Nouvelles de Jérusalem #16

 

La visite des Dominicains à ARAD, Wadi Tsin et Tombe de Ben Gourion.

J’ai toujours beaucoup de plaisir à participer aux visites du samedi des Dominicains. Elles me permettent de retrouver quelques volontaires de Jérusalem et de faire connaissance avec des expatriés. Ce samedi 13 mai, nous avons poursuivi la découverte des villes qui jalonnent l’ancienne route de l’encens dans le désert du Neguev. Nous n’étions qu’une dizaine avec le frère Loucas dont j’ai apprécié la clarté des explications et ses écarts dans le programme prévu. En effet, à Arad, nous avons cherché avec lui un ancien four à poterie et rapporté quelques morceaux de céramique nabatéenne trouvés sur le sol. Cette ville de trois mille habitants, construite en plein désert, m’a vraiment impressionnée. Le temps étant plutôt agréable, nous avons marché le long du Wadi Tsin, sorte de vallée au fond de laquelle coule une petite rivière. Nous y avons croisé des familles d’ibex avec leurs petits. Au retour, à la surprise du frère Loucas, les jeunes ont demandé à se recueillir devant la tombe de Ben Gourion. Le premier des premiers ministres d’Israël rêvait d’implantations dans le Neguev et de faire fleurir le désert. Une fois retraité, il est devenu berger dans le kibboutz Sdé Boker où il a été enterré aux côtés de sa femme.

Sur la terrasse de l’hôpital

Le temps à Jérusalem est très agréable en ce moment, particulièrement en début de soirée. Alors nous en profitons pour organiser une fois par semaine un dîner avec un musicien sur la terrasse de l’hôpital pour les patients. Ça change de la routine et c’est l’occasion de faire bouger et danser les patients et leurs familles ! Ce dont ne se privent pas non plus les care givers ! Depuis la rue, les passants lèvent les yeux et se demandent qui fait la fête aussi joyeusement !

Depuis la terrasse, j’ai aussi assisté à la marche des drapeaux lors de la « journée de Jérusalem », l’anniversaire de la libération de la ville en 1967. C'est une fête mitigée et les jeunes gens très nombreux qui défilent ne sont pas tous très amicaux avec les religieuses qui applaudissent à leur passage. Certains s’approchent et lisent la plaque explicative du bâtiment. D’autres, plus au fait, nous saluent discrètement. Cet évènement a été l’occasion pour moi de bénéficier d’un cours d’histoire : la sœur italienne Valentina m’a expliqué que, à la suite de la fermeture de la vieille ville devenue jordanienne en 1948, les habitants ne pouvaient plus se faire soigner à l’hôpital. Quelques sœurs ont donc rejoint Saint Pierre en Gallicante, qui venait d’être abandonné par les soldats israéliens, pour assurer les soins et les accouchements de la population arabe. Ceci jusqu’à l’ouverture de l’hôpital Saint Joseph, construit à l’est de la ville. Certaines sœurs de la congrégation ont encore aujourd’hui leurs tombes à Saint Pierre !

L’hôpital en sortie

Alex, le directeur de l’hôpital a organisé une sortie au zoo pour une quinzaine de patients. Hélas, le jour J, le khamsin nous a obligés à changer de programme et nous sommes retournés à l’aquarium. Le khamsin est un vent sec, chaud et très poussiéreux car il transporte le sable brûlant du désert d’Égypte. Il donne au ciel une teinte orangée et il rend la respiration oppressante, ce qui est dangereux pour les patients. Mais pas question de rester cloîtrés ! La semaine précédente, une de nos patientes arméniennes désirant nous montrer son quartier, nous avons pris notre courage à deux mains et poussé quelques fauteuils jusqu’au quartier arménien. Haïm, juif arabe, nous a montré sa maison et présenté sa sœur, croisée en chemin. Alizée avait prévu le café et des gâteaux, que nous avons dégustés sur le parvis de la cathédrale Saint Jacques sous les yeux étonnés des touristes !

Quant à moi, j’ai dû faire trois visites chez le dentiste qui m’a arraché une dent fracturée par un noyau de datte ! 

Le repas de shabbat chez Simone

Simone est la diététicienne de l’hôpital. Elle adapte les repas en fonction des besoins nutritionnels des patients. Elle est aussi responsable de la cacherout (le fait que la nourriture donnée respecte bien les lois juives…et musulmanes). Elle est arrivée d’Australie il y a plus de vingt ans parce qu’elle est juive et qu’elle voulait vivre sa foi dans un pays juif. Elle a rencontré son mari, Niku, anglais et juif aussi. Ils ont trois enfants et vivent dans un quartier calme et fleuri à vingt-cinq minutes à pied de l’hôpital. Simone a invité les volontaires à vivre un repas de shabbat chez elle un vendredi soir. Nous étions quatorze à table, dans une grande maison décorée avec goût. Après quelques chants et prières en hébreu, nous avons assisté avec émotion au moment où les parents se lèvent et vont bénir leurs enfants. Un gros câlin, quelques mots que l’on devine plein de tendresse à l’oreille de chacun… et le repas se poursuit dans la joie. Nous sommes tous d’accord : c’est un beau rite familial ! Et la nourriture préparée, excellente, a aussi fait l’unanimité ! J’ai demandé à Simone les recettes de sa crème au citron et de son délicieux strudel !

La journée francophone à Taybeh, et à l’hôpital

La solidarité entre volontaires est réelle. Guillaume, séminariste et assistant de français à Taybeh (le petit village chrétien en Palestine) avait besoin de nous pour la journée de la francophonie. Après le spectacle créé par les enfants de l’école, nous avons participé à un grand jeu /quizz en français et animé les stands de la petite kermesse. J’ai ainsi pu revoir la sœur Claudine, dont j’avais massé les pieds lors de mon précédent passage. Et admiré la vitalité des enfants ! Certains ne se débrouillent pas mal en français ! D’autres préfèrent l’anglais !

A Jérusalem, une institutrice du lycée français a su motiver ses élèves de CE2 et ils ont organisé un petit concert pour les malades. Ils se sont donnés à fond et le résultat était de qualité et très émouvant. Certains des élèves ont des parents français expatriés, d’autres sont issus de couples mixtes. Quelques-uns parlent arabe à la maison mais leurs parents ont choisi de les inscrire au lycée français pour la qualité de l’enseignement. Il est prévu qu’ils reviennent régulièrement l’année prochaine afin de créer de vrais liens intergénérationnels.

Les ordinations diaconales des franciscains et les veillées de prière à Notre Dame.

La chorale continue d’être mobilisée pour quelques fêtes, dont les ordinations diaconales des franciscains. C’est l’église Saint Sauveur qui nous accueille cette fois, et trois chants sont en italien. Le groupe des altos s’est réduit, ce qui me permet d’être plus en lien avec les trois « locales », même si elles parlent arabe le plus souvent. Après la célébration, nous sommes tous invités à manger et à faire la fête dans la grande cour du couvent. Le religieux danseur de dabké est parti, alors pour les pas, ça cafouille un peu. Heureusement, les volontaires de la Custodie connaissent les classiques !

Plus calmes et recueillies, les veillées de prière organisées à Notre Dame par la communauté de l’Emmanuel, m’ont nourrie spirituellement. A la Pentecôte, les chrétiens célèbrent la venue de l’Esprit Saint, ce personnage un peu bizarre et humble que l’on représente seulement en relation avec Dieu et Jésus, ou sous la forme d’une colombe. Les évangiles disent qu’il est source de joie, de lumière, de force et d’amour. Il est « la puissance que Dieu a mise pour ressusciter son fils », et cette même puissance nous est donné au moment de la Pentecôte (dixit Stéphane, un prêtre diocésain qui étudie l’hébreu avec moi). Je pense de plus en plus souvent à mon prochain retour en France. Et je compte bien sur l’Esprit Saint pour m’aider à « atterrir » et à prendre de bonnes décisions ! (En attendant j'écoute les conseils de ma famille et de mes amis !)

Spiritualité

Le travail en soins palliatifs permet de belles rencontres, comme le frère de Béatrice, 96 ans, qui me dit qu’il faut remercier Dieu de tout ce qu’il nous donne, même la maladie et la vieillesse…Un principe que j’essaie d’appliquer quand j’ai mal à la tête et au dos…avec l’aide d’un Doliprane parfois !

Pierre, un ami de Dijon m’écrit : « (j’ai) la conviction que ce chemin de vie intéresse le Seigneur, qu’il m’accompagne plus ou moins sans que je sache ce qu’il fait exactement. Est-ce qu’il m’aide à la décision ? Est-ce qu’il enlève des cailloux du chemin ? (via les anges qui passent dans ma vie). Est-ce qu’il me révèle ces moments de grâce comme des arrhes du Royaume ? ».

« Dieu change l’’histoire avec les « petits » et non avec ceux que le monde considère comme « grands ». Les petits sont ceux qui se laissent embrasser par l’Amour de Dieu ; pour cette raison ils comprennent qu’il y a quelque chose qui vaut plus que de camper sur son seul raisonnement : c’est de toujours se sentir appartenir à Quelqu’un ». Luigi Maria Epicoco.

Bonne fête à toutes les mamans !

En photo l’arbre bleu que j’admire depuis ma lucarne, et une image d’une enfant dont j’ai oublié le nom et qui incarne la résistance des femmes en Iran qui combattent pour leur liberté. Image issue  d'une exposition au musée des arts islamiques à Jérusalem.

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