par Francis ROY, diacre
Pour comprendre la question du Seigneur : « Pour vous, qui suis-Je ? », il faut faire mémoire des évangiles des précédents dimanches : durant les mois de juillet et d’août, nous avons médité le chapitre sixième de Saint Jean, l’Évangile du Pain de Vie, où Jésus disait : « Celui qui mange Ma Chair et boit Mon Sang demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. ».
Cette parole était tellement dure que certains de ses disciples ont commencé à quitter Jésus parce qu’ils trouvaient qu’Il allait à l’encontre d’un des interdits de l’Ancienne Alliance, celui de l’anthropophagie. Au début du Christianisme, certains pensaient que les Chrétiens étaient des anthropophages, ils mangeaient un certain Jésus et ils buvaient son sang. Seule la lumière de l’Eucharistie permettait de comprendre ce mystère.
Après ce grand choc et cette séparation d’un certain nombre de disciples, il y a le discours sur le pur et l’impur. Jésus fait imploser les notions de pur et d’impur : ce n’est pas quelque chose qui est lié à des activités extérieures, à des ablutions, à des rituels, à des nourritures. Non, le pur et l’impur viennent du cœur de l’homme.
Ensuite, il y a eu ce miracle : celui de la guérison du sourd : « Effata, ouvre-toi ». Et enfin aujourd’hui, cette question : « Pour vous, qui suis-Je ? ». Quand il nous arrive de faire un bout de chemin avec le Seigneur, nous nous posons un certain nombre de questions, tout comme les disciples de Jean-Baptiste : « Est-il vraiment celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Il est important de répondre nous-mêmes personnellement à cette question : « Pour vous, qui suis-Je ? ». Parce que Jésus interroge encore notre temps.
Et Pierre nous montre la voie, il répond à Jésus avec son enthousiasme, sa force : « . Jésus lui répond : « Ce n’est pas la chair et le sang, Pierre, qui t’on manifesté cela, mais Mon Père qui est aux Cieux. »
On voit donc à travers la fulgurance de Pierre, la découverte dans l’humanité du Christ de la présence de Dieu. Et il nous faut toujours revenir à cela. Parce que l’on peut trop vite résumer la personne de Jésus, à un sage, à un homme qui nous donne une doctrine de vie. Il y a beaucoup de personnes qui donnent une doctrine de vie, des maîtres spirituels. Et on fait du Christianisme comme une morale, une manière de vivre, qui élève la dignité humaine, comme on l’a vu à travers les siècles. Mais, on ne touche pas l’être même du Seigneur. Cette fulgurance, cette grâce donnée à Pierre, cette grâce donnée à toute l’Église, de découvrir qui est le Messie, en la personne même de Jésus.
Mais Jésus nous dit que pour accéder à ce mystère d’un Dieu qui s’est fait chair, qui a pris la personne même du Seigneur, qu’il y a une condition : « Cette condition est de me suivre jusqu’à la Croix ». Et à la Croix, au contraire, on ne voit jamais le Seigneur : « Cela ne peut pas t’arriver. Cela ne t’arrivera pas ». Et Jésus, alors qu’Il avait félicité Pierre d’avoir découvert quelle était sa propre identité, lui dit : « Passe derrière Moi Satan. »…
C’est intéressant de regarder l’histoire de l’Église, car l’on voit ces deux grands moments : ces grandes fulgurances, ces grandes certitudes, à travers la vie des Saints, par exemple, qui nous donnent vraiment de toucher le Seigneur au plus près. Et l’on voit en même temps ces reniements, ces éloignements : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles de hommes »
C’est ainsi tout le scandale de la pédophile qui a éclaté. Cette alternance de lumière éblouissante et en même temps de grande misère, pour ne pas dire plus, que traverse l’Église…
Alors, il nous faut nous-mêmes nous positionner face au Christ Lui-même et demander au Seigneur qu’Il nous donne, face à cette condition qu’Il pose, d’épouser, d’une certaine manière, le mystère du mal : « Si quelqu’un veut marcher avec Moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, qu’il me suive »
Ce mystère du mal traverse le monde et fait que l’on se dit, et on l’entend : « ‘mais si Dieu existait, cela ne pourrait pas advenir ». Et la réponse à ce mystère du mal, c’est la personne même du Christ. C’est lui-même qui s’offre à la volonté du Père, pour prendre sur Lui la totalité des péchés de l’Humanité ».
Même l’existence de Dieu rend plus intolérable le mal, parce que l’on y voit comme une solution et Il ne fait rien. Mais, si le mal touche d’une manière ou d’une autre l’être de Dieu, et il le touche en l’humanité du Christ, alors, oui, on peut dire qu’Il s’est fait l’un de nous, Il s’est fait l’un de nos proches, il y a une lumière alors qu’il n’y avait que de l’obscurité. Il y a un mystère, alors que c’était l’absurde qui était là, présent, et qui s’imposait à nous, dans toute la souffrance du Monde.
Oui, nous sommes invités à faire ce geste de Foi, à adopter cette attitude de suivre le Seigneur. On le sait bien, notre histoire avec le Seigneur est parfois une histoire compliquée, parce que nous n’accueillons pas la volonté de Dieu telle qu’elle se manifeste. Nous n’accueillons pas ce mystère de la Croix. Cela nous est difficile à tous d’accueillir l’injustice, d’accueillir l’absurde. Il nous faut nous attacher au Seigneur, en particulier dans la prière, dans les sacrements, dans la vie chrétienne habituelle, dans la communauté chrétienne. Il nous faut nous attacher au Seigneur pour découvrir une lumière dans la vie de Jésus, Lui qui, comme le dit la première lecture, a pris sur ses épaules la souffrance du Monde entier. Il est crédible, le Christ, parce qu’Il s’est offert. En même temps, ce centrage sur la personne du Christ va nous aider à rebondir et à nous donner des forces nouvelles.
Demandons au Seigneur d’avoir Foi en la personne même de Jésus. A avoir Foi dans le fait que dans chacune de nos épreuves, le Christ veut se faire proche de nous, nous toucher et nous ramener au Père. En Jésus, Dieu a parcouru toute la distance qui éloigne l’Homme du Père, pour rejoindre chaque personne. C’est ce qui a fait que, très tôt, l’Eglise a eu ce sentiment qu’Elle devait être présente au seuil de l’Humanité, au seuil de l’Humain, au seuil du tolérable : dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les lieux de guerre, dans les lieux où l’Humanité est bafouée… Elle a senti un appel, alors que les autres pensaient à fuir. C’est en vertu même de cette parole du Seigneur que nous avons eu toutes ces œuvres de compassion, de charité, ces œuvres de courage qui nous amènent à découvrir la personne du Christ. Ce qui nous aide le plus à découvrir le Seigneur, c’est quand nous portons sur nos épaules une part de Sa Croix et de Sa Passion. C’est là où on le découvre de plus près.