par Claude Compagnone, Diacre
Jb 38, 1.8-11 ; Ps 106 (107), 21a.22a.24, 25-26a.27b, 28-29, 30-31 ; 2 Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41
Comme vous l’avez remarqué, il est question dans les textes de ce jour de tempêtes : le livre de Job nous dit que Dieu parle à Job au sein de l’ouragan pour dire à ce dernier la puissance de l’action divine dans la création ; le psaume, nous présente un Dieu qui provoque la tempête pour ensuite l’apaiser face à l’angoisse des hommes qui la subissent ; le texte de l’évangile de St Marc nous montre comment les disciples, en traversant le lac de Tibériade avec le Christ, sont surpris par le tempête, ont peur de couler et réveillent alors le Christ qui calme la tempête. Le passage de la lettre aux Corinthiens de Saint Paul, quant à lui, ne nous parle pas de tempête. Mystère… Et pourtant nous allons voir qu’il peut être vu, d’une certaine manière, comme la clé de lecture de ces autres textes.
Commençons par l’évangile. Le lac de Tibériade est connu pour connaître de brusques tempêtes, en étant pris entre les vents humides méditerranéens et les vents secs du désert syrien. Les disciples en montant dans la barque ne pouvaient donc pas anticiper cette tempête, la prévoir. Ils se sont donc embarqués en toute confiance avec le Christ. Il s’agit d’un trajet ordinaire, le passage d’une rive à l’autre du lac. Tout est maîtrisé. Le Christ dort et les disciples agissent pour guider la barque. Et pourtant les choses vont se gâter, comme dans un voyage que nous ferions en voiture et où les choses commencent à ne plus tourner rond et nous mettent en danger.
Imaginons-nous sur l’autoroute pris dans un flux soutenu de voitures et soumis à un violent et brusque orage où la route devient instantanément glissante, où la visibilité diminue subitement et où nous risquons l’accident à tout moment. Nous commençons à avoir peur tant le risque de déraper est grand. La voiture est secouée par de violentes bourrasques et à côté de nous, serein, étranger à tout ce qui se passe, notre passager avant dort, tranquille. Bien évidemment nous le réveillons pour qu’il vienne à notre aide, qu’il nous aide à voir le balisage de l’autoroute, à identifier le comportement des autres véhicules qui nous entourent. Il nous faut un surcroit de vigilance pour avoir la bonne maîtrise de la situation.
C’est ce que font alors les disciples : ils réveillent le Christ, sans doute pas tant parce qu’ils pensent qu’il va calmer la tempête – comment le pourrait-il ? ils ne savent alors pas vraiment qui il est – que pour disposer de toutes les énergies possibles à lutter contre les effets de la tempête sur la flottabilité du bateau. Et que fait le Christ ? Il calme la tempête. Imaginer votre passager avant se réveiller et mettre fin, d’une parole, au violent épisode orageux ! Cet orage que vous subissiez et face auquel vous étiez démunis, vous le voyez à son tour subir l’autorité de votre passager ! Vous imaginez l’état de votre stupéfaction !
Et nous voyons dans le texte de Saint Marc que la peur des disciples face à la tempête se transforme en crainte face à celui qui a autorité sur les éléments naturels : « Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : ‘Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ?’, nous dit l’évangile. Il faut bien entendre ici cette crainte au sens de l’ancien testament. Cette crainte correspond à un sentiment de profond respect et de soumission envers Dieu, mais aussi de confiance en sa sagesse, en sa puissance et en son amour. De fait cette crainte n’est pas servile : elle est respect de la force de vie de Dieu en nous et pour nous. Dans la crainte de Dieu, nous sommes dans la dé-maîtrise. Nous nous abandonnons à lui en confiance. Et c’est ce que les disciples ne font pas sur la barque car ils ne connaissent alors pas complétement qui est le Christ.
Et c’est ce aussi ce que ne fait pas Job face à tous les événements négatifs qui lui arrivent. Il ne s’abandonne pas à Dieu en confiance. Si vous lisez ce beau livre de Job, vous verrez que le passage du texte que nous avons lu aujourd’hui correspond à la partie du livre où Dieu répond aux récriminations que Job lui adresse. Job ne comprend pas tous les malheurs qui lui arrivent alors qu’il juge être parfaitement en accord avec ce que lui demande Dieu. Il est dans une relation de maîtrise et d’exigence face à Dieu. Tous ses actes appellent selon lui à être mieux traité par Dieu. Il a la prétention de connaître pleinement Dieu. Et Dieu va lui dire sa puissance en lui parlant à travers l’ouragan et en lui disant la force de ce qu’il a créé. Et Job va lui répondre qu’il ne le connaît pas et qu’il veut qu’il l’instruise pour vivre avec lui.
Le texte de Saint Paul, quant à lui, comme une conclusion à ces récits, nous dit ce que produit la connaissance de Dieu sur nous : « l’amour du Christ nous saisit », « nous ne sommes plus centrés sur nous-mêmes », « nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine ». C’est ainsi que nous pouvons comprendre ce vieux terme de la crainte de Dieu. Ces tempêtes et ouragans traversés par les disciples et par Job conduisent ainsi à cette connaissance de Dieu.