prédication des 21 et 22 octobre 2017

par Bertrand Schweisguth,

ancien président du conseil presbytéral de l’Eglise protestante unie de Côte d’Or

 

Quand le père Dominique Nicolas m’a demandé si j’étais prêt à vous parler au cours de cette messe, j’ai assez spontanément répondu oui, reconnaissant pour l’honneur qui m’était fait mais un peu tremblant devant le défi que cela représentait.

Pourquoi  vous proposer cette prédication aujourd’hui à la fin de la semaine missionnaire mondiale de l’Eglise catholique romaine ? Pourquoi prendre la parole à la place d’un prêtre ou d’un diacre ? Peut-être parce que nous sommes tous appelés à être missionnaires, même sans aller à des milliers de kilomètres d’ici, comme chrétiens, quelle que soit notre Eglise d’appartenance.

Mais la vraie raison est que, dans quelques jours, il y aura exactement 500 ans le 31 octobre, Martin Luther affichait sur la porte de l’église de la Toussaint à Wittenberg, ses fameuses 95 thèses. Et cet événement a été pris comme le début symbolique de la réforme protestante du 16ème siècle.La réalité historique est que Luther a envoyé ses 95 thèses à l’archevêque de Mayence en vue d’un débat universitaire, d’une dispute, sur les indulgences et le trafic qui en était fait. Mais le texte a été diffusé et a soulevé une vaste polémique.

En 1517 Martin Luther avait 34 ans, il était moine de l’ordre des ermites de St Augustin, prêtre et Dr en théologie, fin lecteur de la Bible.

Dans ses premières années,  il était un moine extrêmement scrupuleux. Il était hanté par la mort et par la peur de la mort. Que faire face à un Dieu aimant mais qui exige en retour un amour parfait, donc impossible ? Son respect de la Règle et des rites, ses prières, ses actions ne pouvaient jamais être à la hauteur de cette exigence. La réponse, il l’a trouvée dans les écritures et particulièrement dans l’épître de l’apôtre Paul aux Romains.

Voici ce qu’en a dit le Pape François, au cours d’une célébration commune avec les Eglises luthériennes qui ouvrait la commémoration des 500 ans de la Réforme en octobre 2016, à Lund, en Suède :

« L’expérience spirituelle de Martin Luther nous interpelle et nous rappelle que nous ne pouvons rien faire sans Dieu : « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? » C’est la question qui hantait constamment Luther. En effet, la question de la relation juste avec Dieu est la question décisive de la vie. Comme on le sait, Luther a trouvé ce Dieu miséricordieux dans la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ incarné, mort et ressuscité. Par le concept « uni

quement par la grâce divine », on nous rappelle que c’est toujours Dieu qui prend l’initiative et qu’Il précède toute réponse humaine, en même temps qu’Il cherche à susciter cette réponse. La doctrine de la justification, par conséquent, exprime l’essence de l’existence humaine face à Dieu ».

Pour le dire rapidement, la doctrine de la justification énonce que l’homme, toujours pécheur, s’il se repent, est, par la foi en Jésus Christ, trouvé juste devant Dieu. Cette justification ne dépend en aucun cas de ses mérites ou des bonnes actions qu’il peut faire, elle dépend entièrement de la grâce divine. Cette foi dans l’amour de Dieu nous rend libre de toute culpabilité.

Libérés et justifiés devant Dieu ne signifie pas que nous puissions faire ce que nous voulons. Un article de la confession d’Augsbourg de 1530, un texte essentiel pour les luthériens, dit ceci :

«…Cette foi doit produire des fruits et des bonnes œuvres, …il faut que l’on fasse, pour l’amour de Dieu, toutes sortes de bonnes œuvres que Dieu lui-même a commandées. Mais il faut se garder de mettre sa confiance dans ces œuvres et de vouloir mériter par elles la grâce de Dieu. Car c’est par la foi en Christ que nous obtenons la rémission des péchés et la justice… »

Relisons les premiers versets de la lettre de Paul aux Thessaloniciens à cette lumière.

Souvenez-vous que cette 1ère lettre aux Thessaloniciens est la première en date des lettres de Paul donc aussi le plus ancien écrit du Nouveau Testament ! Sa compréhension du salut par la foi y est déjà inscrite.

« …sans cesse, nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, et de votre persévérante espérance, qui nous viennent de notre Seigneur Jésus Christ, devant notre Dieu notre Père, sachant bien, frères aimés de Dieu, qu’il vous a choisis. »

Et la note sur ce dernier verset, dans la TOB, la traduction œcuménique de la bible, dit ceci :

« Dans l’Ancien Testament, l’élection est le privilège d’Israël, appelé pour cette raison le peuple élu : Dieu l’a choisi parmi les autres peuples, non en vertu de ses mérites particuliers, mais par pure grâce.

Paul reconnaît maintenant aux communautés chrétiennes d’origine grecque le même privilège, qui a sa source dans l’amour gratuit du Dieu Sauveur. » Fin de citation.

Aujourd’hui, ici, nous faisons partie de ces « communautés chrétiennes d’origine grecque » ; c’est bien à nous qu’est adressé ce message : nous sommes bénéficiaires de l’amour de Dieu en dehors de tout mérite de notre part.

Et l’apôtre ajoute : « En effet, notre annonce de l’Evangile chez vous n’a pas été seulement discours, mais puissance, action de l’Esprit Saint et merveilleux accomplissement. »

C’est par l’Esprit Saint que nous recevons cette foi en un Dieu qui fait miséricorde.

Permettez moi de terminer en citant la théologienne et pasteur Katharina Schächl de l’Eglise Protestante Unie de France, dans un article du dernier n° de la revue Unité des Chrétiens consacré au thème de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens de 2018 ; le thème est une citation du livre de l’Exode : « Le Seigneur est ma force et ma louange, il est mon libérateur ».

Et Katharina Schächl écrit à propos du Christ libérateur :

« Le Christ qui accueille l’imperfection humaine, le Christ qui promet sa présence sans aucune exigence de contre-don, le Christ qui fait entrevoir une humanité déconcertante de Dieu, le Christ qui permet d’espérer une vie plus forte que toute mort… A condition d’y accorder sa foi, d’exercer notre don à faire confiance, l’être humain peut alors faire l’expérience libératrice d’être le bien-aimé, la bien-aimée de Dieu, en dehors de tout cadre d’évaluation par l’échec ou la réussite. Une liberté d’enfant de Dieu, pour rien ! Quelle bonne nouvelle pour aujourd’hui ! »

Amen.


22 octobre 2017 |

Les commentaires sont fermés.