Homélie de la veillée pascale du 26 mars 2016

Après le fracas du procès et de la crucifixion de Jésus, le calme est donc revenu sur Jérusalem. Tout est rentré dans l’ordre. Le calme du Sabbat a succédé à l’effervescence ravageuse de la foule. Il fait aujourd’hui silence. Plus de hurlement ni de cri.  Des pleurs seulement. Des pleurs de ceux et celles qui ont perdu celui qui était leur compagnon, leur ami, leur maître. De celles et ceux qui  ont perdu Jésus. Qui ont perdu cet homme aux paroles et aux gestes si forts, cet homme au pouvoir si étrange qu’il l’a utilisé pour les petits, les malades, les exclus. Cet homme était pour les femmes qui se rendent au tombeau ce matin, bon et sans malice. Et il a été profondément et injustement humilié, maltraité et supplicié. C’est cet homme que les femmes ont connu. Un homme de Dieu maltraité par les hommes.

Ces femmes qui se rendent au tombeau n’ont-elles donc pas profondément ancré en elles la conviction que le monde est injuste ? Que le monde peut être laid et horrible ? Et pourtant elles se remettent en route pour honorer le corps du défunt. Elles veulent agir pour donner au corps de celui qu’elles ont aimé la dignité qui lui revient. Dans ce cycle normal de la vie et de la mort, dans ce mouvement anormal de la crucifixion de cet homme de Dieu juste et bon, une énigme se présente à elles : le tombeau est ouvert et le corps n’est plus là. Elles ne savent pas quoi en penser, nous dit l’évangéliste. On imagine tout à la fois leur perplexité, leur crainte, leur colère face à un tel fait. L’absurdité et l’horreur des événements qu’elles viennent de vivre se poursuivraient-elles donc ? La vie ne peut-elle reprendre normalement ? La folie destructrice continue-t-elle ?

Et c’est là que s’opère pour elles une rencontre et un déplacement radical. Ces moments insensés, idiots, absurdes, délirants, de la crucifixion de l’homme juste et bon, et de la disparition de son corps, prennent tout d’un coup leur sens. Elles sont accompagnés dans ce mouvement par deux hommes aux vêtements éblouissants qui leur parlent. Ces deux hommes par leurs mots soignent ces femmes meurtries par les événements. Ces deux hommes les éclairent. Ils leur donnent la lumière. Ce qui était complètement hors de leur pensée, parce qu’elles se sont heurtées à la dure réalité de la violence et de la mort, leur revient alors en tête. Il fallait que le Christ soit crucifié et qu’il ressuscite. A l’idée de l’horreur et de la noirceur de la vie succède celle d’une éblouissante évidence : Jésus est ressuscité, il est le Christ. Il ouvre le chemin de la vie aux hommes.

On imagine la transformation de leur profonde détresse en exultation joyeuse. Elles ne rêvent pas. Elles sont plusieurs à faire ensemble cette expérience de guérison. Pour elles, il faut le dire, le faire savoir, le hurler sur tous les toits. Tout ce qu’elles ont vécu, tout ce dont elles ont été témoins, n’était pas absurde. Tout cela n’était pas insensé. On imagine comment en un retournement fulgurant leur douleur se transforme en allégresse, comment s’installe entre ces femmes une communion de joie. C’est le monde en enfantement qu’elles comprennent. Comme dans l’enfantement de mère la douleur première de la crucifixion de Jésus se transforme en une immense exultation de la vie. Ne sont-elles pas les mieux placées, en tant que femmes, pour vivre ce retournement ? Les apôtres, eux, mettront un peu plus de temps à le vivre…

Comme ces femmes, soyons plein de gratitude pour celui qui considère notre vie comme ayant une telle valeur qu’il a donné la sienne. Comme un sauveteur il a plongé dans l’écume des eaux noires pour nous sauver de la noyade. Il a pris le risque de l’humiliation, de l’abandon et de la souffrance. Tout simplement parce que nous sommes hommes, tout simplement parce que nous sommes vie, tout simplement parce que nous en valons le coup. Comment ne pas être plein de reconnaissance jusqu’aux larmes de ce geste fou de celui à qui l’on n’osait même pas demander quoique ce soit, et qui gratuitement nous permet de vivre, de grandir, de nous dilater. Nous vivons ainsi à certains moments de notre vie ce sentiment puissant de gratitude envers un parent, un ami, un éducateur ou parfois un étranger. Croyant en nous ou en chaque homme, cette personne nous a sauvés ou nous a fait grandir. Toute notre vie nous lui en sommes reconnaissants.  Nous lui devons tant.

Apprenons donc chaque jour à cultiver cette gratitude envers notre Seigneur. Prenons conscience de son geste fou à notre égard. Apprenons à le regarder avec une immense reconnaissance. Laissons ainsi éclater notre joie ! Faisons céder les digues de la tristesse ! Vivons jour après jour une gratitude débordante ! Le Christ est ressuscité ! Alléluia !

 

Claude COMPAGNONE, Diacre.

31 mars 2016 |

Pâques 2016

Homélie du  JOUR DE PÂQUES 2016

PROFESSION DE FOI DES 5°

Les jeunes, quand nous avons mis la dernière main aux phrases que vous allez prononcer tout à l’heure pour dire votre foi, nous avons parlé d’abord de votre retraite chez les sœurs de Saint Loup.

Plusieurs d’entre vous ont utilisé deux mots : vous avez dit le calme du monastère, ce qui n’est pas triste de la part de jeunes en pleine préadolescence mouvementée parfois ; et vous savez été frappés par le fait que c’était grand. Pour moi, c’est un bon point de départ pour commencer à parler de la résurrection.

D’autant plus que l’Évangile de saint Jean que nous venons d’entendre est un Évangile de jeunes, un jeune — saint Jean — en relation avec  saint Pierre, l’adulte qui doit avoir environ le double de son âge.

Le jeune court plus vite, mais laisse l’apôtre principal passer en tête.

Le jeune a raison d’être enthousiaste et passionné ; mais il a raison de calmer le jeu. Comme vous avez su faire. C’est de respecter l’autre qui est le plus important. Non de lui imposer qui l’on est.

Du coup, je note ce premier point : la résurrection est amour et respect ; la résurrection, c’est prendre l’autre en considération.

L’autre mot, la grandeur, lui aussi dit Pâques. Grand, parce que Dieu est grand. Grand, parce qu’il nous a faits, nous les humains, à son image, pour que grandisse en nous sa ressemblance.

 

Jésus ne pouvait pas rester dans un tombeau, parce qu’un tombeau est bien trop petit pour contenir Jésus. Toute la vie de Jésus nous dit qu’il s’intéresse à tout ce qui est humain, à tout ce qui est vivant. Jésus est passionné de l’immensité de Dieu ; il y est totalement, il y est à font : il respire en Dieu, c’est en Lui qu’il trouve son oxygène et sa nourriture. Et c’est précisément parce qu’il partage le cœur de Dieu et qu’il est la main et la parole de Dieu — — précisément pour cela, toute  la vie des hommes, des hommes et de leur monde, toute la vie jusque dans ses plus petits détails, tout est pour lui joie totale ou souffrance absolue : tout est pour Jésus une communion avec tous  ceux qu’il nomme ses frères.

Et réciproquement, pour nous, tout peut devenir communion avec le Seigneur.

Il suffit d’être comme le Seigneur Jésus tout entier plongé en Dieu, tout entier traversé par lui. Il suffit d’être tout baigné de son Esprit. .. Il suffirait…

D’expérience, je sais que cela n’est pas facile. Mon péché est toujours là, qui rôde comme un fauve « prêt à me dévorer« , et je n’arrive pas à vivre la communion, je n’arrive pas à vivre le calme, je n’arrive pas à vivre la grandeur et l’immensité. Avec saint Paul, je peux crier « qui me libérera de cette mort qui est en moi ? » ; mais avec saint Paul aussi, immédiatement, je peux crier mon admiration : « le Christ ressuscité nous tire jusqu’à Dieu, le Père de tous les hommes. Gloire à Dieu qui nous a donné Jésus. Rien ne peut nous séparer de lui ».

Donc, il ne faut pas le lâcher.

Cela est vrai par le moyen de la prière et des sacrements. Par le moyen de la Bible tout entière. Ils sont indispensables, ils sont un mouvement, un engagement, une vitalité. Ils ne sont pas une obligation : ils sont l’ordre de Dieu — ils sont de l’ordre de Dieu. Dieu nous dit « choisis la vie ». La prière et la Bible, les sacrements et la rencontre des frères : tout cela est vie. En immensité, en plénitude.

Et cela se vérifie dans la façon d’agir — on appelle cela une éthique chrétienne — : il faut essayer de vivre comme Jésus, dont saint Pierre disait tout de suite qu' »qu’il a passé parmi les hommes en faisant le bien« .

Faire le bien… Faire le bien partout où nous passons … Faire le bien dans tous nos mouvements, nos déplacements, nos pensées, nos paroles… Passer dans le monde, voyager physiquement ou en esprit ; traverser le monde, ne pas rester en place, ne pas stagner. Avec le sourire du Ressuscité, comme lorsqu’il va à la rencontre de Marie-Madeleine et des femmes sur la route et qu’il les salue d’un rayonnant « la paix soit avec vous ! Allez maintenant vers mes frères, ils sont fils de Dieu« .

En fait, la résurrection de Jésus, c’est que le Père lui donne tout, ce n’est pas possible autrement. Il n’est pas possible que le Père ne lui donne pas tout, et nous à l’intérieur de ce tout. La résurrection, c‘est l’adoption de nous par le Père. C’est que Jésus partage tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. Il n’est pas possible que Jésus ressuscite pour lui tout seul. Et il n’est pas possible que nous ne soyons pas d’accord !

C’est ce que vous allez dire dans une minute, vous, les jeunes.

Je vous fais juste le cadeau de cette autre religieuse qui est passée plusieurs fois par Dijon, morte toute jeune tout de même à cent ans… Une des plus belles photos d’elle la représente nageant dans le Nil avec ses amis chiffonniers du Caire … Je vous laisse le mot de ralliement de sœur Emmanuelle : « YALLA, allez-y ! ».

 

par le Père Dominique Nicolas


27 mars 2016 |

Homélie Jeudi Saint (24/03/2016)

Dans l’évangile de saint Jean que nous venons d’entendre, celui-ci ne relate pas l’institution de l’eucharistie comme les trois autres évangélistes. Pourquoi ? C’est peut-être pour nous faire comprendre que le geste symbolique du lavement des pieds n’est pas autre chose que le partage symbolique du pain et du vin. D’un côté comme de l’autre, le Fils de Dieu se donne totalement et réellement pour que nous ayons la vie. D’un côté comme de l’autre, il nous rétablit dans une paix profonde avec Dieu, avec nous-mêmes et entre nous. D’un côté comme de l’autre, il fait signe vers la croix, le sommet de son amour pour le Père et pour nous, la source de toute réconciliation à venir après sa résurrection d’entre les morts.

Écoutons mère Thérèse de Calcutta qui a écrit : « Chaque jour, je communie deux fois. D’abord à l’église, en participant à la sainte eucharistie. Ensuite dehors, dans les rues de Calcutta, chaque fois que je touche un pauvre ou un mourant. »

Trop souvent, ces « deux communions » sont séparées dans nos vies !  Ou bien nous célébrons avec ferveur le sacrement de l’eucharistie les dimanches, et nous oublions de  mettre en pratique l’amour de Jésus en semaine. Ou bien nous nous consumons dans les multiples services que la famille, la profession ou la société nous demandent, et nous oublions Celui qui nous permet de les rendre, Jésus-Christ.

La communion au corps et au sang du Christ n’est pas forcement physique, elle peut être spirituelle. Cette « découverte » faite lors de l’accompagnement des personnes divorcées-remariées a été pour moi merveilleuse. Les moniales chez qui nous travaillions avec l’équipe de suivi de cette pastorale nous avaient demandé de leur partager nos recherches et nous leur avions confié cette proposition de « communion spirituelle » aux personnes à qui l’Église demandait de ne plus recevoir le corps du Christ. Revenant un an après dans cette communauté pour continuer nos travaux, elles nous relatèrent qu’après de longs débats en communauté sur le sujet, elles avaient décidé que toutes les fois où un célébrant ne serait pas présent pour assurer l’eucharistie, elles communieraient spirituellement devant l’ostensoir. Et elles nous ont affirmé que cette pratique avait été pour elles un merveilleux renouveau de leur spiritualité.

Et quel moment de grâce pour moi, quelle « communion » lors des obsèques de Xavier, handicapé, avec cette « aura d’amour », cette litanie d’amour des frères et sœurs, des neveux et nièces pendant la célébration et la mise en terre !

Alors, prenons peut-être le temps aujourd’hui de redécouvrir en profondeur les deux symboliques de l’eucharistie et du lavement des pieds. Demandons à l’Esprit-Saint de nous ouvrir les yeux et le cœur pour être unifiés dans la vie de foi à la suite de Jésus, dans l’action et la contemplation, le service et l’adoration.

Quand saint Paul rapporte fidèlement la sainte Cène dans notre seconde lecture : « moi, Paul, j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur et je vous l’ai transmis– et il insiste bien, qu’il ne retranche ni n’ajoute rien au récit des témoins oculaires -, il nous montre d’abord Jésus qui rend grâces à Dieu. Dans cette action de grâces, sur laquelle nous aurions tendance à passer rapidement sans y faire attention, quelque chose d’essentiel s’exprime. Jésus vit toujours en relation étroite avec Dieu qu’il prie comme son Père. Au moment crucial de sa vie sur terre, il est tout entier tourné vers celui de qui il tient tout et à qui il veut tout rendre. Même le pain sans azymes, qui n’a rien d’un aliment exceptionnel, et le vin de la fête sont pour lui l’occasion de dire merci. Toute réalité, aussi humble soit-elle, est un don de Dieu. Ce que Jésus fait dans le partage du pain et du vin, comme tout au long de sa passion, il le fait au nom de son Père et pour lui rendre gloire.

L’eucharistie est cette utopie de l’amour qui déjà prend corps autour de nous. Elle en est la source et la figure fondamentale.

C’est cela qu’exprime aussi le lavement des pieds que saint Jean nous rapporte. Aimer l’autre, lui ouvrir tous les chemins de vie possibles, c’est passer nécessairement par l’humble service et l’abaissement. C’est quitter le vêtement d’apparat, se nouer un linge autour des reins et faire le tour des convives avec la bassine d’eau. C’est, à l’inverse, se laisser faire : reconnaître qu’on a bien de la poussière aux mains et aux pieds, que l’on n’est pas pur entièrement. C’est accepter d’être servi par plus grand que soi et entrer ainsi dans la communion universelle établie gracieusement par l’amour surabondant du Seigneur.

Humilité de Dieu qui s’agenouille devant ses créatures, humilité de Jésus qui lave les pieds de ses amis, même à Judas, nécessaire humilité des disciples aussi qui reconnaissent que l’essentiel leur est donné par Jésus et par la foi en lui, et non pas obtenu par leurs propres forces. Ce que Jésus nous a montré ce soir là c’est le don d’amour reçu de son Père qu’il nous faut imiter et transmettre en le partageant entre frères et  sœurs.

Si le besoin de rencontre avec le Christ dans son repas eucharistique remplit nos vies, si nous ne nous servons pas des autres pour notre propre bénéfice, fût-il spirituel, mais si nous imitons l’abaissement plein d’amour de Jésus pour chacun de nous, alors nous communions déjà à la vraie vie, la vie de Dieu même. Si cette veine irrigue nos peines et nos enthousiasmes de tous les jours, alors le royaume de Dieu se construit réellement. Et cela malgré les inévitables désillusions, découragements et obstacles ou plutôt à travers eux, car tout service d’amour est aussi chemin de croix. Mère Thérèse de Calcutta l’a durement expérimenté elle-même, mais sa « double communion » quotidienne lui a permis de persévérer dans la voie de l’amour et du service et, même, d’y accomplir des miracles au quotidien. Merci, Seigneur, de nous aider avec nos faiblesses, à essayer de l’imiter.

Amen.

Francis ROY, Diacre

24 mars 2016 |

Prédication pour la fête des Rameaux 2016

par le Père Dominique NICOLAS

 

Nous venons d’acclamer Jésus avec nos branches à la main en chantant Hosanna.

Puis, nous avons vécu le récit bouleversant de son procès et de sa mise à mort.

Je voudrais nous aider à entrer au fond de se ce drame avec l’aide de deux personnages que l’on ne remarque habituellement pas : le petit âne qui porte Jésus et le bandit des grands  chemins qui est à ses côtés, ce « bon larron », qu’une tradition a appelé M. DISMAS : l’homme du crépuscule, en grec, le coucher du soleil….celui qui accompagne le grand passage de Jésus …

Oui, le petit âne, d’abord… Il y a une espèce d’ânes, les ânes du Cotentin, que l’on appelle aussi les ânes de Jérusalem parce qu’ils portent une croix sur le dos. Comme fera Jésus en portant sa croix, montant au calvaire, supportant les insultes et les cris… Peut-être en sommes-nous, nous aussi, qui portons une croix depuis nos baptêmes ?D’abord, c’est le choix de Jésus d’avoir demandé un petit âne pour entrer à Jérusalem, et non pas un cheval de course. Jésus a choisi celui que l’on déconsidère habituellement, au lieu de ce cheval resplendissant que tous les puissants du monde aiment à montrer sur les champs de course comme signes extérieurs de leur richesse. La richesse de Jésus est ailleurs ! …la nôtre aussi, j’espère…Jésus entre dans la ville sainte comme un petit paysan ; il ne veut pas jouer dans le paraître ou l’avoir l’air des puissances.. Jésus fait choix de la non-violence. Du non – pouvoir. Du noin – clinquant. Foncièrement, il est un serviteur.Comme le petit âne.Mais moi, j’ajoute tout de même aussi que l’âne est réputé pour son caractère. Il est capable de manifester son refus ; autant il est fidèle, autant il peut refuser les ordres. Avoir du caractère, même si cela dérange les maîtres, est signe de liberté. Jésus choisit toujours le camp de la liberté. C’est pourquoi on le tue. Tous les pouvoirs sont meurtriers des hommes  libres.Les gens de caractère contestent par excellence les habitudes des gens sans caractère : la foule qui est en train d’acclamer Jésus, en moins de huit jours va se retourner contre lui : cette foule qu’une de mes amies appelle non pas simplement la foule mais la fou-foule. Cette foule qui acclame puis qui hurle contre Jésus. Cette foule qui ne comprend pas que Dieu est amour et que Dieu se donne dans l’amour – et uniquement dans l’amour. Il suffirait de regarder Jésus pour le savoir.

 

Et voici l’autre figure de ce soir qui va nous convertir : le « bon larron ». DISMAS, le « soleil couchant ». Il est  l’homme qui assiste à la fin du jour, à la mort de la Lumière, — avant qu’un nouveau jour se lève. Témoin du passage de ce Jésus qui est « lumière du monde » , il  naît à l’espérance ; Lui, c’est l’homme qui refuse de hurler. Il garde sa liberté jusqu’au bout, — ou plutôt il la trouve et la reçoit enfin. Lui, au moins, il regarde Jésus ; il regarde aussi sa propre vie. Il voit sa propre vie à la Lumière de ce qu’il connaît de Jésus. Il voit enfin la vérité de sa vie. Il voit enfin la justice, et il dit ce qui est juste.Alors, il se tourne vers Celui qui est Juste. Vers l’homme qui a choisi d’être à ses côtés comme un semblable, comme un frère. Il rencontre Dieu en cet homme qui ne juge pas, qui ne condamne pas. Mais qui écoute, qui accueille. Qui dit les mots de la vie. Qui n’existe qu’en se donnant, en « se vidant » comme dira st Paul. Sur la croix de ce Christ Jésus, Dieu se donne à connaître tel qu’il est : communication de vie, d’amour. Pauvreté.  Par  la croix seulement, le connaître. En Christ Jésus, Dieu abolit toutes les barrières. Il ouvre grandes les portes. Il est pardon. Il est don.Mais « il fallait », comme dit souvent l’évangile de Luc, que Jésus en passe par là pour que nous osions croire en Dieu. Il fallait Jésus pour que nous puissions commencer à comprendre Dieu.

Nous aussi, désirons-nous être avec Jésus dès ce soir ?

22 mars 2016 |

pèlerinage de la paroisse Saint-Joseph pour le jubilé de la Miséricorde

Le Samedi 12 mars, nous avons ensemble passé la Porte Sainte ouverte le ler dimanche de l’Avent à Saint Bénigne par Mgr Minnerath  pour l’année de la Miséricorde ; accompagnés par Sr Marie Dominique Tremeau et les jeunes qui avaient préparé ce temps de prière et de méditation avec elle.

Pourquoi une année sainte ? A quoi je m’engage en passant la porte de la miséricorde ?

Le Jubilé est appelé « Année sainte » car c’est un moment qui invite à la sainteté de vie, à devenir, à l’image et ressemblance de Dieu bons, tendres, remplis de bienveillance et de compassion : en un mot devenir miséricordieux et du même coup bienheureux. Le pape François a voulu cette année sainte du jubilé de la miséricorde afin que chacun fasse « l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance » (bulle d’indiction). La phrase de l’évangile, placée en exergue de ce jubilé est « Soyez miséricordieux comme votre Père » (cf. Lc 6, 36).

Pourquoi cette Année Sainte ?

Dans une homélie d’avril 2015, le pape nous le dit : « Pour éprouver fortement en nous la joie d’avoir été retrouvés par Jésus, qui comme Bon Pasteur est venu nous chercher parce que nous nous étions égarés. Une Année pour être touchés par le Seigneur Jésus et transformés par sa miséricorde, pour devenir nous aussi témoins de miséricorde. Voilà le motif du Jubilé : parce que c’est le temps de la miséricorde, c’est le temps favorable pour soigner les blessures, pour ne pas nous lasser de rencontrer tous ceux qui attendent de voir et de toucher de la main les signes de la proximité de Dieu, pour offrir à tous, à tous, le chemin du pardon et de la réconciliation.-… Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur ! »

A quoi je m’engage en passant la porte de la miséricorde ?

Passer une porte, c’est toujours entrer ailleurs, faire un passage vers autre chose, vers un autre vécu. Passer la porte de la miséricorde, c’est entrer en miséricorde, la recevoir et accepter d’en être habité, pas seulement pour une soirée, mais pour que notre vie en soit transformée. Franchir cette porte physique, c’est signifier qu’on veut ouvrir la porte de son cœur à la miséricorde de Dieu. Notre première démarche ce soir est de nous reconnaître pécheurs, de reconnaître que nous avons besoin d’accueillir la miséricorde et le pardon pour nous-mêmes. Les sacrements sont la porte privilégiée du don gratuit que Dieu nous fait. Dans la bulle qui ouvre cette année sainte, le pape François nous dit : « en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous… nous passerons la Porte sainte, sûrs d’être accompagnés par la force du Seigneur ressuscité.» (bulle d’indiction, § 14) « Chaque chrétien est appelé à aller à la rencontre des autres, à dialoguer avec ceux qui ne pensent pas comme nous, avec ceux qui ont une autre foi ou qui n’en ont pas. Rencontrer tout le monde, car nous avons tous en commun le fait d’avoir été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu », nous dit le pape François. Et il ajoute : Les gens cherchent quelqu’un qui les écoute : c’est ce que j’appelle l’apostolat de l’oreille.

Le passage de la porte sainte évoque « le passage que tout chrétien est appelé à effectuer du péché à la grâce ». Devant la Porte Sainte que nous sommes appelés à franchir, il nous est demandé d’être des instruments de la miséricorde… Celui qui a été baptisé sait qu’il a un engagement plus grand » : et c’est pourquoi, quand nous aurons franchi cette porte sainte, nous ferons une première étape dans le baptistère, le lieu des baptêmes, où nous reprendrons conscience de la grandeur de notre baptême, de l’engagement qu’il comporte. Être miséricordieux, c’est entrer dans le mystère de Dieu qui est miséricordieux, en nous démarquant de nos fausses images de Dieu, en le contemplant, pour pouvoir en vivre.

Nous sommes invités à agir, à pratiquer la miséricorde, par des œuvres corporelles et des œuvres spirituelles. Nourrir, abreuver, vêtir, loger, soigner, sont les œuvres corporelles de la miséricorde. Conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, voilà les œuvres spirituelles de la miséricorde. Accomplir des œuvres de miséricorde. « Chaque fois qu’un fidèle vivra l’une ou plusieurs de ces œuvres en première personne, il obtiendra certainement l’indulgence jubilaire. D’où l’engagement à vivre de la miséricorde pour obtenir la grâce du pardon complet et total en vertu de la force de l’amour du Père. » « Ressentir la miséricorde, ce mot change tout. C’est ce que nous pouvons ressentir de mieux : cela change le monde. Un peu de miséricorde rend le monde moins froid et plus juste. Nous avons besoin de bien comprendre cette miséricorde de Dieu, ce Père miséricordieux qui a une telle patience… 17 mars 2013- Ier angélus de François.

Enfin, et c’est encore le pape François qui nous parle : « Ce simple signe (passer la porte) est aussi une invitation à la joie. Il ouvre le temps du grand pardon. C’est le Jubilé de la Miséricorde. C’est le moment de redécouvrir la présence de Dieu et sa tendresse de père. » C’est pourquoi le pape François nous dit encore : « La foi dans le Christ nous engage sur un chemin qui dure toute la vie : être miséricordieux comme le Père. La joie de franchir la Porte de la Miséricorde s’accompagne de l’engagement à accueillir, pour en témoigner, un amour qui va plus loin que la justice, un amour qui ne connaît pas de limites. C’est de cet amour infini que nous sommes responsables malgré nos contradictions.

Prions pour nous et pour tous ceux qui franchiront la Porte de la Miséricorde, pour que nous puissions comprendre et accueillir l’amour infini de notre Père céleste, qui recrée, transforme et redonne vie. »

 

Réflexion autour de la PARABOLE DU FILS PRODIGUE ( Sr M.D. Tremeau)


Dans cette parabole, une des plus belles pages de l’Evangile, Jésus nous présente trois personnages : un homme et ses deux fils. L’un des deux fils va s’en aller loin de son père après avoir demandé sa part d’héritage ; l’autre fils reste, fidèle à la vie familiale.

Le premier va gâcher sa vie dépensant sans compter l’héritage reçu, dans des plaisirs faciles, jusqu’au jour où, n’ayant plus rien, en proie à la famine, il est obligé de travailler. Il ne trouve qu’à garder des troupeaux de porcs. Quand on sait que, au temps du Christ, le porc était un animal impur, on comprend que Jésus veut dire que ce fils est vraiment descendu au plus bas, qu’il est vraiment perdu. Alors, rentrant en lui-­‐même, nous dit l’Evangile, en ce point profond qu’est sa conscience, il pense à son père, et   il a ce réflexe qui va le sauver : « Je me lèverai et j’irai vers mon père », même si ce mouvement est guidé par le souci de retrouver un certain confort, plus que par l’amour de son père.

Dans nos heures difficiles, dans les heures où les ténèbres nous habitent, ce même mouvement nous ouvre au salut : je me lèverai et j’irai vers mon Père.

Le fils aîné est loin aussi du registre de l’amour : il refuse même la fraternité : ton fils, dit-­‐il à son père. Il fait valoir sa fidélité, ses mérites, « moi je suis resté, je t’ai servi, je ne suis pas parti, je n’ai pas agi comme ton fils qui a dilapidé tes biens dans une vie de péché. » Le fils aîné juge, condamne. Tout entier tourné vers lui-­‐même, il n’a pas su reconnaître qu’il avait tout reçu de son  père.

Nous nous reconnaissons, nous aussi, dans ce fils qui juge son frère, qui se compare à lui pour faire valoir sa fidélité.

Mais ces deux fils, même s’ils nous alertent sur nos comportements, ne sont pas cependant les personnages principaux de cette parabole. Jésus veut attirer l’attention de ses auditeurs non sur le comportement des deux fils mais sur l’amour sans limites de leur père. Au centre de ce récit, c’est le Père que Jésus veut nous faire découvrir, c’est de lui que nous parle cette parabole.

« Comme il était encore loin, son père l’aperçut. » Le père guettait, il scrutait le chemin, se disant : S’il allait revenir ! Et voici qu’il l’aperçoit. En bonne justice humaine, il aurait dû l’attendre de pied ferme, sans doute lui faire quelque reproche, lui faire reconnaître sa faute … Mais, nous dit l’Evangile, il est saisi aux entrailles, bouleversé, submergé par la joie de ce retour. Il court à sa rencontre et le prend dans ses bras. Le fils essaie de parler, « Père j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite pas … » Le père ne l’écoute pas, ils ne sont pas dans le même registre : le fils parle de justice, de mérite … le Père est tout entier dans l’amour, l’amour sans condition. C’est lui le Père qui est prodigue, prodigue d’amour, de pardon. Il est pressé de faire éclater la joie, la fête.

Jésus nous révèle le vrai visage de Dieu, Père plein de tendresse et de miséricorde. Que sont nos fautes devant un tel amour ? Est-­‐ce que nous osons y croire  ?

La miséricorde, l’amour du Père se manifeste aussi envers son fils aîné, celui qui lui est resté fidèle, mais qui refuse la fraternité. Le Père sort à sa rencontre, et devant la révolte de son aîné, il rétablit les relations de père et de frère : « Mon fils, lui dit-­‐il, et déjà ce mot manifeste tout son amour paternel, tu n’as pas compris : tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait se réjouir car ton frère était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. » L’aîné doit apprendre ce que c’est que d’être frère quand on a un même Père. Après avoir restauré la relation filiale avec son fils cadet, le père veut renouer la relation fraternelle entre ses fils.

La première chose que peut nous faire vivre cette année de la miséricorde, c’est de nous écarter des fausses images de Dieu que nous avons construites. Le Dieu de la miséricorde n’est ni un Dieu punisseur ni un Dieu qui permet tout. Dieu prépare la table et y accueille le pécheur. Ce repas de fête

n’est ni une récompense ni une approbation de la conduite antérieure du fils prodigue : mon fils était mort, mon fils était perdu …. Mais il recrée et célèbre la communion d’amour entre un père et son fils, entre les frères. « Nous ne devons pas, il est vrai, diminuer les exigences de l’Évangile, dit le pape François, mais … le retour du fils à la maison est ce que le Père attend avant tout. »

Ce soir, c’est à nous que le Père dit, avec un immense amour : Mon fils, ma fille, mon enfant, tout ce  qui est à moi est à toi.

Ce qui nous est proposé aujourd’hui, pour entrer dans cette année de la miséricorde, pour en vivre, c’est de nous tourner vers le Père, non pour lui dire : je suis ton fils fidèle, ni même je ne suis pas digne  d’être appelé ton enfant, mais : « je crois en ta miséricorde, en ton amour infini. Pour toi, le plus urgent c’est d’aimer, c’est de vivre pleinement cette relation filiale et fraternelle à laquelle tu nous invites. Nous te demandons ce soir de nous aider à faire ce retournement, à acquérir ce réflexe de toujours nous placer dans l’amour. » Les sacrements, l’Eucharistie, la réconciliation, qui jalonnent notre vie, nous manifestent l’amour de Dieu et sa miséricorde.

La Bonne Nouvelle de ce récit se retrouve dans le comportement du Père face à ses enfants. Ce père met tout en œuvre pour favoriser la réconciliation. La mesure de Dieu est différente de la mesure humaine. Le Père est toujours prêt à pardonner. Il aime sans limites et il se réjouit quand un être humain retrouve le chemin du salut. Le sacrement de réconciliation nous ouvre ce chemin. Nous sommes appelés à imiter Dieu et à laisser l’amour plutôt que la condamnation guider nos cœurs, que ce soit la condamnation envers nous-­‐mêmes ou envers les  autres.

L’attitude du père à l’égard de ses deux fils démontre de sa part un désir d’être reconnu comme un père qui n’a qu’une seule richesse à partager: son amour. Le fils cadet découvre cet amour alors qu’il pensait ne plus en être digne, à la suite de l’offense qu’il avait faite à son père. Le fils aîné, quant à lui, devra apprendre à donner une réponse d’amour à l’égard de son père et de son frère.

N’en est-­‐il pas ainsi dans notre relation avec Dieu? Nous pouvons savoir que Dieu nous aime, mais tant que nous ne nous serons pas laissé relever par cet amour de miséricorde au cœur de nos détresses, nous aurons peine à en mesurer toute la grandeur.

Il faut souligner enfin que la réconciliation se termine par la fête. Le Royaume des cieux est comme un banquet éternel présidé par un Père plein de tendresse. La fête nous attend.

Je terminerai par ces paroles du pape François pour l’ouverture de cette année sainte : « Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Évangile et de notre foi, car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour et qui console en pardonnant ». (bulle d’indiction de François)

Le  pape  François   veut  une  Église  miséricordieuse,  c’est-­‐à-­‐dire  témoin  de  la  miséricorde  de  Dieu

pour le monde et, pour cela, il encourage chaque chrétien à cultiver en soi cette attitude du cœur.

« C’est un chemin qui commence par une conversion spirituelle ; et nous devons faire ce chemin », Ce Jubilé de la Miséricorde est un temps favorable pour accueillir la présence de Dieu, pour faire l’expérience de son amour et revenir à lui du fond de notre cœur.

18 mars 2016 |