Homélie du dimanche de la 3ème semaine de Carême, 3 mars 2018

Homélie prononcée en la Paroisse de St Joseph et au Carmel de Flavignerot

Jean 2, 12-25

En lisant l’évangile de ce jour nous voyons Jésus qui exerce une action violente. C’est bien évidemment une situation qui nous interroge en tant que chrétiens. Le Christ ne serait donc pas le doux agneau qui vient sauver le monde ?

Cette scène où Jésus chasse les marchands du temple se trouve dans les quatre évangiles. Jean la place dans son récit au début de la vie publique de Jésus, juste après l’épisode des noces de Cana. Il affirme ainsi dès le début de son évangile le destin messianique du Christ. Les autres évangélistes la situent entre la montée triomphale de Jésus à Jérusalem (les rameaux) et sa crucifixion. Cette scène devient alors l’élément déclencheur de l’arrestation du Christ.

Cette scène est décrite par Jean de manière méthodique. L’évangéliste ne nous dit pas simplement que Jésus s’énerve et chasse les marchands. Non, comme dans la description de nombre de miracles, il nous présente ici les choses avec détails. C’est que cette scène a une signification importante,

elle n’est pas anodine.

Jésus fait un fouet avec des cordes, il met les vendeurs hors du temple, il chasse les animaux destinés à être vendus pour effectuer les sacrifices rituels. Tout ce petit monde ayant pris ses jambes à son cou, il continue de faire le ménage en mettant par terre toute la monnaie des changeurs et en renversant leur table. On imagine le déchainement d’énergie explosive qui a alors lieu pour que les vendeurs en question aient tout simplement peur et s’enfuient. C’est une éruption volcanique dont ils doivent se protéger.

Cet épisode nous est raconté comme si Jésus avait pratiquement vidé l’esplanade du temple de 144 000 m2, pourtant saturée de milliers de personnes en cette préparation de la Pâque juive, et sans que Jésus ne soit immédiatement arrêté par la garde du temple. Même si dans la réalité, pour des visiteurs du jour du temple, cette scène a dû prendre une proportion bien plus limitée, voire même passer inaperçu pour nombre d’entre eux – ils peuvent avoir entendu une altercation musclée entre un homme et des vendeurs et des changeurs de monnaies -, elle a pourtant pour les disciples une signification profonde.

Jésus littéralement explose d’exaspération : il veut remettre les choses à leur juste place. Pourtant ce n’est pas la première fois qu’il vient au temple pour l’une de ces trois grandes fêtes qui scandent la vie religieuse des juifs et les font monter à Jérusalem. Mais là, c’en est trop. Nous ne connaissons pas l’événement déclencheur de la réaction de Jésus, mais là, il explose. Il n’en peut plus, comme on n’en peut plus quand quelqu’un méprise une personne et en fait son souffre-douleur. Une telle situation est tellement intolérable que nous pouvons réagir avec force pour nous opposer à la force de l’oppression.

Jésus, ici, réagit avec force à la hauteur de la force du mépris que peuvent exercer les marchands contre la sainteté du lieu, contre les personnes qui viennent rencontrer leur Dieu et contre Dieu lui-même. Jésus s’oppose donc avec force contre cette contamination de ce lieu saint par des pratiques qui n’ont rien à y faire. Il rentre dans une saine colère. Il réagit avec force comme nous devons le faire pour nous opposer nous aussi à des actions injustes, irrespectueuses et dégradantes pour l’homme, créé à l’image de Dieu et temple de Dieu. C’est notre devoir.

Mais cette scène, telle que nous la raconte Jean, est aussi centrale dans le fait que Jésus annonce un double passage. Le premier de ces passages est tout d’abord celui de la sainteté du temple vers la sainteté de son corps, à lui, Jésus. Le second passage est ensuite celui que Jésus va opérer à travers sa résurrection, le passage de la mort à la vie. Certes l’annonce de ce double passage apparaît énigmatique, à tel point que ni les juifs qui l’écoutent, ni les disciplines qui l’entourent, ne comprennent alors vraiment de quoi il s’agit.

Mais cette annonce dit bien le basculement qui s’opère par le Christ et avec le Christ. Le temple étant le lieu où Dieu réside, il est lui, pleinement, en tant que fils de Dieu, le temple de Dieu. Et c’est en venant à lui que les hommes peuvent rencontrer Dieu. Il devient le point de rencontre des hommes et de Dieu. Le lieu le plus sacré qui fait converger les hommes qui cherchent Dieu ne peut plus être alors le temple de Jérusalem, mais ne peut-être que sa personne à lui, le Christ. Et si le temple de Dieu qu’est sa personne est détruit par la crucifixion, il sera aussi rebâti en trois jours au moment de sa résurrection. Avec lui, la vie gagne sur la destruction. Si le Christ respecte pleinement ce temple de Jérusalem où converge le peuple pour y rencontrer son Dieu, il sait aussi où se situe pleinement le temple de Dieu.

Le Christ en chassant les marchands du temple, en annonçant où se trouve le véritable temple de Dieu et en disant son sacrifice pour les hommes se dresse contre les obstacles et les faux-semblants qui empêchent les hommes d’atteindre en vérité leur Dieu. Il faut alors au Christ s’opposer avec force contre ceux qui, par leurs règles ou leurs pratiques religieuses ou commerciales, détournent les hommes en quête de Dieu, en quête d’amour véritable et en quête de fraternité.

Sœurs et frères, la vérité et la sincérité de notre foi en Dieu sont fragiles et délicates comme la flamme d’une lampe à huile. Et pourtant cette foi danssa fragilité éclaire nos vies et illumine le monde. Il nous faut de la force, de notre force mais surtout de la force de notre Dieu, pour la protéger, l’alimenter et s’opposer aux événements ou aux actions qui amèneraient à l’affaiblir ou à la souffler. Que ce temps de carême nous permette alors de l’entretenir en étant attentif à l’amour et à la vie que Dieu donne au monde pour qu’au jour de Pâques qui arrive nous en soyons resplendissants et que nous soyons nous aussi, par le Christ, pleinement temple de Dieu.

Amen

Claude COMPAGNONE, Diacre

3 mars 2018 |

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