Homélie du dimanche 23 février 2020

par Jean-Paul Berthelot, diacre

Dimanche dernier, Jésus nous montrait que le chemin d’amour pour le suivre était sans limite de pardon. Aimer est un combat de tous les jours et je ne peux aimer à moitié. Aujourd’hui, Jésus se montre plus exigeant : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait » Déjà, dans la première lecture, le programme est clair : « Soyez saints, car moi le Seigneur, votre Dieu, je suis saint » Souvent, les saints sont eux-mêmes des pauvres, conscients d’avoir encore beaucoup à faire pour atteindre la perfection. La sainteté est avant tout un don de Dieu. Elle est faite d’une multitude de petites transformations de notre cœur au fil de notre vie grâce à l’aide de l’Esprit Saint.

Pour avancer sur ce chemin d’exigence, St Paul nous invite à goûter le mystère insondable de Dieu : « Frères, ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?» Dès notre baptême, nous sommes saints puisque nous sommes créés à l’image de Dieu. Laissons Dieu agir en nous en répandant son amour, sa miséricorde dans notre cœur. Ne nous comparons surtout pas aux autres. Dieu est en moi comme en chacun de nous. Nous n’avons pas à gravir d’échelon pour atteindre un sommet ou un grade. En effet, la sagesse de Dieu n’a rien à voir avec celle des hommes.

Dans la société d’aujourd’hui, la place est au plus fort, au plus rapide, au plus cultivé. Le chemin de Dieu qui s’ouvre à nous est rendu possible grâce à la force du Christ qui nous anime. Jésus nous demande de passer d’une morale du permis et du défendu à une morale de liberté fondée sur l’amour. Nous pouvons bien faire toutes les lois du monde pour régir notre société ; sans l’amour, nous n’arriverons à rien. Rappelez-vous la parabole du bon samaritain : le lévite et le prêtre respectent la loi, ils ne touchent pas le blessé : ils sont en règle.  Le samaritain, lui va à l’essentiel : la vie de cet homme blessé et il s’en occupe.

Jésus va vraiment plus loin dans l’évangile : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » Oui, aucune loi ne peut régir votre vie à chaque instant. Le Christ nous invite à prendre nos responsabilités en âme et conscience. Il est vrai que le raisonnement de Jésus peut paraître de la folie aux yeux des hommes.  Il a été jusqu’à offrir sa vie pour les pécheurs, les ennemis de la foi. Jésus veut nous faire comprendre que nous devons saluer nos ennemis, sourire à celui qui vous insulte et dire une parole gentille à celui qui vous agresse.

Être saint, c’est sans doute être un peu fou !! Une folie qui est tout amour. En fait, le plus difficile est d’aimer chacun et chacune gratuitement et sans jugement. C’est être et agir par amour. Nous ne sommes pas seuls pour avancer dans cette vie difficile, l’Esprit-Saint est avec nous. Rien n’est impossible à Dieu.  La sainteté ne s’acquière pas à force de prières ou d’actes charitables, elle se reçoit du cœur de Dieu. Là où règne l’amour, le pardon et l’entraide, l’esprit de sainteté est déjà présent. Mettons nos actes et nos paroles en phase, alors nous serons sur le bon chemin.

Jésus a été fidèle à son Père jusqu’au don de sa vie. Il a pardonné à ceux qui l’ont crucifié et Dieu l’a ressuscité. L’idéal serait de laisser le désir de Dieu agir dans le quotidien de nos vies. Ayons confiance en ce Dieu d’amour qui saura nous inspirer des belles paroles au moment opportun. Le réflexe naturel lorsque vous êtes agressé est de vous défendre, et de « rendre la monnaie de la pièce » comme le dit l’expression. Or, Jésus nous dit d’inverser le processus et de provoquer l’autre à faire le bien.

Face aux difficultés, l’homme suit souvent ses instincts guerriers ou ses idéologies mais, si nous appartenons à Dieu, ne suivons pas ce mouvement mais respectons l’autre en entretenant un climat de bienveillance.

S’il est formidable d’aimer, il est tout aussi difficile d’aimer. Aussi efforçons nous d’être des artisans de paix et des bâtisseurs d’amour.

24 février 2020 |

Homélie du dimanche 16 février 2020

par Francis ROY, diacre

 

« Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien  moi je vous dis… » Vous ne trouvez pas que Jésus met la barre très haut ?  Ne serait-il pas entrain d’alourdir le poids de la Loi ? A moins qu’il nous demande seulement d’ajouter du cœur et du sens aux pratiques concrètes, de remplacer la soumission par l’adhésion et l’amour.

Etre chrétien – disciple et imitateur du Christ – c’est choisir la vie. Or, la vie ne s’enferme pas dans des interdits. Les prescriptions de la Loi – « Tu ne tueras pas, tu ne commettras pas l’adultère, tu ne feras pas de faux serments. » – sont évidemment nécessaires puisqu’elles conditionnent la possibilité de vivre en société. Mais elles ne sauraient, à elles seules, provoquer l’enthousiasme. Dire : « Venez, je vous apprendrai tout ce qu’il ne faut pas faire » n’est pas très mobilisateur. Vivre en chrétien, c’est choisir l’amour car Dieu est Amour. Imagine-t-on un amoureux qui ne manifesterait son amour qu’en évitant ce qui est interdit, ce qui pourrait blesser sa bien-aimée, sans jamais un geste positif et gratuit, une parole aimable, un bouquet sans raison ? Cet amour n’aurait guère de chance de durer. La Parole de Dieu ne s’enferme pas dans des lois ; rien ne peut limiter ses appels à plus de vie et plus de cœur.

Nous sommes donc invités à approfondir notre regard pour nous laisser guider par les merveilles de la loi d’amour de Dieu. C’est aussi pour nous une invitation à porter une attention plus grande aux réalités sanitaires et sociales et surtout à nous mettre à l’école du Christ. Il est le Bon Samaritain qui voit l’homme blessé sur la route. Au lieu de passer son chemin, il s’arrête, se penche vers lui et prend soin de lui. Le prochain c’est celui qui se fait proche.

L’évangile de ce jour dénonce les meurtres, l’infidélité, les fausses promesses. Prenons le temps d’y regarder de plus près : nous découvrirons alors combien de personnes sont meurtries par toute cette violence physique ou morale ; quand elles sont victimes de tels agissements, leur santé finit par être gravement compromise. L’évangile qui vient d’être lu ouvre une porte qui laisse entrevoir beaucoup de misère. Nous ne pouvons pas laisser courir tout ce mal. Nous ne pouvons pas non plus nous limiter à l’observation stricte de la loi. Il faut absolument la mener à son plein accomplissement :

l’amour inconditionnel de l’homme.

Et cela nous permet de mieux comprendre alors les autres textes de ce jour : Ben Sirac qui nous dit : « choisis la vie » ; Paul qui nous rappelle que la vraie sagesse n’est pas celle du monde mais celle du Christ que l’on a crucifié ; le tout puissant qui prend sa place parmi les plus malheureux pour leur manifester son amour et les arracher au malheur. D’où cette prière du psaume 118 : « Ouvre mes yeux à tes merveilles, aux splendeurs de ta loi ». Dans chaque verset de ce psaume on trouve le mot loi ou un de ses synonymes : exigences, voies, préceptes, commandements, volontés, décisions,

parole, promesses. On pourrait craindre que cette « répétition  » soit lassante, mais le psalmiste inspiré par Dieu est un amoureux de son Seigneur qui ne cesse de répéter indéfiniment : « Je t’aime »… « Je t’aime »… « Je t’aime ». Et je profite de cette insistance sur le mot loi et ses synonymes pour vous rappeler que la Loi pour un hébreu n’est pas ce code juridique rigide, de permis et de défendu que l’héritage romain nous a transmis. La Loi, c’était et c’est toujours le plus beau cadeau de Dieu, le « don de Dieu « au peuple qu’il aime, avec qui il fait alliance. La loi de Dieu est « vitale », c’est une règle de vie. En nous révélant la loi de notre être, Dieu nous rend service : suivre cette loi, c’est grandir, c’est vivre, c’est VIVRE.

La loi de Dieu ce n’est donc pas une question de « permis « et de « défendu « , c’est une question de rapport entre deux personnes. Quand deux personnes s’aiment, elles se trouvent liées l’une envers l’autre par une sorte de loi, mais une loi qui n’a rien à voir avec les juridismes et les formalismes : c’est parce que je t’aime que je me sens obligé de l’intérieur à t’écouter, à te faire plaisir, à faire 

Cette proposition d’approfondir notre regard sous le regard de Dieu, pour nous laisser guider par sa loi d’amour, est un appel à nous mettre à l’écoute du Christ « bon samaritain » qui voit l’homme blessé et devient son prochain. L’Évangile le suggère, les personnes meurtries sont sans nombre. Alors écoutons le Christ qui nous dit : ouvre les yeux et tourne ton regard : tes volontés. Dis-moi ce que tu désires ! Je suis heureux de l’accomplir.

— vers ceux que la société rend malade : les sans voix, sans toit, sans travail, sans famille, sans amour ;

— vers ceux qui gémissent sur leur lit d’hôpital ou qui crient écrasés de douleur par la maladie ;

— vers ceux dont la nuit est déchirée par l’angoisse et l’insomnie ;

— vers ceux qui n’en peuvent plus de lutter contre le mal : les soignants, les accompagnants, les visiteurs compatissants.

Mais l’on peut voir et passer outre comme le prêtre et le lévite de l’Évangile du Bon Samaritain. C’est alors que le psaume qui prolonge la première lecture nous revient à l’esprit : « Tu promulgues des préceptes à observer entièrement. Puissent mes voies s’affermir et observer tes commandements. »

C’est à une véritable conversion que nous sommes invités. Dans l’évangile de ce jour le Christ a placé bien haut la barre de l’amour fraternel. Il n’a nulle part ailleurs autant lié la religion et l’amour du frère et il en fait le préalable au culte rendu à Dieu. « Si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère ». Cette loi d’amour prend tout son sens quand sur nos routes nous croisons des personnes qui traversent l’épreuve de la santé physique, sociale, spirituelle. Il ne s’agit pas d’avoir réponse à tout, et surtout pas au problème de la souffrance, mais nous ne pouvons pas nous résigner au mal. Chacun et chacune d’entre nous sommes invités, par le Christ, à l’accomplissement de l’Amour. Il ne s’agit pas de suppléer la médecine ni de distribuer des calmants, mais d’apporter le réconfort de notre présence aimante à tous ces frères qui ont mal. C’est à cela que le Christ nous appelle. Alors, redisons-lui simplement mais fermement : « Seigneur ouvre mes yeux, aux splendeurs de ta loi ».

 

16 février 2020 |

homélie du dimanche 9 février 2020

par Claude Compagnone, diacre

 

Que signifient donc les mots du Christ lorsqu’il dit « vous êtes le sel de la terre », « vous êtes  la lumière du monde » ? Pourquoi dit-il ces mots ? Quelle forme d’évidence combat-il lorsqu’ il les prononce ? En quoi ces mots peuvent-ils nous être adressés à nous aujourd’hui ? En quoi le texte d’Isaïe nous aide-t-il à les comprendre ? C’est à ces questions que je voudrais essayer de répondre avec vous.

 

Ce passage sur le sel de la terre et la lumière du monde fait partie dans Mathieu du sermon sur la montagne. Ce passage vient juste après celui sur les béatitudes. Jésus est au tout début de sa vie publique et il s’adresse à ses disciples qui viennent tout récemment de se mettre en marche à sa suite. On peut imaginer que ses disciples ont été brûlés par sa parole. Ses disciples ont la fougue et l’enthousiasme des premiers jours, de ceux qui viennent de découvrir une parole et des actes qui libèrent, qui enflamment et qui donnent accès à l’immensité de la vie. Ils suivent Jésus et Jésus les enseignent. Il s’est retiré avec eux sur la montagne.

 

Les premiers mots que le Christ va leur dire portent sur comment être dans la joie profonde de la relation à Dieu et aux autres. La relation à Dieu ne va pas sans la relation aux autres. Les béatitudes disent comment il est possible d’être dans cette joie profonde de la relation à Dieu et aux autres. C’est en étant pauvres de cœur, doux, miséricordieux, assoiffés de justice ; c’est en étant des êtres au cœur pur, des ouvriers de paix. Les disciples du Christ sont sans doute déjà un peu tout cela pour le suivre, mais ce que le Christ leur demande alors dans cet enseignement, c’est non seulement de l’être encore plus ou encore mieux, c’est non seulement de faire des béatitudes un axe central de leur vie, mais c’est aussi de faire valoir en parole et en actions auprès des hommes que c’est cela qui compte avant tout : être pauvres de cœur, doux, miséricordieux, etc.


Le sens de cette parole sur le sel de la terre et la lumière du monde se trouve précisément dans cette joie profonde de la relation à Dieu et aux autres que le Christ ouvre à ses disciples. Cette joie profonde est faite pour être partagée et elle est faite pour être défendue. Ce trésor que les disciples reçoivent, qui fait qu’ils sont sel et lumière, ne vaut et ne se maintient que par l’action qu’ils conduiront et par ce qu’ils seront dans le monde.

 

Il s’agit pour les chrétiens d’être le sel de la terre et d’être lumière du monde. Il nous faut l’assumer pleinement, non pas par orgueil – un orgueil qui ne tient pas longtemps face aux coups endurés dans ce travail – mais par nécessité. La capacité à donner du goût aux choses lorsque tout paraît fade, sans relief, sans intérêt, la capacité à pouvoir mettre de la lumière lorsque tout semble sombre, triste, sans espoir, ces capacités-là, donc, ne s’entretiennent que dans un large partage avec les autres, même avec ceux qui ne veulent pas l’entendre.

 

Le texte d’Isaïe nous le dit alors magnifiquement. Voilà ce que dit le Seigneur : « Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. (…) Si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi ». Le texte d’Isaïe dit avec d’autres mots les béatitudes.

 

Pourquoi le Christ dans la lignée d’Isaïe insiste-t-il donc tant sur cette nécessité de ne pas nous refermer sur nous-mêmes, dans notre routine, dans notre confort ? C’est précisément parce que c’est notre pente naturelle de nous refermer ainsi ! C’est notre économie naturelle de nous épargner une fois que nous sommes dans un certain confort. Et ce que le Christ nous dit, c’est qu’il n’est pas possible d’avoir un tel trésor et de ne pas le partager, tout simplement parce que ce qui constitue ce trésor et qui le fait grandir, c’est le partage ! Le trésor basé sur le partage, l’attention et le soin aux autres ne s’entretient et ne grandit que par le partage et l’attention et le soin aux autres. Et cela contraint et coûte parfois en argent, en temps, en embêtements, en perte de maitrise, en perte de fierté…

 

La question que je me pose alors, et que nous pouvons nous poser chacun d’entre nous, est celle de savoir comment nous sommes et restons sel de la terre et lumière du monde ; comment nous demeurons continuellement serviteur du Christ dans notre vie ordinaire ; comment nous osons simplement donner goût aux choses et illuminer les choses. Oui, il nous faut oser, simplement en confiance et au-delà de ce que nous sommes. Nous sommes le sel de la terre et la lumière du monde, non pas pour notre bien mais pour le bien du monde.

9 février 2020 |