* homélie du 2e dimanche de carême ( 5 mars 2023)

par Francis ROY, diacre

Nous voici au deuxième dimanche de notre montée vers Pâques. La liturgie de la Parole nous propose des textes qui devraient nous permettre d’avancer joyeusement, en quittant notre routine quotidienne. La première lecture, tirée du livre de la Genèse, nous raconte le début de la grande aventure du peuple de Dieu avec Abraham : « Quitte ton pays et je te donnerai un pays ».

Voilà une première démarche qui nous est proposée : quitte pour recevoir ce que je veux te donner. Tu ne peux recevoir ce que je veux te donner que si tu acceptes de quitter, dans ta vie, tes habitudes, tes manières de penser, tes jugements. Quitte tout, même ce que tu as construit petit à petit, pour découvrir, pour recevoir toute chose nouvelle. Voilà un éclairage lumineux sur la démarche de pénitence de carême. Elle n’est pas un en-soi. On ne fait pas des pénitences pour faire des pénitences ou pour ravir le cœur de Dieu. On quitte pour recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner. C’est le maître mot de la Bible : « shéma Israël, Ecoute Israël ». Fais confiance à ton Seigneur. Et c’est dans ce climat de confiance que, chaque jour, nous découvrons ce que nous devons quitter pour recevoir de Dieu ce qu’il veut nous donner. Une attitude de foi, une attitude de confiance.

Et nous montons avec Pierre, Jacques et Jean sur la montagne en suivant Jésus, parti pour prier. C’est pendant qu’il priait que son aspect fut transformé. Ah Pierre, mon ami, je crois qu’aujourd’hui, tu as perdu une occasion de te taire ! En face de Jésus transfiguré qui s’entretient avec Moïse et Elie, tu aurais pu prêter l’oreille et recueillir quelques bribes du dialogue extraordinaire dont tu étais témoin. Au lieu de ça, tu proposes de planter trois tentes : quelle drôle d’idée ! Peut-être veux-tu que ce moment hors du temps se prolonge ? Te croyais-tu déjà au ciel, dans cette patrie céleste où nous verrons Dieu face à face et où nous serons rassasiés de cette vision ?

Ne t’inquiète pas, tu vas vite être ramené à la réalité terrestre même si une voix du ciel se fait entendre, une voix qui demande, comme jadis à Israël, que l’on écoute : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! »

Eh oui, la vision béatifique qui durera éternellement, ce n’est pas pour tout de suite. Pierre, tu es encore en pèlerinage sur la terre où la condition de disciple, la tienne, comme la mienne et celle de tous les chrétiens, est d’écouter. Alors, avec Pierre, mettons-nous en marche à la suite de Jésus et tendons l’oreille à la Parole faite chair qui nous guide sur la route vers le Père.

Ce récit de la Transfiguration, est-il une manifestation glorieuse de la divinité de Jésus, comme on a trop tendance a le considérer ? N’est-il au contraire une mise en lumière de la réalité de serviteur souffrant du Christ ?

La Transfiguration est une révélation non pas sur Dieu, mais sur l’humanité. Pierre voudrait geler l’histoire de Jésus dans la manifestation de gloire sur la montagne, mais  il faut redescendre à Jérusalem où se passera ce que Jésus a annoncé. Le changement qui se produit a lieu dans les disciples et non en Jésus. Jésus est toujours rempli de la gloire de Dieu. Les disciples ne pouvaient pas voir cette gloire jusqu’à ce qu’ils soient introduits par Jésus dans sa prière. Encore insuffisamment préparés à cette révélation, car ils n’étaient pas encore passés par l’épreuve de la Croix, les disciples en furent fort effrayés. Mais quand ils relevèrent la tête, ils virent Jésus, seul, ayant retrouvé son aspect habituel, qui s’approcha d’eux et les rassura.

Nous sommes appelés nous aussi à être transformés. La plus grande de toutes les visions est de voir Dieu dans notre frère, dans notre soeur. Ayons la foi qui permet cette transfiguration de notre regard. Il est plus important que jamais de témoigner, à travers la qualité même de nos relations fraternelles de notre foi en la dignité de toute personne humaine créée à l’image de Dieu. Notre Transfiguration est liée à un cheminement spirituel progressif. Elle exige une conversion radicale à Dieu, un changement profond des mentalités, le contact et l’acceptation de Jésus  comme Sauveur. Les disciples doivent gravir une montagne, s’isoler des bruits de la terre pour contempler la gloire de Jésus. Ainsi, ne nous décourageons pas si nous rencontrons des difficultés à prier. Dégradation et transfiguration, contrainte et liberté, tout se ramène à nos choix. Nos choix peuvent voiler la lumière et rendre esclave.

Avec ce récit de la Transfiguration, Jésus rassurant nous invite à quitter notre confort pour se tourner vers ceux et celles qui ont besoin. En regardant vers le Christ, nous comprenons que nous sommes en voie de transfiguration. Il nous annonce  qu’au terme de notre combat contre les forces du mal, nous ne sommes pas seuls ; lui le Christ est là avec nous pour nous soutenir, nous porter ; nous sommes appelés à prendre part avec lui à la victoire de Pâques. Le plus important, c’est d’entendre cet appel du Père : « Ecoutez-le ! » Vous pouvez vous fier à lui, je vous demande de l’écouter, de le suivre dans la foi, même si vous ne comprenez pas tout maintenant. »

Cet appel à une vie transfigurée est offert à tous sans exception. Cela change tout dans le regard que nous portons sur les autres. Nous pensons en particulier à tous ces visages défigurés par la famine, les violences, la maladie, les méfaits de l’alcool, la guerre. C’estç) pour chacun d’eux que le Père nous dit : « Celui-ci est mon enfant bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour… » Nous voyons bien que ce monde est défiguré par tant et tant de souffrances, de mensonges et de mépris de la dignité des personnes. Mais nous sommes tirés par l’espérance de la Transfiguration finale. Rien ne pourra empêcher cette promesse du Christ de se réaliser. Alors oui, comme Abraham et bien d’autres, mettons-nous en route à la suite du Seigneur. Montons sur la montagne de la Transfiguration et accueillons Dieu. Lorsque la lumière de Dieu brille, elle nous permet de lui ressembler. Amen

6 mars 2023 |

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