par Claude Compagnone, diacre
J’ai compris la force de l’Esprit Saint lorsqu’adolescent je participais à un groupe de prière. Comment vous dire la façon dont au cours d’une de ces réunions quelque chose s’est rompu en moi laissant le champ ouvert à une réception et à une attention insoupçonnées ? J’acceptais, là, par un abandon fait réceptacle de me laisser envahir pleinement par l’Esprit de Dieu. Je me suis laissé transformer, je me suis laissé guider plus loin. Je ne suis pas devenu instantanément autre, mais j’ai saisi dans tout mon corps, dans ma chair et dans mon esprit, dans ma pensée et dans mes perceptions, que Dieu agissait en moi par son Esprit. J’ai senti une relation profonde. Il fallait que je chemine attentif à ce souffle.
Le don de l’Esprit que Dieu nous fait est un don immense dont je ne suis pas sûr que nous appréciions toute l’importance. Or notre Église est pentecôtiste. Elle est pentecôtiste, car elle se nourrit de ce don merveilleux que le Christ nous laisse après son ascension : le don de l’Esprit Saint. Comme le Christ le dit à ses disciples, pour que nous recevions pleinement ce don, il faut qu’il parte, que le contact physique avec lui soit rompu.
Le temps entre la résurrection du Christ et celui de la Pentecôte est ainsi un entre-deux, une transition. Durant ce temps, le Christ est là sans être là ; il fait des apparitions ; il n’est pas toujours immédiatement reconnu. Dans un mouvement plein d’attention pour ceux qu’il aime, il affermit la foi de ses disciples et les enseigne, comme sur le chemin d’Emmaüs. Il les encourage et les fortifie. Il les prépare à la Pentecôte. Il les prépare à être des hommes capables de recevoir pleinement l’Esprit Saint ; des hommes capables, en s’appuyant sur le souffle de Dieu, de se débrouiller sans sa présence directe à leur côté ; des hommes qui assument avec force leur mission de fils de Dieu ; des hommes de lumière.
La Pentecôte n’est donc pas un moment de normalisation qui suivrait le tohubohu de la résurrection comme si tout rentrait dans l’ordre, comme si un livre se refermait après une grande aventure. Non ! Bien au contraire. Ce tohubohu de la vie en Dieu est donné aujourd’hui et à chacun. Oui, aujourd’hui et à chacun, par ce souffle de l’Esprit que nous pouvons tous recevoir. Comme Paul le dira et redira à temps et à contretemps dans ses lettres : il n’y a plus ni juif ni païen, ni esclave ni homme libre. Il n’y a que des fils de Dieu qui tirent leur force de l’Esprit Saint qui leur est donné. Et cette parole n’est pas une vieille parole : elle tient aujourd’hui et pour chacun d’entre nous.
Des pages se tournent et l’immense livre de la vie s’ouvre à tous. Le nouveau testament ne se referme pas avec le départ du Christ. Il continue à s’écrire à travers la vie de chacun d’entre nous car Dieu agit en nous par son Esprit. Oui, Dieu agit en nous, si tant est que nous acceptions de le recevoir, de laisser son Esprit travailler en nous. Nous voyons que la réception de l’Esprit de Dieu est liée à l’acceptation d’une perte de maitrise de notre part. Cette perte de maîtrise, cet abandon nous amène à appeler Dieu « Abba », Père ! Elle ouvre le lien à Dieu, elle permet à Dieu de faire sa demeure en nous. Cet abandon est riche de fruits.
L’esprit de Dieu est appelé Saint parce qu’il vient de Dieu et retourne à Dieu. Il est feu et souffle, comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres. Ces images du feu et du souffle nous disent, à partir de notre expérience ordinaire, cette force de l’Esprit Saint qui vient de Dieu.
Nous ne pouvons pas saisir la flamme d’une bougie ou le mouvement de l’air. Nous ne pouvons pas les attraper, les enfermer, nous les approprier. De même, l’Esprit Saint souffle où il veut ! Ces forces de la nature que sont le feu et le souffle nous transforment et nous font bouger. Elles passent. Et si nous les voyons c’est avant tout par leurs effets ; lumière et chaleur, cheveux ébouriffés en sont leurs marques. Elles passent et viennent d’ailleurs, nous reliant ainsi les uns aux autres, comme l’Esprit nous relie à Dieu et aux autres. L’air que je respire a été respiré par d’autres ; le vent qui souffle sur nos maisons s’est levé quelque part de l’autre côté de la méditerranée. Ces forces de la nature passent et nous ne pouvons qu’en être le réceptacle et être unis par elles.
L’esprit bouscule ; il crée une différence. Nous savons quand nous en sommes le réceptacle ou nous le voyons à l’œuvre chez d’autres personnes. Nous le voyons dans ces gestes de pacification et de générosité sans borne. Le souffle de Dieu est puissance et dilatation, joie et consolation. Il agit en nous et à travers les autres.
Pour le bien de tous, apprenons à nous ouvrir au souffle de l’Esprit ; apprenons à en discerner les fruits en nous et dans les autres ; apprenons à nous édifier les uns les autres en partageant ces fruits de l’Esprit. L’Esprit Saint est là, aujourd’hui ! Laissons-nous bousculer par lui, ouvrons lui notre demeure !
Amen.