Nouvelles de Jérusalem #15

Les cours d’hébreu

Sachant que je vais quitter Jérusalem fin juillet, certains me demandent pourquoi j’apprends l’hébreu. En fait, j’ai commencé à étudier l’hébreu biblique en 1995, pour le plaisir de lire la Bible en version originale. J’aime prendre le Livre à l’envers, lire lentement de droite à gauche et étudier les mots et les racines (consonnes) qui les composent. Ici, j’étudie l’hébreu moderne qui est un peu différent, et cela me sert beaucoup à l’hôpital : je comprends plus vite les patients, je peux leur répondre et traduire leurs demandes aux volontaires. Je vais aussi le dimanche soir à la Qeila, la paroisse catholique de langue hébraïque. J’aime les chants aux mélodies juives, et j’écoute attentivement les jeunes prêtres dont les homélies parlent souvent de la vie quotidienne : je repère certains mots et j’arrive parfois à rire avec les paroissiens des questions ou remarques malicieuses !

L’accueil des amis

Après le groupe des laïcs assomptionnistes, j’ai eu la joie d’accueillir Jean Jacques, mon ex-mari, puis Lucas, mon ami religieux. Avec eux, j’ai redécouvert certains sites comme Massada, la Mer Morte et le port de Jaffa, où nous avons pu marcher et nous baigner. J’ai servi de guide à Jean Jacques, prof d’histoire géo qui ne connaissait pas Jérusalem. Nous avons même eu la chance de participer à une messe à l’intérieur du tombeau au Saint Sépulcre le premier matin de son arrivée ! Mais cinq jours pour faire le tour des lieux les plus emblématiques de la ville, c’est court, et le programme était chargé ! Avec Lucas, venu déjà de nombreuses fois en pèlerinage, j’ai dû chercher des pépites, des endroits qu’il ne connaissait pas : ensemble, nous en avons découvert plusieurs. J’ai aussi profité de sa présence pour renouveler mon engagement pour trois ans au sein de l’Alliance Assomptionniste. Je suis ainsi appelée parfois à donner mon avis sur la vie et l’avenir de la congrégation, en particulier pour la Mission d’Orient : en Russie, en Roumanie, en Bulgarie, en Grèce, Turquie et à Jérusalem, la présence discrète des assomptionnistes de rite catholique ou byzantin permet de tisser des liens d’amitié et d’œuvrer à des projets communs avec les chrétiens orthodoxes et les musulmans.

La vie à l’hôpital

En France, vous entendez parler d’Israël quand il y a des actes terroristes ou de grandes manifestations contre le gouvernement. Alors vous pensez que nous vivons sous tension permanente. C’est vrai dans certaines villes du pays. Mais ici à Jérusalem, c’est souvent la fête ! Après les temps forts religieux autour de Pâques et du Ramadan, nous avons célébré la mémoire des morts pendant la shoah, puis à cause de la guerre et du terrorisme, et l’anniversaire de l’indépendance d’Israël. Tristesse et joie alternent, mais toujours avec des chants, des témoignages, des rencontres, des manifestations de solidarité. De longues minutes de silence aussi. C’est très émouvant.

A l’hôpital, Jean Jacques a eu la gentillesse de donner un concert pour les malades. Il a chanté en français, en anglais, mais aussi en russe, en hébreu et même une berceuse en yiddish qui a fait pleurer Lilya dont les parents sont morts pendant la Shoah.

La nuit à Jérusalem

L’hôpital est proche de la rue de Jaffa, piétonne et commerçante, très animée le soir. Plusieurs pianos la jalonnent, qui sont souvent utilisés par les passants. Derrière l’hôpital, Mea Shearim, le quartier des ultra-orthodoxes, est populeux les jours de fête. Des centaines de juifs venus en famille (et elles sont nombreuses) viennent chanter et danser aux rythmes lancinants des sonos et des balancements des rabbins. Plus calme, le toit de Maria Bambina accueille des volontaires venus partager un apéro à l’orientale : bière de Taybeh, houmous, baba ganoush et pizzas au zatar (un mélange d’épices très prisé ici). Les plus religieux vont passer la nuit au Saint Sépulcre, fermé entre 19h et 5h. Une expérience qu’il me reste à faire ! En attendant, à la coloc, le Mont d’Or apportés par mes amis a réjoui les papilles des volontaires et les Allemands ont fêté bruyamment l’anniversaire d’Eliyah.

Les musées à Jérusalem et ailleurs

Avec plus de 200 musées, Israël est le pays qui en compte la plus grande densité au monde. Ici, à Jérusalem, il s’agit beaucoup d’archéologie, mais pas seulement. La maison Ticho raconte l’histoire de Albert Ticho, ophtalmologiste, et sa femme Anna, infirmière et peintre. Au début du XXème siècle, le couple s’est dévoué pour soigner  les nombreux malades de la vieille ville atteints de trachome. Leur maison a servi de clinique.

Le musée d’Israël est vaste et présente en particulier une maquette de la Jérusalem du temps de Jésus et les Manuscrits de la Mer Morte. Avec le sel de celle-ci, un artiste a réalisé une série d’œuvres d’art qui étaient exposées lors de mon passage.

Refoulés de la visite des Dominicains en Galilée pour cause de passeport oublié, Lucas et moi avons visité Ramallah et le petit musée de Mahmoud Darwich : le plus fameux poète et écrivain palestinien, dont je porte une citation en bracelet.

Et bien sûr Saint Pierre en Gallicante, dont il me faut connaitre l’histoire si je veux un jour servir de guide!

L’actualité en Israël et à l’hôpital

Au moment où j’écris, le conflit s’intensifie à Gaza et nous recevons des messages du consulat invitant à la prudence dans un rayon de 40 kilomètres, qui comprend donc Tel Aviv. Le dôme de fer protège le pays et en particulier Jérusalem, mais le nombre de morts palestiniens civils fait craindre des attentats terroristes en représailles.  En prévision de la provocante « marche des drapeaux » prévue le 18 mai et organisée par de jeunes colons israéliens dans le quartier musulman de la vieille ville, un rassemblement œcuménique a eu le 10 mai dans la grande rue piétonne. Un tel évènement où témoignages, discours, et chants se sont succédé dans l’espace public est inhabituel et source d’espérance.

A l’hôpital, nous attendons à nouveau les représentants du ministère de la santé. Nous devons leur montrer que les consignes données en janvier sont appliquées. Nous vérifions que nos dossiers sont à jour, nous préparons nos thèmes d’animations, modifions la place des tableaux d’affichage etc…Beaucoup de travail donc, mais qui a l’avantage de nous stimuler à faire mieux pour les patients.

Les répétitions de la chorale reprennent en prévision des célébrations de la Pentecôte. Nous chanterons en italien cette fois !

Vie spirituelle

« Quelle joie quand on m’a dit « Nous irons à la maison du Seigneur ! »

Maintenant notre marche prend fin devant tes portes Jérusalem !

Jérusalem, te voici dans tes murs : ville où tout ensemble ne fait qu’un ! » (Psaume 121).

« Tout ce qui n’est pas donné est perdu à jamais »

« La vie n’est féconde que si elle s’ouvre aux imprévus de Dieu ». (Benoist de Sinety).

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