Juin 2013
Bonjour à tous, tout d’abord, pardonnez-moi de lire plutôt que d’improviser. Il m’est plus aisé de vous lire un texte écrit, sinon je risquerais de m’éparpiller un peu trop.
Rentrée depuis presque deux mois, il n’est pas facile de vous faire un juste retour de mon année passée à Madagascar. Le bilan serait bien incomplet car je n’ai pas encore le recul pour goûter aux fruits si nombreux de cette riche expérience. Il n’est pas facile de partir, ni de rentrer. Il faut raccrocher son wagon de vie au TGV de la vie française et finalement ce n’est pas chose aisée. Récemment à Lille où j’allais voir des amis, on m’a demandé d’ où je venais, ma réponse a naturellement été : Madagascar.
Lorsque l’on commence un volontariat, une année semble une éternité. On patauge un peu au début, on doit trouver ses repères, il faut ôter ses lunettes de Française pour en mettre de nouvelles. Il faut accepter de ne plus rien comprendre, d’être perdue, de ne pas tout maîtriser, de se laisser toucher…
Toucher : c’est finalement ce mot que j’utiliserais pour vous parler de ma mission. Il faut dire que je suis kinésithérapeute alors ce verbe me va plutôt bien !
J’ai été touchée en plein cœur par un pays que je n’ai pas choisi mais que j’ai eu tant de mal à quitter. Un pays où le pire et le meilleur se côtoient de près. Un pays que j’ai aimé autant que je l’ai détesté par moments, un pays où j’ai ri et pleuré. Un pays qui s’appauvrit de jour en jour tandis qu’à l’autre bout du monde, on cherche à s’enrichir… Un pays qui pour moi reste encore un mystère. Car, allez savoir pourquoi, mais plus le temps passait et moins je comprenais.
Touchée en plein cœur par les Malgaches, par cette famille qui m’a accueillie les bras ouverts, m’a prise sous son aile comme un point d’ancrage si précieux dans cette vie mouvementée. J’ai touché du doigt leurs réalités, leurs difficultés, leur culture. J’ai partagé leurs joies et leurs peines… J’ai deux familles : une en France et une à Madagascar.
J’ai touché tous ces enfants qui venaient au centre de rééducation, ces petits bouts de corps tout fragiles, maigres, abimés par un handicap ou une maladie mais toujours souriants. Mais plus que de les avoir touchés, ils m’ont touché plus que je ne pouvais l’imaginer. Ils m’ont touché par leur force de vie, leur sourire, leur besoin immense d’affection. J’ai été touché par ses mamans ou leur famille qui inlassablement accompagnaient leur enfant avec l’espoir d’une amélioration qui parfois, souvent même, n’arrivait pas, faute de traitements adéquats ou d’examens complémentaires permettant un diagnostic précis.
Je me suis laissée toucher par toutes ces personnes qui ont croisé ma route, toucher par les mains qu’elles ont posées sur mes épaules, comme des points de repères pour reprendre son souffle et continuer la route malgré tout…
Touchée aussi par cette vie malgache : les maisons toujours ouvertes où on peut passer n’importe quand, il y aura toujours une place. Une capacité de relativiser les choses, le temps, à improviser. Pour illustrer cela, depuis mon retour, j’aime raconter cette petite anecdote qui peut paraître insignifiante. A l’aéroport à attendre un ami qui arrivait pour Noël, je reçois un message sur mon portable m’annonçant que l’avion aurait 4h de retard. En bonne Française que je suis, je me mets à pester contre la compagnie aérienne malgache qui n’est jamais à l’heure… lorsque ma Maman malgache, un petit bout de femme tout maigre et tout petit, m’a mis la main sur l’épaule et m’a dit en souriant : « Il n’y a aucun problème Adélaïde, c’est le même jour ! » Petite phrase qui fait partie des grands moments de ma coopération.
J’ai aussi à peine touché du doigt l’étendue de mes capacités, j’ai touché du doigt quelques limites, j’en ai dépassé quelques unes… J’ai pris quelques claques, certaines positives, d’autres un peu moins… Il m’a fallu redire oui souvent, surtout lorsque je me demandais ce que j’étais venue faire dans cette galère.
Je me suis laissée toucher par le Seigneur qui m’a précieusement tenue dans ses mains pendant un an. Inlassablement, il a mis sur mon chemin des petites lumières quand il faisait noir. Il a fallu que je quitte mes attaches et mon confort pour me sentir pleinement reliée à Lui. Je dois avouer que c’était bien agréable de le sentir aussi près.
Le chemin parcouru est immense. Rien ne s’est passé comme je l’avais prévu. J’ai élargi l’espace de ma tente, j’ai aimé plus pour mieux comprendre.
Ce volontariat n’est pas une parenthèse ou une étape de ma vie, il est ma vie. Un volontariat, ça donne de la consistance. Un peu comme dans une publicité : ça fait du bien à l’intérieur et ça se voit à l’extérieur ! Je reprendrais les mots d’un couple d’amis qui ont comparés ma mission à un collier de perles qu’on se confectionne, comme un trésor visible mais que personne ne peut nous enlever car il est inscrit au plus profond de notre être. Ce que j’ai vécu la bas est un trésor qui n’est pas tout à fait comme les autres puisque celui ci ne demande qu’à être partagé !
Je viens de vous toucher quelques mots de ma mission. Vous savez surement que le riz est l’aliment de base à Madagascar alors je terminerais par un proverbe malgache qui dit : « l’amour est comme un grain de riz, il pousse là où on le sème ».
LIRE QUELQUES UNS DES « JOURNAUX D’UNE MADAGASTAR » ENVOYÉS PAR ADÉLAÏDE PENDANT SA COOPÉRATION