Depuis quelque temps, Jésus ne nous ménage pas—je ne sais d’ailleurs pas bien s’il le fait jamais, il nous aime trop pour cela–. Un peu comme s’il nous préparait à la rentrée dans une classe supérieure : nous ne sommes plus chez les petits ; nous serons un peu chez les moyens, et lui désire nous amener chez les grands. Nous sommes faits pour ce niveau-là. Et comme il est un rudement bon Maître, j’espère qu’il y arrivera ?
D’abord : apprendre à poser les bonnes questions.il y a quelque s semaines, nous disions de façon infantile « Y’a mon frère qui ne veut pas partager ». Il répondait, comme il fit naguère à Marthe dans son agitation : Mais si toi, tu te préoccupais de ce qui compte vraiment ?
Apprendre à discerner puis s’investir dans ce que l’on fait. « Je suis venu apporter un feu sur la terre, disait Jésus, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! ». Apprendre à ne pas vivre dans le fade ou le tiède. Dans un domaine analogue, nous avons ce mot de Saint Bernard (puisque c’était sa fête le 20) « La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure ». Se donner à fond. Ç’aurait été la solution pour le jeune homme riche, ce garçon qui voulait faire tout pour le mieux … et Jésus lui proposa de se brûler tout entier, de laisser tous ses bagages et de Le suivre. Où qu’il aille, et quels que soient les chemins.
A nous tous, en ce moment, Jésus dit la même chose : « Passez par la toute petite porte ». Celle qui ne laisse passer que l’homme sans bagage, l’homme démuni –celui qui ne se prend pas pour un baudet chargé de tout, et surtout pas chargé de porter les problèmes du monde entier …
L’homme qui ressemble à Jésus lorsqu’il n’a même pas de quoi se poser la tête.
Les frères cisterciens connaissent bien cette manière de vivre : l’architecture de leurs églises ne comporte pas d’entrée majestueuse ; ils n’ont pas les frontons de cathédrales, mais juste une petite porte, comme dérobée qui vous oblige à pénétrer humblement dans le mystère de Dieu, et comme des gens en recherche d’un intérieur véritable – en quête d’intériorité.
En fait, c’est cela, la question que nous pose Jésus : veux-tu de l’intériorité ? Veux-tu de la vie personnelle ? Veux-tu être libre ?
Ou bien : est-ce que tu aimes mieux t’abriter derrière tous les paravents des convenances ou des relations ou de n’importe quoi plutôt que d’être toi ?
Être Toi, et être mon ami.
Comme je le suis de toi.
Indéfectiblement.
Et là, je passe à la lettre aux Hébreux puis à Isaïe :
La Lettre parle des leçons que l’on reçoit d’un prof, ou d’un père, ou d’un dieu , ou de quelqu’un, quel qu’il soit, qui vous tape sur les doigts, vous remet en place, vous recadre. C’est justement parce qu’on était décadré, décalé, hors du coup et hors du tout. « On jouait perso » disent les sportifs, on n’avait plus la vision de l’ensemble. Celle que Jésus nous souhaiterait avoir. La vision globale du coach. La vision attentive. Celle qui permet de bâtir. Ici encore, Jésus notre entraîneur interroge : veux-tu construire un beau jeu ? Veux-tu faire gagner ton équipe ?
Alors, prends-en les moyens, fais tes gammes, révise tes leçons … et demande-toi ce que tu veux dans la vie.
« Moi, dit Jésus (qui a lu Isaïe et le connaît), ce que je veux, c’est de faire digne chacun. Et de faire équipe de tout bois. Forger une équipe, comme
le racontera une parabole, avec tous les boiteux, les estropiés, les mendiants, les rejetés, les condamnés, les laissés pour compte, les méprisés, les humiliés, ceux qu’on lapide ou crucifie. J’en fais partie, j’en sais la valeur.
Et je sais que seuls ceux-là sauveront le monde.
Pas ceux qui ont tellement de bagages qu’ils en sont des poids lourds, morts …
Faire que chacun ait sa place, en communion avec les autres. Faire des vivants en communion avec l’univers. »
Il n’est pas étonnant, et cela lui ressemble bien, que Jésus ait inventé ce sacrement de la Communion : on est tous ensemble autour d’u
ne même table dans la maison du Père, et ce sacrement descend en nous, nous nourrit au plus intérieur de nous-mêmes, infiniment fragile et infiniment fort. Dans un mélange de joie et de silence.
Et dernière remarque pour finir : avez-vous vu que les boiteux qui arrivent, chez Isaïe, à la fin du Texte aux Hébreux, par une route facilitée, non seulement arrivent aisément, mais en plus sont guéris ?
Comme si d’inviter à la fête du Seigneur opérait des miracles ?
À nous de jouer !
d.n. 24 août 2013