par Claude Compagnone, diacre
Nous fêtons aujourd’hui la Sainte Trinité. Dix jours après l’ascension au ciel de son Fils Jésus-Christ, Dieu le Père nous fait le don de son Esprit Saint à la Pentecôte. Jésus était présent physiquement auprès des disciples, juste après sa mort et sa résurrection. Il l’a été sous une forme mystérieuse, non-ordinaire, surprenante, et cette forme de présence interroge certains de ses disciples. C’est cette interrogation que l’on retrouve dans le verset de l’évangile St Matthieu de ce jour où il nous est dit que certains des onze disciples, en voyant le Christ en Galilée après sa mort et sa résurrection, « eurent des doutes ».
Des doutes… Mais des doutes sur quoi ? Sur leurs propres perceptions ? Thomas pris par ce genre de doute insistera pour appréhender la réalité de la résurrection du Christ non seulement par le regard mais aussi par le toucher, pour croiser et valider les perceptions de différents sens, pour sortir d’une éventuelle illusion. On ne sait pas si Thomas va toucher le Christ (ce n’est pas dit), mais ce que l’on sait, par contre, c’est que le Christ instaure avec lui un dialogue, dialogue qui va l’atteindre en plein cœur. Thomas veut toucher par ses mains les plaies du Christ et se sont les mots de vérité du Christ qui viennent l’ébranler, lui, physiquement.
Mais le doute peut aussi surgir autrement. S’il ne repose pas sur une illusion possible des sens, on peut penser que certains des disciples du Christ ont pu se demander si la personne qu’ils voyaient et qui se trouvait en face d’eux, n’était pas quelqu’un d’autre que le Christ, un autre qui se ferait passer pour lui. Ce n’est plus leurs propres sens qui les auraient alors trahis mais d’autres hommes.
On ne sait pas ce qu’il va rester de ce doute. On ne sait pas s’il va complètement éprouver la foi de ces disciples au risque de la faire rompre. On ne sait pas, là, si les paroles du Christ qui vont alors suivre vont suffire ou pas à chasser immédiatement ce doute, comme dans l’échange du Christ avec Thomas. Par contre, ce que l’on sait, c’est que ce doute arrive même chez les plus proches disciples plongés dans une histoire faite d’événements dont ils n’arrivent pas à rabouter tous les bouts. Ce que l’on sait aussi, c’est que Jésus leur parle à tous, et qu’au-delà du doute qu’il peut sans doute percevoir chez certains d’entre eux, il les envoie tous en mission, sans faire de distinction, sans exception. Tous. Pour le Christ, il faut qu’ils puissent donner eux-aussi la vie en abondance, comme lui le Christ a su la donner, et qu’en donnant la vie, ils croissent.
Il les prend donc tels qu’ils sont, à ce moment présent de leur vie, et, en pleine confiance, il les envoie pour que le monde est accès à Dieu. C’est cela être des disciples : c’est s’accepter soi-même tel que l’on est au moment présent pour suivre le Christ. C’est cela faire disciples. Ce n’est pas lever une armée, ce n’est pas emprisonner les gens, ce n’est pas obliger les gens : c’est au contraire leur offrir la vraie liberté. Comme le dit si bien St Paul « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils », c’est-à-dire « des enfants de Dieu ».
Et que dit le Christ à ses disciples en les envoyant en mission ? Il leur dit « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Il s’agit d’offrir à toutes les personnes Dieu dans sa pleine réalité, et non pas à moitié tronqué. Il en est ainsi : Dieu est Père, Dieu est Fils, et Dieu est Saint Eprit ; et nous pouvons le connaître en tant que Père, en tant que Fils et tant que Saint Esprit ; et il agit dans notre vie en tant que Père, que Fils et que Saint Esprit.
La Sainte Trinité que nous fêtons aujourd’hui, juste après la Pentecôte et la venue de l’Esprit Saint sur les apôtres, c’est cette chose si mystérieuse d’un Dieu unique et trine. Il n’y a qu’un seul Dieu, mais ce Dieu est trois, Père, Fils et Saint Esprit. Et ce que Maurice Zundel verra d’extraordinaire dans la Trinité, c’est le caractère relationnel de Dieu. Dieu est la relation triangulaire du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, chacun étant relié à l’un et à l’autre. En lui-même Dieu est relation et dialogue. Il attend de nous que nous puissions entrer en relation et dialogue avec lui ; il attend que nous sachions entrer en relation et dialogue avec les autres hommes et avec la création. Dieu attend que puissions être ce qu’il est : relation et dialogue.
On ne sera ainsi donc pas surpris de voir que ces passages où le doute des disciples s’exprime sont suivis par une entrée en dialogue du Christ avec les disciples. C’est dans cette relation et ce dialogue, dans ces mots justes qui relient, que les disciples vivent pleinement la reconnaissance du Christ. C’est cette relation et ce dialogue qui dénouent cette tension du doute.
En cette fête de la Trinité, sachons nous ouvrir complétement au souffle de l’Esprit et être femme et homme de relation et de dialogue.