homélie du dimanche 14 JUILLET 2019

par  Claude Compagnone, Diacre

Dt 30, 10-14 ; Ps 68, 14, 17, 30-31, 33-34, 36ab.37 ; Col 1, 15-20 ; Lc 10, 25-37

 

Dans les textes de ce jour, il est question de commandements de Dieu, de paroles et d’actions qui sont à portée de notre main et de simplicité de cœur et de comportement.

Il est tout d’abord question de commandements de Dieu et de la mise en œuvre de ces commandements. Dieu ne veut pas faire de nous des surhommes par ces commandements, mais il veut faire de nous des hommes pleins. Il ne veut pas nous mettre au-dessus de ce que nous sommes, nous cercler de métal pour que nous ne puissions pas bouger, nous endurcir le cœur pour que nous ne puissions pas ressentir, mais il veut que nous vivions amplement ce que nous sommes déjà en tant qu’homme. C’est ce que nous dit le livre du Deutéronome, le livre de la deuxième loi.

 

Moïse dit ainsi au peuple hébreux : « Cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. (…). Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu la mettes en pratique ». Si Moïse dit cela, c’est que cette Parole des commandements est déjà en nous, en tant qu’êtres créés à l’image de Dieu. Cette Parole des commandements, qui est une parole de bonté envers les autres et de bonté des autres envers nous, est déjà une parole inscrite en nous. Elle est à la portée de notre main, sa concrétisation nous est accessible à chacun. Toutefois, il nous faut savoir reconnaître cette Parole, la lire et la relire à travers la vie avec d’autres, à travers l’usure du temps avec les autres. La Parole des commandements est là pour dépasser notre endurcissement dû à cette usure et nous rappeler qui nous sommes vraiment. Elle est là pour nous faire gagner en simplicité quand nous échafaudons moult interprétations et calculs face à ce qui nous arrive.

 

Et c’est bien encore de commandements et de simplicité d’action dont il est question dans l’évangile de Luc. Un légiste, c’est-à-dire un fin connaisseur de la loi – puisque son métier est d’interpréter et de transmettre cette loi -, interroge Jésus, non pas sur la loi et les commandements, mais sur le comportement à adopter pour obtenir la vie éternelle. Et que lui répond Jésus ? Et bien, que lui, le légiste, a déjà la réponse en lui, puisqu’il connaît parfaitement la loi. Et la question qui devient alors centrale et que pose le légiste à Jésus, est « qui est mon prochain ? ». Jésus répond alors par une parabole qui dit l’importance qu’il apporte à cette question.

 

Nous connaissons, bien sûr, par cœur l’histoire du bon samaritain dite par Jésus. Nous la connaissons tellement bien que nous pouvons, dès que nous commençons à l’entendre, nous dire, « oui, je sais tout cela, il me faut m’occuper de mon prochain… ». Nous la connaissons tellement que nous pouvons l’écouter d’une oreille distraite, nous mettre quasiment en mode pause pendant l’office. Elle est simple, elle n’est pas faite de sous-entendus. Elle peut même nous bercer, puisque en suivant le Christ nous pouvons nous considérer forcément comme ce bon samaritain.

 

Pourtant cette question du prochain est à la fois pierre angulaire de notre foi et pierre d’achoppement. Nous voyons dans ce texte, que celui qui s’occupe de cet homme laissé à moitié mort – forcément juif, sinon le texte nous l’aurait dit – est un étranger. Un non-juif va donc s’occuper d’un juif, dans le pays des juifs. Nous voyons que le prêtre et le lévite, deux juifs qui assument donc des fonctions sacerdotales et qui connaissent parfaitement la loi, passent, quant à eux, leur chemin à bonne distance, en voyant cet homme à moitié mort.

 

En gardant cette distance physique dans l’espace, ils maintiennent une distance en humanité vis-à-vis de cet homme gravement blessé. S’approcher trop, c’est prendre le risque de se faire happer par ce que l’on voit, par les cris de l’autre. C’est prendre le risque de se faire bousculer. En gardant les choses à distance, on peut dire que ça n’existe pas vraiment. En restant à distance, le prêtre et le lévite empêchent d’une certaine manière la loi de se concrétiser, de prendre une forme active par leurs gestes, et ils s’empêchent d’être pleinement homme.

 

Et que dit le Christ au légiste suite à cette parabole et que nous dit-il à nous ? De faire de même que le samaritain, de faire preuve de bonté envers celui qui nous est inconnu et qui pourtant est notre prochain. Il nous demande d’être en toute simplicité comme un étranger, d’être comme ce samaritain, qualifié alors de bon, qui va s’occuper, hors du cercle des gens qu’il connait, d’un habitant du pays qui n’est pas le sien. Le samaritain s’approche, soigne, transporte, paye pour celui qui est étranger pour lui mais qui est aussi son proche en humanité.

 

Cette question du prochain, Sœurs et Frères, est une question majeure de notre foi en Christ. Elle nous pousse à être simples dans l’action envers les autres, elle nous pousse à prêter attention à l’autre et à lui apporter soin. Elle nous pousse à refuser toute logique qui considérerait que certains hommes valent mieux que d’autres. Elle nous pousse à combattre tout ce qui serait refus d’une commune dignité d’homme du fait d’une différence de richesse, d’éducation, de couleur de peau, de religion, d’état physique ou d’état psychique. Le bon samaritain ne trouve-t-il pas Dieu dans l’homme blessé plus que le prêtre et le lévite ne le trouvent dans une loi qui reste lettre morte ?

 

Amen

19 juillet 2019 |

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