Le 9 mai 2024, jour de la fête de l’Ascension, le Pape François a publié Spes non confundit, « l’espérance ne déçoit pas », la bulle d’indiction de l’année jubilaire de 2025 qui va s’ouvrir à NOEL 2024. Vous trouverez ci-après les différents liens pour accéder à ce document.
Le mouvement de conversion vers l’écologie intégrale se situe dans le prolongement des encycliques Laudato Si (2015) et Fratelli Tutti dans la tradition de la doctrine sociale de l’Eglise. Il recouvre une multiplicité d’initiatives dans le monde entier.
On peut résumer ainsi les principes d’écologie intégrale autour de 7 indicateurs o Répondre à la clameur de la Terre (utilisation accrue d’énergies vertes, efforts de protection et de promotion de la biodiversité,
o Répondre à la clameur des pauvres en défendant toutes les formes de vie sur terre et en portant une attention particulière aux plus fragiles.
o Atteindre une économie écologique (production durable, commerce équitable, consommation éthique, investissements éthiques,etc.)
o Adopter des styles de vie simples (sobriété dans la consommation des ressources naturelles et de l’énergie, éviter le plastique à usage unique, adopter une alimentation respectueuse de l’environnement et saine, utilisation accrue des transports en commun et moins polluants, etc.)
o Développer l’éducation écologique dans nos familles, nos paroisses, nos mouvements et dans les lieux d’éducation.
o Promouvoir la spiritualité écologique, en encourageant un plus grand contact avec la nature dans un esprit d’émerveillement, de louange, de joie et de gratitude.
o Mettre l’accent sur la participation de la communauté pour protéger la création et sur l’implication dans des actions enracinées dans le territoire local.
Des groupes locaux très divers avec des modalités d’action plus ou moins structurées, plus ou moins autonomes. Certains groupes sont paroissiaux, d’autres monastiques, d’autres encore sont en lien avec des organisations, des mouvements, des familles, des écoles, des centres d’accueil, etc. Depuis 2-3 ans, on observe un effort de mutualisation et de structuration de ces groupes avec le soutien du Mouvement et de la plateforme Laudato Si en relation avec l’Eglise catholique.
et avec l’aide d’un label œcuménique Eglise verte (un éco diagnostic, une démarche méthodique) https://www.egliseverte.org/
Des plans d’action assortis d’engagements concrets et révisés régulièrement. Il s’agit de questionner notre relation à Dieu, à soi, aux autres, à la Terre pour construire collectivement chaque année un processus de conversion vers plus de spiritualité, de solidarité, de sobriété, dans une perspective d’écologie intégrale en fonction des ressources disponibles.
Que pouvez-vous faire ?
créer ou rejoindre un groupe local ? mettre en réseau des groupes locaux dans un cercle LS? Faire la formation d’animateur LS ?
Entrer dans une démarche d’Eglise Verte ?
Pour en savoir plus
Regarderle long métrage documentaire sur l’encyclique Laudato si’, intitulé « La Lettre », diffusé le 4 octobre sur YouTube. https://theletterfilm.org/fr/watch-fr/
Contacter le référent diocésain à l’écologie intégrale.
« Prendre une belle décision, une décision juste, te conduit toujours à cette joie finale, la joie de celui qui a trouvé le Seigneur »,a déclaré le pape François devant les nombreux pèlerins et fidèles d’Italie et du monde entier, rassemblés dans la Salle Paul VI pour l’audience générale de ce mercredi 31 août 2022.
Dans son discours en italien, le pape qui commence un nouveau cycle de catéchèses sur le discernement, a centré sa méditation sur la question : « Que signifie discerner ? ». S’inspirant de l’évangile de Matthieu (13, 44.47-48) dans lequel Jésus compare le royaume des cieux à un trésor caché dans un champ ou à un négociant en perles fines, le pape a évoqué l’importance du discernement dans les décisions de la vie quotidienne.
Si le discernement se présente comme un « exercice d’intelligence », « d’expertise et de volonté » pour poser un bon choix, il « implique aussi les sentiments », a souligné François François : « peut-être faut-il souffrir un peu de l’incertitude en chemin, réfléchir, chercher, mais à la fin la décision juste te procure de la joie », c’est « la joie de celui qui a trouvé le Seigneur ». En effet, « dans une décision bonne, juste, la volonté de Dieu rencontre la nôtre ».
Le pape a également évoqué la question de la liberté : « nous ne trouvons pas devant nous, tout empaquetée, la vie que nous devons vivre », a-t-il lancé, mais « il nous invite continuellement à la décider », à « évaluer et à choisir » : « il nous a créés libres et il veut que nous exercions notre liberté. C’est pour cela que discerner est exigeant »
« Ecouter son propre cœur », voilà « ce que nous devons apprendre », explique le pape dans sa seconde catéchèse sur le discernement : « pour savoir ce qui se passe, quelle décision prendre, pour porter un jugement sur une situation, il faut écouter son cœur ».
Le pape François a illustré sa deuxième catéchèse sur le thème du discernement, lors de l’audience générale de ce mercredi 7 septembre 2022, Place Saint-Pierre, par l’exemple de saint Ignace de Loyola, parce que les actions des saints « parlent aux nôtres et nous aident à en comprendre le sens ».
Ignace, le fondateur de la Compagnie de Jésus, « fait sa première expérience de Dieu en écoutant son cœur, qui lui montre un curieux renversement », raconte le pape. Ce qui « lui procurait du plaisir », comme « les pensées du monde, attrayantes au début », le laissait ensuite « vide et déçu » ; en revanche, les « pensées de Dieu », qui « suscitent des résistances au début », le laissaient « satisfait et plein de joie ».
Le pape jésuite conseille d’être « attentifs aux événements inattendus » : un « contretemps représente « un tournant possible ». Face à un contretemps, « que te dit Dieu ? ». Il y a « quelque chose à discerner » dans la façon « dont je réagis », souligne François qui invite à « voir ce qui se passe » en nous lorsque nous sommes confrontés à un imprévu, afin d’apprendre à « connaître notre cœur et comment il se sent ».
Voir la traduction intégrale des deux premières catéchèses (et des suivantes…) publiées par Hélène Ginabat sur « ZENIT » (fr.zenit.org) ou sur le site du Vatican (www.vaticannews.va Pape, audiences générales )
Discours du pape François avec les Premières nations, les Métis et les Inuits autochtones ( 25 juillet)
Madame la Gouverneure Générale, Monsieur le Premier Ministre, chers peuples autochtones de Maskwacis et de cette terre canadienne, chers frères et sœurs,
J’attendais ce moment pour être parmi vous. C’est d’ici, de ce lieu tristement évocateur, que je voudrais entamer ce qui habite mon âme : un pèlerinage pénitentiel. Je viens sur vos terres natales pour vous dire personnellement combien je suis affligé, pour implorer de Dieu pardon, guérison et réconciliation, pour vous manifester ma proximité, prier avec vous et pour vous. Je me souviens des rencontres que j’ai eues à Rome il y a quatre mois. On m’avait remis deux paires de mocassins, signe de la souffrance endurée par les enfants autochtones, surtout par ceux qui, malheureusement, ne revinrent jamais des écoles résidentielles à la maison. Il m’avait été demandé de rendre les mocassins une fois arrivé au Canada ; je le ferai à la fin de ce discours, pour lequel je voudrais justement m’inspirer de ce symbole qui a ravivé en moi la douleur, l’indignation et la honte durant ces derniers mois. Le souvenir de ces enfants suscite une douleur et incite à agir afin que chaque enfant soit traité avec amour, honneur et respect. Mais ces mocassins nous parlent aussi d’un cheminement, d’un parcours que nous désirons parcourir ensemble. Marcher ensemble, prier ensemble, travailler ensemble, pour que les souffrances du passé cèdent la place à un avenir de justice, de guérison et de réconciliation. C’est pourquoi la première étape de mon pèlerinage parmi vous se déroule dans cette région qui voit, depuis des temps immémoriaux, la présence des peuples autochtones. C’est un territoire qui nous parle, qui nous permet de faire mémoire.
Faire mémoire : frères et sœurs, vous avez vécu sur cette terre depuis des milliers d’années selon des modes de vie respectueux de la terre elle-même, héritée des générations passées et conservée pour les générations futures. Vous l’avez traitée comme un don du Créateur à partager avec les autres et à aimer en harmonie avec tout ce qui existe, dans une relation mutuelle de vie entre tous les êtres vivants. Vous avez ainsi appris à nourrir un sens de famille et de communauté, et vous avez développé des liens solides entre les générations, en honorant les personnes âgées et en prenant soin des plus petits. Que de bonnes coutumes et d’enseignements, centrés sur l’attention aux autres et sur l’amour de la vérité, sur le courage et le respect, l’humilité et l’honnêteté, sur la sagesse de la vie ! Mais, si tels ont été les premiers pas accomplis sur ces territoires, la mémoire nous ramène tristement aux suivants.
L’endroit où nous sommes maintenant fait résonner en moi un cri de douleur, un cri étouffé qui m’a accompagné ces derniers mois. Je repense au drame subi par tant d’entre vous, par vos familles, par vos communautés ; à ce que vous m’avez raconté sur les souffrances endurées dans les écoles résidentielles. Ce sont des traumatismes qui, d’une certaine manière, resurgissent chaque fois qu’ils sont rappelés et je me rends compte que même notre rencontre d’aujourd’hui peut réveiller des souvenirs et des blessures, et que beaucoup d’entre vous peuvent se trouver en difficulté au moment où je parle. Mais il est juste de le rappeler, car l’oubli conduit à l’indifférence et, comme on l’a dit, « le contraire de l’amour n’est pas la haine, c’est l’indifférence […], le contraire de la vie n’est pas la mort, mais l’indifférence à la vie ou à la mort » (E. Wiesel). Nous souvenir des expériences dévastatrices qui se sont déroulées dans les écoles résidentielles nous atteint, nous indigne et nous fait mal, mais cela est nécessaire. Il est nécessaire de rappeler à quel point les politiques d’assimilation et d’affranchissement, comprenant également le système des écoles résidentielles, ont été dévastatrices pour les habitants de ces terres. Lorsque les colons européens y sont arrivés pour la première fois, il y avait cette grande opportunité de développer une rencontre fructueuse entre les cultures, les traditions et la spiritualité. Mais dans une large mesure, cela ne s’est pas produit. Et vos récits me reviennent à l’esprit : comment les politiques d’assimilation ont fini par marginaliser systématiquement les peuples autochtones ; de même comment, à travers le système des écoles résidentielles, vos langues et vos cultures ont été dénigrées et supprimées ; comment les enfants ont subi des abus physiques et verbaux, psychologiques et spirituels ; comment ils ont été éloignés de chez eux quand ils étaient petits et combien cela a marqué de manière indélébile la relation entre parents et enfants, grands-parents et petits-enfants. Je vous remercie de m’avoir fait entrer au cœur de tout cela, d’avoir extrait les lourds fardeaux que vous portez en vous, d’avoir partagé avec moi ce souvenir poignant
Aujourd’hui, je suis ici, sur une terre qui porte, conjointement à une mémoire ancestrale, les cicatrices de blessures encore ouvertes. Je suis ici parce que la première étape de ce pèlerinage pénitentiel au milieu de vous est celle de renouveler la demande de pardon et de vous dire, de tout mon cœur, que je suis profondément affligé : je demande pardon pour la manière dont, malheureusement, de nombreux chrétiens ont soutenu la mentalité colonisatrice des puissances qui ont opprimé les peuples autochtones. Je suis affligé. Je demande pardon, en particulier, pour la manière dont de nombreux membres de l’Église et des communautés religieuses ont coopéré, même à travers l’indifférence, à ces projets de destruction culturelle et d’assimilation forcée des gouvernements de l’époque, qui ont abouti au système des écoles résidentielles. Bien que la charité chrétienne ait été présente et qu’il y ait eu de nombreux cas exemplaires de dévouement envers les enfants, les conséquences générales des politiques liées aux écoles résidentielles ont été catastrophiques. Ce que la foi chrétienne nous dit, c’est qu’il s’agissait d’une erreur dévastatrice, incompatible avec l’Évangile de Jésus-Christ. Il est douloureux de savoir que ce socle solide de valeurs, de langue et de culture, qui a donné à vos peuples un authentique sens d’identité, s’est érodé, et que vous continuez à en subir les conséquences. Face à ce mal qui indigne, l’Église s’agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés de ses enfants (cf. saint Jean-Paul II, Bulle Incarnationis mysterium [29 novembre 1998], n. 11 : AAS 91 [1999], p. 140). Je voudrais le répéter avec honte et clarté : je demande humblement pardon pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones.
Chers frères et sœurs,bon nombre d’entre vous et de vos représentants ont affirmé que les excuses ne sont pas un point final. Je suis entièrement d’accord : elles constituent seulement la première étape, le point de départ. J’ai moi aussi conscience que, « considérant le passé, ce que l’on peut faire pour demander pardon et réparation du dommage causé ne sera jamais suffisant » et que, « considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées » (Lettre au Peuple de Dieu, 20 août 2018). Une partie importante de ce processus consiste à mener une sérieuse recherche sur la vérité du passé et à aider les survivants des écoles résidentielles à entreprendre des chemins de guérison pour les traumatismes subis. Je prie et j’espère que les chrétiens et la société de cette terre grandiront dans leur capacité à accueillir et à respecter l’identité et l’expérience des peuples autochtones. J’espère que des moyens concrets seront trouvés pour les connaître et les apprécier, en apprenant à avancer tous ensemble. Pour ma part, je continuerai à encourager l’engagement de tous les catholiques à l’égard des peuples autochtones. Je l’ai fait à plusieurs reprises et en divers lieux, par des rencontres, des appels et même par une Exhortation apostolique. Je sais que tout cela demande du temps et de la patience : ce sont des processus qui doivent gagner nos cœurs. Ma présence ici et l’engagement des évêques canadiens témoignent de la volonté d’avancer sur cette voie.
Chers amis, ce pèlerinage s’étend sur quelques jours et touchera des lieux distants les uns des autres, toutefois il ne me permettra pas de donner suite à de nombreuses invitations ni de visiter des centres tels que Kamloops, Winnipeg, divers sites en Saskatchewan, au Yukon ou dans les Territoires du Nord-Ouest. Même si ce n’est pas possible, sachez que vous êtes tous dans mes pensées et mes prières. Sachez que je connais les souffrances, les traumatismes et les défis des peuples autochtones dans toutes les régions de ce pays. Mes paroles prononcées tout au long de ce voyage pénitentiel s’adressent à toutes les communautés et à tous les autochtones, que j’embrasse de tout cœur. Pour cette première étape, j’ai voulu faire place à la mémoire.
Aujourd’hui, je suis ici pour me souvenir du passé, pleurer avec vous, regarder la terre en silence et prier sur les tombes. Laissons le silence nous aider tous à intérioriser la douleur. Le silence. Et la prière : face au mal prions le Seigneur du bien et face à la mort prions le Dieu de la vie. Le Seigneur Jésus-Christ a fait d’un tombeau, impasse de l’espérance, devant lequel tous les rêves s’étaient évanouis et où il n’était resté que pleurs, douleur et résignation, il a fait de ce tombeau le lieu de la renaissance, de la résurrection, d’où est partie une histoire de vie nouvelle et de réconciliation universelle. Nos efforts ne suffisent pas pour guérir et réconcilier, nous avons besoin de sa grâce : nous avons besoin de la sagesse douce et forte de l’Esprit, de la tendresse du Consolateur. Qu’Il comble les attentes de nos cœurs. Qu’Il nous prenne par la main. Qu’Il nous fasse marcherensemble.
Homélie du pape François lors de la messe au stade du Commonwealth à Edmonton (26/07/2022)
Aujourd’hui, c’est la fête des grands-parents de Jésus et le Seigneur a voulu que nous nous rencontrions si nombreux, précisément en cette occasion aussi chère à vous qu’à moi. Dans la maison de Joachim et Anne, le petit Jésus a connu ses ancêtres et a fait l’expérience de la proximité, de la tendresse et de la sagesse de ses grands-parents. Pensons aussi à nos grands-parents et réfléchissons à deux aspects importants :
le premier : nous sommes les enfants d’une histoire à préserver. Nous ne sommes pas des individus isolés, nous ne sommes pas des îles, personne ne vient au monde séparé des autres. Nos racines, l’amour qui nous a attendus et que nous avons reçu en venant au monde, les milieux familiaux dans lesquels nous avons grandi, font partie d’une histoire unique qui nous a précédéset engendrés. Nous ne l’avons pas choisie, mais reçue comme don ; et c’est un don que nous sommes appelés à préserver. Car, comme nous l’a rappelé le Livre du Siracide, nous sommes « la postérité » de ceux qui nous ont précédés, leur « bel héritage » (Si 44,11). Un héritage qui, au-delà des prouesses ou de l’autorité de certains, de l’intelligence ou de la créativité des autres dans le chant ou la poésie, a son centre dans la justice, dans la fidélité à Dieu, à sa volonté. Et cela nous a été transmis. Pour accueillir vraiment qui nous sommes et à quel point nous sommes précieux, nous devons prendre en charge ceux dont nous descendons, ceux qui n’ont pas seulement pensé à eux-mêmes, mais qui nous ont transmis le trésor de la vie. Nous sommes ici grâce aux parents, mais aussi grâce aux grands-parents qui nous ont fait expérimenter d’être les bienvenus au monde. Ce sont eux qui souvent nous ont aimés sans réserve et sans rien attendre de nous : ils nous ont pris par la main lorsque nous avions peur, rassurés dans l’obscurité de la nuit, encouragés lorsqu’au soleil nous devions affronter les choix de la vie. Grâce aux grands-parents, nous avons reçu une caresse de l’histoire qui nous a précédés : nous avons appris que le bien, la tendresse et la sagesse sont des racines solides de l’humanité. Dans la maison des grandsparents, nous sommes nombreux à avoir respiré, en plus de tout cela, le parfum de l’Évangile, d’une foi qui a le goût de la maison. Grâce à eux, nous avons découvert une foi familiale, domestique ; oui, parce que la foi se communique essentiellement ainsi, elle se communique « en dialecte », elle se communique à travers l’affection et l’encouragement, le soin et la proximité. Telle est notre histoire qu’il faut préserver, l’histoire dont nous sommes héritiers : nous sommes des enfants parce que nous sommes des petits-enfants. Les grands-parents ont imprimé en nous le cachet original de leur manière d’être, en nous donnant la dignité, la confiance en nous-mêmes et dans les autres. Ils nous ont transmis quelque chose qui ne pourra jamais s’effacer en nous et, en même temps, ils nous ont permis d’être des personnes uniques, originales et libres. Ainsi, avons-nous appris précisément des grands-parents que l’amour n’est jamais une contrainte, il ne prive jamais l’autre de sa liberté intérieure. C’est de cette manière que Joachim et Anne ont aimé Marie ; et c’est de cette manière que Marie a aimé Jésus, avec un amour qui ne l’a jamais étouffé ni retenu, mais qui l’a accompagné pour embrasser la mission pour laquelle il était venu dans le monde. Essayons d’apprendre cela en tant qu’individus et en tant qu’Église : ne jamais opprimer la conscience de l’autre, ne jamais enchaîner la liberté de ceux que nous avons en face de nous et, surtout, ne jamais manquer d’amour et de respect pour les personnes qui nous sont confiées, ces trésors précieux qui conservent une histoire plus grande qu’eux. Préserver l’histoire qui nous a engendrés – nous dit encore le Livre du Siracide – signifie ne pas obscurcir « la gloire » des ancêtres : ne pas en perdre la mémoire, ne pas oublier l’histoire qui a donné naissance à notre vie, nous rappeler toujours de ces mains qui nous ont caressés et tenus dans les bras, parce que c’est à cette source que nous trouvons une consolation dans les moments de découragement, une lumière dans le discernement, un courage pour affronter les défis de la vie. Mais cela signifie aussi de revenir toujours à cette école où nous avons appris et vécu l’amour. Cela signifie, face aux choix à faire aujourd’hui, de nous demander ce que feraient à notre place les personnes âgées les plus sages que nous avons connues, ce que nos grands-parents et nos arrière-grands-parents nous conseillent ou nous conseilleraient.
Chers frères et sœurs, demandons-nous donc : sommes-nous des enfants et des petits-enfants qui savent garder la richesse reçue ? Faisons-nous mémoire des bons enseignements hérités ? Parlons-nous avec nos personnes âgées, prenons-nous le temps de les écouter ?
Et encore, dans nos maisons, toujours plus équipées, modernes et fonctionnelles, savons-nous créer un espace digne pour conserver leurs souvenirs, un lieu réservé, un petit sanctuaire familial qui, à travers des images et des objets chers, nous permette aussi d’élever notre pensée et notre prière vers ceux qui nous ont précédés ? Avons-nous conservé la Bible et le chapelet de nos ancêtres ? Prier pour eux et en union avec eux, consacrer du temps à faire mémoire, préserver l’héritage : dans le brouillard de l’oubli qui envahit notre époque mouvementée, il est fondamental de cultiver les racines. C’est ainsi que l’arbre grandit, c’est ainsi que l’avenir se construit.
Réfléchissons maintenant à un second aspect : en plus d’être fils d’une histoire à préserver, nous sommes artisans d’une histoire à construire. Chacun peut se reconnaître pour ce qu’il est, avec ses lumières et ses ombres, selon l’amour qu’il a reçu ou qui lui a manqué. Le mystère de la vie humaine est celui-ci : nous sommes tous enfants de quelqu’un, engendrés et façonnés par quelqu’un, mais en devenant adultes, nous sommes aussi appelés à être des personnes qui donnent la vie, des pères, des mères et des grands-parents de quelqu’un d’autre. Et donc, en regardant la personne que nous sommes aujourd’hui, que voulons-nous faire de nous-mêmes ? Les grands-parents dont nous provenons et les personnes âgées qui ont rêvé, espéré et se sont sacrifiés pour nous, nous posent une question fondamentale : quelle société voulez-vous construire ? Nous avons tant reçu des mains de ceux qui nous ont précédés : que voulons-nous laisser en héritage à notre postérité ? Une foi vivante ou « à l’eau de rose », une société fondée sur le profit des individus ou sur la fraternité, un monde en paix ou en guerre, une création dévastée ou une maison encore accueillante ? Et n’oublions pas que ce mouvement qui donne vie, va des racines aux branches, aux feuilles, aux fleurs, aux fruits de l’arbre. La vraie tradition s’exprime dans cette dimension verticale : de bas en haut. Prenons garde à ne pas tomber dans la caricature de la tradition, qui ne se meut pas en ligne verticale – des racines aux fruits – mais en ligne horizontale – en avant/en arrière – qui nous conduit à la culture de « faire marche arrière » comme en un refuge égoïste ; et qui ne fait rien d’autre que ranger le présent dans une boîte et le conserver dans la logique du « on a toujours fait ainsi ». Dans l’Évangile que nous avons entendu, Jésus dit aux disciples qu’ils sont bienheureux parce qu’ils peuvent voir et entendre ce que beaucoup de prophètes et de justes ont seulement pu désirer (Mt 13,16-17). Beaucoup, en effet, avaient cru à la promesse de Dieu concernant la venue du Messie, ils avaient préparé son chemin et avaient annoncé son arrivée. Mais maintenant que le Messie est arrivé, ceux qui peuvent le voir et l’écouter sont appelés à l’accueillir et à l’annoncer.
Frères et sœurs, cela vaut aussi pour nous. Ceux qui nous ont précédés nous ont transmis une passion, une force et un désir, un feu qu’il nous appartient de raviver ; il ne s’agit pas de garder des cendres, mais de raviver le feu qu’ils ont allumé. Nos grands-parents et nos personnes âgées ont désiré voir un monde plus juste, plus fraternel et plus solidaire, et ils ont lutté pour nous donner un avenir. Maintenant, c’est à nous de ne pas les décevoir. Soutenus par eux, qui sont nos racines, c’est à nous de porter du fruit. Nous sommes les branches qui doivent fleurir et introduire de nouvelles graines dans l’histoire. Et alors, posons-nous quelques questions concrètes : face à l’histoire du salut à laquelle j’appartiens et face à ceux qui m’ont précédé et aimé, moi, qu’est-ce que fais ? J’ai un rôle unique et irremplaçable dans l’histoire : quelle trace je laisse derrière moi, qu’est-ce que je laisse à ceux qui me suivent, qu’est-ce que je donne de moi ? Très souvent, on mesure la vie en fonction de l’argent qu’on gagne, de la carrière qu’on réalise, du succès et de la considération que l’on reçoit des autres. Mais ce ne sont pas des critères féconds.
La question est : est-ce que je donne la vie ? Est-ce que j’introduis dans l’histoire un amour qui auparavant n’y était pas ?
Est-ce que j’annonce l’Évangile là où je vis, suis-je au service de quelqu’un gratuitement, comme ceux qui m’ont précédé l’ont fait pour moi ?
Qu’est-ce que je fais pour mon Église, ma ville et ma société ? Il est facile de critiquer, mais le Seigneur ne veut pas que nous soyons seulement des personnes qui critiquent le système, il ne veut pas que nous soyons fermés et « en faisant marche arrière », mais des artisans d’une histoire nouvelle, des tisseurs d’espérance, des constructeurs d’avenir, des artisans de paix.
Que Joachim et Anne intercèdent pour nous : qu’ils nous aident à préserver l’histoire qui nous a engendrés et à construire une histoire féconde. Qu’ils nous rappellent l’importance spirituelle d’honorer nos grands-parents et nos anciens, de mettre à profit leur présence pour construire un avenir meilleur. Un avenir où les personnes âgées ne sont pas rejetées parce qu’elles « ne servent plus » de manière fonctionnelle ; un avenir qui ne juge pas la valeur des personnes seulement par ce qu’elles produisent ; un avenir qui ne soit pas indifférent à ceux qui, désormais plus âgés, ont besoin de plus de temps, d’écoute et d’attention ; un avenir où l’histoire de violence et de marginalisation subie par nos frères et sœurs autochtones ne se répète pour personne. C’est un avenir possible si, avec l’aide de Dieu, nous ne rompons pas le lien avec ceux qui nous ont précédés et si nous alimentons le dialogue avec ceux qui viendront après nous : jeunes et personnes âgées, grands-parents et petits-enfants, ensemble. Allons de l’avant ensemble, rêvons ensemble.
Homélie du Saint-Père lors de son pèlerinage au Lac Sainte-Anne (26 juillet)
C’est une joie pour moi de me retrouver ici pèlerin avec vous et au milieu de vous. En ces jours, aujourd’hui particulièrement, j’ai été touché par le son des tambours qui m’ont accompagné partout où je suis allé. Ce battement des tambours semblait faire écho du battement de tant de cœurs : les cœurs qui, depuis des siècles, ont vibré au bord de ces eaux ; les cœurs de tant de pèlerins qui ont battu ensemble au rythme des pas pour rejoindre ce « lac de Dieu » ! Ici, il est vraiment possible de saisir le battement choral d’un peuple pèlerin, des générations qui se sont mises en chemin vers le Seigneur pour faire l’expérience de son œuvre de guérison. Combien de cœurs sont arrivés ici, anxieux et essoufflés, appesantis par les fardeaux de la vie, et ont trouvé près de ces eaux la consolation et la force pour aller de l’avant ! Ici aussi, immergé dans la création, se fait entendre un autre battement, le battement maternel de la terre. Et comme le battement des bébés, depuis le sein maternel, est en harmonie avec celui des mères, ainsi pour grandir en tant qu’êtres humains, nous avons besoin d’ajuster les rythmes de la vie avec ceux de la création qui donne la vie. Retournons ainsi aujourd’hui à nos sources de vie : à Dieu, aux parents et, en ce jour et dans la maison de sainte Anne, aux grands-parents, que je salue très chaleureusement.
Portés par ces battements vitaux, nous sommes ici maintenant, en silence, nous contemplons les eaux de ce lac. Cela nous aide à retourner aussi aux sources de la foi. Il nous permet en effet de pérégriner par l’imagination jusqu’aux lieux saints : d’imaginer Jésus, qui a accompli une grande partie de son ministère sur les rives d’un lac, le Lac de Galilée. Là, il a choisi et appelé les Apôtres, il a proclamé les Béatitudes, il a raconté la plus grande partie de ses paraboles, il a accompli des signes et des guérisons. À cette époque, ce lac était le cœur de la « Galilée des nations » (Mt 4, 15), une zone périphérique, de commerce, où affluaient de nombreuses populations, colorant la région de traditions et de cultes disparates. Il s’agissait du lieu le plus éloigné, géographiquement et culturellement, de la pureté religieuse, concentrée à Jérusalem, au temple. Nous pouvons donc imaginer ce lac, appelé mer de Galilée, comme un condensé de différences : sur ses rives se rencontraient pêcheurs et publicains, centurions et esclaves, pharisiens et pauvres, hommes et femmes issus de milieux et de conditions sociaux les plus divers. Là précisément, précisément là, Jésus a prêché le Règne de Dieu : non pas à des personnes religieuses sélectionnées, mais à des populations diverses qui affluaient de partout comme aujourd’hui, il a prêché en accueillant tous dans un théâtre naturel comme celui-ci. Dieu choisit ce contexte polyédrique et hétérogène pour annoncer au monde quelque chose de révolutionnaire : par exemple, “tendez l’autre joue, aimez les ennemis, vivez en frères pour être des enfants de Dieu, un Père qui faire resplendir le soleil sur les bons comme sur les méchants et qui fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes” (cf. Mt 5, 38-48). Il en va de même pour ce lac, “métissé de diversités”, qui est devenu le siège d’une annonce de fraternité inédite ; d’une révolution sans morts ni blessés, la révolution de l’amour. Et ici, sur les rives de ce lac, le son des tambours qui traverse les siècles et unit des peuples divers, nous renvoie jusqu’à cette époque. Il nous rappelle que la fraternité est véritable si elle unit ceux qui sont éloignés, que le message d’unité que le Ciel envoie sur la terre ne craint pas les différences et nous invite à la communion, à la communion des différences, pour repartir ensemble, parce que tous – tous ! – nous sommes des pèlerins en marche.
Frères, sœurs, pèlerins de ces eaux, que pouvons-nous y puiser ? La Parole de Dieu nous aide à le découvrir. Le prophète Ézéchiel a répété à deux reprises que les eaux qui surgissent du temple, pour le peuple de Dieu, « donnent la vie » et « guérissent » (cf. Ez 47, 8-9).
Elles donnent la vie. Je pense aux grands-mères qui sont ici avec nous, si nombreuses ! Mes chères, vos cœurs sont les sources d’où a surgi l’eau vive de la foi, avec laquelle vous avez désaltéré enfants et petits-enfants. Je suis frappé par le rôle vital des femmes au sein des communautés autochtones : elles occupent une place prépondérante en tant que sources bénies de vie, non seulement physique, mais aussi spirituelle. Et quand je pense à vos kokum, je repense aussi à ma grand-mère. J’ai reçu d’elle la première annonce de la foi et j’ai appris que l’Évangile se transmet ainsi, par la tendresse du soin et la sagesse de la vie. La foi naît rarement en lisant un livre, seul dans un salon, mais elle se répand dans un climat familier, elle se transmet dans la langue des mères, par le doux chant en dialecte des grands-mères. Cela me réchauffe le cœur de voir ici tant de grands-parents et d’arrière-grands-parents. Merci ! Je vous remercie et voudrais dire à ceux qui ont des personnes âgées à la maison, en famille : vous avez un trésor ! Vous gardez entre vos murs une source de vie, s’il vous plaît, prenez-en soin, comme de l’héritage le plus précieux à aimer et à préserver.
Le prophète disait que les eaux, en plus de donner la vie, guérissent. Cet aspect nous ramène sur les rives du lac de Galilée où Jésus « guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies » (Mc 1, 34). Là, « le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal » (v. 32). Ce soir, imaginons-nous au bord du lac avec Jésus, alors qu’Il s’approche, se penche et avec patience, compassion et tendresse, guérit de nombreux malades de corps et d’esprit : des possédés, des lépreux, des paralytiques, des aveugles mais aussi des personnes accablées et découragées, perdues et blessées. Jésus est venu et vient encore pour prendre soin de nous, pour consoler et guérir notre humanité délaissée et épuisée. À tous, et y compris à nous, il adresse le même appel : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28). Ou, comme dans le passage que nous avons entendu ce soir : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jn 7, 37).
Frères, sœurs, nous avons tous besoin de la guérison de Jésus, médecin des âmes et des corps. Seigneur, tout comme les gens sur les rivages de la mer de Galilée n’avaient pas peur de crier vers toi leurs besoins, ainsi nous venons, Seigneur, ce soir vers toi avec la douleur intérieure que nous portons. Nous t’apportons nos aridités et nos peines, nous t’apportons les traumatismes des violences subies par nos frères et sœurs autochtones. En ce lieu béni, où règnent l’harmonie et la paix, nous te présentons les disharmonies de notre histoire, les effets terribles de la colonisation, la douleur inextinguible de tant de familles, de grands-parents et d’enfants. Seigneur, aide-nous à guérir de nos blessures. Nous savons que cela demande un effort, un soin et des faits concrets de notre part ; mais nous savons aussi, Seigneur, que tout seuls, nous ne pouvons rien faire. Nous nous confions à Toi et à l’intercession de ta mère et de ta grand-mère.
Oui, Seigneur, nous nous confions à l’intercession de ta mère et de ta grand-mère, parce que les mères et les grands-mères aident à guérir les blessures du cœur. Pendant les tragédies de la conquête, ce fut Notre-Dame de Guadalupe qui transmit la foi droite aux autochtones, en parlant leur langue, en portant leurs vêtements, sans violences ni impositions. Et peu après, avec l’arrivée de la presse, furent publiées les premières grammaires et les premiers catéchismes en langues autochtones. Comme les missionnaires authentiquement évangélisateurs ont bien fait en ce sens pour préserver dans de nombreuses parties du monde les langues et les cultures autochtones ! au Canada, cette « inculturation maternelle » est advenue ici par l’intermédiaire de sainte Anne, en unissant la beauté des traditions autochtones et de la foi, en les façonnant avec la sagesse d’une grand-mère, qui est mère par deux fois. L’Église aussi est femme, l’Église est aussi mère. En effet, il n’y a jamais eu un seul moment de son histoire où la foi ne s’est transmise dans la langue maternelle, par les mères et par les grands-mères. Par contre, une partie de l’héritage douloureux que nous affrontons naît du fait d’avoir empêché aux grands-mères autochtones de transmettre la foi dans leur langue et dans leur culture. Cette perte est certainement une tragédie, mais votre présence ici est un témoignage de patience et de nouveau départ, de pèlerinage vers la guérison, d’ouverture du cœur à Dieu qui guérit notre être communautaire. Aujourd’hui nous tous, comme Église, nous avons besoin de guérison : nous avons besoin d’être guéris de la tentation de nous enfermer sur nous-mêmes, de choisir la défense de l’institution plutôt que la recherche de la vérité, de préférer le pouvoir mondain au service évangélique. Chers frères et sœurs, aidons-nous à donner notre contribution pour édifier avec l’aide de Dieu une Église mère qui Lui plaise : capable d’embrasser chaque fils et chaque fille ; ouverte à tous et qui parle à chacun et à chacune ; qui ne va à l’encontre de personne, mais qui va à la rencontre de chacun.
Les foules du lac de Galilée qui se pressaient autour de Jésus étaient constituées essentiellement de gens du commun, simples, qui Lui apportaient leurs besoins et leurs blessures. De même, si nous voulons guérir la vie de nos communautés, nous ne pouvons que partir des pauvres, des plus marginalisés. Trop souvent, nous nous laissons guidés par les intérêts de la minorité pour qui tout va bien ; il faut regarder davantage vers les périphéries et se mettre à l’écoute du cri des derniers ; il est nécessairede savoir écouter la douleur de ceux qui, souvent en silence, dans nos villes surpeuplées et dépersonnalisées, crient : « Ne nous laissez pas seuls ! ». C’est aussi le cri des personnes âgées qui risquent de mourir seules à la maison ou abandonnées dans une structure, ou des malades souffrants auxquels, plutôt que de l’affection, on administre la mort. C’est le cri étouffé de jeunes garçons et de jeunes filles qui sont plus questionnés qu’écoutés, et qui délèguent leur liberté à un téléphone, pendant que dans les mêmes rues, d’autres jeunes de leur âge errent perdus, anesthésiés par certains divertissements, aux prises à des dépendances qui les rendent tristes et insatisfaits, incapables de croire en eux-mêmes, d’aimer ce qu’ils sont et la beauté de la vie dont ils jouissent. Ne nous laissez pas seuls est le cri de ceux qui voudraient un monde meilleur, mais ne savent pas par où commencer.
Jésus, qui nous guérit et nous console avec l’eau vive de son Esprit, ce soir dans l’Évangile, il nous demande que de nous aussi, du sein de ceux qui croient, « coulent des fleuves d’eau vive » (cf. v. 38). Et nous, savons-nous apaiser la soif des frères et des sœurs ? Alors que nous continuons à demander la consolation à Dieu, savons-nous aussi la donner aux autres ? Combien de fois, nous nous libérons de tant de poids intérieurs, par exemple de ne pas nous sentir aimés et respectés, en commençant à aimer les autres gratuitement ! Dans nos solitudes et nos insatisfactions, Jésus nous pousse à sortir, il nous pousse à donner, il nous pousse à aimer. Et alors je me demande : qu’est-ce que moi je fais pour celui qui a besoin de moi ? En regardant les peuples autochtones, en pensant à leurs histoires et à la douleur qu’ils ont subie, qu’est-ce que moi je fais pour eux les peuples autochtones ? Est-ce que j’écoute avec un peu de curiosité mondaine et me scandalise pour ce qui s’est produit dans le passé, ou est-ce que je fais quelque chose de concret pour eux ? Est-ce que je prie, je rencontre, je lis, je me documente et je me laisse toucher par leurs histoires ? Et en me regardant, si je me trouve dans la souffrance, est-ce que j’écoute Jésus qui veut me porter hors de la clôture de mon intolérance et m’invite à repartir, à passer outre, à aimer ? Parfois, une bonne façon d’aider une autre personne consiste à ne pas lui donner tout de suite ce qu’elle demande, mais à l’accompagner, à l’inviter à aimer, à se faire don. Parce que c’est de cette façon que, par le bien qu’elle pourra faire aux autres, elle découvrira ses fleuves d’eau vive, qu’elle découvrira le trésor unique et précieux qu’elle est.
2ème étape du voyage du Pape : Quebec ; Rencontre avec les autorités civiles, les représentants des peuples autochtones et le Corps diplomatique (27 juillet)
Madame la Gouverneure Générale, Monsieur le Premier Ministre, Distinguées Autorités civiles et religieuses, Chers Représentants des peuples autochtones, Illustres Membres du Corps Diplomatique, Mesdames et Messieurs !
Je vous salue cordialement et je remercie Madame Mary Simon et MonsieurJustin Trudeau pour ses aimables paroles. Je suis heureux de m’adresser à vous, qui avez la responsabilité de servir les habitants de ce grand pays qui, « de la mer à la mer », offre un patrimoine naturel extraordinaire. Parmi les nombreuses beautés, je pense aux immenses et spectaculaires forêts d’érables, qui rendent le paysage canadien unique et coloré. Je voudrais m’inspirer du symbole par excellence de ces terres, la feuille d’érable qui, des armoiries du Québec, s’est répandue rapidement jusqu’à devenir l’emblème qui figure sur le drapeau du pays.
Si cela s’est produit assez récemment, les érables conservent cependant la mémoire de nombreuses générations passées, bien avant que les colons n’arrivent sur le sol canadien. Les peuples autochtones y extrayaient la sève avec laquelle ils fabriquaient des sirops nutritifs. Cela nous fait penser à leur assiduité, toujours attentive à sauvegarder la terre et l’environnement, fidèle à une vision harmonieuse de la création qui est un livre ouvert qui enseigne à l’homme à aimer le Créateur et à vivre en symbiose avec les autres êtres vivants. Il y a beaucoup à apprendre de cela, de la capacité de se mettre à l’écoute de Dieu, des personnes et de la nature. Nous en avons particulièrement besoin dans la frénésie tourbillonnante du monde d’aujourd’hui, caractérisé par une constante « accélération des changements », qui rend difficile un développement réellement humain, durable et intégral (cf. Lett. enc. Laudato si’, n. 18), finissant par engendrer une « société de la fatigue et de la désillusion », qui peine à retrouver le goût de la contemplation, la saveur authentique des relations, la mystique de l’ensemble. Comme nous avons besoin de nous écouter, de dialoguer, pour nous éloigner de l’individualisme dominant, des jugements hâtifs, de l’agressivité envahissante, de la tentation de diviser le monde en bons et en mauvais ! Les grandes feuilles d’érable, qui absorbent l’air pollué et restituent l’oxygène, invitent à nous émerveiller de la beauté de la création et à nous laisser attirer par les valeurs salutaires présentes dans les cultures autochtones : elles sont une source d’inspiration pour nous tous et peuvent contribuer à guérir les habitudes nuisibles d’exploiter. Exploiter, la création, les relations, le temps, et régler l’activité humaine uniquement sur la base de l’utile et du profit.
Ces enseignements vitaux, cependant, ont été violemment combattus dans le passé. Je pense surtout aux politiques d’assimilation et d’affranchissement, qui comprennent aussi le système des écoles résidentielles, qui ont détruit de nombreuses familles autochtones, en compromettant leur langue, leur culture et leur vision du monde. Dans ce système déplorable, promu par les autorités gouvernementales de l’époque, qui a séparé de nombreux enfants de leurs familles, diverses institutions catholiques locales y ont été impliquées ; c’est pourquoi j’exprime honte et douleur et, avec les évêques de ce pays, je renouvelle ma demande de pardon pour le mal que de nombreux chrétiens ont commis contre les peuples autochtones. Pour tout cela, je demande pardon. Il est tragique quand des croyants, comme ce fut le cas à cette période historique, s’adaptent aux convenances du monde plutôt qu’à l’Évangile. Si la foi chrétienne a joué un rôle essentiel dans la formation des idéaux les plus élevés du Canada, caractérisés par le désir de construire un pays meilleur pour tous ses habitants, il est nécessaire, en admettant nos fautes, de nous engager ensemble afin de réaliser ce que je sais que vous partagez tous : promouvoir les droits légitimes des peuples autochtones et favoriser des processus de guérison et de réconciliation entre elles et les non-autochtones du pays. Cela se reflète dans votre engagement à répondre de manière adéquate aux appels de la Commission pour la vérité et la réconciliation, ainsi que dans votre souci de reconnaître les droits des peuples autochtones.
Le Saint-Siège et les communautés catholiques locales nourrissent la volonté concrète de promouvoir les cultures autochtones, avec des chemins spirituels appropriés et adaptés, qui comprennent également l’attention aux traditions culturelles, aux coutumes, aux langues et aux processus éducatifs propres, dans l’esprit de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. Notre désir est de renouveler la relation entre l’Église et les peuples autochtones du Canada, une relation marquée à la fois par un amour qui a porté d’excellents fruits et, malheureusement, par des blessures que nous nous engageons à comprendre et à soigner. Je suis trèsreconnaissant d’avoir rencontré et écouté ces derniers mois à Rome plusieurs représentants des peuples autochtones, et de pouvoir renforcer, ici au Canada, les belles relations nouées avec eux. Les moments vécus ensemble ont laissé en moi une empreinte et le désir profond de faire nôtre l’indignation et la honte pour les souffrances subies par les autochtones, en promouvant un chemin fraternel et patient à entreprendre avec tous les Canadiens, selon la vérité et la justice, en œuvrant pour la guérison et la réconciliation, toujours animés par l’espérance.
Cette « histoire de douleur et de mépris », issue d’une mentalité colonisatrice, « ne se guérit pas facilement ». En même temps, elle nous met en garde contre le fait que « la colonisation ne s’arrête pas, elle se transforme même en certains lieux, se déguise et se dissimule » (Exhort. ap. Querida Amazonia, n. 16). C’est le cas des colonisations idéologiques. Si, autrefois, la mentalité colonialiste a négligé la vie concrète des personnes en imposant des modèles culturels préétablis, aujourd’hui encore, des colonisations idéologiques qui s’opposent à la réalité de l’existence étouffent l’attachement naturel aux valeurs des peuples, en essayant d’en déraciner les traditions, l’histoire et les liens religieux, ne manquent pas. Il s’agit d’une mentalité qui, en supposant avoir dépassé “les pages sombres de l’histoire”, fait place à cette cancel culture qui évalue le passé uniquement sur la base de certaines catégories actuelles. Ainsi s’implante une mode culturelle qui uniformise, rend tout égal, ne tolère pas de différences et ne se concentre que sur le moment présent, sur les besoins et les droits des individus, en négligeant souvent les devoirs envers les plus faibles et les plus fragiles : les pauvres, les migrants, les personnes âgées, les malades, les enfants à naître… Ce sont eux qui sont oubliés dans les sociétés du bien-être ; ce sont eux qui, dans l’indifférence générale, sont jetés comme des feuilles sèches à brûler.
Les cimes multicolores riches des arbres d’érable nous rappellent en revanche l’importance de l’ensemble, de faire progresser des communautés humaines non homologuées, mais réellement ouvertes et inclusives. Et comme chaque feuille est fondamentale pour enrichir les cimes, de même chaque famille, cellule essentielle de la société, doit être valorisée, car « l’avenir de l’humanité passe par la famille » (S. Jean-Paul II, Exhort. ap. Familiaris consortio, n. 86). Elle est la première réalité sociale concrète, mais elle est menacée par de nombreux facteurs : violence domestique, frénésie professionnelle, mentalité individualiste, carriérisme effréné, chômage, solitude des jeunes, abandon des personnes âgées et des malades… Les peuples autochtones ont beaucoup à nous apprendre sur la garde et la protection de la famille, où déjà dès l’enfance, on apprend à reconnaître ce qui est bien et ce qui est mal, à dire la vérité, à partager, à corriger les torts, à recommencer, à se réconforter, à se réconcilier. Que le mal subi par les peuples autochtones, et dont nous avons honte maintenant, nous serve aujourd’hui de mise en garde, afin que le soin et les droits de la famille ne soient pas mis de côté au nom d’éventuels exigences productives et d’intérêts individuels.
Revenons à la feuille d’érable. En temps de guerre, les soldats en faisaient usage comme pansements et médicaments pour les blessures. Aujourd’hui, face à la folie insensée de la guerre, nous avons de nouveau besoin d’apaiser les extrémismes de l’opposition et de soigner les blessures de la haine. Un témoin de violences tragiques passées a récemment dit que « la paix a son secret : ne jamais haïr personne. Si l’on veut vivre, il ne faut jamais haïr » (Interviewd’E. Bruck, dans “Avvenire”, 8 mars 2022). Nous n’avons pas besoin de diviser le monde en amis et en ennemis, de prendre les distances et de nous réarmer jusqu’aux dents : ce ne sera pas la course aux armements et les stratégies de dissuasion qui apporteront la paix et la sécurité. Il n’est pas nécessaire de se demander comment continuer les guerres, mais comment les arrêter. Et d’empêcher que les peuples soient de nouveau pris en otage par l’emprise d’effrayantes guerres froides qui s’élargissent encore. Nous avons besoin de politiques créatives et prévoyantes, qui sachent sortir des schémas des parties, pour apporter des réponses aux défis mondiaux.
En effet, les grands défis actuels tels que la paix, les changements climatiques, les effets pandémiques et les migrations internationales ont en commun une constante : ils sont mondiaux, ce sont des défis mondiaux, ils concernent tout le monde. Et si tous parlent de la nécessité de l’ensemble, la politique ne peut rester prisonnière d’intérêts partisans. Il faut savoir regarder, comme l’enseigne la sagesse autochtone, les sept générations futures, non pas les convenances immédiates, les échéances électorales, le soutien des lobbies. Et valoriser aussi les désirs de fraternité, de justice et de paix des jeunes générations. Oui, comme il est nécessaire, pour retrouver la mémoire et la sagesse, d’écouter les personnes âgées, ainsi pour avoir élan et avenir, il faut embrasser les rêves des jeunes. Ils méritent un avenir meilleur que celui que nous leur préparons, ils méritent d’être impliqués dans les choix pour la construction du présent et de l’avenir, en particulier pour la sauvegarde de la maison commune, pour laquelle les valeurs et les enseignements des peuples autochtones sont précieux. À ce propos, je voudrais saluer l’engagement local louable en faveur de l’environnement. On pourrait presque dire que les emblèmes tirés de la nature, comme le lys sur le drapeau de cette Province du Québec, et la feuille d’érable sur celui du pays, confirment la vocation écologique du Canada.
Lorsque la Commission spéciale a été amenée à évaluer les milliers de maquettes parvenues pour la réalisation du drapeau national, dont beaucoup étaient envoyées par des gens ordinaires, surprises que presque toutes contenaient précisément la représentation de la feuille d’érable. La participation autour de ce symbole partagé me suggère de souligner une parole fondamentale pour les Canadiens : le multiculturalisme. Il est à la base de la cohésion d’une société aussi composite que les couleurs variées des cimes des érables. La même feuille d’érable, avec sa multiplicité de pointes et de bords, fait penser à une figure polyédrique et dit que vous êtes un peuple capable d’inclure, afin que ceux qui arrivent puissent trouver une place dans cette unité multiforme et y apporter leur contribution originale (cf. Evangelii gaudium, n. 236). Le multiculturalisme est un défi permanent : c’est d’accueillir et d’embrasser les différentes composantes présentes, tout en respectant, en même temps, la diversité de leurs traditions et cultures, sans penser que le processus soit accompli une fois pour toutes. Je salue à cet égard votre générosité pour l’accueil de nombreux migrants ukrainiens et afghans. Mais il faut aussi travailler pour dépasser la rhétorique de la peur à l’égard des immigrés et pour leur donner, selon les moyens dont dispose le pays, la possibilité concrète d’être impliqués de manière responsable dans la société. Pour ce faire, les droits et la démocratie sont indispensables. Il est également nécessaire de faire face à la mentalité individualiste, en rappelant que la vie commune repose sur des présupposés que le système politique ne peut produire à lui seul. Là aussi, la culture autochtone est d’un grand soutien pour rappeler l’importance des valeurs de la socialisation. Et l’Église catholique de même, avec sa dimension universelle et son soin envers les plus fragiles, avec le légitime service en faveur de la vie humaine dans toutes ses phases, de la conception jusqu’à la mort naturelle, est heureuse d’offrir sa contribution.
Ces jours-ci, j’ai entendu parler de nombreuses personnes dans le besoin qui frappent aux portes des paroisses. Même dans un pays aussi développé et avancé que le Canada, qui consacre beaucoup d’attention à l’assistance sociale, nombreux sont les sans-abri qui comptent sur les églises et les banques alimentaires pour recevoir aide et réconfort essentiels, qui – ne l’oublions pas – ne sont pas seulement matériels. Ces frères et sœurs nous amènent à considérer l’urgence de travailler pour remédier à l’injustice radicale qui pollue notre monde, dont l’abondance des dons de la création est répartie de manière trop inégale. Il est scandaleux que le bien-être généré par le développement économique ne profite pas à tous les secteurs de la société. Et il est triste que ce soit précisément parmi les autochtones que l’on enregistre souvent de nombreux taux de pauvreté, auxquels se rattachent d’autres indicateurs négatifs, tels que le faible taux de scolarisation, l’accès difficile au logement et à l’assistance sanitaire. Que l’emblème de la feuille d’érable, qui apparaît habituellement sur les étiquettes des produits du pays, soit un encouragement pour tous à faire des choix économiques et sociaux visant au partage et au soin des nécessiteux.
C’est en travaillant d’un commun accord, ensemble, que l’on affronte les défis pressants d’aujourd’hui. Je vous remercie de l’hospitalité, de l’attention et de l’estime, en vous disant avec une affection sincère que le Canada et ses habitants me tiennent vraiment à cœur.
Homélie du Saint-Père lors de la messe au sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré
Messe De Réconciliation À Sainte-Anne-De-Beaupré (C) Vatican Media
JUILLET 28, 2022
Source : Bureau de presse du Saint-Siège
Le voyage des disciples d’Emmaüs, à la fin de l’Évangile de saint Luc, est une image de notre route personnelle et de celle de l’Église. Sur le chemin de la vie, et de la vie de foi, tandis que nous poursuivons les rêves, les projets, les attentes et les espérances qui habitent notre cœur, nous nous heurtons aussi à nos fragilités et faiblesses, nous expérimentons défaites et désillusions, et parfois nous restons prisonniers du sentiment d’échec qui nous paralyse. L’Évangile nous annonce que, précisément à ce moment-là, nous ne sommes pas seuls : le Seigneur vient à notre rencontre, se joint à nous, marche sur la même route que nous avec la discrétion d’un voyageur aimable qui veut rouvrir nos yeux et rembraser notre cœur. Et quand l’échec laisse place à la rencontre avec le Seigneur, la vie renaît à l’espérance et nous pouvons nous réconcilier : avec nous-mêmes, avec nos frères, avec Dieu.
Suivons donc l’itinéraire de ce chemin que nous pourrions appeler : de l’échec à l’espérance. Avant tout, il y a le sentiment de l’échec, qui habite le cœur de ces deux disciples après la mort de Jésus. Ils avaient poursuivi un rêve avec enthousiasme. En Jésus, ils avaient mis toutes leurs espérances et tous leurs désirs. Maintenant, après la mort scandaleuse sur la croix, ils tournent le dos à Jérusalem pour rentrer chez eux, à la vie d’avant. Leur voyage est un voyage de retour, comme pour vouloir oublier cette expérience qui a rempli d’amertume leurs cœurs, ce Messie mis à mort comme un malfaiteur sur la croix. Ils rentrent chez eux abattus, « tout tristes » (Lc 24, 17) : les attentes qu’ils avaient cultivées sont tombées dans le néant, les espérances en lesquelles ils avaient cru ont été brisées, les rêves qu’ils auraient voulu réaliser laissent place à la déception et à l’amertume.
C’est une expérience qui concerne aussi notre vie et notre cheminement spirituel, en toutes ces occasions où nous sommes contraints de redimensionner nos attentes et de faire face aux ambiguïtés de la réalité, aux ténèbres de la vie, à nos faiblesses. Cela nous arrive chaque fois que nos idéaux se heurtent aux désillusions de l’existence et que nos intentions sont ignorées à cause de nos fragilités ; lorsque nous cultivons des projets de bien mais que nous n’avons pas la capacité de les mettre en œuvre (cf. Rm 7, 18) ; lorsque dans les activités que nous menons ou dans nos relations, tôt ou tard, nous faisons l’expérience d’une défaite, d’une erreur, d’un échec ou d’une chute, tandis que nous voyons s’effondrer ce en quoi nous avions cru ou nous étions engagés, tandis que nous nous sentons écrasés par notre péché et notre culpabilité.
Cela arrive à Adam et Ève dans la première Lecture : leur péché non seulement les a éloignés de Dieu, mais les a éloignés l’un de l’autre : ils ne peuvent que s’accuser mutuellement. Et nous le voyons aussi chez les disciples d’Emmaüs, dont le malaise d’avoir vu s’écrouler le projet de Jésus ne laisse place qu’à une discussion stérile. Et cela peut également se produire dans la vie de l’Église, la communauté des disciples du Seigneur que les deux d’Emmaüs représentent. Bien qu’étant la communauté du Ressuscité, elle peut se trouver perdue et déçue devant le scandale du mal et la violence du Calvaire. Elle ne peut alors rien faire d’autre que serrer dans ses mains le sentiment de l’échec et se demander : qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi cela est arrivé ? Comment cela a-t-il pu arriver ?
Frères et sœurs, ce sont les questions que chacun de nous se pose à lui-même ; et ce sont aussi les interrogations brûlantes que cette Église pèlerine au Canada fait résonner dans son cœur sur un éprouvant chemin de guérison et de réconciliation. Nous aussi, face au scandale du mal et au Corps du Christ blessé dans la chair de nos frères autochtones, nous sommes plongés dans l’amertume et nous ressentons le poids de l’échec. Permettez-moi alors de m’unir spirituellement aux nombreux pèlerins qui parcourent ici la “Scala Santa”, qui évoque cette montée de Jésus au prétoire de Pilate ; et de vous accompagner en tant qu’Église dans ces interrogations qui naissent du cœur chargé de douleur : pourquoi tout cela est-il arrivé ? Comment cela a-t-il pu se produire dans la communauté de ceux qui suivent Jésus ?
Ici, cependant, nous devons être attentifs à la tentation de la fuite, présente chez les deux disciples de l’Évangile : faire marche arrière, s’enfuir du lieu où les faits se sont produits, tenter de les enlever, chercher un “endroit tranquille” comme Emmaüs pour ne plus y penser. Il n’y a rien de pire, face aux échecs de la vie, que de fuir pour ne pas les affronter. C’est une tentation de l’ennemi, qui menace notre cheminement spirituel et la marche de l’Église : il veut nous faire croire que cet échec est désormais définitif, il veut nous paralyser dans l’amertume et dans la tristesse, nous convaincre qu’il n’y a plus rien à faire et que ça ne vaut donc pas la peine de trouver une voie pour recommencer.
L’Évangile nous révèle, au contraire, que précisément dans les situations de désillusion et de douleur, précisément lorsque nous expérimentons avec stupéfaction la violence du mal et la honte de la faute, lorsque le fleuve de notre vie se dessèche dans le péché et dans l’échec, quand dépouillés de tout, il nous semble que nous n’avons plus rien, précisément là, le Seigneur vient à notre rencontre et marche avec nous. Sur le chemin d’Emmaüs, il se joint avec discrétion pour partager les pas résignés de ces disciples tristes. Et que fait-il? Il n’offre pas des paroles d’encouragement génériques, des expressions de circonstance ou des consolations faciles mais, en dévoilant dans les saintes Écritures le mystère de sa mort et de sa résurrection, il éclaire leur histoire et les événements qu’ils ont vécus.
Ainsi, il ouvre leurs yeux à un nouveau regard sur les choses. Nous aussi qui partageons l’Eucharistie dans cette Basilique, nous pouvons relire de nombreux événements de l’histoire. Sur ce même terrain, il y avait auparavant trois temples ; et il y avait ceux qui n’ont pas fui devant les difficultés, qui ont rêvé de nouveau malgré leurs erreurs et celles des autres ; ils ne se sont pas laissés vaincre par le terrible incendie d’il y a cent ans et, avec courage et créativité, ils ont construit ce temple. Et ceux qui partagent l’Eucharistie depuis les Plaines d’Abraham voisines, peuvent aussi sentir l’âme de ceux qui ne se sont pas laissés prendre en otage par la haine de la guerre, par la destruction et par la douleur, mais qui ont su à nouveau projeter une ville et un pays.
Enfin, devant les disciples d’Emmaüs, Jésus rompt le pain, rouvrant leurs yeux et se montrant encore une fois comme le Dieu de l’amour qui donne sa vie pour ses amis. De cette manière, il les aide à reprendre le chemin avec joie, à recommencer, à passer de l’échec à l’espérance. Frères et sœurs, le Seigneur veut faire de même avec chacun de nous et avec son Église. Comment nos yeux peuvent-ils être rouverts, comment notre cœur peut-il encore s’embraser pour l’Évangile ? Que faire lorsque nous sommes affligés par diverses épreuves spirituelles et matérielles, lorsque nous cherchons la voie vers une société plus juste et fraternelle, lorsque nous désirons nous remettre de nos déceptions et de nos fatigues, lorsque nous espérons guérir des blessures du passé et nous réconcilier avec Dieu et entre nous ?
Il n’y a qu’une seule route, qu’un seul chemin : c’est le chemin de Jésus, c’est le chemin qu’est Jésus (cf. Jn 14, 6). Croyons que Jésus se joint à notre marche et laissons-nous rencontrer par Lui ; laissons sa Parole interpréter l’histoire que nous vivons comme individus et comme communauté et nous indiquer la voie pour guérir et pour nous réconcilier ; rompons ensemble avec foi le Pain eucharistique, afin que, autour de cette table, nous puissions nous redécouvrir enfants bien-aimés du Père, appelés à être tous frères. Jésus, en rompant le pain, confirme ce que les disciples ont déjà reçu comme témoignage des femmes et à qui ils n’ont pas voulu croire : qu’il est ressuscité ! Dans cette Basilique, où nous nous rappelons de la mère de la Vierge Marie, et où se trouve également la crypte dédiée à l’Immaculée Conception, nous ne pouvons que souligner le rôle que Dieu a voulu donner à la femme dans son plan de salut. Sainte Anne, la Très Sainte Vierge Marie, les femmes du matin de Pâques nous indiquent une nouvelle voie de réconciliation : la tendresse maternelle de nombreuses femmes peut nous accompagner – comme Église – vers des temps à nouveau féconds, où nous laisserons derrière nous tant de stérilité et tant de mort, et nous remettrons au centre Jésus, le Crucifié Ressuscité.
En effet, au centre de nos questions, des peines que nous portons en nous, de la vie pastorale elle-même, nous ne pouvons pas nous mettre et notre échec ; nous devons le mettre, Lui, le Seigneur Jésus. Au cœur de toute chose, mettons sa Parole, qui éclaire les événements et nous rend la vue pour déceler la présence agissante de l’amour de Dieu et la possibilité du bien même dans les situations apparemment perdues ; mettons le Pain de l’Eucharistie, que Jésus rompt aujourd’hui encore pour nous, pour partager sa vie avec la nôtre, embrasser nos faiblesses, soutenir nos pas fatigués et nous donner la guérison du cœur. Et, réconciliés avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes, nous pouvons, nous aussi, devenir des instruments de réconciliation et de paix dans la société dans laquelle nous vivons.
Seigneur Jésus, notre chemin, notre force et notre consolation, nous nous adressons à Toi comme les disciples d’Emmaüs : « Reste avec nous, car le soir approche » (Lc 24, 29). Reste avec nous, Seigneur, quand l’espérance se couche et que la nuit de la déception décline. Reste avec nous parce qu’avec Toi, Jésus, le cours des évènements change et l’émerveillement de la joie renaît de l’impasse du découragement. Reste avec nous, Seigneur, car avec Toi la nuit de la douleur se change en un matin radieux de la vie. Nous disons simplement : reste avec nous, Seigneur, parce que si Tu marches à nos côtés, l’échec s’ouvre à l’espérance d’une vie nouvelle. Amen.
et retrouvez si vous le souhaitez le parcours complet de catéchèse sur la vieillesse lancé par le Pape en février 2022 sur le site du Vatican (www.vaticannews.va François, audiences 2022)
Prière pour la deuxième journée mondiale des grands- parents et des personnes âgées ( 24 juillet 2022)
« Je te remercie, Seigneur, pour la bénédiction d’une longue vie car, à ceux qui se réfugient en Toi, tu accordes toujours de porter des fruits.
Pardonne, ô Seigneur, ma résignation et mon désenchantement, mais ne m’abandonne pas lorsque mes forces déclinent.
Apprends-moi à regarder avec espérance l’avenir que Tu me donnes, la mission que Tu me confies et à chanter tes louanges sans fin.
Fais de moi un tendre artisan de ta révolution, pour m’occuper de mes petits-enfants avec amour et tous les petits qui cherchent refuge en Toi.
Protège, ô Seigneur, le pape François et accorde à ton Église de libérer le monde de la solitude. Dirige nos pas sur le chemin de la paix. Amen ».