Le Samedi 12 mars, nous avons ensemble passé la Porte Sainte ouverte le ler dimanche de l’Avent à Saint Bénigne par Mgr Minnerath pour l’année de la Miséricorde ; accompagnés par Sr Marie Dominique Tremeau et les jeunes qui avaient préparé ce temps de prière et de méditation avec elle.
Pourquoi une année sainte ? A quoi je m’engage en passant la porte de la miséricorde ?
Le Jubilé est appelé « Année sainte » car c’est un moment qui invite à la sainteté de vie, à devenir, à l’image et ressemblance de Dieu bons, tendres, remplis de bienveillance et de compassion : en un mot devenir miséricordieux et du même coup bienheureux. Le pape François a voulu cette année sainte du jubilé de la miséricorde afin que chacun fasse « l’expérience de l’amour de Dieu qui console, pardonne, et donne l’espérance » (bulle d’indiction). La phrase de l’évangile, placée en exergue de ce jubilé est « Soyez miséricordieux comme votre Père » (cf. Lc 6, 36).
Pourquoi cette Année Sainte ?
Dans une homélie d’avril 2015, le pape nous le dit : « Pour éprouver fortement en nous la joie d’avoir été retrouvés par Jésus, qui comme Bon Pasteur est venu nous chercher parce que nous nous étions égarés. Une Année pour être touchés par le Seigneur Jésus et transformés par sa miséricorde, pour devenir nous aussi témoins de miséricorde. Voilà le motif du Jubilé : parce que c’est le temps de la miséricorde, c’est le temps favorable pour soigner les blessures, pour ne pas nous lasser de rencontrer tous ceux qui attendent de voir et de toucher de la main les signes de la proximité de Dieu, pour offrir à tous, à tous, le chemin du pardon et de la réconciliation.-… Voici le moment favorable pour changer de vie ! Voici le temps de se laisser toucher au cœur ! »
A quoi je m’engage en passant la porte de la miséricorde ?
Passer une porte, c’est toujours entrer ailleurs, faire un passage vers autre chose, vers un autre vécu. Passer la porte de la miséricorde, c’est entrer en miséricorde, la recevoir et accepter d’en être habité, pas seulement pour une soirée, mais pour que notre vie en soit transformée. Franchir cette porte physique, c’est signifier qu’on veut ouvrir la porte de son cœur à la miséricorde de Dieu. Notre première démarche ce soir est de nous reconnaître pécheurs, de reconnaître que nous avons besoin d’accueillir la miséricorde et le pardon pour nous-mêmes. Les sacrements sont la porte privilégiée du don gratuit que Dieu nous fait. Dans la bulle qui ouvre cette année sainte, le pape François nous dit : « en passant la Porte Sainte, nous nous laisserons embrasser par la miséricorde de Dieu, et nous nous engagerons à être miséricordieux avec les autres comme le Père l’est avec nous… nous passerons la Porte sainte, sûrs d’être accompagnés par la force du Seigneur ressuscité.» (bulle d’indiction, § 14) « Chaque chrétien est appelé à aller à la rencontre des autres, à dialoguer avec ceux qui ne pensent pas comme nous, avec ceux qui ont une autre foi ou qui n’en ont pas. Rencontrer tout le monde, car nous avons tous en commun le fait d’avoir été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu », nous dit le pape François. Et il ajoute : Les gens cherchent quelqu’un qui les écoute : c’est ce que j’appelle l’apostolat de l’oreille.
Le passage de la porte sainte évoque « le passage que tout chrétien est appelé à effectuer du péché à la grâce ». Devant la Porte Sainte que nous sommes appelés à franchir, il nous est demandé d’être des instruments de la miséricorde… Celui qui a été baptisé sait qu’il a un engagement plus grand » : et c’est pourquoi, quand nous aurons franchi cette porte sainte, nous ferons une première étape dans le baptistère, le lieu des baptêmes, où nous reprendrons conscience de la grandeur de notre baptême, de l’engagement qu’il comporte. Être miséricordieux, c’est entrer dans le mystère de Dieu qui est miséricordieux, en nous démarquant de nos fausses images de Dieu, en le contemplant, pour pouvoir en vivre.
Nous sommes invités à agir, à pratiquer la miséricorde, par des œuvres corporelles et des œuvres spirituelles. Nourrir, abreuver, vêtir, loger, soigner, sont les œuvres corporelles de la miséricorde. Conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, voilà les œuvres spirituelles de la miséricorde. Accomplir des œuvres de miséricorde. « Chaque fois qu’un fidèle vivra l’une ou plusieurs de ces œuvres en première personne, il obtiendra certainement l’indulgence jubilaire. D’où l’engagement à vivre de la miséricorde pour obtenir la grâce du pardon complet et total en vertu de la force de l’amour du Père. » « Ressentir la miséricorde, ce mot change tout. C’est ce que nous pouvons ressentir de mieux : cela change le monde. Un peu de miséricorde rend le monde moins froid et plus juste. Nous avons besoin de bien comprendre cette miséricorde de Dieu, ce Père miséricordieux qui a une telle patience… 17 mars 2013- Ier angélus de François.
Enfin, et c’est encore le pape François qui nous parle : « Ce simple signe (passer la porte) est aussi une invitation à la joie. Il ouvre le temps du grand pardon. C’est le Jubilé de la Miséricorde. C’est le moment de redécouvrir la présence de Dieu et sa tendresse de père. » C’est pourquoi le pape François nous dit encore : « La foi dans le Christ nous engage sur un chemin qui dure toute la vie : être miséricordieux comme le Père. La joie de franchir la Porte de la Miséricorde s’accompagne de l’engagement à accueillir, pour en témoigner, un amour qui va plus loin que la justice, un amour qui ne connaît pas de limites. C’est de cet amour infini que nous sommes responsables malgré nos contradictions.
Prions pour nous et pour tous ceux qui franchiront la Porte de la Miséricorde, pour que nous puissions comprendre et accueillir l’amour infini de notre Père céleste, qui recrée, transforme et redonne vie. »
Réflexion autour de la PARABOLE DU FILS PRODIGUE ( Sr M.D. Tremeau)
Dans cette parabole, une des plus belles pages de l’Evangile, Jésus nous présente trois personnages : un homme et ses deux fils. L’un des deux fils va s’en aller loin de son père après avoir demandé sa part d’héritage ; l’autre fils reste, fidèle à la vie familiale.
Le premier va gâcher sa vie dépensant sans compter l’héritage reçu, dans des plaisirs faciles, jusqu’au jour où, n’ayant plus rien, en proie à la famine, il est obligé de travailler. Il ne trouve qu’à garder des troupeaux de porcs. Quand on sait que, au temps du Christ, le porc était un animal impur, on comprend que Jésus veut dire que ce fils est vraiment descendu au plus bas, qu’il est vraiment perdu. Alors, rentrant en lui-‐même, nous dit l’Evangile, en ce point profond qu’est sa conscience, il pense à son père, et il a ce réflexe qui va le sauver : « Je me lèverai et j’irai vers mon père », même si ce mouvement est guidé par le souci de retrouver un certain confort, plus que par l’amour de son père.
Dans nos heures difficiles, dans les heures où les ténèbres nous habitent, ce même mouvement nous ouvre au salut : je me lèverai et j’irai vers mon Père.
Le fils aîné est loin aussi du registre de l’amour : il refuse même la fraternité : ton fils, dit-‐il à son père. Il fait valoir sa fidélité, ses mérites, « moi je suis resté, je t’ai servi, je ne suis pas parti, je n’ai pas agi comme ton fils qui a dilapidé tes biens dans une vie de péché. » Le fils aîné juge, condamne. Tout entier tourné vers lui-‐même, il n’a pas su reconnaître qu’il avait tout reçu de son père.
Nous nous reconnaissons, nous aussi, dans ce fils qui juge son frère, qui se compare à lui pour faire valoir sa fidélité.
Mais ces deux fils, même s’ils nous alertent sur nos comportements, ne sont pas cependant les personnages principaux de cette parabole. Jésus veut attirer l’attention de ses auditeurs non sur le comportement des deux fils mais sur l’amour sans limites de leur père. Au centre de ce récit, c’est le Père que Jésus veut nous faire découvrir, c’est de lui que nous parle cette parabole.
« Comme il était encore loin, son père l’aperçut. » Le père guettait, il scrutait le chemin, se disant : S’il allait revenir ! Et voici qu’il l’aperçoit. En bonne justice humaine, il aurait dû l’attendre de pied ferme, sans doute lui faire quelque reproche, lui faire reconnaître sa faute … Mais, nous dit l’Evangile, il est saisi aux entrailles, bouleversé, submergé par la joie de ce retour. Il court à sa rencontre et le prend dans ses bras. Le fils essaie de parler, « Père j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne mérite pas … » Le père ne l’écoute pas, ils ne sont pas dans le même registre : le fils parle de justice, de mérite … le Père est tout entier dans l’amour, l’amour sans condition. C’est lui le Père qui est prodigue, prodigue d’amour, de pardon. Il est pressé de faire éclater la joie, la fête.
Jésus nous révèle le vrai visage de Dieu, Père plein de tendresse et de miséricorde. Que sont nos fautes devant un tel amour ? Est-‐ce que nous osons y croire ?
La miséricorde, l’amour du Père se manifeste aussi envers son fils aîné, celui qui lui est resté fidèle, mais qui refuse la fraternité. Le Père sort à sa rencontre, et devant la révolte de son aîné, il rétablit les relations de père et de frère : « Mon fils, lui dit-‐il, et déjà ce mot manifeste tout son amour paternel, tu n’as pas compris : tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait se réjouir car ton frère était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé. » L’aîné doit apprendre ce que c’est que d’être frère quand on a un même Père. Après avoir restauré la relation filiale avec son fils cadet, le père veut renouer la relation fraternelle entre ses fils.
La première chose que peut nous faire vivre cette année de la miséricorde, c’est de nous écarter des fausses images de Dieu que nous avons construites. Le Dieu de la miséricorde n’est ni un Dieu punisseur ni un Dieu qui permet tout. Dieu prépare la table et y accueille le pécheur. Ce repas de fête
n’est ni une récompense ni une approbation de la conduite antérieure du fils prodigue : mon fils était mort, mon fils était perdu …. Mais il recrée et célèbre la communion d’amour entre un père et son fils, entre les frères. « Nous ne devons pas, il est vrai, diminuer les exigences de l’Évangile, dit le pape François, mais … le retour du fils à la maison est ce que le Père attend avant tout. »
Ce soir, c’est à nous que le Père dit, avec un immense amour : Mon fils, ma fille, mon enfant, tout ce qui est à moi est à toi.
Ce qui nous est proposé aujourd’hui, pour entrer dans cette année de la miséricorde, pour en vivre, c’est de nous tourner vers le Père, non pour lui dire : je suis ton fils fidèle, ni même je ne suis pas digne d’être appelé ton enfant, mais : « je crois en ta miséricorde, en ton amour infini. Pour toi, le plus urgent c’est d’aimer, c’est de vivre pleinement cette relation filiale et fraternelle à laquelle tu nous invites. Nous te demandons ce soir de nous aider à faire ce retournement, à acquérir ce réflexe de toujours nous placer dans l’amour. » Les sacrements, l’Eucharistie, la réconciliation, qui jalonnent notre vie, nous manifestent l’amour de Dieu et sa miséricorde.
La Bonne Nouvelle de ce récit se retrouve dans le comportement du Père face à ses enfants. Ce père met tout en œuvre pour favoriser la réconciliation. La mesure de Dieu est différente de la mesure humaine. Le Père est toujours prêt à pardonner. Il aime sans limites et il se réjouit quand un être humain retrouve le chemin du salut. Le sacrement de réconciliation nous ouvre ce chemin. Nous sommes appelés à imiter Dieu et à laisser l’amour plutôt que la condamnation guider nos cœurs, que ce soit la condamnation envers nous-‐mêmes ou envers les autres.
L’attitude du père à l’égard de ses deux fils démontre de sa part un désir d’être reconnu comme un père qui n’a qu’une seule richesse à partager: son amour. Le fils cadet découvre cet amour alors qu’il pensait ne plus en être digne, à la suite de l’offense qu’il avait faite à son père. Le fils aîné, quant à lui, devra apprendre à donner une réponse d’amour à l’égard de son père et de son frère.
N’en est-‐il pas ainsi dans notre relation avec Dieu? Nous pouvons savoir que Dieu nous aime, mais tant que nous ne nous serons pas laissé relever par cet amour de miséricorde au cœur de nos détresses, nous aurons peine à en mesurer toute la grandeur.
Il faut souligner enfin que la réconciliation se termine par la fête. Le Royaume des cieux est comme un banquet éternel présidé par un Père plein de tendresse. La fête nous attend.
Je terminerai par ces paroles du pape François pour l’ouverture de cette année sainte : « Dieu est toujours présenté comme rempli de joie, surtout quand il pardonne. Nous y trouvons le noyau de l’Évangile et de notre foi, car la miséricorde y est présentée comme la force victorieuse de tout, qui remplit le cœur d’amour et qui console en pardonnant ». (bulle d’indiction de François)
Le pape François veut une Église miséricordieuse, c’est-‐à-‐dire témoin de la miséricorde de Dieu
pour le monde et, pour cela, il encourage chaque chrétien à cultiver en soi cette attitude du cœur.
« C’est un chemin qui commence par une conversion spirituelle ; et nous devons faire ce chemin », Ce Jubilé de la Miséricorde est un temps favorable pour accueillir la présence de Dieu, pour faire l’expérience de son amour et revenir à lui du fond de notre cœur.