homélie du jour de l’Ascension 2020

        par Francis Roy, diacre,

Quand on a vécu de très nombreuses années avec une épouse, que l’on s’est aimé profondément, qu’on a partagé avec elle joies et peines, affrontant ensemble les aléas de la vie, le départ brutal et définitif de l’être aimé creuse en notre cœur une blessure profonde, un vide immense. Et cette blessure est aussi vraie avec le départ d’un enfant ou celui d’un ami cher. C’est sûrement ce sentiment qu’ont connu les apôtres au moment où ils voient leur maître bien-aimé les quitter, leur échapper pour « s’élever et disparaître à leurs yeux dans la nuée ».

         Et pourtant, vient un moment dans la vie où il faut partir, où il faut accepter de laisser partir. C’est la condition pour que ceux qui restent grandissent et souvent deviennent les porte-paroles, les témoins, les garants de l’être disparu. Curieusement, celui qui est parti reste toujours présent, mais autrement…

         Pour comprendre le mystère de l’Ascension, il nous faut revenir au contexte de l’Ascension de Jésus.

         Le jour de son Ascension, Jésus ressuscité retrouve ses disciples en Galilée : à la montagne où il leur avait ordonné de se rendre. Le moment est particulièrement solennel car Jésus va les confirmer dans leur mission d’annonceurs de la Bonne Nouvelle de l’Evangile, de baptiseurs au nom du Père, du Fils et du St Esprit et d’enseignants de tous les commandements qu’il leur a donnés.

         Mission de grande responsabilité, redoutable même, que celle d’être les témoins du Christ « jusqu’aux extrémités de la terre ». C’est la raison pour laquelle Jésus prend la peine de les rassurer, de deux manières. Il leur annonce qu’ils vont recevoir une force, celle de l’Esprit Saint et qu’il demeurera avec eux tous les jours jusqu’à la fin du monde.

         Ces paroles vont susciter chez les disciples de la peur, de la sidération et il ne faudra pas moins de deux hommes en blanc pour leur ramener les pieds sur terre. Sur le plan de leur foi et de leur mission, ils vont devoir méditer longuement dans leur cœur et dans leurs conversations les Paroles que Jésus leur avait dites avant de les quitter.

         Pour nous aujourd’hui, le mystère de l’Ascension permet sûrement de mettre en lumière trois enseignements :

         1.-Tout d’abord, l’Ascension fortifie et purifie notre foi et rend active notre espérance. Nous rêvons facilement du jour où Dieu viendra régler nos problèmes par je ne sais quel coup de baguette magique. Le Christ nous donne mission de remettre debout tous ceux qui souffrent. Il a besoin de nos voix pour défendre ceux que la société a rangé dans la catégorie des sans : sans papiers, sans logement, sans travail, sans droits.

         Dans un monde où domine souvent le chacun pour soi, dans un monde où l’appétit de l’argent, du pouvoir règnent en maîtres, Jésus attend que nous vivions de l’esprit des Béatitudes qui nous ouvre au prochain surtout quand il est démuni, affaibli, appauvri, violenté, meurtri ou blessé.

         2.-Ensuite, l’Ascension nous rappelle la nécessité de la transmission de la foi. Nous devons redécouvrir l’actualité de ces paroles entendues dans ce passage des Actes des Apôtres : « Vous serez mes témoins » et ce passage d’Evangile : « Allez, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit ».

         Il est difficile de dire la foi dans la société actuelle. Mais le grand danger qui guette les chrétiens, c’est celui de la démission. Un chrétien qui n’a plus le désir de transmettre la foi, la perd. C’est comme un puits qui tarit quand on ne va plus y puiser de l’eau. Jésus n’a pas hésité à transmettre sa foi et ses convictions. Il a pris le temps d’enseigner ses disciples, de les accompagner dans le respect de leur évolution progressive et parfois de leur lenteur à croire.

         Cette mission passe par nos paroles, mais surtout par notre témoignage de foi, d’espérance et d’amour envers nos frères. Si nous nous efforçons de vivre en baptisés, disciples du Christ, notre témoignage posera question aux autres et les incitera peut-être à adopter une vie un peu plus selon l’Evangile.

         3.-Enfin l’audace de la mission se fonde sur l’assurance que Jésus ne nous abandonne pas : « Et moi, je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». Cette nouvelle présence est assurée par le don de l’Esprit Saint. Nous pouvons agir, travailler dans le monde avec la conviction que Jésus a déjà remporté la victoire sur les forces qui menacent la création. L’Esprit Saint est à l’œuvre dans ce monde par tous ceux croyants ou non croyants qui s’efforcent d’être des artisans de vérité, de justice et de paix.

         Jésus a le pouvoir de faire de nous des Christ. Il demeure avec nous pour ôter, de jour en jour, tout ce qui limite la vie de Dieu en nous. Il demeure avec nous pour nous faire entrer et demeurer dans l’Amour à sa suite.

         Désormais, Jésus nous donne son pouvoir, le pouvoir de demeurer amis de tous les hommes comme lui-même est leur ami. Par Jésus, vivant au milieu de nous, de jour en jour jusqu’à la fin des temps, nous avons le pouvoir d’aimer Dieu et chacun, de construire la paix, de travailler pour la justice, de faire reculer la haine. Nous avons tout pouvoir : Dieu élève les humbles. Il donne son pouvoir à ceux qui reconnaissent leurs pesanteurs, leurs limites, leurs bassesses. Nos limites, notre impuissance, sont un levier puissant : à celui qui reconnait son impuissance, Dieu, par Jésus, donne sa toute puissance. Notre impuissance est élevée à la hauteur de Dieu par Jésus. Elle est un levier qui, grâce à Jésus, soulève le monde et l’élève à la hauteur de Dieu.

         C’est l’Ascension du Seigneur !

22 mai 2020 |

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