Nouvelles de Jérusalem #8

Cela fait maintenant un peu plus de quatre mois que je suis arrivée à Jérusalem. Il y a un an, j’envoyais ma candidature à la DCC, sans savoir quelle serait ma mission, ni où et quand elle aurait lieu. Qui aurait pensé que je serai à Jérusalem pour commencer cette année 2023 ?J’espère que vous avez passé de belles fêtes, que vous avez évité la nouvelle vague de Covid et que cette newsletter vous trouvera en bonne santé. Je vous souhaite tous mes meilleurs vœux et pour cela j’aime utiliser une phrase du livre des Nombres, un texte de l’Ancien Testament que nous lisons le premier janvier à la messe : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! ».  Vous savez combien le désir de paix est important ici. Beaucoup d’entre vous m’ont parlé dans leur mail de la situation politique ici et s’en inquiètent.

La paix, elle se cherche d’abord dans les cœurs. Et pour moi, elle s’est manifestée par des rencontres qui m’ont beaucoup touchée. Le jour de Noël, j’ai déjeuné dans la communauté de l’Emmanuel à Bethléem avec une famille originaire de Bretagne : Laure, Nicolas et leur trois enfants Léo, Anna et Julie. Ils s’apprêtaient à visiter Jérusalem et je me suis fait une joie de leur lister mes lieux préférés. Nous nous sommes à nouveau croisés à Saint Pierre en Gallicante, et Anna a pu jouer du piano pour les patients de l’hôpital. Peu après, à la demande d’une famille juive, j’ai servi de guide à Alice, catholique de Côte d’Ivoire qui vit habituellement à Lyon. Elle m’a dit que j’ai « réalisé son rêve » en lui permettant de découvrir les lieux saints chrétiens de Jérusalem. Et moi j’ai découvert auprès d’elle une foi débordante d’amour pour le Christ, qu'elle exprimer par l’adoration et le désir de bénédiction. Enfin, près du Saint Sépulcre, j’ai croisé un religieux assomptionniste, Sylvain Gasser, qui accompagnait une famille française en pèlerinage. Joie de faire connaissance avec un frère en Assomption.

La paix dans la colocation. Après quatre mois de vie ensemble, rester aimable et patiente demande parfois des efforts supplémentaires. Pour chacune de nous.  « Où est rangé mon bol préféré ? Qui a encore inondé la salle de bain ? Qui d’ailleurs est chargé de la nettoyer cette semaine ? Et mince, j’ai fait ma lessive et il n’y a plus de place pour l’étendre…» Heureusement, le désir qui nous a amenées à nous mettre au service des patients à Jérusalem inclut un savoir vivre ensemble, et notre foi nous invite à pardonner quand c’est nécessaire. La vie en colocation est une bonne façon d’apprendre à se connaître soi-même ! Et c’est aussi la possibilité de vivre des moments très joyeux. J’ai eu la surprise de recevoir une jolie écharpe de la part de Caroline lors de la remise des cadeaux de Noël. Et je continue de profiter des bonnes odeurs de cuisine et de pâtisseries de quelques-unes qui deviennent de vraies pros ! En ce moment, nous rivalisons pour savoir qui fera la meilleure galette des rois ! En nous délocalisant à Saint Pierre en Gallicante pour en faire profiter les autres volontaires de la DCC !

La paix à l’hôpital. La fin d’année est pleine de fêtes, mais ce n’est pas toujours facile de vivre comme patient à l’hôpital. Les nouveaux qui arrivent ont besoin de repères, nous passons du temps avec eux à les rassurer. Certains n’acceptent pas la réalité de la maladie et parfois la fin inéluctable. La présence des volontaires permet de constituer des équipes plus importantes et donc plus disponibles pour répondre aux demandes. Il s’agit le plus souvent de demandes qui concernent la douleur ou le confort. En ce début d’année, patients et workers ont reçu un beau cadeau sous la forme de lits très modernes tout neufs. Plus besoin de galérer à monter les lits à la bonne hauteur pour éviter de se casser le dos quand on s’occupe des malades. Il suffit maintenant d’appuyer sur un bouton ! Les care givers qui travaillent ici depuis longtemps apprécient car beaucoup souffrent du dos. La kiné ne fait pas de massage, mais elle a une salle toute neuve qui permet de se muscler. Moi j’utilise le walker (un appareil qui soutient le patient et lui permet de marcher en sécurité) avec quelques patients dont Haïm. Ses filles disent qu’il est fainéant, mais avec moi il est toujours partant ! Ce faisant, je progresse en hébreu, car j’ajoute la parole à la marche, et Haïm est un bon professeur !

La chorale en sortie. Après la messe de minuit à Noël à la basilique Sainte Catherine de Bethléem, la chorale a été mobilisée pour accompagner les célébrations du Nouvel An au patriarcat latin de Jérusalem, l’Épiphanie à Bethléem, et la fête du baptême du Christ au bord du Jourdain près de Jéricho. Nous partons en bus, revêtons nos belles robes noires et dorées et chantons le mieux possible en latin et en arabe. J’ai appris le Notre Père en arabe. Jamil est toujours très content de nous et nous remercie chaleureusement. Moi je pense que nous pouvons encore progresser. 

Le Nouvel An. Il y a plusieurs façons de passer le Nouvel An à Jérusalem. Il y a les fêtards qui ont mis un peu d’argent de côté et filent à Tel Aviv pour manger, boire et danser. Ceux de la coloc avaient pris la sage décision de se faire un bon petit repas de réveillon avant, afin d’économiser quelques shekels. D’autres ont passé la nuit en prière au Saint Sépulcre, où il est possible de se faire enfermer, mais pas de dormir. C’est le cas de Julien, Victoire et Blandine. Il parait qu’il ne faisait pas trop froid. Adèle, Marine et Clara travaillaient auprès des malades et ont fait la fête sur place. Moi j’ai rejoint Anne Sophie, la nouvelle volontaire de Saint Pierre en Gallicante, et nous avons prié et réveillonné avec la communauté. Un groupe d’américains d’origine vietnamienne ont partagé l’apéritif avec nous. Un peu avant minuit, nous sommes montés au troisième étage en espérant voir quelques feux d’artifice. En vain. Pour nous consoler, les religieuses de la communauté des oblates de l’Assomption, toutes d’origine africaines, nous ont offert un beau spectacle de danse…africaine, sur de la musique palestinienne. Cézar, amusé, s’est demandé ce qu’allaient en penser les voisins arabes musulmans du village de Silwan. Saint Pierre se serait-il converti ? 

De nouveaux lieux de visites. Grâce à Alice, j’ai approfondi mes connaissances de la ville trois fois sainte, et découvert de nouveaux lieux. L’église de Toutes-les-Nations, proche du jardin de Gethsémani, porte ce nom car elle a été construite grâce aux subsides d’un grand nombre de pays, dont les drapeaux sont visibles sur les peintures du plafond. L'église sainte Anne et son site archéologique nous mènent à la piscine de Siloé La prison du Christ des orthodoxes (il y a trois prisons du Christ à Jérusalem !) nous fait entrer dans un labyrinthe de petites grottes. Mais les lieux que j’ai préférés sont les bords du Jourdain et le Mont des Tentations, près de Jéricho, où je me suis rendue avec la chorale.

Vie spirituelle. La piété populaire, chère au pape François, invite à respecter la façon dont chacun exprime sa foi, en particulier dans les lieux saints. Devant le rocher sur lequel Jésus a prié au Mont des Oliviers, dans sa prison ou sur la pierre de l’onction enduite d’huile parfumée du saint Sépulcre, comment se comporter, quoi faire, quoi dire ? Alice, que je voyais s’agenouiller, voire s’allonger, m’a donné sa réponse. Elle m’a parlé de sa vie et du lien qu’elle faisait avec ces différents lieux et moments de la vie du Christ. Il m’a paru alors évident de prier pour Christine et les prisonniers qu’elle rencontre en tant qu’aumônier de prison en région parisienne, pour Amandine, « ma » kiné qui masse si bien le corps douloureux de ses patients, et pour les malades de l’hôpital qui finissent leur vie auprès de nous si souvent endormis. Merci Alice !

Réponse à ma devinette de décembre.

Mes fils et belles-filles les ont tous lus, et vus au cinéma. Moi je dormais devant les films tirés des livres de J.K. Rowling. La réponse est donc : Harry Potter ! Je me régale de ses aventures, j’en suis au quatrième tome. Est-ce l’influence de mes jeunes colocataires, ou cette ambiance toujours un peu magique de Jérusalem ? (cf photo ci-dessous du monastère éthiopien au-dessus du Saint Sépulcre). Ou est-ce une façon d’échapper à la tension permanente qui règne en ville, malgré l’absence de conflit apparent ? 

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