7° weekend
1° livre de SAMUEL chap. 26
Évangile de LUC chap. 6
Un conférencier américain commençait un exposé sur la générosité à la façon des conférenciers américains : il raconte une histoire qui lui était arrivée, puis il généralise. Un jour, parce que son aspirateur de voiture était en panne, il est allé emprunter celui de son voisin, qu’il ne connaissait pas du tout ; ils ont parlé ensemble et il fait connaissance. Lorsque son aspirateur a été réparé, il s’est bien gardé de dire au voisin que les choses allaient bien, de manière à conserver la visite et les échanges qu’ils avaient chaque semaine. Quant au voisin, il s’était gardé lui aussi de faire savoir qu’il connaissait la réparation, pour la même raison du plaisir partagé. En conclusion, le conférencier affirmait que vivre la générosité commençait de façon aussi banale — banale en apparence ! — que d’être attentif à son voisin, et inventif dans les relations. Il suffit d’oser.
Cette manière d’être typiquement américaine rejoint l’enseignement de la Bible aujourd’hui. Car la Bible de ce jour nous apprend comment vivre ensemble généreusement et à fond, et même au-delà. Selon l’expression des journalistes, la Bible fait « crever le plafond ».
Oui :
il y avait une fois un certain jeune David employé par le roi de son pays pour venir à bout des adversaires. C’était un bon guerrier — tellement trop bon guerrier, et tellement trop, trop, sympathique, que tout le monde disait du bien de lui, et même la fille du roi. Le roi en était devenu jaloux. Plus David plaisait, plus le roi s’enfermait sur lui-même. Il fallait se débarrasser de cet embarrassant David. Le jeune homme s’enfuit, et les troupes du roi partirent à sa recherche…
Il y avait déjà eu un duo de frères qui s’était terminé en duel : Abel en était mort, pourtant Dieu avait prévenu l’autre, Caïn : « Ton visage s’effondre, ne te laisse pas dévorer par le lion de ta jalousie » mais Caïn s’était muré dans le silence, comme ici, Saül dans la violence.
À l’inverse, David manie l’humour et la poésie. Il risque gros en pénétrant dans le camp du roi, au cœur de l’armée ; et, s’il agit en Robin des Bois, il est ferme dans ses principes : non-violence d’abord. Parce que d’abord et avant tout, il y a Dieu ; et ce que Dieu a marqué est sacré. Tout est possible, sauf de manquer à ce respect, sauf de manquer à l’humilité, à ce que l’on appelle « la crainte de Dieu ».
Cela va se manifester très concrètement, on se croirait dans un film : Avishaï, son aide de camp, propose à David de se défaire du vieux Saül d’un coup de lance, en l’instant ; David a refusé le « tout, tout de suite ». Il se met à distance, il prend du champ, et c’est sa parole qui franchit l’obstacle. Elle abolit la distance. Elle rejoint le roi aux tréfonds de lui-même. C’est elle qui réussit le travail.
La première condition pour être généreux, c’était d’oser.
La deuxième est d’introduire l’Eternel Dieu dans son action.
Lorsque le « fils de David », Jésus, prendra la parole comme celle que nous venons de recevoir, il manifestera qu’il croit en notre capacité à endurer tout, à tenir bon dans la durée.il a, comme son grand-père, la même confiance en l’Eternité.
Et la même confiance que son ancêtre à endosser les attitudes les plus folles.
À l’emprunteur, dit-il, laisser notre chemise ; au militaire romain qui réquisitionne, doubler la corvée. Folie, tout cela !
Et nous a-t-on assez reproché cette joue à tendre si on nous frappe au visage !
Folie, oui.
Pro-vocation aussi.
Quelle avait été l’attitude de Jésus ? comment s’est-il comporté dans les conflits ?
Une 1° circonstance est la rencontre de Jésus avec Judas et ses bandes armées. Judas le signale aux gendarmes par le salut fraternel et le leur vend. Au lieu de se rebiffer, Jésus a la remarque « C’est par un baiser que tu me trahis ? ». Il y a, là, juste une ironie douce-amère, pas plus.
Et quand un garde le gifle lors de son procès, il ne tendra pas la joue, mais demande « Pourquoi me frappes-tu ? Dis-moi… ».
Oui, Jésus a la folie de croire que l’autre peut s’expliquer. Peut raisonner. Peut être intelligent.
A-t-il tort ?
Quelle que soit notre réponse, lui, Jésus, sait que cela est le seul pari gagnant.
C’est ainsi qu’il affronte la mort ; c’est ainsi qu’il passe tout entier en Dieu le Père. La résurrection et la confiance sont sœurs jumelles. Leur commune origine est la Parole échangée, donnée, reçue, féconde à la manière d’un grain de blé jeté en terre…
Cela ne rejoindrait-il l’actualité immédiate de ce pays à propos des Racismes et de tous les antisémitismes ?
Ne pourrait-on penser que la bonne réponse serait d’oser parler, d’interroger, de donner à l’autre personne de parler ? de dire ce qui est en elle ?
Et d’entendre ce qui a peur en nous ?
Si la bonne réponse était de demander à l’autre personne de prier pour nous ?
Jusqu’au terme, l’attitude du Christ couvre les séparations. Il couvre et ouvre. Un au-delà est déjà commencé.
Christ donne part à la Résurrection dès maintenant, si l’on veut l’entendre.
Etre généreux serait alors de le recevoir, Lui, d’abord. Et que la folie de sa Croix chasse de nous tout autre souci.
Si la bonne réponse était de croire en l’éternité ?
père dominique nicolas