Homélie du jour de NOEL 2018

par Claude Compagnone, Diacre

 

Redisons ces paroles du prologue de l’évangile de Saint Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. (…) Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. (…) Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité ».

 

Si nous lisons ce texte du prologue de Saint Jean en ce jour de Noël, c’est parce qu’il nous dit le début du commencement du monde avec la venue du Christ chez nous. Ce texte fait ainsi écho aux premiers chapitres de la genèse sur la création du monde que nous lisons à Pâques. Avec la naissance du Christ en ce jour de Noël, quelque chose d’à peine concevable se réalise que les mots même ont du mal à dire : Dieu, par son fils, est venu sur terre et a vécu parmi nous.

 

Le réalisons-nous vraiment ? Dieu, par son fils, est venu sur terre et a vécu parmi nous… Je ne sais pas pourquoi Dieu a commis une telle folie, pourquoi une partie de lui s’est incarnée dans la création. Le Christ est né, là, petit enfant fragile dans une mangeoire, à la merci des hommes. Je ne comprends pas ce geste magnifique et fou mais, homme, j’en reçois tous les fruits. Je saisis alors que notre Dieu est un Dieu qui se donne par amour. Je perçois que c’est un Dieu tendre. Je découvre qu’il a la force et la fragilité de son amour absolu. Je vois qu’il m’aime au-delà de tout, même quand je ne suis pas aimant, même quand je l’ignore.

 

Ce que nous fêtons donc aujourd’hui, c’est ainsi non seulement la venue du Christ sur la terre mais c’est un monde transformé par la présence du Christ. Le monde est transformé par la venue du Christ et sa résurrection. Il est venu nous apporter la vie. Nous ne pouvons pas l’oublier au risque de ne pas comprendre notre monde et de n’être qu’amertume par rapport à ce que connait ce monde, dans ses conflits, sa misère et le manque d’attention des hommes à la création.

 

Saint Jean dans ce prologue parle personnellement à chacun d’entre nous et nous ne pouvons pas esquiver les mots qu’il nous adresse. Adolescent je me suis laissé prendre par le chant et la force des mots de son prologue. J’ai cette prosodie au fond du cœur comme une comptine enfantine. Ce prologue dit avec des mots simples et dans une expression épurée le fondement de la foi chrétienne. Par la force de la parole, pour moi, il dit Dieu dans la force de sa parole créatrice.

 

J’aime la poésie de St Jean, faite de vrilles et d’allers-retours. Mon esprit s’accroche aux premiers mots et se laisse embarquer par son souffle. L’évangile de St Jean est profonde respiration. Saint Jean dit la respiration du monde en se faisant lui-même respiration. Il ne peut être saisi qu’avec le souffle parce qu’il dit le souffle de Dieu dans le monde. Saint Jean dit l’incarnation du Christ. Il dit que le Christ est puissance de vie et lumière. Il nous le dit en utilisant des mots qui ne doivent pas atteindre seulement et pas prioritairement notre intelligence mais aussi notre cœur, notre souffle, notre corps. Il dit le corps complet du Christ dans notre monde en touchant notre corps dans son entièreté. Nous devons le lire avec notre corps. Le verbe s’est fait chair et c’est toute notre chair qui peut le saisir.

 

Je découvre dans ce prologue de Saint Jean la parole sur la parole, la parole du disciple inspiré sur la parole de Dieu. Saint Jean nous dit que la parole de Dieu est créatrice et réparatrice. Elle est compréhension et sens de la vie. Elle est élargissement et infinies possibilités. Ancrée

dans le temps et l’espace par Jésus Christ, elle arrache au temps et à l’espace et ouvre des horizons inconnus. Elle déplace, reconfigure et renouvelle. Elle traverse l’âme et devient voussoir de l’être. Elle est source d’attentes, de désirs et d’espérances. Elle apporte paix, joie et réconfort. Elle jette des ponts, relie et unifie. Elle fait éclater le chatoiement des couleurs de la diversité du monde. La parole est lumière et traverse l’obscurité du monde. Elle dit ce que sont les choses et chasse les ombres effrayantes qui peuplent les ténèbres. Elle révèle les âmes. La parole a pris chair en Jésus Christ et nous a été donnée pour que nous devenions des femmes et des hommes de grâce et de bien.

 

Que cette fête de Noël nous rappelle ce don, que nous en soyons renouvelés dans notre relation à Dieu et aux autres, mais aussi à la création et à nous-mêmes.

 

Un sauveur nous est né ! La parole de Dieu s’est faite chair ! Alléluia ! Alléluia !

28 décembre 2018 |

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