* Méditation autour des textes du 8 nov 2020….

Après une semaine de travail éprouvant, le premier texte de ce dimanche est reposant. Il nous parle de la sagesse, qui se laisse facilement trouver par ceux qui l’aiment, elle est même à la recherche de ceux « qui sont dignes d’elle », ceux qui veillent à cause d’elle. Elle est resplendissante, elle ne se flétrie pas, elle devance les désirs en se faisant connaître la première.

Tout ce texte du livre de la Sagesse décrit comme une danse amoureuse où les corps se rapprochent puis s’éloignent, puis se rapprochent à nouveau, au gré des mouvements du cœur, dans un désir profond de rencontre, d’union toujours atteinte mais toujours aussi à recommencer.

Le psaume 62 approfondit ce désir de l’âme pour son Dieu, qu’elle doit chercher dès l’aube, qu’elle contemple et qu’elle bénit. Désir intense, comme la soif d’une terre aride, altérée, sans eau – notre chair qui se languit de son Dieu – et Dieu vient et protège et couvre de son ombre.

Saint Paul , dans sa lettre aux Thessaloniciens, ajoute encore à cette exaltation de la chair et de l’âme : c’est l’homme tout entier qui vit dans l’espérance de la résurrection parce que Jésus est mort et ressuscité et que nous le croyons. Et ce n’est pas l’homme seul : ceux qui se sont endormis, puis « nous les vivants », nous ressusciterons : le Seigneur lui-même descendra du ciel, et nous serons emportés sur les nuées du ciel,  à la rencontre du Seigneur. Nous retrouvons la danse du texte de la sagesse, où il s’agit de se laisser emporter, d’aller à la rencontre de quelqu’un qui vient nous chercher parce qu’il nous aime. Croyons nous à la résurrection ?

A la suite des ces trois lectures, l’Évangile de Matthieu et ses dix jeunes filles à la lampe à huile prend tout sons sens.

Les jeunes filles sont invitées à la noce, elles ne sont pas l’épouse, mais elles doivent partir à la rencontre de l’époux. Rite ancien qui à la fois nous semble incompréhensible et pourtant nous parle.Qui n’a pas vécu l’attente d’un être aimé, dans la nuit ? Difficile de rester  immobile à l’intérieur de la maison, on s’approche à la fenêtre, à la porte, on sort sur le chemin, et quand il fait nuit, on prend une torche pour anticiper l’arrivée de l’être aimé.

Les jeunes filles n’ont pas de torche mais des lampes, qu’il faut alimenter pour qu’elles tiennent le temps nécessaire. Certaines sont insouciantes, d’autres pragmatiques. Et Jésus est sévère avec les insouciantes. La fin est sans appel : elles ne rentreront pas dans la salle des noces. De cette façon radicale, Jésus nous dit que chercher l’époux en vue du Royaume – car c’est bien là l’enjeu – ce n’est pas une chasse au trésor, un jeu où il s’agit d’être rapide et d’avoir la joie de trouver.

Les jeunes filles qui ont anticipé le manque d’huile possible savent que le désir creusé par l’attente de l’époux doit être alimenté. Que le désir n’est pas un besoin que l’on va satisfaire vite, mais une rencontre à préparer, une attitude à adopter, à conserver, à maintenir malgré la nuit, malgré la fatigue, malgré l’attente qui dure.  Dans un article du journal La Croix, intitulé « La foi et le génie de la lampe à huile », l’autrice, Christiane Rancé, « témoigne de ce que la foi peut nous aider à résister au spectacle du monde, qui peut parfois nous désespérer ». Elle écrit ceci : « L’exemple de Thérèse d’Avila, fêtée il y a deux semaines à peine, m’a soufflé une ébauche de réponse. La sainte espagnole affirme que nous jouissons tous de la même foi : autant dire une fidélité à Dieu et à son âme protéiforme qui compose la Création et lui a donné Vie, et continue de nous donner la vie. Mais si nous en doutons, c’est uniquement parce que nous avons perdu son mode d’emploi. Nous avons oublié la formule depuis que nous ne cherchons plus comment nous reconnecter à cette part divine en nous, qui est aussi l’attente que Dieu a de nous-mêmes.

Savons-nous encore ce que veut dire la Foi, quelle est son étymologie et ce à quoi elle nous engage : notre fidélité au Vrai, au Juste, au Bien et au Beau – à la Lumière ? Nous poussons si rarement les portes secrètes de notre château intérieur, qui est la demeure de notre âme et le tabernacle du Christ. Il n’y a pas d’intensité variable de la foi, modulée selon chaque individu. La foi est absolue, puissante, entière si tant est que nous ne la confondons pas avec le génie de la lampe à huile, reclus dans son récipient de cuivre, et qui surgirait à notre rescousse par une opération magique, pour satisfaire nos souhaits. Si elle semble nous offrir peu de secours, c’est qu’il y a notre surdité, notre cécité et notre paresse à ne pas perdre espoir. Il y a aussi, souvent, notre désir de ne rien lui sacrifier – de nos plaisirs – quand tout va bien, et notre tendance à la renier quand tout va mal. »

La lampe à huile des jeunes filles prévoyantes n’est pas la lampe à huile d’Aladin, avec ce génie qui surgit dans l’histoire quand il en a besoin.  Elle l’expression de notre foi, toujours présente, prête à nous éclairer pour aller à la rencontre du Christ, qui nous attend, qui nous espère, et que notre âme assoiffée cherche, tandis que nos corps se languissent « comme une terre assoiffées, sans eau ». Sommes nous prêts à le contempler, à le bénir, à nous souvenir de lui ? Sommes nous prêts à lui parler, à lui crier notre joie ?

Nathalie Jolivet, Dijon, le 6 novembre 2020.

10 novembre 2020 |

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