homélie du 16 décembre 2018, 3ème dimanche de l’Avent

par Claude COMPAGNONE, diacre

So 3, 14-18a ; Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6 ; Ph 4, 4-7 ; Lc 3, 10-18


« Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. » Ainsi parle Saint Paul. Il nous exhorte à ne pas être des personnes abattues qui se retournent sur elles-mêmes ; il nous exhorte à ne pas nous laisser affadir par les difficultés que nous avons à surmonter dans notre vie personnelle, familiale ou sociale ; il nous dit d’être confiant dans le Seigneur, de nous inquiéter de rien mais de prier et supplier, notre Dieu, tout en rendant grâce. Paul, en parlant ainsi, encourage dans sa foi la communauté de Philippes pour laquelle il a une affection particulière. Cette communauté de Philippes est une petite communauté chrétienne qui se trouve dans la Grèce actuelle et qui est essentiellement composée d’anciens païens. Cette petite communauté n’est rien, ce n’est qu’une goutte d’eau chrétienne dans l’océan du monde païen de l’époque.

Ce texte de Saint Paul est en cela très proche de celui de la première lecture, tirée du livre de Sophonie écrit 600 ans plus tôt. Ce texte de Sophonie est, lui aussi un puissant encouragement à la joie. Sophonie n’y va pas par des petits mots. Pour lui, il n’y a aucune prudence à avoir en la matière, il n’y a pas de demi-mesure : il faut y aller, se jeter dans la joie comme on se jette dans un combat éperdu.  «  Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! », nous hurle-t-il, d’une certaine façon, aux oreilles. Et pourtant Sophonie, dans son livre, juste avant le passage que nous venons de lire, décrit une situation catastrophique où le peuple d’Israël a adopté des dieux païens et où il commet des actions mauvaises. Sophonie s’adresse là au petit reste d’Israël, à une petite portion demeurée fidèle à son Dieu. Là encore, nous voyons une petite communauté exhortée à vivre sa joie, à vivre de la joie.

Ces deux textes s’adressent donc à des petites communautés de croyants qui ne sont rien, qui sont ridicules par leur faible place dans la société, par leur faible pouvoir politique. Elles sont complétement marginales. Leur capacité d’action pour changer les choses paraît quasi nulle. Et pourtant… Et pourtant… Sophonie et Paul donnent par leurs paroles, à l’une et à l’autre de ces communautés de croyants, à la fois la force de la foi et la puissance d’un outil aux effets redoutables : cet outil, c’est celui de la joie ! Oui, la joie est un outil redoutable.

Cette joie n’est pas celle superficielle qui découle d’un bon moment passé avec d’autres ou de la conduite d’une activité qui nous plait. Non ! La joie dont il s’agit ici est celle de la « joie malgré tout » quand tout autour semble ne pas aller. C’est celle de la joie profonde ancrée dans le corps et l’âme, qui permet de percevoir le beau malgré les épreuves, qui permet de voir la lumière dans l’obscurité. Cette joie est donc une capacité à percevoir Dieu dans le monde, à saisir la présence de Dieu dans notre vie. Mais cette joie est aussi autre chose : c’est une capacité à ensemencer la vie de ceux qui nous entourent.

Ces textes nous sont adressés aujourd’hui à nous, chrétiens, en chemin vers la fête de Noël, vers la fête de la naissance du Christ. Ces textes nous disent que nous avons le devoir de l’expression de la joie. Je dis bien ces deux mots « devoir » et « expression » de la joie. Ces textes nous disent, en effet, que nous ne pouvons pas garder pour nous la transformation qu’opère en nous le ferment de la bonne nouvelle de la naissance du Christ et de sa résurrection. Je ne peux pas garder enfoui en moi la découverte du Père, de ce Dieu d’amour, qui s’intéresse si profondément à moi qu’une partie de lui prend corps dans ma vie au moment de Noël.

Cette joie de nous savoir aimés au-delà de ce que nous sommes, de nous savoir aimés dans nos différences au-delà de nos erreurs et de nos fautes, de nous savoir aimés tout simplement tels que nous sommes, pour la lumière de vie que nous sommes : cette joie-là est un trésor et une semence. En tant que trésor, cette joie nous transfigure et nous ne pouvons que la partager. Parce que c’est ainsi que Dieu nous veut : des êtres se sachant aimés, joyeux et donnant la vie de la joie autour d’eux. En tant que semence, cette joie nous fait entrer en contact avec les autres pour révéler les œuvres du Seigneur. Voir les choses avec joie, c’est aller en permanence à la recherche du beau et du bien dans notre relation aux choses et aux gens, même quand le monde peut apparaître laid et mauvais. Voir les choses avec joie, comme le dit Saint Paul, c’est les voir avec bienveillance.

Et combien, emplis de joie, notre force est alors grande. Sophonie et Paul le savent bien lorsqu’ils s’adressent à ces petites communautés de Palestine et de Macédoine. Ils savent que le ferment du monde est dans cette joie malgré tout, dans cette joie au-delà de tout. Ces communautés deviennent ainsi un levain de joie dans la pâte du monde.

Par notre joie vécue et partagée dans la naissance du Seigneur et sa résurrection, nous formons nous-aussi sœurs et frères communauté. Nous sommes ferment de joie de la pâte du monde. Prenons alors continuellement le risque de la joie et de la bienveillance. N’ayons pas peur d’être souriant, de rire et d’être joyeux. Louons le Seigneur sans relâche pour entrainer notre cœur à la joie. Cultivons la joie comme une plante fragile aux effets puissants. Sachons saisir chaque particule de joie de notre atmosphère. Vivons notre montée vers Noël avec l’assurance de la joie de la vie donnée et partagée.

Rien n’aura plus de goût et le monde n’en sera que plus beau.

Amen

17 décembre 2018 |

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