Carême….et St Valentin …

de la part de Jean-Baptiste L.  ,  homélie du Père Roger Hebert (de Bellegarde) le mercredi des Cendres

 

Cette année, l’entrée en carême tombe le jour de la St Valentin ! Et si cette coïncidence était un signe du ciel pour donner une orientation à tout ce temps de carême qui s’ouvre devant nous ? Il se peut que nous ne voyons pas arriver le carême avec enthousiasme et cela au moins pour deux raisons. La première c’est que carême est synonyme d’efforts et nous pouvons être fatigués d’avoir toujours des efforts à faire ! Et la deuxième, c’est que, depuis le temps que nous vivons des carêmes, nous pouvons avoir l’impression que nos efforts ne nous ont pas beaucoup fait progresser. D’autant plus que ces bonnes résolutions que nous prenons en début de carême, nous savons d’avance ce qu’elles vont devenir dans 15 jours ou 3 semaines !
C’est justement là que le fait que nous entrions en carême le jour de la St Valentin peut nous aider à renouveler notre manière d’aborder et de vivre ce temps du carême. Peut-être que, cette année, le Seigneur nous supplie comme un amoureux trop souvent délaissé et qu’il nous dit : oublie un peu tes efforts, tes résolutions et occupe-toi un peu plus de moi, essaie de retrouver un cœur brûlant d’amour pour moi !
Imaginez un fiancé et une fiancée qui auraient été séparés depuis plusieurs mois. Imaginez qu’ils ont l’immense joie de pouvoir enfin se retrouver, vous croyez que la priorité des priorités pour eux, ça va être de passer toutes les premières semaines à surveiller leur régime alimentaire ? Mais non, ils vont profiter de la présence de l’autre qui leur manquait tant, ils vont aller se promener ensemble, ils vont prendre des grands moments d’échange, ils ne se lâcheront plus la main.
Eh bien, mes amis, si nous sommes lucides, nous pouvons tous constater que nous nous éloignons régulièrement du Seigneur. Le temps du carême, c’est précisément ce temps que nous offre l’Église pour nous rapprocher de Lui. Nous sommes invités à resserrer nos liens, à retrouver une intimité plus grande avec le Bien-Aimé. C’est ça la priorité, et il me semble que c’est bien plus important que de surveiller notre régime alimentaire et de nous fixer un tas d’efforts à accomplir. Vous imaginez si nos deux fiancés, quand ils se retrouvent, l’un des deux ne cesse de dire à l’autre : tu m’aideras à moins manger de chocolat, tu m’aideras à faire plus ceci et moins cela … L’autre au bout d’un moment lui dira : mais quand est-ce que tu vas arrêter de penser à toi, de parler de toi pour t’occuper vraiment de moi ? Quand est-ce qu’on aura des moments de présence l’un pour l’autre avec une vraie qualité de présence et tout ça pas vécu à la va-vite entre deux portes ?
J’ai l’impression qu’en cette fête de la St Valentin, c’est ce que le Seigneur nous dit. Vous savez dans le prophète Isaïe, il y a un passage terrible du livre du prophète Isaïe dans lequel Dieu laisse échapper sa plainte et même plus son ras-le-bol : « Que m’importe le nombre de vos sacrifices ? Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis dégoûté. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’y prends pas plaisir… Cessez d’apporter de vaines offrandes ; j’ai horreur de votre encens. Les nouvelles lunes, les sabbats, les assemblées, je n’en peux plus de ces crimes et de ces fêtes. Vos nouvelles lunes et vos solennités, moi, je les déteste : elles me sont un fardeau, je suis fatigué de le porter. » Is 1,11ss
Le peuple d’Israël croyait qu’il allait contenter Dieu en en faisant toujours plus, en rajoutant des sacrifices et Dieu lui dit : je n’en peux plus de tout cela, c’est autre chose que j’attends de vous. Il me semble qu’en cette fête de la St Valentin, le Seigneur a envie de nous dire la même chose : « Tu me fatigues avec toutes tes privations de carême. J’aimerais que tu considères le carême non pas comme un championnat d’ascèse mais comme une lune de miel à vivre. »
Oui, bien sûr, c’est la St Valentin qui me pousse à dire cela, mais il y a quand même une autre raison. Dans un instant, nous allons recevoir l’imposition des Cendres et nous entendrons le prêtre nous dire : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » J’ai déjà expliqué dans une homélie il y a quelques semaines qu’en grec le petit mot « et » peut avoir deux sens soit il signifie « en plus », soit il signifie « c’est à dire ». Nous, habituellement nous entendons la parole de l’Évangile prononcée par le prêtre, de cette manière : Convertissez-vous et, en plus, croyez à l’Évangile. Il faudrait donc d’abord se convertir, c’est à dire faire tous ces efforts et en plus croire. Le père Cantalamessa qui prêche pour le Pape et pour toute la curie à Rome, c’est donc une voix tout à fait sûre, dit que ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre. Pour lui, c’est clair, quand Jésus dit : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile », il dit : « Convertissez-vous, c’est à dire croyez à l’Évangile, croyez à la Bonne Nouvelle » Autrement dit, la grande conversion à laquelle nous sommes appelés, ce n’est pas de faire des efforts et d’en rajouter toujours plus, c’est de croire à la Bonne Nouvelle et cette Bonne Nouvelle, c’est que Dieu nous aime, c’est ce que nous chanterons en recevant les Cendres.
C’est aussi pour cela que je disais que Dieu était fatigué par toutes tes privations de carême et qu’il aimerait que nous considérions le carême plus comme une lune de miel que comme un championnat d’ascèse. Il me semble que c’est aussi à cela que nous invite le pape François dans son message de carême. J’ai beaucoup aimé sa citation de Dante qui imagine le diable assis sur un trône de glace. Le pape commente en disant que le diable habite dans la froidure de l’amour étouffé. On parle des flammes et de la chaleur de l’enfer, il faudrait plutôt parler du froid sibérien qui y règne puisqu’il n’y a aucun cœur brûlant d’amour ! Entendons l’appel particulier de cette année à retrouver un cœur brûlant, à vivre le carême comme une lune de miel.
Mais alors, me direz-vous, que valent les appels entendus dans le texte d’évangile qui est le même chaque mercredi des Cendres ? Est-ce à dire que l’appel à vivre le partage, la prière et la maîtrise de soi n’a plus de valeur ? Non, bien sûr ! Mais ces efforts ne seront plus ce qui nous viendra en premier à l’esprit quand nous parlerons de carême. Ce qui sera premier, c’est la lune de miel, c’est la qualité de relation avec le Seigneur. Et parce que nous serons plus proches du Seigneur, alors nous aurons un cœur au diapason du sien et ça se verra dans notre relation aux autres, c’est le partage ; ça se verra dans notre relation avec lui, c’est la prière ; ça se verra dans notre relation à nous même, c’est la maitrise de soi.
Un amoureux quand il va retrouver sa belle et vice-versa, ils ne se disent pas avant la rencontre : bon j’ai trois efforts à faire si je veux que la rencontre soit réussie : il faudra que je lui fasse un cadeau, il faudra que je l’écoute et que je lui parle et il faudra que je fasse attention à ne pas me comporter n’importe comment. Non, parce qu’ils s’aiment, ils viennent avec un cadeau ; lui, il boit ses paroles, comme elle, elle boit ses paroles ; et ils sont spontanément tournés vers l’autre sans penser d’abord à eux. Le critère de réussite de notre carême ne sera donc pas les litres de transpiration que nous aurons versés pour accomplir nos efforts, mais ça sera de savoir si à la fin du carême, j’ai un cœur plus brûlant d’amour pour le Seigneur. Que St Valentin intercède pour nous !
17 février 2018 |

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