SUR LA FEMME SYRO-PHÉNICIENNE

Homélie des 19 et 20 AOÛT 2017

Quel changement de la part de Jésus ! Quel retournement ! Pour surprenant que le terme soit, c’est ce que l’équipe de préparation a appelé une conversion. Une vraie conversion de la part de Jésus à l’appel de la femme. L’équipe a d’abord été choquée, comme vous probablement tout de suite, par le manque d’écoute du Seigneur Jésus puis par la dureté de sa réponse. Nous avions plaisanté sur les disciples qui réclament un miracle juste pour qu’on ne leur casse plus les oreilles. Ils  nous ont paru peu sérieux. Mais leur attitude a eu au moins ceci de consolant pour nous : c’est qu’il nous arrive, à nous aussi, d’avoir une prière qui ne vaut pas grand-chose, mais qui « marche » tout de même. Il nous arrive d’avoir une prière où nous prenons Jésus pour un faiseur de miracles – ce qu’il ne supporte pas, et ce qu’il n’est pas.  Mais qu’il nous pardonne de penser, car toute prière finit par nous tourner vers Dieu son Père et notre Père.

Ni les Apôtres, ni nous, ne sommes des super-héros ou des super-chrétiens. Mais nous pouvons tout de même devenir ce que sont les Apôtres.

Cela confirme que la miséricorde de Dieu reste toujours infiniment plus grande que la faiblesse de notre cœur. Cela nous confirme qu’il est bien plus efficace de prier que de se taire sous prétexte que nous ne savons pas prier comme il faut. Le Seigneur est patient … il a l’éternité pour lui.

Oui, toute cette rencontre que raconte l’Évangile nous enseigne à aller plus loin, plus profond.. Avec Dieu, on n’est pas dans les politesses bourgeoises et mondaines, ou le respect des convenances : on doit agir comme des enfants… quitte à être insupportables.

Donc, oui, le cœur de Jésus finit par se laisser toucher. Il a suffi qu’il entende dans la demande de cette femme combien elle était impliquée personnellement, viscéralement, dans ce qu’elle disait. Et il prend au sérieux son désir de vivre — il prend au sérieux  tout désir de vivre, même maladroitement formulé. Vivre et donner de vivre, c’est sa passion !

Jésus a compris deux choses : d’abord, ce que signifie pour cette dame l’expression « le fruit des entrailles » …que nous utilisons si souvent de façon machinale et non concernée…  ce que son ventre a porté, ce qu’elle a de plus précieux, son enfant.  Ce qui est en jeu, c’est ce qui vient de sa vie — — alors, elle ne va pas en rester aux formules extérieures de la bienséance.

Et en même temps, Jésus entend que la femme sait lui résister : avec humour et fragilité, elle lui tient tête. Du même coup, Jésus ne peut pas en rester aux conventions, même si elles sont des conventions religieuses. La femme le contraint à aller au plus profond de lui-même. Donc, de sa mission.

Il se comprenait comme juste limité à un groupe, à une région du monde. Prophète local, territorial, national — il avait déjà assez de travail à faire là.

Au sens le plus fort du terme, l’alerte lancée par la femme amène Jésus à entrer dans la passion de l’Éternel Dieu pour nous autres, « pauvres pêcheurs » comme dit encore la prière pécheurs et jamais bien costauds. Il comprend la volonté du Père que tout homme soit sauvé. Le Père est universel.

Et c’est du Père, en premier lieu, qu’il s’agit.

Nous faisions les fortes têtes avec nos particularismes, nos idées identitaires. Et Dieu  nous a pris au mot. Saint Paul dit : Tant que nous prétendons avoir une vérité supérieure à celle des autres, Dieu nous laisse nous enfermer, nous enferrer en nous-mêmes. Mais il arrive un jour où des lanceurs d’alerte nous éveillent à la réalité. Nous réveillent. Il suffit d’entendre, d’écouter et de voir.

Isaïe, tout à l’heure, avait proclamé : « Dieu a des amis dans l’univers entier ». Mais  tout le monde pensait que c’était pour demain, pour l’avenir – un lointain avenir. Or Jésus, le Christ, voit que cela est vrai déjà  maintenant. L’avenir, c’est aujourd’hui !

C’est comme la résurrection : tant que nous la croirons réservée à « après », nous passerons à côté.

L’Évangile nous prie de croire qu’elle est en route, qu’elle fait son chemin vers nous. Que la Vie éternelle est déjà là. Nous sommes baignés par la vie éternelle.

Il nous suffit d’être passionnément désireux de vivre – et donner de vivre.

 

Lettre de Saint Paul aux Romains, fin du chap. XI

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu !

Tout est de lui, et par lui, et pour lui. À lui la gloire pour l’éternité !

Amen.

père dominique nicolas

20 août 2017 |

Les commentaires sont fermés.