homélie de Pentecôte ( 4 juin 2017)

par Claude Compagnone, Diacre

Que faisons-nous de notre liberté ? Que construisons-nous avec cette liberté ? Comment mettons-nous en ordre notre vie pour qu’elle réponde pleinement à la liberté qui nous est donnée ? Que faisons-nous pour que cette liberté soit complète ? Telle est l’interrogation à laquelle nous conduit l’événement de la Pentecôte. Ce n’est donc pas une petite interrogation, une petite curiosité intellectuelle, mais bien une interrogation essentielle qui nous engage dans notre être tout entier, dans notre énergie, nos choix et nos désirs. Mais s’il s’agit bien ici de liberté, il ne s’agit pas d’une liberté que nous aurions arrachée de nos propres mains, à la force du poignet, mais de cette liberté que Dieu nous donne.

 

Dieu nous offre la liberté, soyons en certains ; il n’est pas le Dieu de l’esclavage, il est le Dieu de la liberté. C’est ce que fêtent les juifs et les chrétiens au moment de Pâques. Les juifs célèbrent la sortie d’Égypte, ce moment sans commune mesure dans leur histoire, où Dieu s’est penché sur son peuple et l’a délivré du joug de Pharaon. Nous, chrétiens, nous célébrons à Pâques ce don supplémentaire, ce don suprême que Dieu nous a fait en nous libérant, par son Fils, de l’esclavage de la mort. A travers la résurrection du Christ et de la promesse de la vie éternelle, nous sommes libres. Paul le rappellera maintes fois dans ses lettres, à temps et à contretemps : rien – ni la haine, ni les hommages ; ni le luxe, ni la pauvreté ; ni le malheur, ni le bonheur – rien, ne peut nous arracher cette liberté qui nous a été donnée en devenant enfant de Dieu ; rien, ne peut nous retrancher de l’amour de Dieu.

 

Assurément, libre, nous le sommes, mais comment agir conformément à ce don de la liberté, sans le dégrader, sans le mépriser ? Comment nous laisser orienter et entrainer, comme un bateau aux voiles gonflées du souffle du grand large,  par l’esprit de liberté ? Comme ne pas retomber en esclavage ? En effet, être libre c’est connaître aussi l’inconfort de la responsabilité de ses choix et de ses alliances. Comment donc être aidé dans l’orientation de choix qui soient à la hauteur de notre liberté ?

 

Il faudra aux apôtres ce temps de cinquante jours après la résurrection du Christ pour vivre et ruminer l’interrogation de cette liberté de la vie sans limite, pour être disposés à recevoir pleinement le souffle de l’Esprit de Dieu. Pierre parlera de recevoir « une part de l’Esprit de Dieu », un peu plus loin dans ce chapitre 2 des Actes des Apôtres. Il faudra aux Apôtres cinquante jours de maturation, c’est-à-dire un temps complet, fait de 7 fois 7 jours, pour pouvoir être pleinement des réceptacles « d’une part de l’Esprit de Dieu ». Il leur faudra ne plus savoir quoi faire après le départ du Christ pour accepter de s’abandonner complètement à Dieu et devenir réceptacle d’une part de son Esprit.

 

Nos frères juifs fêtent aussi la Pentecôte. S’il est dit dans le livre des Actes des Apôtres que les Apôtres se trouvaient réunis au moment de Pentecôte, c’est parce qu’ils se sont retrouvés pour fêter, en tant que juifs, l’alliance que Dieu à passer, au Sinaï, après la sortie d’Égypte, entre lui et son peuple. Une fois libéré de Pharaon et avoir traversé la mer Rouge, il a fallu aussi au peuple juif un temps de maturation au désert pour savoir ce qu’il allait faire de cette liberté. Il a fallu qu’il se demande comment il pouvait la vivre, amplement sans la dégrader, sans retomber en esclavage. Les chapitres 19 et 20 du livre de l’Exode nous disent comment Dieu donne alors à son peuple « des paroles », que l’on appellera aussi commandements, pour l’orienter dans le maintien de sa liberté.

 

Dans les Actes des Apôtres, Dieu passe une nouvelle alliance avec les hommes. Il offre alors aux Apôtres, non pas « des paroles » comme au Sinaï, mais son Esprit même : l’Esprit Saint, une part de son Esprit, à lui, Dieu ; il envoie le souffle de ses pensées et de ses paroles, le souffle de sa force de création et d’amour. En envoyant son Fils bien-aimé auprès des hommes pour les délivrer du péché et de la mort, il a franchi un cran supplémentaire dans la liberté offerte aux hommes. A la Pentecôte, il franchit, là-encore, une étape de plus dans l’alliance qu’il scelle entre lui et son peuple : il n’envoie pas « des paroles » comme il l’a fait dans le Désert du Sinaï, mais il envoie « une part de son Esprit », pour que les hommes soient paroles de Dieu.

 

Mesurons-nous vraiment la chance que nous avons de pouvoir recevoir une part de « l’Esprit de Dieu » ? Mesurons-nous vraiment l’importance de cette fête de Pentecôte qui nous dit que les moyens d’être libre nous sont donnés par Dieu ? Création de Dieu, nous le sommes dans la matière de notre personne dont Dieu est à l’origine. Mais création de Dieu nous le sommes encore plus, en surabondance, dans notre esprit, par cette « part de son Esprit » que Dieu met directement en nous, si tant est nous acceptons de le recevoir et d’en être le réceptacle.

 

Cadeau suprême et signe de sa proximité avec l’homme, Dieu nous donne une part de son Esprit. Il en fait le carburant du moteur de notre vie de chrétien, pour nous faire avancer plus loin, pour que nous puissions donner notre énergie d’amour et de création au monde. Il confirme et affermit la liberté gagnée sur la mort en nous donnant, si nous l’acceptons, le moyen par l’Esprit de garder cette liberté. Plus qu’en communication avec Dieu, nous sommes alors par l’Esprit en communion avec lui. Il s’agit de cette communion joyeuse que nous pouvons expérimenter dans la vie de couple ou dans une relation d’amitié quand nous nous savons, sans parler, complètement en accord avec l’autre.

 

Et ce souffle de l’Esprit, Dieu le propose à l’humanité en entier. Les Apôtres, après la venue sur eux du Saint Esprit, se font parole de Dieu pour tous. Ils parlent en langue pour tous, sans limite. L’Esprit de Dieu est généreux, sans frontière, il souffle où il veut et quand il veut, et il grandit en étant partagé. Il rend joyeux.

 

Sœurs et frères, ouvrons notre cœur, rendons-nous disponibles au souffle de l’Esprit pour en être réceptacle. Laissons-nous envahir, dilater et déborder par cette grâce et cette force qui nous dépassent.

Sœurs et frères vous êtes beaux quand vous êtes réceptacle de l’Esprit Saint.

 

Que l’Esprit de Sainteté vienne nous embraser !

 

12 juin 2017 |

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