* homélie du 23 mai 2021

par Claude Compagnone, diacre

Pentecôte, messe anticipée du 22 mai                                                                                Ac 2, 1-11 ; Ga 5,16-25 ; Jn 15, 26-27 ; 16,    12-15

Qu’arrivent-ils donc aux disciples du Christ en ce cinquantième jour après Pâques, en ce jour de Pentecôte ? En tant que Juifs qui voient en Jésus le Messie, les disciples du Christ se sont réunis pour pratiquer leur foi de Juifs et pour fêter la Pentecôte juive, c’est-à-dire ce jour où Moïse reçut les tables de la loi avec ses 10 commandements. Pour nos frères Juifs, c’est la fête de « Chavouot ».

En cette fête de Chavouot, le peuple juif célèbre le souvenir du jour où Dieu matérialise son alliance avec son peuple à travers un don : Dieu offre à son peuple une loi qui doit éclairer son esprit afin qu’il sache ce qui est bon et ce qui est mauvais pour lui ; afin qu’il arrive à discerner ce qui construit et donne la vie et ce qui détruit et stérilise la vie. Cette fête de Chavouot marque donc un don de Dieu pour son peuple tout entier, le don d’un outil, la loi, qui vient combler un manque pour que le peuple juif sache orienter sa conduite. Les conséquences de ce don sont donc une transformation des relations entre les hommes du peuple juif, où le meurtre, le vol, la convoitise, etc., ne peuvent plus être considérés comme normaux.

Je reprends ma question : qu’arrivent-ils donc en ce jour de Pentecôte aux disciples du Christ ? Bien, à vrai dire, je pense qu’ils n’en savent strictement rien ! Ils sont secoués et se trouvent embarqués dans un phénomène dont ils ne maitrisent absolument rien ! Mais ils sont là ensemble, nourris, fiévreux et fervents des événements qui se sont déroulés les cinquante derniers jours de leur existence : le Christ est mort, il est ressuscité et il leur est apparu à plusieurs reprises jusqu’à ce moment où il a disparu à leur regard. Les disciples continuent de vivre leur vie communautaire, de se réunir pour permettre à ces graines déposées en eux de germer. Ils sont en attente, c’est-à-dire ouverts à accueillir les choses, même les plus imprévisibles. Ne sommes-nous pas nous-mêmes aujourd’hui en attente ? Ne sommes-nous pas cette communauté de disciples ?

Savent-ils ce qu’il va se passer ce jour ? Sans doute que non. Ils n’y comprennent rien, mais ils regorgent en cet instant de cette attente de la vie, de cette attente de la vraie nourriture. Et quelque chose se produit qui les transforme. Un événement se déroule identifiable par sa manifestation physique et sonore. Quelque chose se produit qui ressemble à un coup de vent et au déplacement et au partage d’une flamme. Comme l’arrivée de la Loi dans le peuple Juif, cette manifestation transforme leur relation aux hommes et c’est bien cela l’essentiel. Les disciples parlent ainsi les langues de tous les hommes, dans leur diversité d’alors ! Ils font comprendre ce qu’ils disent et vivent, au-delà de leur petit cercle. C’est une explosion et une onde de choc qui se propagent. Le don de Dieu n’est alors plus un outil, la Loi, extérieur qui touche la raison : c’est un souffle, le souffle de Dieu qui transforme à la fois leur cœur et leur intelligence. Ils se mettent à parler librement et fort et ils le font en utilisant les langues que d’autres peuvent comprendre.

L’Esprit Saint nous est-il donné à nous, aujourd’hui ? Bien sûr ! Comme le don de la Loi de Moïse au peuple Juif est un don durable, le don de l’Esprit Saint est un don de Dieu toujours renouvelé envers nous. Si les disciples le reçoivent avec la force d’une onde de choc, c’est parce que leur cœur était en attente. Il nous suffit donc d’ouvrir notre cœur et notre intelligence à Dieu pour qu’à la fois il nous submerge et que nous soyons capables de voir son action en nous et dans les autres. Cette action de l’Esprit se voit dans les fruits qu’il produit c’est-à-dire dans l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la

maîtrise de soi, comme le dit Saint Paul. Il nous faut donc invoquer l’Esprit pour qu’il descende en nous et fasse produire ces fruits. Il viendra pour celui qui sait demander avec un cœur confiant et sincère.

Nous concluons aujourd’hui l’année Laudato Si lancée par le Pape François, il y a 1 an. Dans le tire de l’encyclique, Laudato Si, « Loué sois-tu », le Pape François reprend les mots de Saint François d’Assisse louant le Seigneur pour la création qui nous est donnée. Saint François dit : « Loué sois-tu, Mon Seigneur, pour notre sœur mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne et produit divers fruits avec les fleurs colorés ». J’entends dans les mots de Saint François la même exultation que dans ceux de Marie lorsqu’elle reçoit de l’Ange l’annonciation de sa maternité ; j’y retrouve cette exultation du Christ lorsqu’il rend grâce à son Père d’avoir caché la connaissance pleine et entière de Dieu « aux sages et aux savants mais de l’avoir révélé aux tout petits ». Le souffle de l’esprit raisonne dans la contemplation de cette vie qui nous est donnée et qui nous dépasse.

L’exultation du Christ, de Marie et de Saint François est le fruit de l’action de l’Esprit Saint qui travaille en nous. Lorsque nous le laissons agir en nous, il nous dilate et nous ouvre les yeux à la création dans sa beauté et sa bonté. Il nous fait entrer en résonnance avec Dieu, les hommes et le monde. C’est ce souffle de l’Esprit Saint qui pousse à agir pour la création et pour la vie. Il est abandon et joie en Dieu.

La contemplation de la création de Dieu nous ouvre à l’Esprit Saint, et le déploiement de l’Esprit Saint en nous nous pousse à la protection de la création et de la vie.

25 mai 2021 |

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