Nouvelles de Jérusalem #17

Quarante

C’est le nombre de jour qu’il me reste à vivre à Jérusalem avant mon retour en France début août. Un nombre symbolique : les hébreux sortis d’Égypte sont restés quarante ans dans le Neguev avant d’entrer en Terre promise. Jésus a été tenté quarante jours dans le désert, et il s’est montré ressuscité à ses disciples pendant quarante jours entre Pâques et l’Ascension. Alors, désert ou rencontres inattendues? Qu'en sera-t-il pour moi?

En ce mois de juin, des volontaires ont quitté Jérusalem : Lucie, les deux Cécile, Isabelle, et d’autres suivront bientôt : Larissa, Anne-Zélie, Agathe et Marine. Mais d’anciennes sont revenues pour quelques jours : Clara, Anna-Marie, Emmaly et une nouvelle est arrivée, Noémie. Il m’arrive de me sentir seule car elles sont toutes très jeunes et nous ne partageons pas les mêmes activités. Heureusement j'ai ma classe d’hébreu, et le groupe des visiteurs du samedi, qui me permettent de faire de belles rencontres. Enfin, deux beaux petits séjours sont prévus en juillet, qui me réjouissent par avance et dont je vous parlerai la prochaine fois.

Les activités à l'hôpital

Depuis un mois, Bayan, ma collègue ergothérapeute, ne vient plus que trois jours par semaine. Elle a trouvé un poste mieux rémunéré et qui lui permet de progresser dans son métier. Elle nous quittera définitivement fin juillet. Nous avons pourtant eu les félicitations du ministère de la santé pour notre travail d’animation, lors de son inspection de l’hôpital. Alex, le directeur, nous a bien aidées en organisant la sortie à l’aquarium et les repas musicaux hebdomadaires sur la terrasse. Au quotidien, nous continuons à proposer des temps de cuisine, de peinture, d’activités physiques, mais aussi des sorties au Mahane Yehuda (le souk juif) et au petit musée de la Custodie. Sans compter la venue des chiens de Revital, qui ont toujours du succès. Même auprès d’Hamsa auparavant terrorisée !

L'ordination diaconale de Hung

La communauté assomptionniste de Saint Pierre en Gallicante est composée de cinq religieux dont quatre sont prêtres : Cezar, Etienne, Jean Glory et Bonnaventure qui viennent de Roumanie, de Madagascar, du Congo RDC et du Togo. Hung-Joachim, vietnamien, a été ordonné diacre le dimanche 11 juin dans l’église des Nations à Gethsémani. Il peut maintenant faire les homélies, et célébrer les baptêmes. Quand je me suis approchée pour le féliciter, il m’a pris la tête et m’a bénie ! Je ne suis pas une habituée de ce geste mais j’ai trouvé cela très touchant, d’autant que Hung est actif mais plutôt discret dans la communauté. J’ai toujours beaucoup de plaisir à rejoindre mes amis assomptionnistes pour les célébrations, maintenant dans le jardin sous les orangers, et pour le repas qui suit. Issa, le cuisinier est vraiment excellent, je rêve de faire un stage auprès de lui !

La visite d'Hébron

J’attendais cette visite avec les Dominicains depuis octobre ! Peut-être parce que la DCC nous déconseillait fortement de nous y rendre. Hébron est en Cisjordanie, et le siège d’affrontements récurrents entre les colons et les Palestiniens. Depuis 1967, cette ville de 200000 habitants est en même temps sous occupation israélienne et sous autorité palestinienne, selon les plans de la ville décidés unilatéralement. Cela rend la vie des musulmans impossible ! Site des tombeaux des patriarches, c’est un lieu de pèlerinage pour les trois confessions monothéistes, mais seuls les chrétiens peuvent se promener un peu partout sous condition de passer avec succès les nombreux checkpoints. Anouar Aboueche, notre guide et fondateur de l’association France Hébron, né dans la vieille ville, a dû laisser sa femme Chantal seule nous accompagner dans la rue du Roi David, entièrement vidée de ses habitants pour protéger la colonie toute proche. J’ai hésité à acheter à l’association le jeu de Monopoly dont les cartes énumèrent toutes les restrictions et complications auxquelles doivent faire face quotidiennement les hébronites : elles m’ont donné la nausée, et je vous aurais déprimé en jouant avec vous ! La résilience de cette ville martyre, avec son souk, ses maisons magnifiques et l’habileté artisanale de ses habitants ont forcé mon admiration.

L'anniversaire de Marguerite et le diplôme de Niku

Les cours d’hébreu ont des prolongements surprenants et sympathiques. Rachel, religieuse carmélite au Pater Noster, a invité la classe à la célébration du centenaire de la doyenne de la congrégation. Elle a su concilier sa fidélité aux cours et exercices à la maison avec ses talents de cuisinière ! Rachel est médecin pédiatre, elle exerçait à l’hôpital de Besançon, son métier lui manque un peu mais elle est heureuse à Jérusalem avec ses sœurs religieuses qu’elle a rejointes. Les carmélites ne sortent jamais de leur couvent et font vœux de silence habituellement. Alors les cours d’hébreu sont aussi pour Rachel un moyen de nous faire cadeau de son sourire et son enthousiasme permanent ! De son côté, Niku, prêtre nigerian, nous a invités à sa remise de diplôme en grec ancien. Pas facile pour lui, qui étudie aussi l’hébreu moderne, et biblique !

Des promenades et visites édifiantes

Il commence à faire très chaud à Jérusalem, c’est donc le bon moment pour visiter les musées et se promener à la fraîche dans les jolis quartiers alentour, et même au jardin botanique de l’université. Le musée archéologique Rockefeller est l’un des plus beaux de Jérusalem. Il est situé face aux murailles de la vieille ville, après les portes de Damas et d’Hérode. Il abrite de nombreux vestiges découverts en Israël et Palestine ; une frise chronologique permet de dater chaque objet, dont un squelette humain de 200000 ans ! Les sculptures d’animaux et d’humains venant du Palais d’Icham près de Jéricho m’ont appris que l’art islamique à ses débuts pouvait être figuratif ! Dans le jardin botanique, deux autres informations intéressantes : les graines de caroubiers se nomment les carats et servaient à peser de menus objets. C’est encore une unité de mesure aujourd’hui ! Et savez-vous que chaque papillon a sa fleur préférée, dont il porte souvent le nom ? Plus tristement, j’ai parcouru l’ancien cimetière musulman de Mamilla avec l’historien Vincent Lemire (dont la récente BD sur l’histoire de Jérusalem est à lire absolument) et entendu que depuis vingt ans, les pierres tombales disparaissent une à une…sans doute dans le but qu’un jour des promoteurs (juifs évidemment) investissent le terrain, ce qui a déjà failli arriver lors de la construction du musée dit « de la Tolérance ».

Le moonwalk et la nuit au Saint Sépulcre

Lors des dernières répétitions de la chorale, j’ai fait la connaissance de Karine, soprano, allemande et catholique. Elle a étudié la religion juive et après son stage au musée de la Shoah, la direction lui a demandé de rester. Elle sera bientôt retraitée en Israël ! Elle organise chaque été des « moonwalks », auxquels je participe. Un fois par mois, en début de soirée nous nous dirigeons en groupe vers un lieu qu’elle a choisi, auquel nous parvenons quand la nuit est tombée, et là, nous attendons le lever de la pleine lune dans le silence, la méditation et quelques chants. Puis nous repartons dans l’obscurité, sans allumer nos lampes, vers notre point de départ. J’ai pu ainsi traverser le village de Ein Karem et sa vallée plantée d’oliviers en écoutant les oiseaux de nuit et les chacals, et en partageant quelques discussions en allemand avec les membres du groupe !

Je me suis aussi décidée à vivre une nuit au saint Sépulcre. Sur inscription, il est en effet possible de rester enfermé de 21h à minuit dans ce lieu alors vide de touristes, mais qui accueille les femmes arméniennes qui viennent faire le ménage ! J’ai été plus sensible aux odeurs de l’encens et des vieux murs de pierre. Pas plus émue que d’habitude à l’intérieur du tombeau, mon regard   a été davantage attiré par les mosaïques de la chapelle de la mise au tombeau. J’ai réalisé que Marie avait mon âge (on la représente souvent très jeune), et j’ai compati à la douleur de Jean qui, au pied de Jésus allongé sur la croix, s’apprête à perdre son ami. Cette nuit un peu spéciale a été source de paix en moi, malgré le prêtre orthodoxe qui devant le tombeau à minuit me crie : « Catholique ? Go out !(Sortez !) ». Les valeurs de l’œcuménisme au saint Sépulcre ne sont pas encore partagées par tous les chrétiens !

Spiritualité : de bonnes nouvelles!

« Pour trouver Dieu, nous devons descendre le plus possible dans l’humanité de notre vie, de notre histoire, de celles et ceux qui nous entourent. Jésus est celui qui a traversé l’humanité en la remplissant d’un nouveau sens ». Luigi Maria Epicoco.

« Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui ». Première lettre de saint Jean (4, 7-16)

Le chapitre général des Assomptionnistes qui s'est tenu à Rome  a élu pour 6 ans le Fr. Ngoa Ya Tshiemba nouveau supérieur général. Il vient de l'est du Congo RDC. Et de façon inattendue, Etienne, le religieux malgache de Saint Pierre en Gallicante a été élu assistant du supérieur général ! Il va donc partir à Rome pour six ans. Félicitations à lui!

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