J’aime la fête de la Toussaint :
-parce qu’elle nous invite à nous mette en marche à la suite de tous les saints pour vivre encore davantage l’Évangile.
-parce qu’elle nous permet aussi d’écouter ce beau texte des Béatitudes qui nous invite à la Joie.
Reprenons-le au début: « Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire »…
Combien de fois les évangiles nous montrent Jésus portant un regard sur la foule, sur un homme ou une femme, sur une situation ? Combien de fois ce regard de Jésus transforme la vie de ceux qui le croise: le jeune homme riche, Zachée, la Samaritaine,…Que peut-on voir dans ce regard ? Sans aucun doute beaucoup d’Amour et une manière unique de dire à celui ou à celle qui est là : Tu as beaucoup de prix aux yeux de mon Père. Mais je crois que ce regard révèle aussi ce que vient nous dire les béatitudes : « Heureux » « Réjouissez-vous » « soyez dans l’allégresse » Cet « heureux » résonne comme une promesse de bonheur : Heureux comme la certitude que marcher à la suite du Christ nous remplit de Joie. Heureux parce qu’avec le Christ nous dit St jean dans la deuxième lecture nous sommes devenus enfants de Dieu.
Ce texte des Béatitudes change tout. Le regard du Christ transforme tout. Mais pour cela il faut se laisser regarder, il faut accepter de se mettre sous son regard, comme on s’expose au soleil par une belle journée en plein été, pour être bien et se laisser réchauffer par les rayons de cet astre bienfaisant. Il me semble que c’est un peu ce qu’on su faire les saints. J’oserai dire que ces hommes et ces femmes sont des « bronzés » de Dieu. Ils se sont exposés sous le regard de Dieu, ils se sont laissé réchauffer par l’Amour du Seigneur. Ils ont accepté d’offrir toute leur vie au rayonnement de Dieu et par cette exposition leur existence a été transformée; ils ont rayonné autour d’eux de la Lumière et de la chaleur de l’Évangile. Et l’avantage avec l’Amour de Dieu c’est qu’on peut s’exposer longtemps sans mettre de crème protectrice pour éviter les coups de soleil. Au contraire, la surexposition est bénéfique, elle est même nécessaire ! Je crois aussi que les Saints ont plongé toute leur existence dans l’Évangile, ils s’y sont immergés. Ils n’ont pas trempé quelques orteils, ils ont plongé tête la première depuis le jour de leur baptême jusqu’à la fin de leur vie terrestre. Même si pour certains, ils y sont allés en plusieurs fois et parfois même à reculons ; une fois qu’ils ont franchi le pas, ils y sont allés à fond.
Vous pouvez peut-être trouver audacieux voire irrespectueux de comparer des saints à des personnes qui se font bronzer au soleil de Dieu et qui se baignent dans les profondeurs de l’Évangile, mais être chrétien n’est-ce pas être plongés par le baptême dans l’Amour de Dieu et s’exposer toute sa vie durant à la Lumière de l’Évangile ? Et parmi les différents passages d’Évangile que les Saints ont lu, médité et approfondi, il y a ce beau texte des Béatitudes. Prises séparément ces béatitudes ressemblent à de jolis proverbes. Mais prises dans leur ensemble ces paroles nous offrent les différentes facettes de l’Évangile que tout disciple est invité à vivre: la pauvreté de cœur, la douceur, la faim de justice, la miséricorde, la pureté de cœur, la paix, mais aussi la persécution et l’épreuve. Ces béatitudes c’est un peu la vie du Christ en condensé, de Bethléem à Jérusalem, de la crèche à la résurrection en passant par la croix signe de l’Amour absolu. Et Jésus nous dit « Heureux es-tu si toi aussi tu marches à ma suite et que tu essaies de vivre ma vie »
André Chouraqui traduit ce « Heureux » par « En marche » et à l’entendre nous pouvons penser que les béatitudes ouvrent un chemin, celui du disciple, et promettent un avenir ! Oui les béatitudes nous invitent au mouvement. N’aie pas peur nous dit le Christ, Viens suis-moi, je te promets le bonheur même si le chemin sera parfois rude. Les saints sont aussi des hommes et des femmes qui se sont mis en marche, qui ont fait de leur existence un chemin d’Évangile, parfois au prix de leur vie, et qui ont cherché à donner une place à Dieu dans tous les moments de leur existence. La fête d’aujourd’hui c’est la fête de tous les saints mais c’est aussi notre fête à tous car nous sommes tous appelés à être des saints. Non pas des gens parfaits mais des vivants passionnés par l’Évangile et par la Joie. Et on peut dire sans se tromper qu’aujourd’hui notre devenir est révélé.
Pourquoi ? Révéler, c’est soulever le voile qui nous masque ce que nous serons au-delà de notre existence terrestre. C’est ce que veut dire le mot apocalypse, notre première lecture. Nous sommes dans cette « foule immense, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. »(Ap 7, 9). Vision grandiose que Jean nous livre, avec toutes les descriptions imagées, symboliques, invitant à entrer dans le mystère de la destinée humaine. C’est le peuple de Dieu, le peuple immense de tous ceux qui, lors de leur pèlerinage terrestre, ont vécu leur humanité selon l’appel de Dieu, peut-être sans le connaître, mais dans la nudité et la vérité de leur condition humaine. « Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main. »(7, 9). C’est-à-dire, dans un face à face avec Dieu, immergés dans sa lumière. Et voilà que nous y sommes, nous aussi, au milieu cette foule ; révélation anticipée de notre devenir, au-delà de notre vie terrestre. En vêtements blancs, répliques de notre vêtement du baptême ; tenant les palmes à la main, palmes du vainqueur, tel le Christ vainqueur de la mort et qui nous entraîne à sa suite. Oui, la fête de tous les Saints est toute chargée d’espérance.
Car aujourd’hui notre devenir est révélé : cette foule immense ce sont les gens de la vie ordinaire. Les personnes que l’on rencontre dans n’importe quel endroit de ce monde où Dieu nous a appelé et qui est pour nous le lieu de notre sainteté. Oui chacun de nous est invité à vivre cette sainteté ordinaire des gens ordinaire dans nos différents lieux de vie ordinaire. Chacun est invité à exposer sa vie au soleil de Dieu et à plonger dans l’Évangile. Chacun est invité à vivre son baptême en Enfant de Lumière, simplement, sans artifice et dans la confiance. Heureux seront nous alors car comme nous le dit St Jean, « il a voulu que nous soyons appelé enfant de Dieu et nous le sommes ». Soyons convaincus de cette promesse et vivons à fond la joie des béatitudes ! Soyons des chrétiens heureux, soyons des chrétiens joyeux. Et comme le disait le Père Chevrier, une autre figure de Saint, « Soyez toujours gai et aimable, c’est une des qualités d’un serviteur du Bon Dieu ».
Amen
Francis ROY, diacre
Fidèles défunts 2014
La Toussaint hier, la fête de tous les saints avec les béatitudes et aujourd’hui la commémoration des fidèles défunts. Fête des morts aujourd’hui, fête des saints hier. Pourquoi deux fêtes distinctes ? Le cœur de Dieu, miséricordieux au-delà de tout imposerait-il une hiérarchie ? Une fête pour les grands qui semblent avoir compris ce que Dieu attend de l’humanité et une fête pour les autres, tous les autres : les petits, les mécréants, les méchants, les normaux, dont nous sommes, serviteurs en attente du maître qui vient.
Permettez-moi de dire, de crier : « Non ! » Nous sommes tous appelés à la sainteté et les béatitudes sont aussi le programme de ce jour ! Luc n
ous le redit dans son évangile : « Heureux les serviteurs que le maître trouvera en train de veiller. » Jésus renverse les rôles et le serviteur se fait servir par le maître ! Parce qu’il a tenu bon, parce qu’il a suivi le maître en choisissant d’être comme lui au service de ses frères, la rencontre ultime est béatitude. Notre prière aujourd’hui pour tous nos défunts, pour tous les défunts du monde, est une prière nécessaire pour hâter leur rencontre avec Dieu. Et notre prière est aussi soutien pour ceux qui souffrent terriblement de l’absence plus ou moins récente d’un être cher. Le Christ a raison de nous confirmer dans notre aspiration profonde au Bonheur. Le Dieu auquel nous croyons est un Dieu d’amour. La gloire de Dieu, la joie de Dieu, c’est l’homme vivant, c’est l’homme debout, épanoui.
Et pourtant la souffrance est bien là, immense pour « ceux qui restent. » Quel scandale que la mort ! Avec elle on touche à l’inadmissible. Et cette révolte qu’elle fait jaillir en nous n’est-elle pas le signe que nous ne sommes pas fait pour cette finale malheureuse ? Nous sommes des êtres d’éternité et non de rupture, des êtres d’amour et non de séparation. Nous avons la foi, mais devant le scandale du mal et de la souffrance, il peut nous arriver de douter de Dieu. Nous avons entendu Jésus lui-même crier : « Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Devant la souffrance qui nous anéantit, notre interrogation à Dieu se comprend : « Pourquoi ce mari aimant m’a-t-il été arraché ? Pourquoi ce fils affectueux a-t-il été si brutalement ravi à notre amour ? Pourquoi notre mamie si gaie et si gentille est-elle partie pour toujours ? » Saint Paul, dans sa lettre aux romains entendue en deuxième lecture, nous suggère que le Christ ne nous a pas promis une joie terrestre immédiate (nous sommes encore dans les douleurs de l’enfantement) mais qu’il est parti devant nous pour nous préparer une place dans la maison de son Père. Nous n’avons pas ici-bas de cité permanente. Notre « chez-nous » est au ciel dans le royaume du Père où une joie sans fin nous est promise. Ceux que nous pleurons ont trouvé leur chez-soi dans l’immense sérénité de Dieu. Et ils ne nous oublient pas car nous pouvons les entendre nous dire, comme le Christ, « nous partons devant vous préparer une place, gardez confiance ».
Au départ d’un être cher, ne nous posons plus la question : « Où est-il ? Nous voit-il ? » Affirmons avec foi, rempli d’espérance, ce que le Christ nous a dit : « Il est vivant ». Et en parlant de nos défunts, ne disons pas : « nous les avons aimé » mais bien plutôt : « nous les aimons » car n’en doutons pas, ils sont vivants ! Nous pouvons alors, petit à petit, malgré l’absence, de plus en plus sereinement, revivre avec eux les moments passés ensemble. Et nous chantons alors avec eux, grâce à eux, les béatitudes :
Heureux ceux qui ont recherché les vraies richesses, celles du cœur.
Heureux ceux qui ont su se pencher sur toutes les pauvretés, les pauvretés de tendresse, les pauvretés spirituelles.
Heureux ceux qui ont été vides d’eux-mêmes pour se laisser remplir de Dieu.
Heureux ceux qui ont su être tendres et fermes, fermes et persévérants.
Heureux ceux qui ont su demander pardon et qui savaient pardonner.
Heureux ceux que la souffrance a rendu sensibles à la misère des frères.
Heureux ceux qui ont mieux aimé être opprimés qu’oppresseurs.
Heureux ceux qui ont cru à la force de l’amour et ont su faire la paix dans leur propre cœur.
Oui, malgré notre peine, heureux sommes-nous de connaître de tels bienheureux, souvent simples et humbles, qui nous ouvrent le chemin du royaume et préparent notre place au milieu de la multitude des amis de Dieu.
Amen.