homélie du dimanche 9 février 2020

par Claude Compagnone, diacre

 

Que signifient donc les mots du Christ lorsqu’il dit « vous êtes le sel de la terre », « vous êtes  la lumière du monde » ? Pourquoi dit-il ces mots ? Quelle forme d’évidence combat-il lorsqu’ il les prononce ? En quoi ces mots peuvent-ils nous être adressés à nous aujourd’hui ? En quoi le texte d’Isaïe nous aide-t-il à les comprendre ? C’est à ces questions que je voudrais essayer de répondre avec vous.

 

Ce passage sur le sel de la terre et la lumière du monde fait partie dans Mathieu du sermon sur la montagne. Ce passage vient juste après celui sur les béatitudes. Jésus est au tout début de sa vie publique et il s’adresse à ses disciples qui viennent tout récemment de se mettre en marche à sa suite. On peut imaginer que ses disciples ont été brûlés par sa parole. Ses disciples ont la fougue et l’enthousiasme des premiers jours, de ceux qui viennent de découvrir une parole et des actes qui libèrent, qui enflamment et qui donnent accès à l’immensité de la vie. Ils suivent Jésus et Jésus les enseignent. Il s’est retiré avec eux sur la montagne.

 

Les premiers mots que le Christ va leur dire portent sur comment être dans la joie profonde de la relation à Dieu et aux autres. La relation à Dieu ne va pas sans la relation aux autres. Les béatitudes disent comment il est possible d’être dans cette joie profonde de la relation à Dieu et aux autres. C’est en étant pauvres de cœur, doux, miséricordieux, assoiffés de justice ; c’est en étant des êtres au cœur pur, des ouvriers de paix. Les disciples du Christ sont sans doute déjà un peu tout cela pour le suivre, mais ce que le Christ leur demande alors dans cet enseignement, c’est non seulement de l’être encore plus ou encore mieux, c’est non seulement de faire des béatitudes un axe central de leur vie, mais c’est aussi de faire valoir en parole et en actions auprès des hommes que c’est cela qui compte avant tout : être pauvres de cœur, doux, miséricordieux, etc.


Le sens de cette parole sur le sel de la terre et la lumière du monde se trouve précisément dans cette joie profonde de la relation à Dieu et aux autres que le Christ ouvre à ses disciples. Cette joie profonde est faite pour être partagée et elle est faite pour être défendue. Ce trésor que les disciples reçoivent, qui fait qu’ils sont sel et lumière, ne vaut et ne se maintient que par l’action qu’ils conduiront et par ce qu’ils seront dans le monde.

 

Il s’agit pour les chrétiens d’être le sel de la terre et d’être lumière du monde. Il nous faut l’assumer pleinement, non pas par orgueil – un orgueil qui ne tient pas longtemps face aux coups endurés dans ce travail – mais par nécessité. La capacité à donner du goût aux choses lorsque tout paraît fade, sans relief, sans intérêt, la capacité à pouvoir mettre de la lumière lorsque tout semble sombre, triste, sans espoir, ces capacités-là, donc, ne s’entretiennent que dans un large partage avec les autres, même avec ceux qui ne veulent pas l’entendre.

 

Le texte d’Isaïe nous le dit alors magnifiquement. Voilà ce que dit le Seigneur : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. (…) Si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi ». Le texte d’Isaïe dit avec d’autres mots les béatitudes.

 

Pourquoi le Christ dans la lignée d’Isaïe insiste-t-il donc tant sur cette nécessité de ne pas nous refermer sur nous-mêmes, dans notre routine, dans notre confort ? C’est précisément parce que c’est notre pente naturelle de nous refermer ainsi ! C’est notre économie naturelle de nous épargner une fois que nous sommes dans un certain confort. Et ce que le Christ nous dit, c’est qu’il n’est pas possible d’avoir un tel trésor et de ne pas le partager, tout simplement parce que ce qui constitue ce trésor et qui le fait grandir, c’est le partage ! Le trésor basé sur le partage, l’attention et le soin aux autres ne s’entretient et ne grandit que par le partage et l’attention et le soin aux autres. Et cela contraint et coûte parfois en argent, en temps, en embêtements, en perte de maitrise, en perte de fierté…

 

La question que je me pose alors, et que nous pouvons nous poser chacun d’entre nous, est celle de savoir comment nous sommes et restons sel de la terre et lumière du monde ; comment nous demeurons continuellement serviteur du Christ dans notre vie ordinaire ; comment nous osons simplement donner goût aux choses et illuminer les choses. Oui, il nous faut oser, simplement en confiance et au-delà de ce que nous sommes. Nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde, non pas pour notre bien mais pour le bien du monde.

9 février 2020 |

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