par Claude Compagnone, diacre
Chères sœurs et chers frères
Les textes de ce jour nous disent à la fois la valeur que nous avons aux yeux de Dieu et la façon dont Dieu intervient auprès de nous à partir des dons qu’il nous fait. Et le « nous » dont il s’agit ici est bien un « nous » communautaire renvoyant au groupe que nous formons et à notre façon de vivre ensemble et d’être ensemble en relation avec Dieu et en relation pour Dieu.
Les trois textes d’Isaïe, de Paul et de Jean de ce jour sont ainsi marqués par cette forte dimension communautaire. Isaïe se réfère au peuple d’Israël en parlant de Sion et de Jérusalem qui « comme la jeune mariée fait la joie de son mari, [sera] la joie de [son] Dieu » ; Paul s’adresse à la communauté naissante et bigarrée de la ville portuaire cosmopolite de Corinthe et lui dit qu’« À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien » et il dira plus loin « du bien de tous » ; Jean place son récit de noces auxquelles le Christ assiste avec ses disciples dans la communauté de Cana, située en Galilée, et nous dit, que là, dans cette communauté, le Christ « manifesta sa gloire, et [que] ses disciples crurent en lui ». Ces trois textes nous disent donc comment l’Esprit de Dieu intervient concrètement dans notre vie et que bien que ses manifestations soient diverses, comme Paul nous l’indique, il s’agit bien ici du même Esprit.
Bien évidemment, ces communautés particulières renvoient pour nous symboliquement à la communauté universelle des chrétiens. Ces mots qui leur sont adressés nous sont aussi adressés à nous tous, ensemble des chrétiens, aujourd’hui. Mais ce « nous » renvoie d’abord prioritairement à notre communauté paroissiale, à cette communauté locale de proximité, de vie et d’échanges, à cette communauté concrète que nous fréquentons humblement semaine après semaine, où nous pouvons à la fois nous tourner ensemble vers Dieu – à travers la Parole, la prière et l’eucharistie partagées et de multiples autres partages -, où nous pouvons bénéficier des dons que Dieu met et renouvelle constamment en chacun d’entre nous et où nous pouvons connaître, vivre et traverser des épreuves de la vie.
Comment vous dire à vous, sœurs et frères de la communauté de St Joseph, en cette période de réflexion synodale, la richesse que vous représentez ? Comment vous dire combien chacun de vous compte au regard de Dieu et combien votre parole compte ? Comment vous dire que ceux qui se sentent les plus petits et les moins intéressants parmi nous portent en eux et sur eux un regard particulier de Dieu qui, au-delà d’eux-mêmes, les fait rayonner aux yeux de ceux qui connaissent Dieu ? Comment vous dire qu’au-delà du jugement que nous pouvons avoir chacun sur nous-mêmes – parfois pas très glorieux et parfois disproportionné -, Dieu nous aide aussi à porter un regard juste, paisible et bienveillant sur l’autre ? Comment vous dire que l’accumulation de nos regards bienveillants n’est pas une faiblesse mais une force et qu’il nous faut incarner constamment cette force de Dieu qui est la force de l’Amour ?
Comment vous dire qu’à travers tous les partages, les discussions, les prières et les actions en commun, à travers les rôles assumés par les uns et par les autres, nous savons faire communauté ? Comment vous dire que l’Esprit de Dieu se manifeste en vous et en nous et qu’il nous faut constamment rester ouvert à sa manifestation ? Comment vous dire qu’ainsi vous contribuez à donner vie à l’Eglise universelle ? Comment vous dire, enfin, la richesse que vous représentez pour nous, clercs, qui vivons localement notre mission en Dieu par vous et pour vous ? Comment vous dire, moi, Claude, tout ce que vous m’avez apporté sans le savoir et ce que vous continuez à m’apporter, parfois de manière surprenante mais rarement de manière dérangeante ?
Dans les noces de Cana, il est question d’eau transformé en bon vin. Ce vin est d’ailleurs si bon que le maître du repas ne comprend pas pourquoi il est servi en dernier alors que les invités, envinés, n’ont plus les papilles suffisamment disponibles pour en apprécier toute la qualité. Et le miracle des noces de Cana est bien celui-ci : une eau très ordinaire, l’eau de purification qui n’est pas destinée à être consommée, et qui par l’action du Christ se transforme en bon vin. Ce premier miracle raconté par Jean est hautement symbolique par la participation et la contribution du Christ à une fête domestique classique qui réunit de nombreux invités, par la réponse que le Christ apporte à sa mère, par le regard de ses disciples et par leur foi. Mais ce que nous pouvons voir aujourd’hui, c’est précisément ce que fait le Christ avec ses communautés de fidèles : il agit pour les transformer en bon vin, en un vin qui a de multiples saveurs et qui donne de la joie.
Sachons donc toujours plus être, en communauté, ce vin aux multiples saveurs et qui porte la joie.
