Homélie de la nuit de NOEL 2018

par Claude Compagnone, Diacre

Is 9, 1-6 ; Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14

Nous sommes donc en cette nuit de Noël sortis de nos maisons comme bien d’autres personnes sur la planète l’ont fait ou sont en train de le faire. Nous ne sommes pas seuls : nous formons un peuple en mouvement. Nous avons convergé vers cette église de St Joseph comme d’autres se sont mis en marche vers d’autres églises, d’autres chapelles, d’autres lieux où célébrer la naissance du Christ. La foule des hommes s’est mise ce soir en mouvement. Ce déplacement est une migration des corps pour venir faire Eglise ensemble mais aussi une migration des cœurs pour s’approcher d’un bien grand mystère.

Le récit de la nativité de Saint Luc ne nous dit rien d’autres que cette migration des corps et des cœurs en cette nuit de Noël. Nous sommes alors un peuple de migrants comme Marie et Joseph qui partent de leur maison pour se faire recenser à Bethléem. Ils marchent. Marie porte en son sein l’enfant à naître. Tout leur cœur et leur esprit est tourné vers cet évènement à venir. Et pendant qu’ils se trouvent à Bethléem, loin de chez eux, l’enfant vient au monde.

Nous avons quitté notre maison, parfois seuls, parce qu’en cette nuit personne ne nous attend ou seuls parce que les autres autour de nous, nos proches, nos amis, ne voient pas bien ce que nous fêtons ici. Ils ne nous accompagnent pas. Parfois nous avons la joie d’être avec des amis, des membres de notre famille, enfants ou parents. Et c’est une grande chance ! Dans cette grande migration des cœurs, ceux qui ne peuvent pas se déplacer car blessés par la maladie, la pauvreté ou l’emprisonnement, mais aussi parfois blessés par le regard des autres, voire même par des hommes d’Eglise, ces personnes qui ne peuvent pas se déplacer donc, ne sont pas les moins présentes, et pas les moins importantes. Elles sont là dans l’intensité de leur impossibilité. Elles sont là parce qu’elles veulent y être et parce qu’elles sont le noyau de cette migration des cœurs. Nous ne sommes donc pas là que pour nous, mais nous sommes là par eux, nous sommes là pour eux.

Dans le récit de Saint Luc, c’est à ces blessés du monde social de l’époque, les bergers, qui selon la société ne sont bons à pas grand-chose si ce n’est à garder des animaux loin des hommes, que l’ange va s’adresser pour annoncer aux hommes la bonne nouvelle. L’ange du Seigneur se présente devant eux et leur dit, à eux seuls, cette immense nouvelle pourtant attendue par tout le peuple d’Israël : « Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. » Et les bergers, eux ces incultes, comprennent. Et ils comprennent car, comme nous le dit la suite du récit de Saint Luc, ils se hâtent d’aller à Bethléem pour y découvrir « Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire ».

Et que se passe-t-il donc ce soir 24 décembre, ici, en l’église de St Joseph ? Notre migration de corps et de cœur nous a poussés irrésistiblement vers ce lieu où nous savons que nous serons accueillis, ce lieu où se trouve la mangeoire dans laquelle repose le fils de l’homme qui vient de naître. Comprenons-nous réellement tout ce qui se passe en cette nuit ? Saisissons-nous réellement ce que représente d’extraordinaire le fait que Dieu prenne chair par Jésus ? Peut-être sommes-nous trop blasés pour le saisir dans toute sa profondeur ? Peut-être sommes-nous tellement préoccupés par les choses du monde que notre sensibilité, cette connaissance du cœur, s’est évaporée ? Je ne sais pas.

Mais je sais que si nous ne comprenons pas tout ce qui se passe en cette nuit, nous savons, nous sentons qu’il y a une urgence à venir revivre ce moment de l’incarnation de Dieu dans le monde en son Fils Jésus Christ. Nous savons que ce qui se joue ici est bien plus grand que nous. Ce qui se joue c’est une relation directe entre notre Dieu, dans sa plus grande fragilité, et ce que nous sommes dans notre plus grande tendresse. Nous sommes des êtres de tendresse et nous comprenons dans le miracle de la crèche que Dieu, lui aussi, est tendresse. Nous sommes des êtres de tendresse et au pied de la mangeoire nous entrons dans une relation de tendresse avec Dieu.

Et c’est un miracle qui se produit alors dans cette relation vraie, unique. Nos armures se fendent, notre quant-à-soi s’écroule, et nous nous présentons tels que nous sommes devant Dieu. Que faire d’autres ? Il est là, dans la mangeoire, à la portée de la bonté ou de la méchanceté des hommes. Il est là, il se donne, dépendant de nous. Qu’avant nous à faire si ce n’est le contempler ? Qu’avant nous à faire si ce n’est d’accepter de nous abandonner en confiance à suivre le chemin de vie qu’il nous propose. Il se donne et nous nous donnons.Comme le dit Saint Paul « il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. »

Un sauveur nous est né ! Alléluia ! Alléluia !

Amen

26 décembre 2018 |

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