Nouvelles de Jérusalem #9

La halte spirituelle chez les Bénédictines et la semaine de l’unité

Le mois de janvier est exceptionnellement chaud et sec cette année à Jérusalem. Mais la rosée fait reverdir la végétation, ce qui rend les jardins très reposants. J’ai apprécié celui des bénédictines lors d’une halte spirituelle à l’occasion du              « dimanche de la Parole » : nous avons lu l’Évangile de Matthieu en marchant d’un couvent à l’autre, ils sont nombreux au Mont des Oliviers, on dit même que c’est  « le petit Vatican » ! Arthur Rimbaud a écrit « J’ai tendu des cordes de clochers en clochers, et je danse ». Du 21 au 28 janvier, c’est aussi la semaine de l’unité des chrétiens avec un temps de prière dans des églises différentes chaque jour : les Grecs orthodoxes au Saint Sépulcre, les Anglicans à Saint Georges, les Arméniens à Saint Jacques, les Syriaques à Saint Marc, les Ethiopiens chez les Ethiopiens…Une belle façon de découvrir de nouveaux lieux et de nouvelles personnes !

Mon anniversaire

Le mois de janvier est aussi celui de mon anniversaire et les volontaires m’ont préparé une belle surprise. Julien et Victoire m’ont invitée à un dîner chez eux, pour finalement m’emmener dans la colocation de Saint Pierre en Gallicante où une dizaine de volontaires m’attendaient, avec même Cezar, le supérieur de la communauté ! Un beau bouquet, des petits cadeaux, j’ai aussi reçu de la part d’Hamsa, ma collègue musulmane, un bracelet avec une citation en arabe de Mahmud Darwish : « Il y a toujours quelque chose sur la terre qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue ». Pour les remercier, j’ai concocté le samedi suivant un bœuf bourguignon (avec de la moutarde de Dijon !) que tout le monde a apprécié.

La visite du tombeau des rois

La visite du samedi proposée par les Dominicains nous permet de rencontrer de fabuleux orateurs et d’entrer là où les touristes ne sont pas autorisés. J’ai mieux compris la passion de l’archéologie avec le frère Jean Baptiste Humbert, dominicain, 84 ans, qui nous a raconté l’histoire de ce « tombeau des rois », dont l’origine est controversée. Pour lui, pas de doute, cet ensemble de tombes juives monumentales taillées dans le roc a été commandé par le roi Hérode, qui, mort trop tôt, a été enterré ailleurs. Le site a donc été acheté par la reine Hélène d’Adiabène et il a servi pendant deux cents ans à sa famille. Nous avons pu pénétrer à quatre pattes dans les salles hypogées (creusées dans le sol) et explorer quelques-unes des trente et une tombes. Un sarcophage d’une petite fille de la reine, découvert il y a peu, se trouve au Louvre.

La visite de la Cour Suprême

Grâce à Sybille, une ancienne volontaire française venue passer son mois de vacances à l’hôpital, j’ai eu la chance de visiter la Cour Suprême de Jérusalem avec David Moatti. La Cour Suprême est la plus haute instance judiciaire de l’État d’Israël. Elle intervient après les tribunaux de paix et les tribunaux de district. Dans une salle d’audience, David nous a expliqué de façon très claire le fonctionnement de cette institution. Mais dès l’entrée, il nous a montré comment le bâtiment tout entier, construit en 1992 par deux architectes juifs, reflète l’histoire de Jérusalem et la conception biblique de la justice. Dans les psaumes il est écrit « Tu es juste, O seigneur, et tes jugements sont droits », et « Il me guidera dans les cercles de justice ». Le psaume 84 indique « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. La vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice ». De ces phrases ont jailli des lignes, des cercles, des escaliers, des portes, de baies vitrées…et on se prend à croire que l’État dont David nous parle est un modèle de justice. Est-ce vraiment le cas ?

Yad Vashem et Ein Karem

Par un dimanche ensoleillé, je me suis décidée à retourner au mémorial de la Shoah à Yad Vashem et à entrer dans le musée. Je n’ai pas les mots pour exprimer ce que j’ai ressenti au cours des trois heures trente de visite. Entendre les survivants parler en hébreu (sous-titré en anglais) de ce qu’ils ont vécu, être surprise par le nombre de pays européens qui ont participé à « la solution finale », réaliser vraiment ce qu’il s’est passé…m’a laissée dans un état…que je ne peux décrire. En sortant, grâce à un appel de ma belle-fille, j’ai pu partager mon ressenti en marchant dans la vallée de Ein Karem. Tout au bout, l’église de Saint Jean Baptiste avec ses carreaux arméniens en céramique m’a permis de retrouver un peu de paix et de prier pour les catéchistes et les catéchumènes.  

La First Station

Il y a des lieux souvent évoqués à Jérusalem, car populaires, et la First Station en fait partie. Première station de la Passion du Christ sur la via Dolorosa, ou première station du tram ? C’est en réalité la première gare ferroviaire de Jérusalem, construite en 1892 sous l’empire ottoman qui permettait d’aller à au port de Jaffa en trois heures au lieu des dix heures nécessaires en âne ou chameau. Aujourd’hui, cette gare a été restaurée et transformée en un lieu dédié aux évènements culturels et gastronomiques. A partir de la First Station il est possible de parcourir quatorze kilomètres à pied ou à vélo en suivant l’ancienne voie de chemin de fer. J’y ai découvert une « boîte à livres » aussi grande qu’un kiosque. Et au retour, face au coucher du soleil sur le Cénacle, j’ai enfin trouvé la tombe hérodienne à la pierre roulée datant de l’époque du Christ.

Les activités à l’hôpital, le décès de Georgette

A l’hôpital plusieurs volontaires ont terminé leur mission et sont repartis : Cécile et François Xavier, ainsi qu’Emmaly, Anna Marie et Clara qui vivaient avec nous à la coloc. Moins de bras donc, et avec le Covid qui s’est invité, la solidarité a été mobilisée pour assurer des remplacements au pied levé. Côté animation, pas facile de trouver de nouvelles idées sans tomber dans la routine. J’ai fait appel à mon fils Matthieu pour m’aider à créer un jeu de loto en plusieurs langues. Cinq langues usuelles ici ! Sans compter l’italien, comme nous l’a fait remarquer sister Anna ! Georgette, notre centenaire adorée, nous a quittés le 24 janvier. Tristesse, surtout de Hamsa qui y était très attachée. Et nous avons accueilli Nadia et Raïssa, juives russes issues de la « Great Aliyah », la migration massive des pays post soviétiques.

Les versets de la Bible qui font échos

« Ravive le don gratuit de Dieu, ce don qui est en toi depuis que je t’ai imposé les mains. Car ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d’amour et de pondération ». (Deuxième lettre de saint Paul à Timothée).

C’est l’hiver aussi à Jérusalem, et la fatigue se fait sentir un peu plus que d’habitude. Mes amis me manquent, recevoir et être invitée me manque, partager des randonnées, des discussions, des projets, tout ça me manque. Alors cette phrase de Saint Paul me fait du bien en me rappelant la force, l’amour et la pondération reçues à mon baptême. Et je suis heureuse de partager de bons moments avec les volontaires de la DCC, et avec Cezar dont l’humour a le don d’alléger mes récits. Merci à eux !

La situation actuelle en Israël.

Voici les messages que nous avons reçus les 27 et 28 janvier du Consulat et du Centre de Crise et de soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Nous avons évidemment suivi leurs conseils.

Message de sécurité :

Nous recommandons vivement d'éviter tout déplacement en Cisjordanie, et particulièrement bien sûr à Jénine, Naplouse et Hébron, villes particulièrement à feu et à sang en ce moment.

Deux fusillades ont eu lieu les 27 et 28 janvier, l’une à Jérusalem-Est et l’autre près de la Vielle Ville.

Dans ce contexte, les voyageurs sont invités à la plus grande vigilance dans leurs déplacements à Jérusalem, en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Il convient de prendre en compte le risque renouvelé d’attentats, et de violences intercommunautaires à Jérusalem, en particulier dans les quartiers de Jérusalem Est, ainsi que dans les villes mixtes d’Israël ou dans les colonies israéliennes ; il convient aussi de rester attentif au risque d’opérations militaires israéliennes et d’affrontements armés en Cisjordanie, notamment dans les grandes villes, dans les camps de réfugiés ou aux abords des checkpoints.

Actuellement la situation s’est apaisée, à Jérusalem au moins. Mais les Palestiniens mettent plus de temps à passer les checkpoints pour venir travailler. Du côté des volontaires, nous avons eu la chance d’avoir en Zoom Marie Armelle Beaulieu, directrice en chef de Terre Sainte Magazine, qui nous a expliqué le contexte. Nous sommes en sécurité. Il nous faut encore plus prier pour la paix, même si celle-ci semble impossible. Mais, faut-il préciser qu’on ne fait la paix qu’avec ses ennemis? E que donc Jérusalem reste bien « la ville de la paix » …à choisir de construire chaque jour.

Cet email a été envoyé à paroissestjosephdijon@gmail.com, cliquez ici pour vous désabonner.