser en quelque sorte les lâchetés de beaucoup et de sauver les traditions. Tenons bien compte de cela avant de juger trop rapidement leurs intransigeances rituelles. Jésus est toujours prêt à dialoguer avec n’importe qui. Toutefois il ne faut pas attendre de lui qu’il entre dans une maison pour discuter de la pluie et du beau temps, ni même d’abstractions théologiques. Et on n’achète pas non plus son approbation grâce à de bons petits plats. A ce club de croyants, Jésus va donner, à chaque fois un enseignement. Essayons de bien le saisir et d’en profiter, pharisiens modernes que nous sommes !

Jésus remarque que les invités choisissaient les premières places. Le bien le plus précieux d’un être humain est l’honneur, l’estime de soi. Nous voulons faire bonne figure et nous ne voulons pas être humiliés devant les autres. Jésus part donc de ce constat pour sa parabole, et l’histoire de Jésus, c’est celle de sa vie. Il est celui qui a choisi de se mettre à la dernière place, sur la croix, dans la confiance en son Père dans un mouvement volontaire.

Que peut-on donc faire de la parabole de Jésus? Il y a quelque chose de profond à saisir dans ce passage de Luc. L’humilité, qui aux yeux du monde est une faiblesse, se révèle comme la vérité, la nécessité dans la communication, dans les relations avec les autres et dans les solidarités. C’est le chemin vers la vraie grandeur. Sirac le Sage, dans son journal spirituel, notre première lecture, a pressenti tout cela lorsqu’il écrit au deuxième siècle avant notre ère, « Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser. La condition de l’orgueilleux est sans remède car la racine du mal est en lui. »

La parabole parle à la fois de Dieu et de nous. D’un Dieu qui nous désire et qui veut que nous trouvions notre vraie place dans la vie; que nous ayons un regard juste sur nous-mêmes. Dieu nous veut à notre place, et il nous redit : « connais-toi toi-même ». C’est un appel à nous ouvrir les yeux, à nous ouvrir le cœur et à agir en conséquence. Un appel à prendre notre place dans la vie et pas la place des autres. En somme, une parabole qui parle de l’humain, qui nous dit quelque chose sur la façon de recevoir sa vie, de se mettre à la suite de Jésus. En perdant notre vie à la manière de Jésus, à la manière du grain de blé qui tombe en terre, nous ne nous perdons pas définitivement, nous nous trouvons sur le chemin du Royaume.

Jésus enseigne également l’art de nous mettre à table. Il  nous dit étrangement de ne plus inviter « ni ses amis, ni ses frères, ni ses parents, ni ses riches voisines » pour le repas. Il faut un brin d’humour pour vivre l’espérance de Jésus. Il ne vient pas faire un discours moralisateur aux pharisiens et à nous-mêmes, il vient nous ouvrir les yeux. Il est là pour sauver tous les humains. Quand nous progressons dans la foi, nous pouvons tomber dans le piège : je suis un bon chrétien, je vaux plus que les autres. Jésus nous rappelle aujourd’hui que la porte du Royaume est une porte par laquelle seuls les petits peuvent passer. Comme le dit la deuxième lecture, le Dieu de la nouvelle alliance vient sans les fastes du Sinaï. Il invite à la liberté, à la fête et à la joie tous les premiers nés du monde nouveau qu’il est venu établir. Ce texte se situe à la fin de Lettre dite aux Hébreux. L’auteur ne cesse d’encourager les jeunes chrétiens qui doutent, se demandant comment se sanctifier sans les rites du Temple et sans faste liturgique. La sanctification n’est pas le produit d’un culte extérieur. La vie chrétienne, c’est être accueilli dans le Royaume de Dieu, c’est vivre une nouvelle relation d’intimité avec Jésus, par l’Esprit.

Dans sa vie comme dans sa mort, Jésus a pris la dernière place pour inviter au festin des noces tous les pauvres et humbles de cœur, aux malchanceux dans la vie. Il nous demande d’aller à la rencontre de ceux qui refusent la parole car il est venu annoncer par sa présence un monde nouveau, une nouvelle échelle de valeurs, un autre ordre de préséance dont l’essentiel est de se mettre au dernier rang pour servir en toute confiance. Ce sont là les mœurs provocantes du Royaume des Cieux.

D’après l’évangile, ce qui semble être sûr, c’est qu’il y a pour tout un chacun une place au Royaume de Dieu. Celle-ci se découvre tout simplement chaque fois que je donne plus de place à l’autre pour qu’il trouve en lui plus d’espace encore tellement notre propre regard lui aura permis de se recentrer sur la source de l’humilité qui est l’amour. S’il en est vraiment ainsi, puissions-nous ne jamais oublier que la mesure de l’amour se découvre dans sa démesure.

31 août 2019 |

21° dimanche de l’ordinaire – 24 août 2019-

Livre du prophète Isaïe 66,18-21

Psaume – 116 (117)

Lettre aux Hébreux 12,5-7.11-13

Évangile – selon Saint Luc 13,22-30

On peut imaginer la scène : Jésus, sur sa route de village en village, rencontrant une quantité de personnes et impatient de leur parler de Dieu son père, impatient que eux-mêmes désirent vivre en communion avec lui. Jésus, avec son grand désir que chacun se reconnaisse fille et fils de Dieu, que chacun se sache frère et sœur.

Avec l’audace des grands timides, un homme vient interrompre la marche parce qu’une question lui tient à cœur, le brûle : « Est-ce vrai ce que l’on dit, qu’il n’y aura pas beaucoup de gens pour entrer au paradis ? »… C’est peut-être pour lui, parce qu’il souhaite vraiment aller au paradis, mais qu’il n’est pas bien sûr de le mériter ; c’est peut-être pour ceux qu’il aime bien, et pour qui il voudrait une vie éternelle heureuse.

Après tout, le propos cet homme n’a rien de ridicule, et des sectes religieuses continuent aujourd’hui à expliquer que seulement 144 000 personnes seront élues, — ce qui n’est vraiment pas beaucoup sur les 20 derniers siècles et même auparavant : Abraham avait-il doit au paradis, lui qui n’avait pas connu Jésus ?

Mais au lieu de le féliciter de sa question, Jésus se met à avoir un discours exigeant. Normalement, en temps ordinaire, nous pensons que le fils de Dieu est un homme ouvert, tolérant, accueillant à tout, bref : cool. Et là, on dirait un entraîneur sportif à qui un amateur demanderait comment gagner les Jeux Olympiques. Oui, Jésus se met à parler du Royaume de Dieu comme d’une chose importante ; il fustige les gens trop relax pour qui il suffisait de l’avoir vu une fois …comme on disait « faire une visite au Saint Sacrement » … clairement, ce ne sont pas les relations seules qui donnent la foi  … C’est comme de faire un selfy avec une vedette : cela ne vous fait pas chanteur de talent ou champion du saut à la perche…  je pense aux personnes qui parfois disent au prêtre « je suis croyant/e, d’ailleurs ma grand-mère allait à la messe » … Personnellement, j’oserais même m’interroger : moi, qui parle du Christ et de la Sainte Trinité — est-ce que je parle au Seigneur au lieu d’en parler seulement ? …

C’est sympathique, mais est-ce l’engagement de toute ma personne, est-ce l’attitude énergique de quelqu’un qui aimerait le Christ ?

Bien, donc Jésus est exigeant …La petite porte qu’il indique, l’idée lui en vient des portes des murs de sa ville de Jérusalem. Elle est la porte d’entrée la plus rapide, mais qui oblige à déposer toutes les valises embarrassantes, à décharger les paquets trop lourds : en termes de navigation, on sait qu’il faut lâcher du lest. On gagne en vitesse ou en altitude. Lâcher du lest est nécessaire pour que le courant électrique soit bien distribué, nécessaire pour diminuer les embouteillages, nécessaire pour avancer dans une négociation. Dans le monde contemporain, on dira que les écolos ont pris modèle sur Jésus puisqu’ils appellent à consommer autrement, à ne plus surconsommer, ne plus surproduire, et à vivre zéro déchet… On se rappellera aussi l’architecture des églises nées de saint Bernard, qui refusent les portails majestueux au profit d’une toute petite porte placée sur le côté …

Mais en même temps, le Christ parle à notre questionneur timide –et à nous– comme s’il nous croyait capables de ce championnat. Oui, son conseil est celui d’un entraîneur face à un poulain de qualité. Sans cela, il ne perdrait pas son temps à parler … pour lui, manifestement, il n’y a pas de questionneur inutile. Il n’y a pas de « mauvaise question ». Mais il y a hélas des « mauvaises réponses », il existe des gens repus, immobiles, dormant sur un portefeuille de relations bien établies … Il y a quelques décennies, un homme politique dénonçait ainsi l’attitude des « copains » qui deviennent des « coquins »… ceux qui ne se posent pas de questions, ou qui font arraisonner ceux qui en posent…

L’homme s’inquiétait du nombre d’élus, s’inquiétait, stressait … on dirait facilement, à lire Isaïe comme nous l’avons reçu, qu’au 7°siècle avant notre ère, le prophète développait des images contraires, idylliques, de caravanes de chameaux tractant des malades et des blessés de la vie. Sans exclusive ni condition. Au moins, il y avait là une foule de personnes élues par Dieu pour aller au cœur de la prière, au Temple saint, au cœur du Dieu de l’Alliance ; pour venir au Créateur du ciel et de la terre et de tout leur peuplement

Oui, mais ! ce sont les croyants qui sont partis les recueillir au bout du monde, les amenant sur leur dos, les soutenant à bout de bras !

Nous avons là l’aspect missionnaire des croyants, leur fonction qu’on dira « catholique » puisque la catholicité signifie, non pas une chapelle fermée, mais la passion pour l’universel… Belle conversion à désirer, n’est-il pas vrai ? Belle mission à demander !

Les croyants sont l’image du bon samaritain dont parlera Jésus pour se dépeindre lui-même. Ils se font proches, l’autre est leur prochain. Le malade, l’isolé, a droit à eux, il a droit à Dieu. Il a droit à ce que je me fatigue à son service, comme l’Eternel Dieu s’est donné jusqu’au bout.

Et cette amitié, dit le prophète, fait des miracles : les boiteux s’en trouvent guéris. Tous les gens estropiés et tordus sont rétablis dans leur entièreté, ressuscités dans leur dignité. Parce que les croyants sont partis à leur rencontre et ont payé de leur personne pour les aider.

L’amitié fait des miracles.

Votre amitié fait des miracles.

Amen, alléluia !

père dominique nicolas

24 août 2019 |

20° dimanche du temps ordinaire – 17 aout 2019 –

Livre de Jérémie 38, 4-6.8-10

Psaume 39/40

Lettre aux Hébreux, chap.12, 1-4

Évangile de Luc, chap. 12, 49-53


Deux images marquent nos mémoires aujourd’hui : À l’instant dans l’Évangile celle du feu qui court partout ; et au début, dans l’histoire de Jérémie, celle du puits, de la boue, de l’eau nauséabonde.

L’une et l’autre image nous sont connues aujourd’hui dans l’actualité.

Le feu bien sûr avec tous les incendies et aussi avec les conflits qui font rage entre les personnes ou les pays.

L’eau, ensuite avec toutes les questions de la pollution et des maladies qu’attrapent les personnes  des pays pauvres en conflit. Le Yémen, par exemple, en sait quelque chose.  L’enfermement dans une cuve nous est moins connu, mais nous connaissons de nombreuses régions où l’on arrête les gens pour les mettre en prison, pour les faire taire le temps d’une élection.

Et il y a toutes celles et tous ceux  que l’on exécute pour des raisons idéologiques, parce que ce sont des croyants qui ne chantent pas la chanson de tous les autres. Une fois de plus, la Bible nous parle du monde d’aujourd’hui dans ses douleurs et ses souffrances.

Il y aurait de quoi désespérer si la Bible ne disait pas d’abord des choses plus profondes que le simple constat bien attristant que des choses vont mal.

On pourrait même envisager que la Bible a un autre regard … on pourrait même envisager qu’elle nous invite, nous, à regarder les gens et les choses autrement. À ne plus avoir un point de vue catastrophiste, mais à avoir du courage positif.

Après tout, quelqu’un signalait que l’éthiopien qui fait élargir Jérémie était bien un étranger immigré ; il est le seul du pays à avoir le sens de la justice ; il ne serait pas impossible que le Christ s’en soit souvenu pour créer la figure du bon samaritain…

Dans l’Évangile, on pourrait aussi remarquer ceux qui ne sont pas en conflit, … parce qu’il y en a !  : Par exemple le père et la mère, càd le couple dont chacun se plaît à souligner les tensions. Par exemple le frère et la sœur dont toutes les familles savent pourtant bien les chamailleries…

Jésus est-il pris en flagrant délit d’angélisme ? Ou bien, quoi  ???

L’Évangile nous appelle à regarder autre chose que le négatif, –ce négatif qui nous fait peur et que nous avons apparemment tant plaisir à remâcher, –ce négatif que nous nous envoyons sans cesse à la figure, –ce négatif boueux dans lequel nous enfermons « les autres » sans appel, comme dans un cul de basse fosse…

Peut-être pourrions-nous considérer les conflits père/fils, mère/fille, etc., comme le phénomène banal et nécessaire  de se séparer : pour prendre son envol, pour prendre ses dimensions. « L’homme quitte son père et sa mère » dit le livre de la Genèse, pour habiter le monde. « Quitte ton pays » dit le Seigneur à Abraham et tu gagneras des vivants par milliers.

Manifestement, Jésus est du côté de la naissance et de l’avenir, non pas du côté de la glue et de l’attachement fermé. Chacun sait que Jésus, fils de Dieu, est l’aventurier par excellence… Il nous invite à nous en réjouir – tous les parents savent que ce n’est pas toujours facile. La preuve en est lors des cortèges de mariage : il y a souvent une petite larme quand le père ou la mère s’arrête au pied de l’autel, et que « son petit » ou « sa petite » escalade seul(e) les marches.

Mais en fait, pardonnez-moi, je viens de faire de la mauvaise psychologie car Jésus parle d’abord de celles et ceux qui sortent de leur confort pour aller vers le risque comme il a fait.

Quel risque ???

Le risque de débroussailler, d’abord, et de brûler les mauvaises herbes. Mais toutes nos maffias préfèrent conserver les ronces et leurs épines.

Le risque des anciens chirurgiens : on cautérisait les plaies pour éviter les infections. Mais l’orgueil des personnes ou des nations n’aime pas que l’on sache nos plaies.

Le risque des soudeurs, qui réunifient des pièces disjointes. Mais l’artisan se fait moquer par la civilisation du tout jeter tout de suite… Alors que Jésus est venu tout réparer, et tout recycler : « Je ne veux pas que qui que ce soit se perde » dit-il.

La lettre aux Hébreux nous propose d’avancer sur deux points :

Le premier est de savoir que, jamais, nous ne sommes seuls : il y a une nuée de témoins autour de nous. En positif, cela veut dire que nous sommes entourés d’une foule d’amis qui ont joué le jeu de la vérité. Et que chacun de nous est appelé à jouer celui de la solidarité confiante. A s’y convertir.

Et, surtout, il est capital de « garder les yeux fixés » sur Jésus. Il est notre route. Il est notre but. Voir comme lui, être courageux comme lui. Ne voir que lui, au point de devenir lui.

C’est alors qu’il aura réalisé son rêve : il y aura une myriade de petites flammes chaleureuses, puisque nous serons là où la vie nous a posés.

Amen

père d.n.

17 août 2019 |

homélie du 15 août, fête de l’Assomption de Marie

par Francis ROY, diacre,

 

Nous célébrons aujourd’hui l’assomption de Marie, fête que nos frères orientaux nomment « Dormition de la Mère de Dieu ».

Cette célébration au cœur du mois d’août, c’est « la Pâque  de l’été », car c’est la résurrection du Christ, sa victoire sur la mort que nous célébrons. Marie est la première des rachetés, la nouvelle Ève, la première des sauvés qui constituent l’Église. Elle a accueilli la Parole et l’a gardée. Désormais elle partage la gloire de son Fils. Et c’est à ce même héritage que nous sommes conviés. Pour bien saisir cette évidence, posons-nous la question : notre foi en la Résurrection, enracinée dans la victoire de la Vie sur la mort, pourrait-elle exister sans l’humble acceptation de la vierge ?

Le « oui » à Dieu de Marie, la petite juive de Palestine, ce consentement à un mystère accepté en raison d’une absolue confiance, permet à l’humanité toute entière de pouvoir concrétiser son avenir. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». L’évangile nous dit avec force qu’Elisabeth est remplie de l’Esprit Saint. Lorsqu’elle proclame : « tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni », cela veut dire : Dieu agit en toi et par toi, et Dieu agit en ton fils et par ton fils. L’Esprit Saint est celui qui nous permet de découvrir dans nos vies et celles des autres, tous les autres, la trace de l’œuvre de Dieu. Et pour Marie, la bénédiction de Dieu nous indique qu’elle est la femme victorieuse qui assure à l’humanité la victoire définitive sur le Mal et que le fruit de ses entrailles est le Seigneur lui-même. Oui, le fils de Marie est Fils de Dieu et il est Dieu lui-même !

Mais avec l’Assomption de Marie, nous sommes confrontés à une réalité différente : Marie n’est pas Dieu; c’est une femme parmi les femmes de la terre, « une fille d’Israël » ! Si elle est glorifiée, alors la glorification  nous concerne bien tous, jusque dans notre corps. La foi ne nous dit rien sur la mort de Marie. Mais on sait que le Seigneur a voulu, pour sa Mère que nous adorons, la mort de tout un chacun. Et notre foi nous dit que la mort n’a pas eu le dernier mot, elle a été vaincue. Quelle espérance pour l’humanité !

Entendons bien le chant d’action de grâce de la Vierge Marie, ce Magnificat que nous avons écouté dans l’Evangile de Luc, nous savons que Dieu « déploie la force de son bras », pour les faibles, les opprimés de toutes les nations, « Il disperse les superbes, Il élève les humbles » on ne trompe pas le Seigneur sur ce que nous sommes, le petit, celui qui prie dans le secret de son cœur a plus de prix aux yeux du Seigneur que l’orgueilleux, le satisfait d’être ce qu’il est… « Il comble de biens les affamés » ce sont les affamés de sa parole, souvenons nous de ces semaines passées avec Saint Jean et le discours du « pain de vie »,… « Il se souvient de son amour. »  Oui, comment nous laisser accabler par les misères du temps, si nous croyons une telle promesse ?

Si nous vénérons la Vierge Marie glorifiée, c’est aussi pour porter un nouveau regard sur notre existence humaine. Un regard d’espérance. Cette espérance, je voudrais en parler à ceux qui sont dans la vieillesse, car Marie a connu la vieillesse en son temps et cette fête de l’assomption, c’est bien celle de la fin de sa vie sur terre. Quand on a des difficultés pour se déplacer, pour lire, entendre, quand le corps nous joue des tours, quand nos dents croquent mieux la mangue que la pomme, quand les amis s’effacent et vont rejoindre le repos de nos cimetières, tout cela a un mauvais goût, un goût d’extrémité, mais c’est aussi un goût de renaissance. Les disciples du Christ ont eu cette expérience. Sur le Lac de Tibériade au cours de la tempête. « Seigneur ! Nous allons tous mourir » « Absent, je suis là avec vous ». Jusqu’à la fin des temps, jusqu’à la fin de notre temps. Et quand on déposera le corps martyrisé de Jésus au tombeau, au désespoir succèdera l’éblouissement du tombeau vide.

Mourir à la vie en ce monde est une épreuve déchirante, même pour le croyant. Mais pour aller à Dieu, nous devons nous dépouiller de tout, de tout ce qui n’est pas Dieu lui même. La vieillesse n’est-elle pas cette occasion providentielle de nous dépouiller de tout ? La vieillesse est merveilleuse quand elle annonce que le chemin ne mène pas vers la mort, mais vers la résurrection : ne le disons nous pas dans le credo ? Merci Seigneur de nous offrir la vieillesse au sommet de notre vie. Comme Marie, nous avons notre place auprès de Dieu. Cette place c’est maintenant qu’elle se prépare, à chaque jour de notre vie, dans chacune de nos prières, dans notre renoncement aux choses futiles, inutiles qui encombrent notre existence et nous détachent de l’essentiel jour après jour. Oui, cette place auprès de Dieu, c’est aujourd’hui que nous la réservons.

 

Amen.

15 août 2019 |

Homélie du dimanche 11 août 2019

par Jean-Paul Berthelot, diacre

 

Contrairement à notre monde aujourd’hui qui se focalise sur la peur, Jésus nous dit : « Sois sans crainte petit troupeau » Oui, la peur est dans notre vie quotidienne : peur de la solitude, du terrorisme, de perdre son emploi ou peur de la maladie. Même certains chefs d’états utilisent cette peur pour rester au pouvoir : les autorités chinoises démolissent un grand centre bouddhiste au Tibet par peur que de nombreux chinois viennent recevoir un enseignement spirituel et compromettent les dirigeants en place.

Dieu n’est pas de ceux qui utilisent la peur, il nous invite à l’espérance et à l’action. Il est avec nous, il nous rappelle qu’il nous aime. Il est notre berger, plein de tendresse et d’amour pour son peuple. Dieu nous rejoint dans les tempêtes de nos vies pour nous rassurer et nous faire progresser. Le Christ connaît nos limites, nos faiblesses, et il sait que notre société est le plus souvent hostile et indifférente à son égard. Il nous demande de rester fidèle à sa Parole et d’être vigilant à faire grandir l’amour autour de nous. N’hésitons pas à nous ouvrir aux autres quels qu’ils soient car l’amour l’emportera toujours sur la haine.

« Relevez la tête, soyez sans crainte, gardez vos lampes allumées » Notre vie a toujours un sens à partir du moment où Dieu est dans notre cœur. Notre foi nous guide à la manière d’une boussole, elle est notre point d’appui. Voilà pourquoi il est important de témoigner de ce trésor qui nous anime. L’ amour de Dieu nous évite de nous replier sur nous-mêmes, de nous endormir sur nos soucis, et nous invite à aller de l’avant.

Quand le Christ nous demande d’être vigilant, c’est pour garder en nous ce désir d’amour, cette soif de mieux connaître sa Parole, et être plus attentif à la misère de nos frères et sœurs de par le monde. Apprenons à reconnaître les richesses des personnes que nous rencontrons à la manière de Jésus.

La première lecture nous parle du « Salut des justes » C’est de leur fidélité à l’alliance et de leur foi en Dieu qu’il est question. Ce texte est écrit pour des croyants dans le doute car Dieu a fait des merveilles pour les anciens Patriarches (Abraham, Jacob) et en fera encore. Il ne faut jamais perdre de vue le but de la vie.  La joie l’emportera sur la peur et la vie vaincra la mort.

Nos ancêtres sont des symboles forts, des exemples pour nous aujourd’hui. Cette phrase de la lettre aux hébreux est capitale pour notre foi : « La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître ce que l’on ne voit pas ». Les vraies richesses de notre cœur que nous pouvons accumuler sont l’amour, la paix et la sagesse. Croire signifie s’en remettre à un amour miséricordieux qui toujours, accueille et pardonne, soutient et oriente le sens de son existence.

Tout est néant et perte de temps qui n’est pas consacré à aimer « Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » L’évangile complète celui de la semaine dernière. Oui, détaché des biens et des succès, notre cœur peut trouver son véritable trésor : la paix profonde de qui se sait aimé pour toujours. Dieu seul peut rassasier notre désir. Aimez et ne cessez jamais d’aimer, Dieu lui-même viendra nous combler de son amour. C’est un grand rendez-vous qu’il nous prépare pour l’éternité.

Notre vie ne sera remplie d’amour que si nous nous ressourçons auprès de Celui qui en est la source. N’oublions pas de rester en tenue de service et d’agir pour que notre terre soit la plus belle possible. Construisons un monde de paix, de compréhension, d’attention à l’autre, de partage, de fraternité et d’amour. C’est avec des hommes et des femmes de foi, et avec tous nos talents, que nous rendrons le monde meilleur.

Comme le dit Madeleine Delbrêl (1904-1964) militante sociale dans le monde ouvrier

« Apprenez-nous Seigneur à revêtir chaque jour notre condition humaine,
comme une robe de bal, qui nous fera aimer de vous, tous ses détails comme d’indispensables bijoux.
Faites-nous vivre notre vie,
Non comme un jeu d’échecs où tout est calculé, non comme un match où tout est difficile,
Non comme un théorème qui nous casse la tête, mais comme une fête sans fin où votre rencontre se renouvelle,
comme un bal, comme une danse, entre les bras de votre grâce, dans la musique universelle de l’amour. »

Amen.

14 août 2019 |

homélie des 3 et 4 août 2019

Livre de Qohèleth (Ecclésiaste)  1,2 ; 2,21-23
PSAUME – 89 (90),3-4.5-6.12-13.14-17
Lettre de Saint Paul apôtre aux Colossiens 3,1-5.9-11
EVANGILE – selon Saint Luc 12, 13 – 32

« Tout est vanité », « Toi qui veut jouir de ta retraite, Dieu va te reprendre la vie » : Le soir où l’équipe de préparation a reçu ces paroles bibliques,  il y eut comme un vent d’inquiétude : comment avoir une profession et gagner sa vie si le souci du matériel est condamnable ? comment prévoir l’avenir des enfants si l’on ne met pas de l’argent de côté ? et tout est venu : les bulles économiques, la monétarisation plutôt que l’économie, la titrisation, la banque mondiale, les taux flottants … bref, la Bible nous a fait parler de notre monde contemporain dans son vacarme, et des préoccupations de nos vies concrètes. Le livre saint redevenait actuel, ce qui est bien. Mais il fallait mettre de la clarté. Voici notre essai :

D’abord, Le mot de vanité :

Chez nous, la vanité est quelque chose de pas bien ; nous avons tout de suite en tête l’image de quelqu’un qui se gonfle, s’enfle,  —une grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf— ,  quelqu’un qui fait du bruit et ne parle que de lui, se fait valoir bien plus qu’il ne mérite. Si quelqu’un  est plein de soi-même, on le dit creux et plein de vide. On dit « Trop nul » » quand on a moins de 15 ans. « Reloud », quoi –ou trop lourd !

Il me semble d’ailleurs que l’étiquette de vaniteux, nous la collons volontiers sur autrui ; et que nous appelons fierté ce qui nous concerne. Nous nous gonflons alors de nos élégances morales…  vanité des vanités que notre éthique, ici encore ! … qui a tendance à tout juger … Mais les mots de la Bible  parlent d’autre chose que de bien ou de mal.

Et de quoi parlent-ils ?

Le mot d’origine, HEVEL, signifie « buée » ; c’est le nom de celui que nous appelons Abel, l’homme assassiné par un frère dont le nom est « j’ai acquis » : Caïn. L’homme buée ne pesait pas lourd face à ce possédant costaud. L’un écrase de toute sa certitude épaisse, et l’autre est toujours ailleurs. Un coup de vent, et la buée disparaît.

Mais dans la pratique, nous savons d’expérience que la buée nous empêche de bien voir… les yeux embués font comme un brouillard de myopie ; la brume sur un pare-brise est dangereuse…

Alors, la question est maintenant : qu’est-ce qui va nous permettre de bien regarder ? Comment pourrons-nous avancer dans la vie ?

En fait : quel moteur avons-nous dans la vie ?

L’histoire de Caïn et Abel nous dit que la gentillesse ne paye pas mais la violence, si ! … au moins dans un premier temps, au moins dans les apparences.

Mais voici que Qohélet, l’homme qui parle à l’Assemblée, s’appuie sur son expérience.  Il est fils du roi David : il a fait le tour de tout et il est revenu de tout. Et il prétend que nulle richesse ne peut remplir une existence,  ni aucune puissance.. Aucun pouvoir ne tient ses promesses. Toute puissance est mensongère. « Le pouvoir est corrupteur » dira le Moyen-Âge. Tout ce qui prend de grands airs et se vend est prostitution.

Sa question est qu’est-ce la vie?

Sa réponse est simple : manger, boire, faire la fête. Pour lui, seul tient la route ce qui est primitif et primaire. « Simplifie mon cœur, qu’il marche dans tes voies » dit le psaume 86.

Tout le reste est comédie, étranger, un divertissement définitivement  extérieur à notre nature profonde. Saint Paul à l’instant disait : « C’est aliénant, c’est de la folie, c’est de l’esclavage ».

La question que pose Paul c’est « comment être libres ? ».

Sa réponse : en regardant Jésus, en laissant Jésus agir tout en nous, parce que Jésus le Christ est tout  disponibilité, tout  énergie. « Quand j’aime, dit-il, je peux tout ». Il s’agit uniquement d’être ajustés à l’amour de Jésus pour qu’il fasse de nous des justes. Lorsque nous sommes immergés en Christ  (c’est le rôle du baptême), c’est Lui qui imbibe et colore tout en nous. Nous ne considérons plus ce que nous sommes ou ce que nous avons : « tout est poussière, balayée » par le Souffle de vie.

Car, enfin, Jésus est lui aussi « fils de David » : nulle grandeur ne l’impressionne ; Il a des accents du pape François pour considérer les vraies valeurs  (… !).  Sa question est : veux-tu regarder tout, comme regarde le Père ? Les oiseaux et les fleurs sont la réponse. Et les enfants qui jouent aussi.

De question en question, puis de réponse en réponse, nous arrivons à laisser l’Esprit nous mettre en croix avec Jésus : il décape les catégories du vieil homme et fait venir à la vie pour une communion de fond.  Une nativité partagée.

Nous n’avons sans doute pas répondu à nos angoisses du début, mais nous avons appris que nous ne sommes pas l’axe central ni le référenciel, mais bien moins ou bien plus. La certitude que le Père regarde tout avec confiance nous a lessivés de nous-mêmes. Elle est devenue notre dynamisme et notre raison d’être.

Notre conclusion sera de nous laisser civiliser par les Zoulous. Avec les peuples de l’Afrique du Sud, ils partagent une notion où tout se récapitule : celle d’UBUNTU. Approximativement, cela signifie : « Je suis ce que je suis parce que vous êtes ce que vous êtes », ou d’une manière plus littérale : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ».

Rappelons-nous les témoignages des anthropologues de l’Afrique : lorsqu’une personne est malade, toute la communauté villageoise se réunit et chante autour du malade les chants de son enfance.

Personnellement, cela m’évoque le rôle de l’Église : elle se rassemble autour des blessés, les entoure de prière et de douceur. Les blessés retrouvent vie, puisqu’ils  ont des frères, des amis.

AMEN

père d.n.

6 août 2019 |

homélie du dimanche 28 juillet 2019

par Francis ROY, diacre,

17ième dimanche ordinaire C

Dans l’extrait d’évangile que nous venons d’entendre, c’est Jésus lui-même qui nous enseigne à prier. Jésus prie et il enseigne comment et pourquoi le faire. Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. Il insiste: demandez, demandez, car Dieu est Amour. Certains diront qu’ils ont prié plus longtemps qu’Abraham dans la première lecture, sans avoir été exaucés. Le résultat de la prière n’est pas toujours celui que nous attendons. Celui qui demande à être guéri du cancer ne l’est pas nécessairement. Celui qui demande à voir revenir son enfant à la maison n’a pas nécessairement un jour la joie de lui ouvrir les bras. Celui qui implore le confort et la sécurité d’emploi n’est pas assuré que tout cela lui sera donné. Pourtant Dieu connaît tous nos besoins, toutes nos difficultés, alors à quoi bon lui demander de l’aide ? Prenons les choses en main. Soyons responsables. Aidons-nous d’abord et le ciel nous aidera … C’est ce que nous disons souvent par dépit. Oui mais cependant la prière n’est pas une vaine sollicitation, elle est communication.

Dans la première lecture, Abraham parle à Dieu. Il communique, il ne monologue pas, nous pourrions dire qu’il marchande dans la pure tradition orientale. Dieu accepte de sauver Sodome s’il s’y trouve des justes. Son intérêt pour Sodome, bien qu’étonnant, est tellement beau. « Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi ». Pas d’accusation à priori dans l’attitude du Seigneur. Il vient avec sollicitude s’enquérir du bien-être de son peuple, pour lui apporter son aide avec tout son amour de Père.

Et Jésus qui est en permanence en lien avec son Père veut nous apprendre à prier comme lui le fait. Prier, c’est davantage que des mots. C’est une manière de vivre. Prier ne consiste pas à prononcer des mots, mais à communiquer pour ensuite conformer nos vies à celle de Jésus, à suivre ses pas, à l’imiter. Les disciples ont été si impressionnés de voir Jésus en prière qu’ils en ont demandé la recette. Ils ont voulu en savoir le chemin.

Jésus nous a légué son chemin pour entrer dans l’intimité de son Père. La prière de Jésus est une prière joyeuse et confiante. C’est la prière de chacun de nous à Dieu Notre Père. La prière n’est pas une douce récitation de formules. La prière c’est quelque chose qui doit venir du fond du coeur. Nos prières n’ont aucun pouvoir magique sur Dieu. C’est le dialogue intérieur dans lequel nous parlons tout familièrement avec le Seigneur de tout ce que nous avons sur le cœur : de nos désirs et de nos peines, de nos vies et de leurs joies, de nos amours et de la confiance. La prière se fait de façon spontanée avec des mots simples et personnels. Cette prière atteint le coeur et c’est le coeur qui nous fait agir.

Remarquons en plus que la demande que les disciples adressent à Jésus est bien plus profonde que s’ils lui disaient par exemple : qu’est-ce que la prière ? Ou encore, comment obtenir ce que je demande ? Telle qu’elle est formulée, la question des disciples laisse penser que nous ne pouvons savoir ce qu’est la prière qu’en priant. Jésus répond à leur interrogation en disant de parler à Dieu dans la prière en le nommant «Père, papa». Dieu est quelqu’un qui nous aime.

Jésus dit que Dieu répond toujours à nos prières. Et cette réponse est celle à laquelle on pense rarement et qui pourtant est vraiment là : DIEU NOUS DONNE PLUS que ce qu’on lui a demandé. Dieu nous répond et sa réponse est toujours la meilleure pour nous! Car Dieu est un Dieu d’Amour, un Dieu de compassion, un Père pour chacun de nous.

Avant de demander à Dieu de nous apprendre à prier, il me semble important de nous poser quelques questions :

· Quelle est la place de la prière dans ma vie ? Est-elle un besoin ou une simple récitation de mots ? Est-elle une rencontre amoureuse, ou bien un pensum obligatoire ? Est-elle…

· Quels liens je souhaite créer avec Dieu ? Des liens filiaux, des liens fraternels, ou bien Dieu n’est-il pour moi qu’un distributeur automatique ?

· Dieu est-il tenu d’accéder à toutes mes requêtes : même les plus stupides parfois ?

· Dieu me doit-il systématiquement une réponse ?

Seigneur, apprends-moi à changer mon regard. Ouvre mes yeux sur les réalités du monde qui m’entoure pour que je puisse les voir, pour ne pas les mépriser, pour ne pas les redouter, mais pour les accueillir comme un rendez-vous de Dieu.

Seigneur, apprends-moi à changer mon regard sur les certitudes qui m’enferment, sur les valeurs qui me rassurent, sur les autres que je verrouille dans mes jugements tout faits !

Donne-moi de savoir apporter, de savoir recevoir, de savoir demander à notre Père, de savoir dire à l’autre le besoin que j’ai de lui…

Seigneur, apprends-moi à écouter, à reconnaître les besoins de l’autre, comme des Paroles de Dieu, et à ne pas avoir peur de l’inconnu qui est le visage de Dieu qui vient…

27 juillet 2019 |

homélie du dimanche 21 juillet 2019

par  Claude Compagnone, Diacre

Gn 18, 1-10a ; Lc 10, 38-42

 

Nous avons entendu dimanche dernier la parabole du bon samaritain. Il y était question des commandements mis en œuvre concrètement au bénéfice de son prochain, ce prochain pouvant être cet étranger que l’on croise par hasard, dans la détresse, et qui partage avec nous une commune humanité. Le bon samaritain agit, donne de son temps, de son argent, de son affection, alors que le prêtre et le lévite, qui passent par le même chemin que lui, restent à distance et se détournent de l’homme blessé dont le bon samaritain va s’occuper.

 

Si vous ouvrez votre bible, vous verrez que le texte d’évangile de ce jour, qui parle donc de Marthe et Marie, suit, dans le chapitre 10 de l’évangile de Luc, immédiatement celui du bon samaritain. L’évangéliste Luc a trouvé bon et utile d’accoler ces deux épisodes l’un à l’autre. Ne veut-il pas nous dire par-là ce que sont les actions justes que nous devons conduire ? Notons, toutefois, que dans l’épisode de Marthe et Marie, il ne s’agit plus de parabole mais du récit d’une rencontre réelle entre le Christ et deux femmes. Toute lectrice ou tout lecteur, attentive ou attentif des évangiles sait que les femmes ont une place importante dans la vie du Christ et dans l’accomplissement de sa mission.

 

Dans l’épisode de Marthe et Marie, il est donc encore question d’action et d’inaction mais de manière inversée et décalée par rapport à ce qui nous est dit dans la parabole du bon samaritain. Dans la parabole du bon samaritain, des spécialistes de la loi, le prêtre et le lévite, ne mettent pas en œuvre la parole des commandements, sur l’amour du prochain. Ils n’agissent pas. Ne le faisant pas, ils loupent une rencontre, ils loupent d’une certaine manière Dieu alors que le bon samaritain, lui, agit et rencontre Dieu.

 

Avec Marthe et Marie, il s’agit encore de rencontre avec Dieu, d’une rencontre du Christ avec deux femmes, qui vont devenir ses amies. L’une ne le sera pas plus que l’autre. Marthe, qui s’active, le sera tout autant que Marie, qui, en s’asseyant aux pieds du Seigneur pour l’écouter, en position de disciple du Maître, prend une place normalement dévolue aux hommes. Pourtant ce qui est mis en valeur dans cet épisode, ce n’est plus alors l’action, comme avec le bon samaritain, mais le temps de l’écoute de la parole de Dieu.

 

Comme si le texte voulait nous dire cette respiration que nous devons avoir entre le temps de l’action envers notre prochain et le temps du ressourcement par la parole pour nourrir cette action. La respiration est inspiration et expiration. Nous absorbons l’air et nous le restituons ; le souffle est orienté vers notre intérieur pour ensuite s’orienter vers l’extérieur. Dans ce mouvement continuel, nous vivons, nous nous équilibrons dans notre place dans le monde.

 

Pour agir, nous avons besoin de savoir qui nous sommes et ce qui compte. Sans ça, nous pouvons être complétement atone ou nous mettre en suractivité. Et c’est peut-être de cette question de la suractivité dont traite le Christ avec Marthe. Le prêtre et le lévite, dans l’épisode du bon samaritain, étaient en sous-activité, c’est-à-dire complétement en retrait, à distance, par rapport à ce qu’il était pourtant bon et urgent de faire, c’est-à-dire s’occuper de l’homme blessé. Marthe, dans cet épisode que nous venons de lire, montre aussi un comportement désajusté par rapport à la situation : elle en fait trop par rapport à ce qu’il serait bon de faire. Car au moment où le Christ parle à Marthe et Marie du royaume de Dieu, c’est cela qui compte, c’est cela qui va nourrir leur action future, c’est cela qui va donner du sens.

Ce qui devient alors le nœud de ces deux épisodes, du bon samaritain et de Marthe et Marie, est que, par leur sous-activité ou leur suractivité, le prêtre, le lévite et Marthe loupent quelque chose d’essentiel : ils et elle loupent une rencontre avec le Seigneur. Les uns perdent le sens de la parole des commandements en ne les mettant pas en pratique et Marthe perd le sens de l’action en en faisant trop dans la situation d’accueil du Christ.

 

Ils et elle loupent une rencontre avec le Seigneur… Le Seigneur passe et il nous faut être vigilant à le rencontrer. Ainsi dans le texte de la Genèse que nous venons de lire, Abraham rencontre le Seigneur aux chênes de Mambré. Abraham voit sa présence dans ces hommes qui se tiennent près de lui. Il les écoute. Et ce que nous dit la fin de ce chapitre de la Genèse – fin que nous n’avons pas lu -, c’est que « quand le Seigneur eut fini de s’entretenir avec Abraham, il partit et Abraham retourna chez lui ». Abraham n’est pas reparti vide, mais plein de cette rencontre avec le Seigneur. Pour agir.

 

Sœurs et frères, l’écoute du Seigneur et l’action pour le Seigneur sont notre respiration. Nous avons besoin de l’une et de l’autre. L’une et l’autre sont l’occasion de rencontres avec le Seigneur, occasions qui vont nous nourrir et donner du sens à notre vie. Sachons être attentifs à nous engager dans les actions justes et à rester à l’écoute du Seigneur.

 

Amen

26 juillet 2019 |

homélie du dimanche 14 JUILLET 2019

par  Claude Compagnone, Diacre

Dt 30, 10-14 ; Ps 68, 14, 17, 30-31, 33-34, 36ab.37 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37

 

Dans les textes de ce jour, il est question de commandements de Dieu, de paroles et d’actions qui sont à portée de notre main et de simplicité de cœur et de comportement.

Il est tout d’abord question de commandements de Dieu et de la mise en œuvre de ces commandements. Dieu ne veut pas faire de nous des surhommes par ces commandements, mais il veut faire de nous des hommes pleins. Il ne veut pas nous mettre au-dessus de ce que nous sommes, nous cercler de métal pour que nous ne puissions pas bouger, nous endurcir le cœur pour que nous ne puissions pas ressentir, mais il veut que nous vivions amplement ce que nous sommes déjà en tant qu’homme. C’est ce que nous dit le livre du Deutéronome, le livre de la deuxième loi.

 

Moïse dit ainsi au peuple hébreux : « Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. (…). Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique ». Si Moïse dit cela, c’est que cette Parole des commandements est déjà en nous, en tant qu’êtres créés à l’image de Dieu. Cette Parole des commandements, qui est une parole de bonté envers les autres et de bonté des autres envers nous, est déjà une parole inscrite en nous. Elle est à la portée de notre main, sa concrétisation nous est accessible à chacun. Toutefois, il nous faut savoir reconnaître cette Parole, la lire et la relire à travers la vie avec d’autres, à travers l’usure du temps avec les autres. La Parole des commandements est là pour dépasser notre endurcissement dû à cette usure et nous rappeler qui nous sommes vraiment. Elle est là pour nous faire gagner en simplicité quand nous échafaudons moult interprétations et calculs face à ce qui nous arrive.

 

Et c’est bien encore de commandements et de simplicité d’action dont il est question dans l’évangile de Luc. Un légiste, c’est-à-dire un fin connaisseur de la loi – puisque son métier est d’interpréter et de transmettre cette loi -, interroge Jésus, non pas sur la loi et les commandements, mais sur le comportement à adopter pour obtenir la vie éternelle. Et que lui répond Jésus ? Et bien, que lui, le légiste, a déjà la réponse en lui, puisqu’il connaît parfaitement la loi. Et la question qui devient alors centrale et que pose le légiste à Jésus, est « qui est mon prochain ? ». Jésus répond alors par une parabole qui dit l’importance qu’il apporte à cette question.

 

Nous connaissons, bien sûr, par cœur l’histoire du bon samaritain dite par Jésus. Nous la connaissons tellement bien que nous pouvons, dès que nous commençons à l’entendre, nous dire, « oui, je sais tout cela, il me faut m’occuper de mon prochain… ». Nous la connaissons tellement que nous pouvons l’écouter d’une oreille distraite, nous mettre quasiment en mode pause pendant l’office. Elle est simple, elle n’est pas faite de sous-entendus. Elle peut même nous bercer, puisque en suivant le Christ nous pouvons nous considérer forcément comme ce bon samaritain.

 

Pourtant cette question du prochain est à la fois pierre angulaire de notre foi et pierre d’achoppement. Nous voyons dans ce texte, que celui qui s’occupe de cet homme laissé à moitié mort – forcément juif, sinon le texte nous l’aurait dit – est un étranger. Un non-juif va donc s’occuper d’un juif, dans le pays des juifs. Nous voyons que le prêtre et le lévite, deux juifs qui assument donc des fonctions sacerdotales et qui connaissent parfaitement la loi, passent, quant à eux, leur chemin à bonne distance, en voyant cet homme à moitié mort.

 

En gardant cette distance physique dans l’espace, ils maintiennent une distance en humanité vis-à-vis de cet homme gravement blessé. S’approcher trop, c’est prendre le risque de se faire happer par ce que l’on voit, par les cris de l’autre. C’est prendre le risque de se faire bousculer. En gardant les choses à distance, on peut dire que ça n’existe pas vraiment. En restant à distance, le prêtre et le lévite empêchent d’une certaine manière la loi de se concrétiser, de prendre une forme active par leurs gestes, et ils s’empêchent d’être pleinement homme.

 

Et que dit le Christ au légiste suite à cette parabole et que nous dit-il à nous ? De faire de même que le samaritain, de faire preuve de bonté envers celui qui nous est inconnu et qui pourtant est notre prochain. Il nous demande d’être en toute simplicité comme un étranger, d’être comme ce samaritain, qualifié alors de bon, qui va s’occuper, hors du cercle des gens qu’il connait, d’un habitant du pays qui n’est pas le sien. Le samaritain s’approche, soigne, transporte, paye pour celui qui est étranger pour lui mais qui est aussi son proche en humanité.

 

Cette question du prochain, Sœurs et Frères, est une question majeure de notre foi en Christ. Elle nous pousse à être simples dans l’action envers les autres, elle nous pousse à prêter attention à l’autre et à lui apporter soin. Elle nous pousse à refuser toute logique qui considérerait que certains hommes valent mieux que d’autres. Elle nous pousse à combattre tout ce qui serait refus d’une commune dignité d’homme du fait d’une différence de richesse, d’éducation, de couleur de peau, de religion, d’état physique ou d’état psychique. Le bon samaritain ne trouve-t-il pas Dieu dans l’homme blessé plus que le prêtre et le lévite ne le trouvent dans une loi qui reste lettre morte ?

 

Amen

19 juillet 2019 |

Témoignage du Père Roux pour son jubilé – Saint Joseph, le 30 juin 2019

DN : St Paul dans la lettre aux Galates : Pour moi, vivre, c’est le Christ………………………

Nous fêtons aujourd’hui les disciples, bien sûr, Pierre et Paul, hier ; les jeunes de l’ordination, ce soir ; nous fêtons les disciples que vous êtes, que nous sommes, que nous tentons d’être, non que nous sommes, et puis nous fêtons un disciple tout spécialement, qui est aussi célébrant, qui a 70 ans de service bons et loyaux, un peu plus d’années de vie, ………et bien je vous propose comme une standing ovation (applaudissements !)………….. je crois que ce serait bien si on pouvait demander au Père René si c’est chouette d’être prêtre, et s’il en a été heureux !

 

Père René : voilà ! merci ! quelle joie chers amis frères et sœurs de vous retrouver. Je me rappelle fort bien les dernières journées ici… c’était le 30 et 31 décembre 19… (hésitation et rires) enfin : 2017, c’était il y a un an et demi, après : silence radio …….je n’avais plus de souffle…. j’avais eu une invitation pour participer à une messe comme ce matin, mais j’étais trop fatigué, pas de souffle, pas de parole ;  depuis 2 ou 3 mois,  je me sens mieux……… cela tombe à un moment où l’on a marqué des dates symboliques, les 95 ans et les 70 ans de sacerdoce, après il n’y a plus grand-chose à attendre comme dates symboliques … sinon le centenaire, mais c’est bien loin ….

Saint Joseph, la paroisse, est restée très présente à mon esprit. J’avais passé parmi vous une bonne douzaine d’années de fin de retraite, au cœur de cette communauté accueillante, vivante…….. oh ! ne faisons pas d’autosatisfaction … mais fraternelle, amicale…. Et …. Par exemple ces derniers mois où nous avons souffert de l’image de l’Eglise, problèmes… question d’abus…. La paroisse St Joseph a été pour moi, parmi d’autres, d’autres exemples, le signe d’une Église, d’une Église vivante, d’une Église qui remplit sa mission, d’une Eglise de Jésus-Christ, faite de gens imparfaits, pécheurs, mais elle porte la Parole, elle porte l’Espérance, elle porte la Charité et le désir d’aimer… Trouver réconfort dans cette expérience que j’ai partagée avec vous, que le Seigneur nous aide à approfondir notre vocation de chrétiens, de disciples….

SACERDOCE … Merci à la personne qui a retrouvé les images de notre ordination il y a 70 ans ces images avaient été dessinées par un confrère, Michel ROBLOT qui aimait les choses … merci. Nous étions 12 à être ordonnés, dont François PATRIAT. Merci Seigneur. Merci Seigneur pour cette vocation qui a été la nôtre, vocation qui nous dépasse, nous…. Le jubilé, ce n’est pas la mise en valeur d’un homme ! … Mon parcours, ma « carrière » (rit !), pourrait-on dire,  sacerdotale…… n’a pas été mirobolante, elle a été chaotique, elle a été faite de ce qu’elle était……. Et j’arrive à la fin de la vie avec un poids de déconvenue, de négligence, de regret. Mon cœur brillait, certes, ….  Seigneur je n’ai pas aimé comme j’aurais dû. La joie de t’avoir rencontré Seigneur, la joie d’avoir voulu te suivre, d’avoir voulu t’aider dans ta mission, mais la tristesse de tout ce qui manque, oui, mais cependant, et cependant, cela n’empêche pas de jubiler dans nos vies, de rendre grâce, de joindre ma foi,   de joindre mon esprit, ….. à la foule des croyants, à la foule des Saints du Ciel, des Anges  … pour louer le Seigneur, pour le remercier. Oui, Gloire à Dieu, Gloire au Christ Jésus.

Et puis les mercis : merci pour tant de grâces qui nous ont été données… Merci Seigneur pour ton œuvre dans le monde, merci Seigneur pour tant d’amitié dont on a fait l’expérience tout au long des étapes de nos vies sacerdotales ; nous avons rencontré tellement de dévouement, de patience, de bonté, de gentillesse, de charité, d’amitié. Alors pour tout cela,  Seigneur, merci, merci, et de même que je disais que cela avait été un réconfort pour moi, l’expérience que j’ai faite de cette communauté, je continue de compter sur vous pour (ah !) me présenter au Seigneur, puisque maintenant, voilà mon avenir, c’est de le rejoindre. Je compte sur votre prière, sur votre amitié, et une fois encore, merci, c’est çà le jubilé, c’est la joie partagée en Église, merci, merci encore, merci au Père….

Dn mais vous n’avez pas encore répondu à ma question, c’est quoi être heureux d’être prêtre ?

Père René : Heureux d’être prêtre, oui,  et malheureux de ne pas avoir été un grand pasteur (rires). Voilà.

18 juillet 2019 |