Homélie du dimanche 26 mai 2019

par  Claude Compagnone, Diacre

Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 (67), 2-3, 5, 7-8 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29

Relisons ces versets de St Jean pour les faire nôtres. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »

 

Que découvrons-nous dans ces quelques versets de St Jean ? L’identité du Christ : il est le Fils de Dieu, et croire en lui, c’est croire en Dieu ; le Dieu trinitaire, puisque Dieu le Père est en relation totale avec le Fils, mais qu’en plus il nous envoie son Esprit ; et enfin, l’amour de Dieu pour nous, puisque Dieu vient demeurer en nous, il fait de nous sa maison ! Oui, il fait de nous sa maison…

L’évangile de St Jean, suite à l’épisode du lavement des pieds (chap. 13), va dire, sur quatre chapitres (13 à 17), tout cela dans une respiration profonde. Ce n’est pas une explication philosophique, ce n’est pas un commentaire théologique, ce n’est pas le récit d’un événement de vie, c’est la vie elle-même portée par le souffle des mots. Il faut alors se laisser embarquer pour comprendre les choses. Faites-en l’expérience, sœurs et frères, lisez ces quatre chapitres, et laissez-vous prendre par cette respiration, ce souffle.

Mais nous pouvons aussi nous arrêter sur cette respiration pour comprendre comment elle touche notre intelligence. Selon St Jean, le Christ nous dit « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ». Quelle simplicité dans la manière de dire les choses !

Deux éléments s’équilibrent dans ce verset. D’un côté, il y a nous, les hommes, qui agissons. Il y a l’amour que nous pouvons porter au Christ et le fait, comme conséquence de cet amour, de garder la parole du Christ. Aimer Jésus, c’est donc suivre son enseignement, c’est nous tenir à ce qu’il nous dit par les évangiles. Mais aimer Jésus, c’est aussi protéger sa parole, c’est la transmettre à d’autres, toujours et sans cesse, pour que cette parole puisse leur dire aussi à eux ce qu’est la vie, pour que cette parole puisse vivre en dépassant les contours de notre propre vie, de notre propre temps. Ce que nous recevons donc du Christ, la force de sa parole, ne peut être préservé qu’en le donnant à tous, qu’en le partageant, pour que la vie progresse.

Dans l’autre partie de ce verset, il y a Dieu qui agit. Le Père aime l’homme lorsque que cet homme aime le Christ. Aimer le Christ, c’est aimer Dieu. Si nous l’entendons aujourd’hui comme une forme d’évidence, il faut nous garder de tout anachronisme : c’est en fait une vraie révolution mentale que le Christ propose à ses disciples. Lui, homme, fils de charpentier, est l’expression historique de Dieu sur terre. Rien de moins ! Et de plus, l’un et l’autre, le Père et le Fils, viennent vers nous – ils font le premier pas -, et s’ils viennent vers nous, c’est pour faire en nous leur demeure. Faire en nous leur demeure… Si nous aimons le Christ, alors Dieu, à la fois Père et Fils, vient s’installer en nous. Nous sommes le sanctuaire de Dieu, nous sommes le temple de Dieu comme le dira St Paul.

Même si cela nous dépasse complétement, même si nous avons du mal à le comprendre, c’est pourtant bien ce qui nous est dit : Dieu, si nous l’acceptons, peut s’installer en nous et faire de notre être sa demeure sacrée. Nous sommes sacrés et le monde qui nous est donné est sacré. Tout homme ici ou ailleurs, migrant ou installé, est sacré, et cette sacralité, comme la parole de Dieu, ne peut être gardée, ne peut être préservée, qu’en étant partagée largement à tous.

Chez sœurs et frères, de nombreux observateurs décrivent notre temps comme un temps de crises multiples : crise écologique, crise climatique, crise des régimes politiques, crise de nos démocraties. A ces crises, nous pouvons rajouter une autre, pour nous catholiques, qui est la crise de notre institution face aux abus sexuels commis par des clercs ou religieux. Mais quel est notre devoir face à ces crises ? De nous asseoir et de dire que l’on n’y peut pas grand-chose ? De dire que cela s’arrangera bien tout seul ? De dire que d’autres plus intelligents que nous vont certainement agir ? Ou pire, dire que tout est pourri, que tout est mauvais, que tout est foutu ?

Non ! Notre devoir de vie est de nous laisser habiter par la parole de Dieu et de garder cette parole en la transmettant mais aussi en la faisant advenir. Cette parole nous dit que nous avons un rôle essentiel à jouer, nous peuple de Dieu, pour que le sanctuaire qu’est l’homme soit respecté, dans son développement, dans sa liberté, dans ses conditions de vie. C’est pour cela qu’il nous faut être attentif à la justice écologique et climatique, à la justice économique et sociale. C’est pour cela qu’il faut nous battre contre toutes les formes de systèmes qui, au nom du bien de quelques-uns, écrasent le plus grand nombre ou les plus faibles, ou dénature la création. En période d’élection, il est bon de se le rappeler…

Laisser Dieu habiter en nous en gardant sa parole, n’est donc pas une chose si facile. Il ne s’agit pas d’une douceur que l’on réserve à son for intérieur, que l’on cantonne au cercle strict de son intimité. Laisser habiter Dieu en nous, c’est agir continuellement et intelligemment pour le bien de l’homme, sanctuaire de Dieu et héritier et responsable de la création de Dieu.

 

 

26 mai 2019 |

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