Nouvelles de Jérusalem #11

Les premières fleurs et l’entrée en carême.

Fin février signe déjà le retour du soleil et l’éclosion des premières fleurs. Le ciel parfois couvert m’étonne car il n’est plus accompagné de pluie. La chaleur revient doucement. La grippe qui sévit autour de moi, la fatigue, avec le rythme soutenu des cours d’hébreu et de la chorale, et les shifts pour pallier la diminution du nombre de volontaires, m’ont fait apprécier des petites visites et expériences singulières. Jérusalem est une ville religieuse, mais pas que…

Le cinéma à Jérusalem.

C’est un cadeau de Noël qui nous avions mis de côté : comment profiter en effet de l’invitation d’Alex à aller voir un film quand tous les programmes sont en hébreu ? J’ai fini par trouver une comédie juive sous-titrée en français au CinemaCity, et j’ai emprunté un soir de carnaval (à la coloc) le bus 18 qui y conduit en traversant Mea Shearim, donc bondé de juifs en habits, ce qui est une bonne entrée en matière ! Quelle surprise en pénétrant dans les lieux : une vingtaine de grandes salles réparties sur plusieurs étages, des restaurants, des bars, des décorations thématiques, et les odeurs de pop-corn…Le public était constitué d’expatriés et de nombreux juifs originaires de France. Je n’ai pas encore tout compris des subtilités de l’humour juif, principalement axé dans le film sur les différences culturelles entre les séfarades et les ashkénazes. Mais j’ai passé une bonne soirée !

Le musée arménien et la peinture à l’hôpital

J’avais déjà visité le quartier arménien avec les Dominicains, et je voulais retourner au musée. L’Arménie est aujourd’hui un petit pays à l’est de l’Europe, mais c’était une grande puissance autrefois. Alliées des Croisées, des reines arméniennes ont même régné sur Jérusalem ! En 1915, lors du génocide arménien perpétré par l’Empire Ottoman, 1 500 000 arméniens ont été déportés et massacrés : un film d’époque montre les atrocités commises dans tout l’actuel Moyen Orient. Rapidement, les Arméniens rescapés se sont organisés pour prendre soin des orphelins qui arrivaient en grand nombre à Jérusalem et le couvent en a accueilli des centaines. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’un millier à vivre dans la vieille ville, leur quartier est très fermé, mais leurs magasins de poterie et céramique peintes à la main sont partout. Ils invitent même les passants à s'y essayer ! Ça m’a donné une idée d’activité pour l’hôpital !

L’animation à l’hôpital

Une sorte de routine s’est installée : le lundi, c’est musique avec Idit, mais aussi sortie quand nous sommes assez nombreux pour emmener des patients profiter du soleil. Le mardi, Sister Elisabeth nous rappelle l’heure de la messe et je suis chargée d’accompagner la petite dizaine de personnes qui souhaitent y participer. Le mercredi, nous alternons l’accueil des chiens de Revital et l’activité physique dans la salle de physiothérapie de Suzanne. Et le jeudi, l’activité cuisine rassemble les deux « sides » de l’hôpital. Hamsa prend en charge des patients de façon individuel le dimanche et moi le vendredi. A partir de mars, Sœur Marina, du Home Saint Vincent de Paul tout proche, nous aidera le mardi car elle parle russe, et elle est pleine d’imagination pour les activités manuelles. En l’attendant, nous avons proposé aux patients de peindre des assiettes en plastique pour décorer le mur de la salle de repas. Sylvia, et Maty l’infirmière arménienne, ont pris plaisir à participer !

La porte de Damas

La vieille ville de Jérusalem est protégée par des murs qui ont plus de deux mille ans. Haut de 12 mètres et long de 4,5 kilomètres, les remparts actuels datent du XVIème siècle mais la reconstruction a conservé les sept portes historiques. La huitième et nouvelle porte, « New Gate » en face de l’hôpital, a été construite en 1887 par l’Empire ottoman pour permettre l’accès au quartier chrétien. Quand le climat est tendu à Jérusalem et dans les territoires occupés, les journaux parlent parfois de la Porte de Damas. C’est la plus grande et la plus majestueuse des huit portes, et pendant des millénaires, elle a accueilli des pèlerins et des marchands venus de Syrie. Elle est située au nord des remparts et donne accès au souk du quartier musulman. Une animation incessante y règne, et plus encore le vendredi, jour de prière, car lieu de passage vers l’esplanade des mosquées. Pendant le Ramadan, après le repas du soir, les jeunes s’installent la nuit sur les marches et c’est à ce moment que les conflits peuvent s’enclencher. J’ai ressenti l’ambiance à la fois festive et tendue lors de la fête de l’Ascension de Mahomet le samedi 18 février. Mais au quotidien, la vie s’y écoule paisiblement et les Juifs ultra-orthodoxes osent même  s’y risquer sous le regard attentif des soldats israéliens.

L’arrivée des chargées de mission et le hamman

Avec le soleil sont arrivées de France et de Belgique nos trois chargées de mission, Lisa, Nathalie et Émilie, les valises pleines de fromages, chocolat et saucisson. Il s’agit pour elles de visiter les lieux de mission et de prendre le temps de parler avec chaque volontaire. Alex, Ségolène, Julien Adèle et moi avons partagé un repas avec elles à l’hôpital, dans la joie des retrouvailles. J’ai pu parler de ma mission, de comment je vivais cette expérience d’une année de volontariat sur le plan professionnel, personnel et spirituel. Elles sont à notre écoute, et elles ont senti rapidement notre besoin physique de repos. Nous avons donc un samedi pris la direction de Ramallah pour vivre un après-midi au hammam. Quel plaisir de se relaxer en alternant bain de vapeur humide, piscine froide, sauna, pierres chaudes, gommage et massage, tout en buvant des verres de jus d’hibiscus !

Vivre le Carême en Terre sainte.

Ça a commencé, juste après la messe, avec un énorme et délicieux gâteau au chocolat offert aux volontaires par Sister Elisabeth ! « Mais ma sœur, c’est Mercredi des cendres aujourd’hui, nous jeûnons ! Oui, a répondu la sœur, mais vous travaillez, vous devez prendre des forces ! ». Heureusement, nous avons tenu bon…jusqu’au soir seulement ! J’ai passé le premier dimanche dans le village musulman d’Abu Gosh au sein de l’abbaye Sainte Marie de la Résurrection, avec la nombreuse famille de Victoire. L’abbaye, tenue par deux communautés monastiques mixtes bénédictines originaires du Bec-Hellouin est le lieu de l’Emmaüs biblique, à deux heures de marche de Jérusalem. C’est un lieu paisible, où j’ai senti les premières odeurs d’herbe fraîche. Le dimanche suivant, Cezar m’a emmenée avec Anne Sophie au désert, non pour être tentée (rire), mais pour visiter à nouveau la forteresse de Massada, et en particulier son musée. Puis faire quelques pas au bord de la mer Morte avant de prendre le café sur une aire d’autoroute, sous l’œil attentif de quelques dromadaires. C’est cool le Carême en Terre sainte, non ?

Les versets de la Bible qui font échos

« Tout vous appartient…le monde, la vie, la mort, le présent, l’avenir : tout est à vous, mais vous vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu ».1ère lettre de Saint Paul aux Corinthiens, 3, 16-23.

C’est un sentiment de grande liberté que je ressens depuis que je suis à Jérusalem, l’impression en effet que tout m’est offert, qu’il suffit que je reste ouverte, pour accueillir la vie à profusion. Entendre que "nous sommes au Christ, et le Christ à Dieu », me permet de me sentir en paix : je suis libre, mais je ne suis pas seule. Dieu entoure notre liberté de bienveillance et d'amour.

Post-scriptum et humour

Des Journalistes français sont venus nous interviewer il y a quelques semaines à l’hôpital. Cela a donné sur RFI un Grand Reportage : "Jérusalem, les hôpitaux de la paix" dont vous pouvez écouter le podcast en suivant le lien ci-dessous.

https://www.rfi.fr/fr/podcasts/grand-reportage/20230215-j%C3%A9rusalem-les-h%C3%B4pitaux-de-la-paix

Cet email a été envoyé à erazmus-denis21@orange.fr, cliquez ici pour vous désabonner.