* homélie du 5 fevrier 2023

par Francis Roy, diacre

C’est un appel pressant qui résonne dans l’évangile de ce jour. Appel pressant adressé par Jésus à ses disciples, mais qui nous rejoint, par-delà les siècles, dans l’aujourd’hui de notre existence. Ces paroles du Christ font suite à l’évangile des béatitudes, cet évangile qui nous sert de fil rouge tout au long de cette année. Ce sont donc des paroles de vie qui nous ouvrent au bonheur de la possession de la vie éternelle. D’une certaine manière, elles sont une invitation à choisir la vie, à dire « oui » à la vie de Dieu. Comment ? En accueillant la vérité de ce que nous sommes.

Revenons sur l’image du sel. Le sel, nous le connaissons bien, ce cadeau inestimable de la nature : effort conjugué de la mer, du vent et du soleil. Ce sel n’en reste pas moins un élément indispensable à la vie avec bien des propriétés. Il va, entre autres, permettre de conserver les aliments, viande ou poisson, en évitant la pourriture. Mais c’est aussi, et surtout, l’élément qui va donner du goût à la nourriture, qui va nous permettre de l’apprécier, de la déguster. Qui d’entre-nous n’a pas goûté un pain ou des légumes cuits sans sel. Insipides ! Les personnes au régime le déplorent et savent bien nous le faire savoir.

Et Jésus dans l’évangile compare ses disciples à ce sel : »Vous êtes le sel de la terre ». Du sel, du sel pour donner du goût à sa Bonne Nouvelle, donner du goût à son Évangile pour les hommes vers qui il les envoie, pour les hommes vers qui nous sommes envoyés, donner du goût par la manière dont nous vivons la fraternité qui nous unit, dont nous faisons nôtre la charité, donner du goût à notre vie d’enfant de Dieu pour que d’autres aient envie de la vivre. Quelle responsabilité mais aussi quelle confiance de la part de Jésus !

Donner du goût en effet, mais comme le sel, en se fondant au milieu des hommes, invisible parce qu’en cohérence avec la vie actuelle et pourtant donner à ces hommes le goût de Dieu par nos actions, nos vies, humblement, discrètement, comme le sel au milieu du plat, comme Jésus qui s’est incarné et a vécu simplement au milieu des hommes de son temps, donnant le goût du Royaume de Dieu par l’amour qu’il prodiguait, par l’enseignement qu’il dispense, par sa Parole.

Et puis, Jésus complète son propos en leur disant : « vous êtes la lumière du monde »…Autant le sel est un signe humble car il en faut peu pour l’apprécier fondu au milieu d’un plat, autant la lumière est un signe fort de reconnaissance, fait pour guider, éclairer, être vu et visible de loin. Rappelez-vous l’évangile de dimanche dernier dans lequel nous avons découvert Jésus, notre « Lumière ». Il ne suffit pas de donner du goût de vivre en frère du Christ, il faut aussi être éclairant pour les autres, que notre vie d’enfant puisse faire connaître la lumière de l’amour d’un Père qui transforme et transcende de simples vies en guide lumineux. Là aussi, quelle responsabilité mais aussi quelle confiance!

Oui, c’est à chacun de nous que Jésus s’adresse, c’est à l’Église du Christ qu’il dit vous êtes le sel de la terre, la lumière du monde. Si nos vies, nos actes tracent l’ébauche du Royaume, c’est notre union fraternelle, notre communion, notre accueil qui feront le sel de nos sociétés fades, édulcorées ou au contraire violentes et injustes, qui seront la lumière de nos communautés, de nos villes, nos quartiers où les solitaires, les pessimistes, les désabusés attendent une lumière dans la nuit de leur vie. Mais les paroles ne suffisent pas,

Isaïe le dit dans le merveilleux texte de notre première lecture, c’est dans nos actes d’amour, posés pour les autres, « partage ton pain, recueille le malheureux, couvre l’homme dévêtu… », c’est dans la pratique de la charité, dans le regard d’amitié porté sur celui qui est différent, le sourire donné à la personne croisée, la compassion portée aux malades visités, le temps passé au près d’une personne seule, celui donné à une association d’insertion, aux visites du dimanche à la prison… que se révèle notre humanité et, pour le croyant en un Dieu de miséricorde, que prend chair notre vie d’enfant de ce Père aimant. C’est dans l’humilité, la discrétion, la justesse et la vérité en cohérence avec la Parole vivante que nous donnerons du goût à cette vie éclairée par la Parole du Christ. « Alors, c’est en voyant ce que vous faites de bien qu’ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » conclut Jésus.

Que ce soit le sel ou la lumière, l’un comme l’autre n’existe pas pour lui-même. Le sel n’est pas là pour saler du sel et la lumière n’a pas pour but d’éclairer le jour! Dans ces responsabilités qui sont données, c’est la mission de chaque baptisée qui est dite, c’est toute l’Église qui se voit missionnaire, signe au milieu du monde, pas pour Elle-même, mais pour le monde. Si dans l’évangile, Jésus s’adresse aux apôtres, c’est à nous aujourd’hui que la Parole est transmise et c’est à nous de donner le goût et d’éclairer. Enfouis au milieu des hommes, dans nos familles, dans nos milieux professionnels, associatifs, paroissiaux, de voisinage… à chacun de redonner du goût, de la saveur à ce monde parfois triste et plat, de mettre en lumière la richesse de chacun, de révéler la valeur de chaque personne.

On sait bien que top de sel gâche un plat, que trop de lumière aveugle, alors sans s’imposer arbitrairement, sans zèle excessif, hors de tout fanatisme, le chrétien doit pouvoir allier ces deux extrêmes : enfouissement et rayonnement, avec humilité et conviction. Ça peut paraître compliqué ou difficile mais Jésus ne nous demande pas d’être sel et lumière tout seul dans son coin et puis n’a-t-il pas dit qu’il serait avec nous jusqu’à fin des temps alors n’hésitons pas à faire appel à lui dans la prière, à lui demander d’envoyer son Esprit nous aider, de fouiller sa Parole pour nous guider par sa justesse et sa vérité, de nous unir et de nous réunir pour partager son corps et sa Parole qui viendront nous nourrir et nous rendre les forces pour vivre notre mission.

Si parfois, notre sel, sans disparaître, perd de sa saveur, si parfois notre lumière, sans s’éteindre, s’atténue, retournons, confiants, à la source du sel et de la lumière. Comme le sel est fruit de l’union de la mer, du vent et du soleil, notre vie de chrétien est fruit de la foi, de la Parole et de l’Eucharistie. Dans la confiance en la sagesse de Dieu, en acceptant que ce ne sont seulement nos paroles ou nos gestes qui agissent mais que c’est l’Esprit présent au monde et la puissance de son amour qui convertissent ces actions en trace de sa Gloire, en preuves d’un amour fraternel, paternel et filial, prions le Christ de venir nous revivifier et raviver en nous la lumière de l’Espérance.

Seigneur, fais de nous le peuple des Béatitudes pour que nous soyons le sel de cette terre et la lumière de ce monde qui a tant besoin de ta grâce qui sauve.

Amen.

4 février 2023 |

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