30° DIMANCHE ORDINAIRE : JESUS ET BARTIMEE

Il y a un homme au bord de la route, sur le bas-côté.

Aujourd’hui encore,il y a toujours beaucoup  de personnes au bas côté des routes.

Cela fait réagir fortement. Et pardonnez-moi : de façon irrépressible, je n’ai pas pu m’empêcher d’entendrons résonner en moi un chant de 1986 qui accompagnait la naissance des restos du cœur :

« Aujourd’hui, on n’a plus le droit / Ni d’avoir faim, ni d’avoir froid / Dépassé le chacun pour soi »…

En fait, je ne suis pas sûr que d’avoir ou froid ou faim  ait jamais été un droit… Mais surtout ce cantique laïc qu’est la chanson, dans ses raccourcis a tout de même voulu exprimer le devoir de réagir et de s’insurger contre un état de fait scandaleux.

Et la troisième phrase reste toujours aussi vraie : « dépassé le chacun pour soi ».

Cette démarche humanitaire, nous la partageons spontanément en recevant l’Évangile d’aujourd’hui. Et saint Marc, et saint Luc avec la même histoire, comme après eux saint Jean, — — l’Évangile est sensible au caractère très humain de Jésus, à sa tendresse et à son attention aux pauvres et aux exclus.

Tout disciple de Jésus aura lui aussi devoir de s’insurger face aux situations inhumaines, simplement parce qu’il est humain. Et en cela, notre humanité est forgée ou confortée par les contestations sociales des prophètes et des psaumes : ils disent « Dieu est bon pour les pauvres, il n’oublie pas le cri des malheureux » (psaume 9 & 10 ) ; ils disent aux riches  « votre argent est pourri » (paroles d’Amos, le bouvier ) …

Mais cela ne suffit pas. L’attitude de Jésus est bien plus complexe. Il est surprenant –comme toujours. Pas un humanitaire en tout cas.

Il fait appeler l’homme aveugle. Il le fait venir. Il ne se jette pas à son secours comme le ferait quelqu’un d’affectivement bouleversé. Comme s’il se refusait à enfermer l’homme Bartimée derrière le barreau de ses limites. De l’une d’elles.

Pour Jésus, manifestement, l’homme ne se résume pas à ses barreaux. Pour Jésus, toute personne, toute créature, est infiniment plus riche qu’elle ne paraît : il y a en elles un potentiel de vie et de grâce qu’il suffit d’aller chercher.

Qu’il faut aller chercher : c’est cela, offrir le salut aux humains.

Manifestement, Jésus avait bien capté le problème : le signe en est que Bartimée bondit de joie, laisse tomber le vieux manteau de son passé et rejoint Jésus… Qui l’attendait.

Un dialogue s’amorce, et une phrase unique de Jésus fait centre, fait cœur : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Sa question fait jaillir de l’intérieur la puissance de ce que l’homme attendait depuis toujours, l’essentiel de son désir, de son vouloir-vivre.  L’Homme crie son besoin d’avenir et sa liberté.

Bien sûr, si l’Évangile est Évangile est bonne nouvelle, c’est parce que nous connaissons que la question de Jésus est pour nous.

Et notre liberté a toujours deux réponses possibles :

Ou bien : merci, je n’ai besoin de rien

Ou bien je m’émerveille de ce que Dieu se mette à notre service, et, je fonce et j’y vais en toute vérité et en toute confiance. Ma seule confiance sera dorénavant Jésus, et Jésus seul.

Et là, je suis obligé de vous demander pardon une deuxième fois, et d’aller jusqu’au bout de notre rencontre avec Jésus : car en vie chrétienne, prendre modèle sur Bartimée et CRIER  son besoin, cela s’appelle : les sacrements.

Le Baptême : je crie le besoin de mourir à la vétusté pour accéder à une terre promise et désirée –comme  sera la Résurrection par la croix de Jésus

La Confirmation : le Père appelle à partager la mission d’aller aux exclus comme Jésus juste après son baptême

L’eucharistie et la Communion : nous crions avec Jésus le besoin d’admirer le Dieu-Père libérateur pour  le peuple de Pâques

Le Mariage : pour apprendre à répondre chaque jour à bâtir à la manière dynamique de Jésus, qui a donné tout lui-même  pour donner la vie.

Le sacrement de l’Ordre : pour apprendre à servir comme Jésus

Celui de la Confession : pour crier le besoin de voir, entendre, penser, parler et  agir, comme Jésus —  et d’accueillir l’avenir et le créer

Sacrement des malades : pour offrir notre fragilité en celle de Jésus

 

J’en finis alors avec cette foule où nous apprenons ce que signifie marcher avec Jésus, c’est-à-dire faire Église. Dans un premier temps, elle a le droit de se tromper et de négliger les bas cotés parce qu’elle veut rester toute seule avec le Maître. Mais quand son Seigneur le lui dit, elle se convertit et transmet aux personnes abandonnées « courage, il vous appelle ! »…

C’est d’ailleurs  par ces mots que les apôtres termineront la première lettre qu’ils auront écrite aux premiers chrétiens, après leur premier concile (c’est dans le livre des Actes ou chapitre 15).

De Jésus, l’Église reçoit en tout temps mission pour encourager les marges.

Il restera, juste après la rencontre de l’aveugle Bartimée, ce que raconte Luc à propos de la ville de Jéricho où se dirigeait Jésus pour la traverser en toute hâte, — parce que Jéricho était une ville bâtie sur la corruption– Il n’a pas pu s’empêcher de perdre son temps à s’arrêter sous un arbre pour dialoguer avec un petit bonhomme perché dedans , que nous aimons bien : c’est-à-dire Zachée.

Lequel tient sans doute un peu de nous aussi, tout comme nous tenons de Bartimée.

Bénie soit l’Église qui nous l’a fait savoir et nous a transmis ces évangiles « à la gloire de Dieu et le salut du monde »

AMEN

 

27 octobre 2018 |

homélie du 14 octobre 2018

par  Jean-Paul Berthelot, diacre

Comme le dit la lettre aux Hébreux, la parole de Dieu est tranchante, elle nous bouscule et surtout nous dérange. Nous vivons dans un monde qui se pose des questions existentielles. Nous cherchons des recettes de bonheur et  souvent nous accumulons des biens matériels  qui, en définitif, ne nous rendent pas plus heureux.  Ce que les anciens appelaient « la sagesse », c’est à dire l’intelligence de la vie, vaut bien plus que toute richesse. L’évangile nous dit que le  bien le plus précieux est l’attachement à la personne du Christ car il est éternel.

La première lecture nous introduit directement dans ce contexte philosophique du bonheur : «Tout l’or du monde, auprès de la sagesse n’est qu’un peu de sable » Il existe un proverbe qui dit : « on ne récolte que ce que l’on a donné » Nous vivons un peu dans notre cocon,  et nous oublions souvent que beaucoup de nos frères et sœurs vivent dans la misère. Nous nous voilons la face  alors que nous devrions  ouvrir grand nos yeux pour partager ce que l’on a et ce que l’on est.

Le sage est celui qui a pleinement conscience  de sa faiblesse, et en même temps, de la force de Dieu qui habite en lui. Il sait que vivre est difficile, alors il affronte les problèmes en faisant confiance à la tendresse de Dieu. La grande richesse est cette  Parole de Dieu,  énergique, qui pénètre au plus profond de notre âme. Nous la recevons dans notre cœur comme une lumière, un appel à grandir.  Elle invite à se donner généreusement pour qu’aucun être humain ne reste sur le chemin, blessé dans sa dignité.

Ce jeune homme riche est vertueux, et Jésus l’a bien compris, mais il lui demande plus : tout quitter par amour pour Lui. Nous ne sommes jamais quittes avec celui que l’on aime. L’amour se vit dans la fidélité qui s’invente chaque jour. « Quitte tout » est un appel à refuser la médiocrité, la suffisance, et la certitude d’être celui ou celle qui est arrivé (e). C’est une invitation à vivre la vie en plénitude avec le Christ.

La richesse peut nous amener à faire trop  confiance en nos capacités pour sortir de toutes les impasses de la vie.  Le jeune homme riche n’est pas prêt à troquer ses trésors contre celui du ciel que Jésus lui promet. La question essentielle de ce jeune homme est bien une question existentielle car elle concerne  la mort : « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? »

Le bonheur n‘est pas de posséder mais de vivre en lien avec les autres, riche de l’amour de Dieu, riche de joie et de foi. « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même » dit le chant. Là est l’essentiel : la richesse du cœur. Laissons-nous regarder par Dieu, par son amour ; laissons-nous porter par sa parole et nous remplir de sa sages

se. Là est la porte de la vie éternelle et le vrai chemin du bonheur. Ce bonheur est présent au fond de mon cœur.

Ce jeune homme de l’évangile, ne serait-ce pas un peu nous ? Il utilise un verbe très important dans sa question : le verbe « avoir » Tant que nous en restons à ce verbe,  alors le Royaume de Dieu est inaccessible. Comme le dit Yves Duteil dans sa chanson Avoir et Être« le verbe Avoir a besoin d’Être parce que Être c’est exister » La frénésie de la consommation ne peut rendre heureux.  L’appât du gain est très fort de nos jours. Les tentations sont grandes et peuvent voiler notre regard sur les choses e

ssentielles de la vie. Je vous rappelle que Dieu n’est pas côté au CAC 40.

Quelles sont les richesses auxquelles nous nous attachons ? Sommes-nous prêts à changer nos cœurs ? Nous sommes libres d’accepter ou de refuser ce que Jésus nous propose. Quelle que soit notre décision, l’amour de Dieu nous sera toujours  offert.  Peut-être qu’un jour son appel touchera notre cœur et nous serons alors capables d’aller plus loin.

Pensons déjà à partager notre sourire car c’est une manière positive d’envisager la vie. Dieu est un soleil au quotidien, sa présence est vitale. Il est le sens de

notre vie  et non une béquille pour les jours où la vie se met à boiter. Alors Seigneur, mon choix est fait : je prends le risque de te suivre.       Amen.

 

18 octobre 2018 |

CONTRAT ou ALLIANCE ? 27° dimanche B

Livre de  la genèse chap. 2, 18*24

Évangile selon st marc chap. 10, 2-16

 

 

Oui, une fois de plus, Jésus est exigeant. Mais pas inhumain : au contraire, il est humanisant, il nous rend plus humains par sa façon d’être.

Je ne vais pas m’attarder sur la question des scribes et des pharisiens qui s’adressent à lui : ces gens très savants ne lui posent qu’une question administrative et formelle. Jésus, lui, préfère puiser dans la richesse de leurs traditions bibliques, c’est-à-dire dans ce qu’ils ont en eux-mêmes depuis leur première enfance : comme toujours, le Christ s’adresse au plus personnel des personnes plutôt qu’a leur extérieur.

Nous ne nous attarderons pas sur l’administratif parce que nous avons reçu au tout début le récit de la création de l’homme et de la femme dans le livre de la Genèse.

On a dit dessus beaucoup de choses inutiles, alors qu’il faut déjà partager l’émerveillement qu’il raconte, l’émerveillement de l’homme quand il voit arriver en face de lui la femme.

Reprenant les commentaires contemporains. Il vise d’abord le sommeil, le grand sommeil de la disponibilité, celui que connaîtront par la suite Abraham avant de faire alliance avec l’éternel, et Joseph pour accepter de recevoir Jésus comme son fils, où les apôtres Pierre, Jacques et Jean sur la montagne de la transfiguration. C’est le grand sommeil où l’on est réceptif à ce qui est trop profond pour être vu : c’était celui de Jacob découvrant, après le rêve de son échelle où se mouvaient les anges, que Dieu était là et qu’il ne le savait pas… pas encore. Ils étaient tous disponibles, ils avaient tous quitté leurs volontés de puissance ou domination.

Alors, au réveil, Adam découvre la femme à côté de lui, divine surprise :  et du coup, lui qui n’était qu’une masse de terre informe, — le glèbeux comme dit le poète Paul Claudel –, il se met à parler, à dire son éblouissement de façon personnelle. Une psychanalyste dira même : ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme,  mais sa parole et la parole de son désir le plus profond.

 

Donc pour former un couple, la première qualité est de recevoir l’autre avec émerveillement, l’autre comme un don, une grâce. L’autre, sans ma violence ni ma volonté de puissance. Mais l’autre réel, tel qu’il ne vient. Jamais comme un idéal , le prince charmant ou la belle au bois dormant qui comblerait mon vide. L’autre avec qui je pourrai collaborer pour faire quelque chose de notre terre. l’autre, la seule personne avec qui nous pouvons vraiment dialoguer, la seule avec qui vraiment réfléchir et porter les choses de l’existence.

La personne telle qu’elle est, avec qui il y a une vraie relation d’amitié. Pour les théologiens de l’âge classique, on peut même ajouter que l’amitié était le socle et le ciment de tout couple.

Donc recevoir l’autre, tel qu’il est, réel, même dans sa faiblesse et sa fragilité. C’est sans doute seulement alors cela que l’on appelle l’amour.

C’est cela qu’on appelle l’alliance.

Revenons à l’Évangile.

Saint Marc a eu la curieuse idée de faire suivre immédiatement l’enseignement de Jésus sur le mariage de ce passage où interviennent des grandes personnes et des enfants.

Pourquoi ?

C’est comme s’il ne voulait pas de paroles théoriques, mais de cette réalité remuante et bruyante que nous connaissons bien :  nos enfants. Des enfants pleins de vie.

Justement, parce que les enfants savent bouger et aller dans tous les sens, parce qu’ils connaissent les règles du jeu, et que les règles permettent de jouer bien, jusqu’au bout. Ils sont totalement dans leur vie ; ils apprennent à habiter le monde par leur jeu. Aux adultes, nous dit Jésus, d’être aussi intensément dans ce qu’ils font et d’être passionnés par la qualité du jeu.

 

Alors maintenant, à ce point de notre partage, permettez-moi un souvenir de célébration : au moment de leur déclaration, un jeune couple nous a lu un texte du théologien Louis Évely qui élançait bien en tête « On ne se marie pas parce qu’on s’aime »… Grand coup de silence dans cette église romane de village… Jusqu’à la dernière phrase « On se marie pour être vivant ». Là, nous avions tout compris.

Compris que l’autre n’est jamais dans l’histoire du passé

compris que l’autre est le cœur  du présent bâtisseur

compris que l’autre qui me fait l’honneur d’être la est image de Dieu,

l’image du Dieu qui est ce qu’il est et Dieu qui est ce qu’il sera (c’est le Dieu surprenant de Moïse au désert),

du Dieu qui est, qui était et qui vient comme dit l’Apocalypse.

C’est pour cela que nous avons choisi le Christ.

C’est pour cela qu’il a choisi d’épouser son Église, fragile et don du ciel.



8 octobre 2018 |

homélie du 23 septembre 2018

par Claude Compagnone, Diacre

Sg 2, 12.17-20 ;  Ps 53 (54), 3-4, 5, 6.8 ; Jc 3, 16 – 4, 3 ; Mc 9, 30-37

« Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas ; vous demandez, mais vous ne recevez rien ; en effet, vos demandes sont mauvaises, puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs. » Voici donc les derniers mots de la lettre de St Jacques que nous venons de lire. Ces mots sont sévères et nous percutent violement. Ils ne nous laissent pas indemnes car c’est bien aussi de nous dont il s’agit.

Nous ne saurions ainsi pas demander à Dieu ; et quand nous demandons, nous lui demandons des choses qui ne sont pas bonnes. Ainsi se dessinent le contour de l’individualisme et de l’égoïsme qui nous habitent et contre lesquels il nous faut continuellement lutter. Individualisme, d’un côté, quand nous pensons que nous nous suffisons à nous-mêmes et que nous n’avons rien à demander à Dieu et aux autres. Soit que nous pensions que les choses nous sont dues, au regard de notre grande qualité ; soit que nous estimions que nous ne valons rien et que, de ce fait, Dieu ne peut pas s’intéresser à nous. Nous n’avons alors pas besoin de Dieu, ni des autres. Egoïsme, d’un autre côté, lorsque demandant à Dieu, nous ne le faisons alors que pour des choses qui nous arrangent nous, pour des choses qui, si elles sont bonnes pour nous, sont mauvaises pour les autres.

L’individualisme et l’égoïsme dessinent ainsi un abime, vers lequel nous pouvons glisser et  nous perdre, coupés de Dieu, coupés des hommes et coupés de l’être que nous pourrions être, et donc, en fin de compte, coupés de nous-mêmes. En tant que chrétien, il me faut donc être constamment en éveil des pentes faciles de cet individualisme et de cet égoïsme, de cette recherche de la meilleure place, la plus confortable et la mieux reconnue, qui imperceptiblement me font glisser.

Chose étrange que cette question de la meilleure place, puisque nous la  retrouvons aussi chez les disciplines qui ont tout quitté pour suivre le Christ. Nous conférons aujourd’hui à ces hommes une telle autorité, que l’idée qu’ils aient pu se chamailler là-dessus nous parait hautement surprenante. On ne peut les suspecter d’individualisme et d’égoïsme, et pourtant ils sont bien eux-aussi confrontés, comme tout homme, à l’attirance de cet abime.

Ainsi, ces disciples ne comprennent-ils rien quand le Christ leur dit qu’il sera mis à mort et qu’il ressuscitera. Ils ont peur de l’interroger nous dit le texte de l’évangile. Mais peur de quoi ? D’être confrontés à un mystère insondable ? D’être face à une réalité du Christ autre que celle qu’ils imaginent ? De découvrir qu’ils risquent de tout perdre dans la mort du Christ ? Par contre, ce dont ils vont discuter en chemin, lorsque le Christ est un peu en retrait, c’est de savoir lequel parmi eux est le plus grand des disciplines. Là, on n’est plus dans la perte que le Christ leur annonce dans sa mort, mais plutôt dans le gain de la reconnaissance qu’ils peuvent tirer de leur investissement avec le Christ. Et ça, ça les intéresse. Cette question bien évidemment les amène à réfléchir sur les critères qu’il faut prendre en compte pour déterminer qui est le plus grand et qui est le plus petit d’entre eux. On peut imaginer que certains disciples aient avancé comme critère le nombre de jours passés avec le Christ, d’autres le nombre d’heures consacrées à la prière, et d’autres encore le nombre de missions accomplies.

Remarquons alors la douceur du Christ. Ils ne les admonestent pas en leur disant qu’une telle conversation ne vaut rien. Pourtant les disciples ne sont pas particulièrement fiers de ce type de conversation, puisque lorsque le Christ leur demande de quoi ils parlaient, ils n’osent plus rien dire. A ce moment-là, le Christ, sachant de quoi ils parlaient, ne leur dit pas qu’il ne peut pas y avoir de grandeur ou de petitesse entre eux. Non, il leur fait connaître le seul critère qui compte dans l’établissement de la grandeur : la façon d’être au service des autres, et plus particulièrement au service des plus petits. Il prend un enfant, l’embrasse (car il n’en fait pas un objet), et le place au milieu d’eux pour dire l’accueil qui doit être le leur envers les personnes les plus fragiles.

Le Christ, ainsi, ne brise pas le fait qu’il y ait des choses plus grandes que d’autres mais  il  retourne complétement l’ordre de ce qui est grand et de ce qui petit. Il subvertit l’économie des grandeurs. Pour lui, la seule grandeur possible est donc une grandeur qui s’ignore et qui n’est pas recherchée pour elle-même. La seule grandeur possible est celle qui restera au regard de Dieu dans notre engagement auprès des autres. Elle ne donne aujourd’hui aucun droit, aucun prestige. Elle disparait dans l’épaisseur de la fierté d’être un enfant de Dieu.

Combien, sœurs et frères, êtes-vous grands dans votre engagement à la suite du Christ ; combien êtes-vous grands quand vous luttez pour la justice et la paix ; combien êtes-vous grands quand vous êtes accueil pour les plus petits. Le Christ vous le dit : c’est alors Dieu que vous accueillez.

Amen

 

6 octobre 2018 |

HUMILITE 26° dimanche B

Livre des Nombres, chap. 11, 25-29
Psaume 18/19 b
Lettre de st Jacques, chap. 5, 1-6
Évangile de st Marc, chap. 9, 38-48

Saint Jacques vient de nous administrer une gifle monumentale. Sommes-nous KO debout, comme disent les boxers ? Non, car  nous avons un soigneur  qui nous aide à remonter la pente : le Christ Jésus et sa  manière d’être. C’est lui notre entraîneur. C’est lui qui nous rend la santé.

Et autour de nous,  comme autant de compagnons de route,  toute l’équipe de coéquipiers : les saintes et les saints. Les Églises catholique et orthodoxe nous en proposent au moins dix chaque jour ; et ce week-end, nous sommes tout entourés de ceux-ci : Vincent de Paul,  le 27, apôtre des pauvres et des orphelins, aumônier des bagnes du roy ; le 28 Wenceslas, prince non-violent de Prague assassiné par son délirant frère ; aujourd’hui/hier, les Archanges de Dieu  Michel, Gabriel et Raphaël, témoignent que le Seigneur est tout proche de nous et s’intéresse à nous  ;  ce 30, Jérôme, le bibliste à l’écart dans sa grotte de Bethléem ; lundi 1° Octobre, ce sera Thérèse de Lisieux , la « petite Thérèse » et le 15, Thérèse d’Avila, « la madrecita, la petite mère ».

Tous nous donnent d’entendre le psaume de tout de suite, le verset 14 du psaume 18 :

le psaume dit

Préserve ton serviteur de l’orgueil :
qu’il n’ait sur moi aucune emprise.
Alors je serai pur d’un grand péché.

 

Le seul gros péché, la source de tous les autres : l’orgueil. Et la clef de la sainteté est l’humilité. Parce qu’elle fait entrer en nous la ressemblance avec Jésus.

 

D’abord :  ce qu’elle n’est pas… méfions-nous des contrefaçons !

Elle ne se traîne pas plus bas que terre ; elle ne se dévalorise pas ; elle ne se cache pas.

Au contraire, elle vous regarde droit dans les yeux, et elle dit come fit Marie « On parlera de moi dans tous les siècles »… rien à voir avec de la modestie, dirait-on… oui, justement parce que la Vierge est fière de Dieu , et amoureuse de lui : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles, il s’est penché vers moi, il m’a regardée »,

 

Donc :  un peu de ce qu’elle est :

Si l’orgueil fait fuir, on se sent bien à côté de l’humilité : qui ne se remarque même pas, qui a l’air tout naturel…   de même qu’avec les gens intelligents, on se sent devenu intelligent, avec une personne humble, on se met à exister. À « avoir le droit ». On sent une existence partagée. Il n’y a plus d’exclusive ni de domaine réservé. Tout est devenu communion.

 

Partager !  Avec la joie en prime. Fêter et trinquer comme Jésus.  Se réjouir..

On ne peut pas rester triste avec l’humilité, puisqu’elle voit le beau, le bien, le beau, et qu’elle l’offre à qui veut.

 

Et puis aussi :

Puisque le mot humilité est de la famille de « humus », nous comprenons que l’humilité permet de faire pousser et d’avoir des racines en profondeur. Elle est dynamisme, elle est au service de la fécondité des plantes qui la rencontrent… elle est vie et communautaire. Elle est humaine, de bout en bout.

 

Voilà pourquoi, il n’y a d’humus et de saint que Jésus : il va au fond de la vie,  il va  jusqu’au bout de l’humanité   /  de l’humilité /:  les deux mots, avec lui, qui sonnent pareil, sont synonymes.

 

On l’a vu il y a peu : les disciples se chamaillaient pour savoir qui était le plus grand. Jésus, lui, refuse les rivalités de la compétition. Il n’y a pas d e plus ou de moins : il n’y a que des grands !

Le moindre verre d’eau offert mérite une récompense infinie… il est important parce qu’il est donné par amour de la personne qui a soif, amour de la personne qui vient… Celui qui compte, en vérité, n’est pas celui qui donne, mais celui qui demande … qui ose demander … Recevoir, c’est la grande humilité, c’est la grande sainteté. C’est ce qu’a vécu Jésus dans ses liens humains. C’est cela la marque  dont l’Esprit l’a consacré.

 

En fait, l’Esprit de Jésus retourne toutes les valeurs mondaines. Il  retourne notre jugement humain trop humain. Il révolutionne, au sens propre, nos façons de regarder et de penser. Notre façon de faire société aussi.

Son Esprit le mène à la Croix, — et alors tout prend une valeur autre.

Sa présence porte la réalité à sa perfection – et en premier lieu, ce que  spontanément on tient pour négligeable. C’est cela, la Justice de Dieu.

Sa Croix élargit à l’infini le cœur et l’âme ; elle étend nos bras et les écarte sur la même poutre de bois que Lui. Ses clous nous livrent à la même disponibilité. De même qu’il  aime  chacun et chaque chose,  tous et tout, nous aussi, nous aimons tout et tous.

Par l’Esprit de la Croix de Jésus, nous sommes devenus ce peuple prophète dont rêvait Moïse.

Et « frères universels » comme souhaitait ce quasi-saint, Charles de Foucauld.

1 octobre 2018 |