* homélie du dimanche 21 mai 2023

par Francis ROY, diacre,

Entre l’Ascension et la Pentecôte, ce dimanche, le septième après la grande célébration de la résurrection risque de passer inaperçu et pourtant il a une bonne nouvelle à nous transmettre. Les textes bibliques de ce jour nous parlent de l’Église en train de naître. C’est une Église en prière. Il y a là les apôtres, les femmes qui ont accompagné Jésus durant son ministère et des proches de sa famille. Méditons le merveilleux évangile où nous voyons Jésus prier son Père.

La prière, ce n’est pas si facile. Nous ne pourrons jamais définir la prière. Les mots n’y suffisent pas. La prière est tellement au-delà de toute définition qu’elle laisse toujours place à son mystère. Les apôtres ne savaient pas davantage, rassurons nous ! Et pourtant en cette semaine suivant l’Ascension, ils étaient réunis avec Marie, dans la prière pour attendre la venue de l’Esprit. On pourrait presque dire qu’ils étaient en retraite de confirmation !

Ce qui est frappant, tout d’abord, c’est cette attitude constante de Jésus qui se tourne vers le Père. Ce Père, qu’il appelle d’ailleurs, « abba », « papa », « père chéri ». Ce Père, qu’il appelle chaque fois au début de toutes ses prières. Ce Père dont il parle avec tellement de tendresse : Tout ce qui est à moi est à Toi, comme tout ce qui est à Toi est à moi.

Le chrétien qui prie se tourne vers le Père, d’où son attitude de fils dans sa prière à Dieu. J’aime beaucoup le geste du chrétien qui, debout, regarde, la tête levée, vers le Père. Il reproduit alors les gestes confiants du petit enfant qui lève sa petite tête vers son père, cherchant son regard pour y lire tendresse et amour. Et ne m’en voulez pas si je redis que j’aime les psaumes, même s’ils ne « collent » pas forcément avec mon état d’âme du moment, car ils sont la prière du Christ. La prière chrétienne est d’abord et essentiellement la prière du Christ. Nous n’avons donc pas à inventer la prière, mais à accueillir celle de Jésus et la faire nôtre.

Prier, c’est se décentrer, se tourner vers le Dieu préféré à tout et à nous-mêmes. Prier, c’est se mettre en attitude première d’Écoute du Père : L’enfant qui est en chacun de nous, quand il prie, parle peu, parce qu’il ne sait pas. Au lieu de parler, il « est », « il se repose », « il se laisse faire, il sent qu’il est enveloppé par Dieu ».Prier, c’est laisser monter un cri tout simple d’enfant aimant.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, cette magnifique prière appelée « sacerdotale » par l’Eglise, on pourrait croire, à première vue, que la prière du Christ est intéressée. « Glorifie-moi ». Non, Jésus ne demande pas à être nommé superstar. « Glorifie-moi », cela veut dire : « Donne-moi de réaliser ma mission de Sauveur. Donne-moi le courage de monter sur cette Croix, où je serai de fait glorifié, exalté, à la face du monde, mais à quel prix ? Donne-moi la force de réaliser ton plan de salut pour l’humanité, même s’il doit m’en coûter. Donne-moi d’atteindre la plénitude de mes possibilités, dans cette vocation extraordinaire qui est la mienne. »

Et ça veut dire aussi : « Donne-moi de réussir cette mission, transforme l’échec apparent de la croix, en triomphe. Oui, ton plan ne peut échouer. Demain, tu me ressusciteras et tu me feras asseoir, moi, le charpentier de Nazareth, à ta droite dans l’Éternité. Et cette réussite, elle sera en fait Ta glorification, c’est-à-dire qu’elle révélera que tu es formidable. Elle révélera ta gloire, c’est à dire la valeur que tu as, et que le monde ignore, mais que moi, ton fils, je connais. »

« Oui, glorifie ton Fils pour que ton fils Te glorifie. Révèle au monde ma valeur, que je tiens de Toi, pour que soit révélée ton infinie richesse. »

Le chrétien peut s’adresser à Dieu pour réussir sa vie (et non dans la vie) selon le rêve de Dieu ; pour réaliser pleinement sa vocation de père, d’époux, de fils, de malade ; pour que sa vie chrétienne ait une densité, un éclat qui lui fasse honneur (pourquoi pas?) et du même coup, honneur à Dieu. Et notre prière, c’est de lui demander de réaliser, en nous, son rêve, son dessein d’amour. Ainsi la prière des époux pourrait être : «  « Donne, Seigneur, à notre amour une telle splendeur, une telle fidélité que tous ceux qui le verront, et nos enfants les premiers, se disent : pour s’aimer ainsi, il faut qu’il y ait Quelqu’un qui les aide, et qu’ainsi notre amour Te révèle et Te glorifie » Et la prière du malade : « Donne-moi, Seigneur, assez de courage et de confiance pour que je vive ces moments d’épreuve dans une telle sérénité que je te fasse honneur ».

Avant de mourir, le Christ maintenant va prier avec une infinie tendresse pour ses apôtres, pour ses amis qui ont répondu à son appel : « Tu sais, ô Père, je Te prie pour eux, parce qu’ils sont bien, ils ont cru en ma parole, et ils l’ont gardée fidèlement. Mais, surtout, Père, tu me les as confiés, je m’en sens responsable, ne permets pas qu’ils se perdent. Je prie pour qu’ils ne soient pas du monde, mais qu’ils soient au cœur du monde, pour y faire germer Ton amour. »

Et n’oublions jamais que le Christ prie aussi pour nous qui, à notre humble place, continuons l’œuvre des apôtres et transmettons le message. Prière bouleversante si nous la relisons lentement, en pensant que le Christ a pensé aussi à nous. Nous sentons toute la tendresse « maternelle » de Dieu pour nous. Alors, n’ayons pas peur de l’imiter, prions pour les membres de nos familles, nos proches, nos voisins, nos compagnons de travail, nos amis des mouvements et associations avec lesquels nous travaillons ou nous prions pour que Tu sois mieux connu. Prions aussi pour nos prêtres, pour que, trop peu nombreux, ils ne croulent pas sous l’ampleur de la tâche. Et nous adultes n’ayons pas peur de retrouver notre âme d’enfant pour dire simplement à Dieu que nous l’aimons. Oui, faisons de cette semaine une semaine de prière pour nous disposer à accueillir avec bonheur l’Esprit de Pentecôte.

Amen.

23 mai 2023 |

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