PÂQUES 2019

Actes des Apôtres, chap. 10, 34a.37-43

Lettre de Paul aux Corinthiens, chap. 3, 14-4

Évangile de Jean, chap. 20, 14-9

C’est une question que je me suis toujours posée avec cet évangile : Pourquoi, dans ce contexte dramatique du procès et de la mise à mort de Jésus, donner ce détail « popote » a priori inintéressant, que les linges sont rangés ?

Tout d’abord, deux réponses viennent à l’esprit : 1. C’est parce qu’on ne les a pas encore utilisés ou 2. Ils n’ont pas d’emploi, parce qu’ils ne peuvent pas servir. Une 3° réponse viendra : c’est parce qu’ils ne pourront plus jamais servir. Ils vont se retrouver dans une vieille armoire, sans doute, avec les vieux souvenirs. Ils affirment que les vieux souvenirs sont à remiser, que les choses de la mort sont devenues inutiles. Que la mort est devenue inutile, qu’elle est dépassée.

(je ne peux résister à l’actualité de cette cathédrale de Paris en flammes … on en fait des gros titres de journaux, — on collecte des sommes astronomiques pour un lieu de mémoire, on pleure même sur les souvenirs qui y sont attachés … mais fera-t-on les mêmes couvertures de magasine pour les 7 millions de pauvres qui vivent en France ?)

Et à y réfléchir de plus près, on peut faire aussi l’hypothèse que ce rangement de bonne ménagère veut instaurer de la clarté dans tous les recoins de l’existence. Même dans le plus banal de l’ existence. Plus rien ne peut échapper à la lumière, et sans doute, la mort faisait-elle désordre. Trop d’ombre qui pesait, trop d’obscurité qui empêchait d’avancer. Quelque chose ou quelqu’un y a porté remède. Sans doute quelqu’un qui aimait avancer et qui aimait faire avancer.

Dans la clarté.

C’est ce que disait tout de suite  l’apôtre Paul : il parle du grand ménage rituel pour Pâque  (la « chasse au chamets » d’avant la Pâque juive, avec un vocable issu d’une racine qui évoque la chaleur brûlante…), où il n’est pas question de laisser dans les maisons, ni dans nos vies des trucs qui entraînent fermentations et bouillonnements ; qui aigrissent les existences et font de nous des gens imbuvables …

Il est nécessaire que dans nos vies domine le naturellement clair et le clairement naturel : avec les saints apôtres bourguignons de la vigne, on dira qu’il nous faut être « gouleyants », càd frais et souples, sans lourdeur ni désagréments … que nous soyons plaisants à vivre. Et que rien ne sente le moisi… qu’il n’y ait même aucun risque de moisissure…

Dur challenge que d’aérer ainsi ! mais valable… faire passer le courant d’air du Seigneur Dieu – l’Esprit Saint sans doute… le quelqu’un qui portait remède est un passionné de grand large, de grands espaces …  Qui est-il ?

L’évangéliste Jean  nous donne l’exemple d’une profonde recherche : il est le plus jeune, il est plus sportif ; pour aller au sépulcre de Jésus, il bat saint Pierre à la course. Mais, quel que soit son désir de voir ce qui s’est passé dans le tombeau, il respecte Pierre, il lui laisse la priorité…

Sans doute, son attitude humble pourrait-elle colorer d’amitié vraie toute relation humaine … C’est dur, mais ça vaut la peine. Notre thérapeute ne connaît que l’humble relation inter-humaine.

C’est ce que proclame Pierre, quand il devient le responsable de l’annonce évangélique : sans mots savants de diplômé théologien, la première définition qu’il donne de Jésus, fils de Dieu, est « qu’il a passé parmi les hommes en faisant le bien ». Ce n’est pas compliqué… même si cela est compliqué à vivre.

Des relations limpides. Une trajectoire humaine lumineuse… des paroles parfois fulgurantes…  « Pierre, m’aimes-tu ?  -oui, Seigneur, tu sais tout : tu sais que je t’aime »…

Depuis le feu dans la veillée d’hier, samedi, jusqu’au feu donné à la fin de la messe par le cierge de Constance, depuis la lumière au 1° jour de la Genèse jusqu’à celle de l’Apocalypse où Dieu sera notre seul soleil, nous sommes environnés de lumière. De A jusqu’à Z, Alpha et Oméga : du début à la fin, entièrement écrits dans la lumière … par la Lumière.

Alors, si nous commencions, nous aussi, par adopter l’attitude de Dieu le Père : admirer ? admirer d’abord cette lumière reçue puis redonnée à se partager ?

Car,rappelons-nous : dans le récit de la première création de la Genèse, après le premier mot prononcé — « que la lumière soit »–, il y eut la lumière, et Dieu vit que « cela était bon ».

Avec Pâques, nous recevons la lumière de cet homme-Dieu, qui pénètre toutes choses et toutes personnes.

Il prononce les mots d’une création nouvelle et les met en œuvre. Avec Pâques, la lumière avance dans chaque recoin de vies humaines, qui ne sont plus torchonnées … qui sont enfin bien rangées…

C’est pourquoi  des icônes représentent Jésus descendant « aux enfers » pour y cueillir Adam et Ève, Abraham et tous ceux qui l’ont précédé. Il nous y recueille aussi, — comme fera le célébrant tout de suite en puisant dans le creux de sa main l’eau pour baptiser Constance. En fait pour nous tous, Pâques est le jour de nos baptêmes, et le jour de notre vraie naissance.

Par l’action de Jésus, nous sommes tout neufs ; le passé n’existe plus comme passé.  À Pâques, c’est en Christ que nous sommes définitivement plongés et purifiés, lavés de tout. Prêts aussi pour tout.

Tout commence avec sa Pâque. Avant lui, il n’y a rien. Il est le point de départ de tout et de tous… le monde commence aujourd’hui, et culmine en lui, Alpha et Oméga, de A jusqu’à Z.

De même que nous sommes environnés de la lumière, de samedi nuit à l’issue de notre messe d’aujourd’hui, nous sommes insérés dans la Résurrection : de celle de Jésus à la nôtre un jour à venir ; de même, en la main qui vient nous cueillir au ras du sol, voire sous terre même, il y a l’ensemble des ressuscitables, la communauté des frères humains.

Père d.n.

26 avril 2019 |

Les commentaires sont fermés.