par Francis ROY, diacre
Dans l’Évangile de ce deuxième dimanche de l’Avent, ce n’est pas Jésus qui nous parle directement mais son précurseur, son cousin Jean Baptiste. Le cœur de la prédication du Baptiste est contenue dans la phrase d’Isaïe qu’il répète avec une grande force : « A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route ». Jérusalem était une ville entourée du désert : à l’est, les routes d’accès, à peine tracées, étaient facilement effacées par le sable balayé par le vent, et à l’ouest, elles se perdaient entre les aspérités du terrain qui descendait vers la mer. Lorsqu’un cortège ou un personnage important devait arriver dans la ville, il fallait aller dans le désert tracer une route moins provisoire ; on taillait les broussailles, on comblait un affaissement du sol, on aplanissait un obstacle, on remettait en état un pont ou un gué. On le faisait par exemple à l’occasion de la fête de Pâques, pour accueillir les pèlerins qui arrivaient de la diaspora. Jean Baptiste s’inspire de cela. Il crie que quelqu’un qui est au-dessus de tous, « celui qui doit venir », celui que les nations attendent, est sur le point d’arriver : il faut tracer un chemin dans le désert pour qu’il puisse arriver.
Que pouvons-nous comprendre de ce texte pour nous aujourd’hui ? Il me semble que ce sentier n’a pas à être tracé sur le sol mais dans le cœur de chaque homme ; il n’est pas à tracer dans le désert mais dans la vie de chacun, dans ma propre vie. Pour ce faire, il ne faut pas se mettre au travail matériellement mais se convertir. Préparer un chemin pour le Seigneur a donc une signification très concrète : cela signifie entreprendre de réformer sa vie, se convertir. Au sens moral, ce sont des collines à aplanir et des obstacles à éliminer : l’orgueil qui conduit à être impitoyable et sans amour envers les autres, l’injustice qui trompe le prochain, voire même en invoquant de faux prétextes de dédommagement ou de compensation pour faire taire la conscience, sans parler de rancœurs, de vengeances, de trahisons dans l’amour. Ce sont des vallées à combler : la paresse, l’incapacité de s’imposer le moindre effort, tout péché d’omission.
Convertissez-vous ! Oui, le cri de Jean Baptiste est toujours d’actualité : il nous rappelle que le chemin du bonheur ne passe pas par la voie royale de la facilité, mais par le sentier ardu de la conversion. Il anticipe déjà les Béatitudes : Bienheureux les pauvres de cœur…
Il nous demande une conversion, c’est à dire un changement radical de cap, une réorientation totale, un revirement, une véritable volte-face pour retrouver l’essentiel et ne pas continuer à jouer aux enfants gâtés… même si personne n’est plus difficile à convaincre qu’un bien pensant. Jean ne mâche pas ses mots pour secouer comme un prunier les Pharisiens et les Sadducéens : Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Ne sourions pas de cette vigoureuse homélie du baptiste et prenons-la un peu, voir même beaucoup pour nous, en qui dort toujours un pharisien ou un sadducéen. Jean nous demande de nous secouer, de nous convertir… et vite !
Conversion-revirement dans notre façon d’utiliser notre argent dans un monde où de nouveaux Lazares souffrent de ne pas avoir accès à la table opulente et débordante de beaucoup.
Conversion-revirement dans la défense acharnée de nos privilèges aux dépens du bien commun.
Conversion-revirement dans notre façon de juger les autres, de leur jeter facilement la pierre, de penser que les syndicats ou le gouvernement ou le patronat ne veulent pas vraiment le bien commun, de ne pas comprendre les problèmes des autres en leur faisant de faciles procès d’intention.
Conversion-revirement dans notre vie de prière, à recentrer sur Dieu et non sur nos petits besoins.
Jean Baptiste nous demande un esprit de pauvreté : Quelle figure que ce Baptiste ! Vêtu sobrement d’une tunique en poils de chameau, il se nourrit écologiquement des produits que la nature met sur sa route : un menu qui n’a rien de touristique mais riche en protéine et en glucides ! En entrée des sauterelles-nature et comme dessert, du miel sauvage.
Mais le baptiste nous désigne Celui vers lequel nos regards doivent converger et à l’école duquel nous devons nous mettre. Ce Messie vient remettre de l’ordre dans notre cœur, et non nous distribuer des sucreries spirituelles. Il vient nettoyer l’aire de notre cœur.
C’est cette transformation radicale que Dieu, dans sa petitesse d’enfant nous quémande au temps de l’Avent. Ne laissons pas passer ce temps de grâces. Rejetons fermement la définition de la conversion qui est ce qu’on est décidé à faire un jour et qu’on remet constamment à plus tard. Puisse le feu brûlant de ce Dieu qui vient à nous dans son humilité nous purifier des œuvres mortes et nous ouvrir le cœur à la joie de sa naissance au milieu de son peuple.
Amen.