* homélie du 17 novembre 2024

par Francis ROY, diacre

Ne nous trompons pas. Prendre cet évangile pour une description du « comment se passera la fin du monde », c’est opérer le même contresens que celui qui consiste à chercher, dans le récit de la création, le déroulement précis de l’évolution de l’univers. Ce texte ne nous décrit pas la fin des temps. La Bible, ni au début ni à la fin, ne se soucie du comment ; elle s’intéresse au pourquoi, au sens que peut avoir pour nous les phénomènes et les évènements de notre vie.

Pourtant, que d’images troublantes ou déconcertantes dans ces textes : une grande détresse, le soleil qui s’obscurcit (donc la fin de la vie), la lune qui perd sa clarté, les étoiles qui tombent du ciel, les puissances célestes ébranlées. Et pourquoi ne pas ajouter comme signes actuels, une élévation quasi certaine de 3 degrés de la température de la terre, avec son cortège de désolations naturelles et humaines ? Ou encore, dans un autre ordre, la pulsion diabolique de mort qui se manifeste encore et toujours ?

Si véritablement Dieu nous parle dans ces textes – car telle est notre foi –, quelle est la nature de son message exprimé dans le langage du temps de leurs auteurs ?

Ce passage d’évangile, comme la première lecture, appartiennent à un genre littéraire particulier, le genre « apocalyptique », qui signifie « révélation » : tout est dévoilé et mis au jour. Mais si tout est dévoilé et que l’espérance demeure, alors nous pouvons discerner dans ces messages autre chose que de l’épouvantable. Il faut savoir que les textes juifs anciens annoncent, à grand renfort d’images souvent terrifiantes, le jour où Dieu triomphera du mal et des persécutions. Les premiers chrétiens furent persécutés, et pourtant jésus venait tout juste de ressusciter. Les évangélistes, dont Marc, empruntent aussi ce langage apocalyptique pour annoncer que la fidélité de Dieu et l’espérance du croyant sont plus fortes que les catastrophes. Mais comprenons bien les images qui sont employées. Du temps de Jésus, les peuples voisins adoraient les étoiles et les astres comme des divinités redoutables. Alors, annoncer que le soleil, la lune et les astres s’effondrent, en langage apocalyptique, signifie que l’avènement du Christ signe la mort de toutes ces divinités artificielles que l’homme a construites. Ainsi, l’image d’une catastrophe cosmique, dans la Bible, doit être interprétée comme la victoire du Dieu créateur, origine et principe de la vie, du Dieu d’amour qui a partagé en Christ la condition humaine.

Jésus contredit d’ailleurs toutes les prophéties alarmistes avec cette dernière phrase de l’Évangile : « Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père ». Si le Fils ne connaît pas l’heure, pourquoi la connaîtrions-nous ! Cela coupe court aux supputations hasardeuses et aux curiosités malsaines sur la date de la fin du monde dont raffolent les sectes. Le retour du Seigneur est une perpétuelle actualité. Chaque instant de notre vie est « la date et l’heure » !

Nous sommes donc invités à devenir des observateurs du temps présent où les questions, les peurs, les obscurités naissent. Le Christ nous dit : n’ayez pas peur, je suis là dans ces évènements. Scrutons les temps présents pour déceler au quotidien la venue du Christ à travers des réalités aussi simples qu’un sourire, un signe d’amitié ou un geste de solidarité.

Notre monde ne va pas vers une chute dans le néant, mais vers le plein accomplissement du règne de Dieu, une libération totale dans un monde de relations de justice, d’estime, de reconnaissance de l’autre. Depuis le matin de Pâques, le monde nouveau est né. Ce nouveau monde grandit tout comme le figuier dont les branches, au printemps, deviennent tendres et dont les feuilles commencent à pointer. Le printemps du monde nouveau, commence par des petits actes concrets.

Des désastres bouleversants, il y a en dans de toute sorte, il y en a tout proche de nous, et en nous, en nos vies. Des échecs dans nos relations, des rêves brisés, des accidents de santé… Nous préparer à la venue de Dieu, c’est vivre notre présent non pas dans la peur ou dans la vaine recherche de nouvelles révélations, mais dans une vigilance active.

Etre vigilant c’est repérer ces signes de vie aujourd’hui et nous y associer ! Tous ces gens qui se mettent au service des pauvres sont les « accoucheurs » d’un monde nouveau où la dignité de chacun sera reconnue et respectée. Tous ceux et celles qui travaillent pour la paix, pour la justice, tous ceux et celles qui aiment dans les déserts d’amour et ne recherchent pas que leur bonheur personnel, sont les femmes et les hommes de l’avenir. Ces gestes de don de soi ne font pas de bruit ; on n’en parle pas beaucoup (car ils n’intéressent pas les médias), mais ils sont les « bourgeons » qui annoncent l’été.

Tous les textes de  la messe de ce dimanche sont importants : d’un côté, nous sommes invités à reconnaître le Christ dans notre existence de tous les jours et, d’un autre côté, cette reconnaissance  nous prépare à notre rencontre définitive avec le Seigneur à la fin de notre vie.

Nous sommes donc appelés à développer chaque jour, nos réflexes de foi pour reconnaître le Christ partout où il se trouve. : rencontrons-le par la prière quotidienne, voyons-le dans les personnes que nous rencontrons  sur  la rue, aux repas, etc. Découvrons-le dans la beauté de  la nature… Rendons-lui grâce pour tout et à propos de tout, particulièrement lorsque nous venons à la messe.  Quelle belle manière que voilà, de nous  préparer à la venue définitive du Seigneur dans notre  vie !

Nous sommes également appelés à maintenir et à développer notre espérance en la venue du Seigneur à la fin de notre vie. Le temps qui passe est précieux. Ne gâchons pas nos jours en ne nous donnant qu’aux réalités périssables. Ce qui est définitif, c’est le verre d’eau donné, le morceau de pain partagé, le réconfort apporté au malade, le temps consacré à l’enfant qui pleure, l’aumône faite dans le secret, la présence aux autres, l’accueil de l’étranger, le pardon. En un mot, tout ce que nous accomplissons par amour nous achemine directement vers l’entrée dans la joie éternelle. Amen.

1 décembre 2024 |

Les commentaires sont fermés.