HOMÉLIE / PRÊTRE

Trois points :

1.  La façon d’appeler, telle qu’Élie la pratique et telle que Jésus la pratiquera ; bref : ce qu’est une vocation, d’abord comment l’humain appelle, puis comment Jésus appelle : le changement est radical, et pas dans le sens de la facilité.

2.  L’apprentissage des disciples à leur métier de disciples, comme l’Évangile nous le propose, et là encore sous sa forme la plus  rugueuse ;

3.  La manière d’être de Paul — dont c’est la fête en même temps que Pierre ce 29 juin—pas plus indulgent pour le n’importe quoi …   …   …

…   …   …   1+2+3  : Tout cela s’éclaire pour moi de couleurs particulières du fait des ordinations de trois hommes jeunes, ce dimanche, à Dijon.

C’est donc de la vocation des disciples que je voudrais parler aujourd’hui, des disciples-prêtres..

Dans le temps jadis, le garçon qui s’engageait en direction de la prêtrise commençait par être portier-lecteur. Portier : c’est-à-dire qu’il ouvrait la porte. Il recevait les gens. Il leur donnait aussi la possibilité de partir. Lecteur : c’est lui-même qui faisait ouvrir par les gens la porte de leur intelligence à la parole de Dieu qu’il lisait. C’est comme si les paroles lues étaient la clef pour entrer dans la maison de Dieu ; comme si les paroles des épîtres ou de l’Ancien Testament était des mots de bienvenue de la part du grand roi à ceux qui se présentaient à la porte du palais (ce sont les images de Ste Thérèse d‘Avila).

Ensuite, le séminariste devenait exorciste-acolyte.

Là encore, un doublé de fonctions : l’acolyte est celui qui accompagne… Il y a même dans le mot en français une nuance ironique : l’acolyte est un complice, il est en connivence.

L’acolyte accompagne un prêtre et marche à côté de lui… Il accompagne Jésus et il est en connivence avec Jésus… Ils sont tous les deux en complicité pour former une bonne bande avec les frères qu’il accompagne.

C’est grâce à cela qu’un acolyte peut être exorciste. Pas un exorciste à la façon des films, mais en exorcisant le monde de sa solitude et de sa tristesse. En donnant idée aux personnes de former une équipe autour de Jésus et de marcher avec lui.

Enfin, diacre et sousdiacre.

Là, c’était l’engagement quasiment définitif. Symboliquement, celui qui est appelé à en recevoir le ministère fait un pas en avant. Il se dégage de la place où il était pour s’engager à la suite de Jésus. Il quitte la foule et assume le risque d’une position personnelle.

Puis, il se couche sur le sol comme s’il disparaissait de la scène d’un certain monde — il mime un peu ce qui est arrivé à saint Paul quand il tombe dans la poussière sur le chemin de Damas, et il ressuscitera à un monde nouveau : le monde du service dont il porte le nom : service/diaconie. Diacre, serviteur.

Faire un pas en avant, dire  « me voici », c’est basculer dans une vie autre, une autre vie. De tout soi-même, de toutes ses forces, de toute son âme, de toute son intelligence.

Personnellement.

Mais je peux en attester : Se lancer dans l’aventure n’a rien d’aventureux.

À la manière de saint Pierre — l’autre dont c’est la fête aujourd’hui — le diacre ou le prêtre disent nécessairement : « Sur ta parole, je me lance, je lance les filets ».

En fait, tout dépend de savoir si l’on considère qu’une parole est du vent ou si c’est du solide… Moi, j’aime prendre la parole au mot.

J’ai décidé que seul Jésus avait « les mots qui font vivre ». … Les « mots de passe », quoi !

J’ai toujours comme image de la vie croyante celle d’un homme sur le fil de l’équilibriste. Il ne risque rien, tant qu’il a en tête la plate-forme qui est son but. Comme Jésus dont l’Évangile de ce jour dit qu’il sait qu’il va de ce monde à son Père.

Le reste est événementiel.

Ce qui seul pourrait déstabiliser, ce serait d’accepter en lsoi la violence — je dis cela en pensant à saint Paul aux Galates que nous venons d’entendre « vous vous mordez, vous vous dévorez les uns les autres… ».

Le croyant a déjà une vie de ressuscité ; plus rien ne lui fait peur, sinon de blesser autrui.

Et il vaut mieux que le prêtre soit un homme croyant…

Le prêtre est un homme or-donné : il est placé quelque part par quelqu’un pour faire quelque chose. On n’est pas prêtre par vocation personnelle. On participe à la construction d’une maison à la façon de saint Joseph. On participe à une arche d’alliance à la manière de Moïse… On a cette conviction  un peu folle que les humains peuvent devenir civilisés… Qu’ils peuvent se donner confiance les aux autres, — et aimer.

La tâche du prêtre est de prendre les choses de la terre, fruits de la terre et du travail des hommes, pour manifester qu’elles peuvent porter tout Dieu en elles-mêmes — c’est l’eucharistie… La mission du prêtre est de faire transfusion à un humain de cette certitude qui est au cœur même de Dieu : quoi que l’on ait fait, ce que l’on a fait est du passé. Une route est toujours ouverte.

Le rôle du prêtre et de prendre ne serait-ce qu’une petite gouttelette d’eau et de la mêler à la coupe de vin du Dieu créateur. Quoi qu’il fasse, il doit le faire « pour la gloire de Dieu et le salut du monde », et c’est là-dessus qu’on doit le juger.

Pour finir, je voudrais juste prendre la parole de Paul : Christ nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres.

C’est ce que vous vivez, vous les couples, dans cet autre sacrement d’aventuriers qu’est le mariage : lui aussi, sacrement de l’appel ! Vous le savez bien, on n’y est libre que parce qu’on s’engage pleinement à révéler et recevoir la vie l’un de l’autre, à transformer la vie l’un par l’autre, à créer la vie. Et plus on aime, plus on est libre ; et plus l’amour nous a libérés, plus on sert à quelque chose.

Amen.

30 juin 2013 |

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