Nathalie J. le 16 septembre 2020
L’Ancien Testament nous demande d’emblée de chercher Dieu, et aujourd’hui, dans la parabole de Jésus, c’est le maître du domaine qui cherche des ouvriers. Il les cherche dès le matin, mais il semble plutôt se promener le reste du jour, surtout en fin d’après midi. Çà me rappelle le jardin d’Éden, où « le soir venu », Dieu se promenait dans le jardin, et…cherchait l’homme : la première question de Dieu à l’homme : « où es-tu » ? ».
Isaïe, très vite, nous conduit vers l’essentiel: « que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide ses pensées », car le plus important, c’est la miséricorde de Dieu, un Dieu « riche en pardon », comme on a pu le découvrir dimanche dernier. Un Dieu bien au-dessus de nos pensées, comme le ciel est élevé au-dessus de la terre.
Mais avec Jésus, Dieu se fait proche, et c’est sur une terre de vignes qu’il nous amène à le chercher aujourd’hui.

Avec le coronavirus, les saisonniers ont bien du mal à travailler : le masque sur le visage accentue la chaleur à supporter, les distances de protection à respecter limitent la convivialité, la joie de se retrouver, en particulier pour les vendanges.
Car le travail, c’est de la peine, mais c’est aussi la rencontre, le plaisir d’être ensemble, de faire œuvre commune, et quand l’œuvre, c’est le vin, la « qualité de vie au travail » comme on dit maintenant, prend tout son sens !
Mais voilà, dans l’histoire, il y a des vendangeurs qui vont travailler beaucoup, et d’autres beaucoup…moins. Lesquels, au bout du compte, sont les plus heureux ? Que peut-on ressentir quand on n’a pas de travail, quand personne ne nous a appelé ?
Mon beau-père de 86 ans me racontait qu’à la sortie du certificat d’études, les patrons locaux venaient chercher à domicile leurs futurs ouvriers. L’un partait au champ, l’autre à la banque, un troisième à la boulangerie. Le maître d’école avait vanté au préalable les compétences de chaque élève. Mon beau-père, bon en orthographe, sérieux et rigoureux dans son travail, avait été embauché au journal du coin. Il y est resté toute sa vie.
Il y a donc des ouvriers qui sont appelés à la vigne, et avec ceux-là, le maître négocie le salaire. Pour les suivants, le maître promet de « donner ce qui est juste ». Et pour les derniers, il ne promet rien, il envoie seulement. Comme si cela suffisait. Seulement être « repéré » et envoyé…
Donc, dans un premier temps, la question de l’argent est entre le maître et les ouvriers. Dans un deuxième temps, il s’agit de justice. Et dans un troisième temps, il ne reste plus qu’une sorte de « cœur à cœur ». Le maître est touché de voir ces gens sans travail.
Nous pourrions, avec ce texte, et à la suite du pape (je ne sais plus lequel, il faudrait chercher) réfléchir à la valeur du travail pour l’homme, à la façon dont il rend l’homme libre et heureux. Car c’est ce que Dieu veut pour nous, que nous soyons libres et heureux. Mais pas que…
Il faudrait réfléchir à ce que ça fait d’être sans travail, et surtout de ne pas être appelé. J’ai postulé début septembre pour un poste de psychomotricienne en EHPAD, je me suis rendue à un entretien, et la directrice m’a dit qu’elle me donnerait sa réponse en début de semaine. C’est aujourd’hui le troisième jour que j’attends son appel. Je perds espoir, je me dis que je dois être insuffisamment compétente pour le poste. Peut-être ai-je trop parlé, trop questionné, peut-être ne suis je pas habillée assez chic, les cheveux trop blancs, pas assez dynamique pour l’équipe… Quand on n’est pas appelé, on finit par se dévaloriser, à tort, ou à raison…
Dans la parabole, tout le monde finit par travailler, ce qui est plutôt une bonne nouvelle !
Et dans cette histoire, c’est l’intendant qui donne le salaire. Il donne à chacun un denier. Sa seule contrainte : commencer par les derniers arrivés. Il n’est peut-être pas au courant de qui est arrivé à quelle heure ? Alors il les appelle. Il ne connaît peut-être pas les termes du marché conclu ou pas avec les ouvriers ? Alors il donne à tous la même chose. Les ouvriers de la première heure sont très mécontents.
Que peut-on ressentir quand on reçoit ce qui est du, mais que d’autres, ayant visiblement beaucoup moins travaillé, reçoivent le même salaire ? On a l’impression de ne pas être reconnu dans le travail accompli, dans la peine endurée, dans le temps donné au maître. Le temps donné, c’est de la vie donnée. Alors, on ne sent pas non plus reconnu dans son existence même. Mais il faut ici se souvenir que Dieu n’aime pas trop que les hommes travaillent…C’était une punition pour Adam, l’obligation de travailler la terre. Et quand Caïn a offert le fruit de son travail, il a été éconduit. Alors, cette pièce d’argent pour une journée de travail, c’est beaucoup quand seul l’argent compte. Mais c’est bien peu quand on y ajoute la valeur de l’amour. Car l’amour ne compte pas. Et c’est peut-être cela que nous enseigne Jésus aujourd’hui.
Les ouvriers de la première heure sont très mécontents. Payés les derniers, ils récriminent contre le maître. Ensemble. Récriminer, c’est se plaindre, c’est dire qu’on n’est pas d’accord. Dieu aime les gens qui récriminent. Souvenez vous , il y a plein d’histoires qui parlent de récriminations dans la Bible. Et Dieu écoute. Ces hommes rassemblés parlent au maître. Ils parlent d’argent bien sûr, comme au début de l’histoire. Mais pas vraiment en fait, si on lit bien. Ils disent « tu les traites à l’égal de nous.. » Nous ne sommes plus sur le registre financier, mais sur le registre de la justice, puis sur le registre de l’affectif : … « nous qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ». Les ouvriers de la première heure réclament de la justice et de l’amour, de la reconnaissance. Et d’ailleurs, le maître répond dans ce sens : il ne répond qu’à un seul (reconnaissance), il l’appelle « mon ami », et il lui rappelle qu’il l’a traité avec égalité et justice : « N’as tu pas été d’accord avec moi ? ». Et le maître va plus loin encore, car il ne dit pas seulement « Prends ce qui te revient et va-t-en ». Mais il ajoute, comme une proposition, un modèle à suivre, à lui, cet homme unique, cet « Adam » de l’évangile (cet homme de la première heure), d’aimer à son tour comme lui, Dieu, aime : « Je veux donner… j’ai le droit de faire ce que je veux de mes biens…je suis bon »
Il y a encore beaucoup de mystère à découvrir, en particulier dans la dernière phrase : « C ‘est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers ». Comme une promesse, une espérance…