HOMELIE du dimanche 16 septembre 2018

par Francis ROY, diacre

 

Pour comprendre la question du Seigneur : « Pour vous, qui suis-Je ? », il faut faire mémoire des évangiles des précédents dimanches : durant les mois de juillet et d’août, nous avons médité le chapitre sixième de Saint Jean, l’Évangile du Pain de Vie, où Jésus disait : « Celui qui mange Ma Chair et boit Mon Sang demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. ».

Cette parole était tellement dure que certains de ses disciples ont commencé à quitter Jésus parce qu’ils trouvaient qu’Il allait à l’encontre d’un des interdits de l’Ancienne Alliance, celui de l’anthropophagie. Au début du Christianisme, certains pensaient que les Chrétiens étaient des anthropophages, ils mangeaient un certain Jésus et ils buvaient son sang. Seule la lumière de l’Eucharistie permettait de comprendre ce mystère.

Après ce grand choc et cette séparation d’un certain nombre de disciples, il y a le discours sur le pur et l’impur. Jésus fait imploser les notions de pur et d’impur : ce n’est pas quelque chose qui est lié à des activités extérieures, à des ablutions, à des rituels, à des nourritures. Non, le pur et l’impur viennent du cœur de l’homme.

Ensuite, il y a eu ce miracle : celui de la guérison du sourd : « Effata, ouvre-toi ». Et enfin aujourd’hui, cette question : « Pour vous, qui suis-Je ? ». Quand il nous arrive de faire un bout de chemin avec le Seigneur, nous nous posons un certain nombre de questions, tout comme les disciples de Jean-Baptiste : « Est-il vraiment celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

Il est important de répondre nous-mêmes personnellement à cette question : « Pour vous, qui suis-Je ? ». Parce que Jésus interroge encore notre temps.

Et Pierre nous montre la voie, il répond à Jésus avec son enthousiasme, sa force : « . Jésus lui répond : « Ce n’est pas la chair et le sang, Pierre, qui t’on manifesté cela, mais Mon Père qui est aux Cieux. »

On voit donc à travers la fulgurance de Pierre, la découverte dans l’humanité du Christ de la présence de Dieu. Et il nous faut toujours revenir à cela. Parce que l’on peut trop vite résumer la personne de Jésus, à un sage, à un homme qui nous donne une doctrine de vie. Il y a beaucoup de personnes qui donnent une doctrine de vie, des maîtres spirituels. Et on fait du Christianisme comme une morale, une manière de vivre, qui élève la dignité humaine, comme on l’a vu à travers les siècles. Mais, on ne touche pas l’être même du Seigneur. Cette fulgurance, cette grâce donnée à Pierre, cette grâce donnée à toute l’Église, de découvrir qui est le Messie, en la personne même de Jésus.

Mais Jésus nous dit que pour accéder à ce mystère d’un Dieu qui s’est fait chair, qui a pris la personne même du Seigneur, qu’il y a une condition : « Cette condition est de me suivre jusqu’à la Croix ». Et à la Croix, au contraire, on ne voit jamais le Seigneur : « Cela ne peut pas t’arriver. Cela ne t’arrivera pas ». Et Jésus, alors qu’Il avait félicité Pierre d’avoir découvert quelle était sa propre identité, lui dit : « Passe derrière Moi Satan. »…

C’est intéressant de regarder l’histoire de l’Église, car l’on voit ces deux grands moments : ces grandes fulgurances, ces grandes certitudes, à travers la vie des Saints, par exemple, qui nous donnent vraiment de toucher le Seigneur au plus près. Et l’on voit en même temps ces reniements, ces éloignements : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles de hommes »

C’est ainsi tout le scandale de la pédophile qui a éclaté. Cette alternance de lumière éblouissante et en même temps de grande misère, pour ne pas dire plus, que traverse l’Église…

Alors, il nous faut nous-mêmes nous positionner face au Christ Lui-même et demander au Seigneur qu’Il nous donne, face à cette condition qu’Il pose, d’épouser, d’une certaine manière, le mystère du mal : « Si quelqu’un veut marcher avec Moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, qu’il me suive »

Ce mystère du mal traverse le monde et fait que l’on se dit, et on l’entend : « ‘mais si Dieu existait, cela ne pourrait pas advenir ». Et la réponse à ce mystère du mal, c’est la personne même du Christ. C’est lui-même qui s’offre à la volonté du Père, pour prendre sur Lui la totalité des péchés de l’Humanité ».

Même l’existence de Dieu rend plus intolérable le mal, parce que l’on y voit comme une solution et Il ne fait rien. Mais, si le mal touche d’une manière ou d’une autre l’être de Dieu, et il le touche en l’humanité du Christ, alors, oui, on peut dire qu’Il s’est fait l’un de nous, Il s’est fait l’un de nos proches, il y a une lumière alors qu’il n’y avait que de l’obscurité. Il y a un mystère, alors que c’était l’absurde qui était là, présent, et qui s’imposait à nous, dans toute la souffrance du Monde.

Oui, nous sommes invités à faire ce geste de Foi, à adopter cette attitude de suivre le Seigneur. On le sait bien, notre histoire avec le Seigneur est parfois une histoire compliquée, parce que nous n’accueillons pas la volonté de Dieu telle qu’elle se manifeste. Nous n’accueillons pas ce mystère de la Croix. Cela nous est difficile à tous d’accueillir l’injustice, d’accueillir l’absurde. Il nous faut nous attacher au Seigneur, en particulier dans la prière, dans les sacrements, dans la vie chrétienne habituelle, dans la communauté chrétienne. Il nous faut nous attacher au Seigneur pour découvrir une lumière dans la vie de Jésus, Lui qui, comme le dit la première lecture, a pris sur ses épaules la souffrance du Monde entier. Il est crédible, le Christ, parce qu’Il s’est offert. En même temps, ce centrage sur la personne du Christ va nous aider à rebondir et à nous donner des forces nouvelles.

Demandons au Seigneur d’avoir Foi en la personne même de Jésus. A avoir Foi dans le fait que dans chacune de nos épreuves, le Christ veut se faire proche de nous, nous toucher et nous ramener au Père. En Jésus, Dieu a parcouru toute la distance qui éloigne l’Homme du Père, pour rejoindre chaque personne. C’est ce qui a fait que, très tôt, l’Eglise a eu ce sentiment qu’Elle devait être présente au seuil de l’Humanité, au seuil de l’Humain, au seuil du tolérable : dans les hôpitaux, dans les prisons, dans les lieux de guerre, dans les lieux où l’Humanité est bafouée… Elle a senti un appel, alors que les autres pensaient à fuir. C’est en vertu même de cette parole du Seigneur que nous avons eu toutes ces œuvres de compassion, de charité, ces œuvres de courage qui nous amènent à découvrir la personne du Christ. Ce qui nous aide le plus à découvrir le Seigneur, c’est quand nous portons sur nos épaules une part de Sa Croix et de Sa Passion. C’est là où on le découvre de plus près.

26 septembre 2018 |

homélie du dimanche 9 septembre

par Jean-Paul Berthelot, diacre

Être membre du peuple de Dieu, c’est en premier, ouvrir son cœur à sa promesse et vivre dans l’espérance. Pour y arriver, il faut écouter la Parole de Dieu et savoir la proclamer, tout ce que ne pouvait réaliser ce sourd muet de l’évangile. Isaïe dit au peuple qui doute : « ayez confiance, soyez forts Dieu va vous sauver » La lettre de St Jacques nous rappelle que la fête est ouverte aux pauvres si nous savons les accueillir, car les discriminations sont incompatibles avec la foi en Jésus Christ. Comment intègre-t-on les nouveaux venus dans notre assemblée dominicale ? Notre assemblée doit être l’endroit privilégié où chacun se sent accueilli. N’oublions pas que notre baptême nous a faits prêtre, prophète et roi.

L’évangile nous présente Jésus guérissant un sourd muet. Le fait est intéressant, mais ce n’est pas le côté extraordinaire dont Jésus a voulu nous sensibiliser ainsi que ses disciples. La majorité des gens qu’il rencontre sont des païens qui ne connaissent pas l’Ecriture, il parcourt le pays pour enseigner sa bonne parole. Cette guérison, faite à l’écart, veut nous suggérer de ne pas en rester à la superficialité des choses comme la curiosité malsaine des journaux à sensation, mais de guérir de notre surdité vis-à-vis de sa parole et de surtout la mettre en pratique.

En nous il y a un sourd muet, fermé à ses frères et imperméable à la grâce, incapable de parler de Dieu et de communiquer avec les autres. Ecouter et parler semble naturel et pourtant nous n’avons jamais si mal communiqué. Les moyens techniques ne manquent pas : mobile, internet… mais, nous ne savons plus regarder, sourire, parler à celui qui est à nos côtés. Jésus nous dit que nous sommes sourds à sa Parole. L’homme est enfermé dans son égoïsme, incapable d’une vraie écoute.

Les pharisiens et les scribes élèvent des barrières pour s’isoler des pécheurs alors que Jésus, lui, recherche le contact avec tous y compris les publicains, les païens, les lépreux ou les prostituées. Jésus est à l’aise partout et c’est cela qu’il veut nous communiquer. Osons aller vers tout le monde sans restriction. En prononçant cette formule « Effata ! » « Ouvres toi » il nous ouvre à Dieu et aux autres.

La parole de Dieu est à écouter attentivement même si elle nous dérange. Nous n’avons pas à en retirer ce qui ne nous semble pas bon pour nous. Aimer celui qui nous aime est bien plus intéressant que celui qui nous agresse, et pourtant si après quelques efforts un changement s’opère, quelle grâce et quel bonheur de constater cette conversion du cœur.

Quand nous avons goûté et expérimenté personnellement la Parole de Dieu, nous pouvons alors la faire apprécier aux autres et leur donner envie de l’approfondir. Nos actes simples du quotidien sont souvent une prédication et un encouragement bien plus adaptés pour faire connaitre le Christ. Jésus s’est retiré à l’écart de la foule pour guérir ce sourd muet car il redoute les foules avides de prodigieux. Le Christ ne serait pas un fan du Zénith. Non, Il opère en secret. Il aime le silence, c’est pourquoi il attire souvent les foules dans le désert. Loin du bruit, nous pouvons nous mettre à l’écoute et mieux ouvrir notre cœur. Un coin de silence est nécessaire pour pouvoir se retirer et prier car la vitamine P (prière) est la meilleure pour vaincre le stress et les inquiétudes de toutes sortes.

Jésus accompagne ses miracles de gestes pour mieux se rapprocher de l’être que nous sommes, notamment le toucher. Il désire réveiller en nous la confiance et la conversion du cœur. Les guérisons de Jésus vont au-delà de la guérison du corps. C’est une vraie communion de foi et d’amour. Il veut nous réapprendre à communiquer, à ne pas déformer, interpréter ce que l’autre dit. En Dieu, tous les êtres se comprennent, et chacun peut s’exprimer totalement car c’est le Royaume de l’amour.

Comme le dit la parabole de la semence et de la terre, nous sommes souvent empêchés d’écouter, de dire ou de mettre en pratique la parole parce que nous manquons de racines, parce que l’épreuve nous fait tomber, et que les soucis du monde et la séduction des richesses étouffent la Parole. Alors Seigneur, fais de nous un être neuf, guéri de sa surdité et de son mutisme. Amen

13 septembre 2018 |

22° dimanche ordinaire Seigneur, qui séjournera sous ta tente ? (Ps 14/15)

Livre du Deutéronome, chap. 4

Ps 14 /15

Lettre de saint Jacques,  chap. 1

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc,  chap.  7

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?

La réponse est simple : sous la tente du Seigneur aura place celui qui pose la question !  Celui qui ose interroger et ne se contente pas de réponses toutes faites.  Celui qui cherche. Celui qui ne croit pas tout savoir et n’a pas peur de le dire. Celui qui n’a pas la volonté de tout maîtriser. Bref, celui qui « ne fait pas le malin » !

C’est aussi celui qui accepte que le Seigneur Dieu n’habite pas dans un palais, que le Dieu tout-puissant a quitté son empyrée … et qu’il « a planté sa tente parmi nous » comme dira l’Évangile de Jean, qu’il habite sous une tente de nomade, comme un migrant, un déraciné.

Celui qui sait que les choses continuent comme au temps de Moïse et de Josué : à l’époque de  l’Exode, on rencontrait le Seigneur sous la Tente de la Rencontre. Parce que le Seigneur accompagnait son peuple dans le désert. Il lui était proche dans toutes ses tribulations – Dieu est un compagnon, un pauvre lui aussi, voilà  l’affirmation du livre du Deutéronome que nous recevions tout à l’heure.

Sous la tente du Seigneur aura place celui à qui rien de tout cela ne fait peur : ni peur du désert, ni peur d’être nomade, ni peur de la présence de l’Eternel. Et que ce Seigneur Dieu Adonaï Tsevaoth, Dieu des Armées, est  non-violent, non-contraignant.  Qu’il est Ami, pleinement, Frère, Père et Sagesse. Dieu est celui  qu’on nommera plus tard la Trinité. Nous sommes déjà ici en sa sainte communion. Notre seul temple possible, notre seule demeure possible est la Trinité !

Et de fait, il nous est bon, aujourd’hui encore, de savoir que le Seigneur nous accompagne dans nos déserts et nos tribulations.

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?

Le Psaume et st Jacques continuaient : « Mets un frein à  ta langue »… Limitation de vitesse, attention aux dérapages… c’est si vite fait de dire du mal, et nos commérages  tournent en boucle virale, et font boule de neige!

Ainsi, notre réaction vraisemblable à l’égard des puristes dont parle l’évangile est de critiquer ce que nous appelons « leur pharisaïsme »… Mais en fait, Il ne faudrait pas dire du mal de ces personnes qui respectent scrupuleusement la lettre des commandements : pour eux il en va du lien avec Dieu lui-même et on ne plaisante pas avec  l’Alliance  qui vient d’en haut.  C’est indiscutable, on est intraitable sur ce point.

J’ouvre une parenthèse :

Dans les premiers siècles de notre ère, le Talmud juif décomptera 613 commandements :  il y a 365 commandements « Ne fais pas … »,  et 248 « tu feras », autant que les os du corps dit-on : mais ce n’est pas pour effrayer, c’est affirmer que la Loi de Dieu nous donne une squelette solide, nous  charpente,  nous structure et fait tenir debout.  On reconnaît là la force active de la Parole du Créateur. C’est sa Loi qui donne Lumière à notre Humanité.    Respect ! On ne plaisante pas avec !

Fin de parenthèse.

Donc, les puristes …

ils ont une vraie grandeur. La  grandeur des gens toujours au top, impressionnants.

Mais c’est aussi une beauté de musée, …la beauté de ces personnages, vous savez, tout entourés de bandelettes …qu’on appelle des momies.  Tout ligotés, ils ne vivent plus.

Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?

Vous alliez poser une question : pourquoi les personnes pointilleuses sur les rites ne s’en prennent-elles pas à Jésus, mais aux disciples ? Que nous dit l’attitude de Jésus qui prend avec bec et ongles la défense des disciples?

Une première explication pourrait être qu’ils n’osent pas viser le maître. Mais vu la suite, ce n’est sans doute pas pour cette raison.

Car il pourrait se faire aussi que Jésus, lui, respecte à fond les rites. Toute la Loi est sienne ; comme il est dit : « il n’est pas venu abolir, mais accomplir la Loi ». Et c’est précisément pourquoi il prend la défense de ces gaillards un peu rustauds que sont les disciples. C’est cela, pour lui, la Loi de Dieu-présent-aux-pauvres. Jésus est homme libre, voilà tout, et même à l’égard des transgressions.  Jésus dès qu’ils sont attaqués prend leur défense et avec quelle vigueur ! tel une lionne pour défendre ses petits, tel une mère à l’égard des siens … l’aspect maternel de Dieu, sans doute…

Son regard  va jusqu’au fond de ses petits. Sa préoccupation  est la vérité de leur cœur, de leur âme, de leur énergie. De leur agir et de leur devenir. Savoir s’ils sont utiles  à quelque chose ou enfermés … infertiles … sur eux-mêmes.

Dieu, qui est père et mère et  frère et sagesse ne peut s’intéresser qu’à la vérité de notre amour et de notre générosité.

Il est libre, Dieu.

père dominique nicolas

2 septembre 2018 |